Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Pour être honnête, je n’ai pas de mémoire claire à ce sujet. Quand j’étais enfant, je ne m’intéressais qu’à jouer au basket. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu de magicien ou si j’en ai vu un, ce n’était pas intéressant pour moi. Quand j’avais quinze ans, au milieu d’un cours de latin au collège, mon ami m’a montré une carte changeant de couleur et, pour moi, c’était un truc de fou ! J’ai crié à cause de l’émotion et le professeur m’a jeté, moi et mon ami, hors de la classe. C’est ainsi que tout a commencé.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Tout à coup, c’est devenu une obsession pour moi d’apprendre la magie. La même obsession que mon ami avait d’acheter une moto. Alors, j’ai commencé à lui acheter des tours. Après quelques mois, je savais comment faire de très mauvais tours et lui avait une très mauvaise moto ! J’ai ensuite fréquenté une boutique de magie à Barcelone pleine de livres. Pour moi, c’était comme entrer dans un monde fantastique. Aujourd’hui encore, je crois que l’étude de la magie par les livres est la manière la plus « romantique » de l’apprentissage.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Au cours de ma carrière, j’ai rencontré beaucoup de gens qui m’ont appris à grandir en tant qu’artiste et qui m’ont ouvert des portes. Mais les personnes qui ont eu le plus d’impact et dont je me souviens toujours sont celles de mes tout débuts lorsque j’étais en apprentissage : Amilkar, Gabi Pareras, Mag Lari…
Dans quelles conditions travaillez-vous ? Quels sont vos domaines de compétence ?
J’ai travaillé dans beaucoup de conditions différentes. Du plus privilégié au plus dur artistiquement, et je crois qu’au milieu se trouve l’équilibre. L’important est de prendre du plaisir à ce que l’on fait.
Aujourd’hui tout le monde me reconnaît comme un magicien de scène et j’adore ça car c’est ce que je souhaitais devenir. Mais au fond de moi, je suis un magicien de close-up au plus profond de mon cœur. Je peux clairement sentir le magicien de scène qui a étudié les règles et la théorie de la magie rapprochée et comment il les retranscrit sur scène. Pour moi, la contribution essentielle du close-up à la scène est la clarté explicative.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
L’un des moments les plus inoubliables est certainement ce qu’a réalisé Fred Caps. Je me souviens parfaitement de la première fois où j’ai vu sa routine de l’Homing card, j’ai pensé qu’il était le meilleur artiste et magicien que je n’ai jamais vu.
Il y a aussi Cardini et ses incroyables manipulations, Channing Pollock, Lance Burton et leurs colombes, Richiardi Jr. et son énergie, Juan Tamariz et David Copperfield, sans aucun doute le meilleur illusionniste de tous les temps. Mais parmi tous ces grands noms, mon magicien préféré reste Doug Henning. Il est comme la musique des Beatles qui s’améliore avec le temps. Je pourrais le regarder des milliers de fois.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’aime littéralement toutes sortes de magies, mais sachant que je ne peux pas tout faire, je consacre mon temps et mes efforts à développer des concepts plus artistiques et théâtraux.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Réveillez-vous en pensant à la magie, allez-vous coucher en pensant à la magie et entre temps buvez quand même de l’eau et mangez. Non, c’est une blague ! Je crois que la chose la plus importante c’est de vivre sa vie et d’être attentif à tout ce qui vous entoure et de vous en inspirer dans votre travail.
Les temps ont changé et les types d’apprentissages sont différents. Les gens qui commencent la magie aujourd’hui ont beaucoup plus d’informations rapidement et facilement. J’appartiens à une génération où « les anciens » nous partageaient leurs savoirs. De nos jours, les débutants veulent devenir professionnels très rapidement et sautent beaucoup d’étapes. Mon conseil est de beaucoup lire et de regarder différents types d’arts qui ne sont pas seulement magiques.
Concrètement, pour parler de magie, ceux qui veulent devenir professionnels doivent avoir « un compromis moral » avec leur travail. Cela signifie connaître l’histoire de la magie, étudier profondément cette pratique et avoir un dévouement de chaque instant pour que les générations futures aient une meilleure image de l’art magique.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
La magie actuelle est moderne, évolutive, rapide, spectaculaire et souvent incroyable. Mais elle est aussi vide de sens et de contenu…
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Tout ce qui est à apprendre des autres arts nous fait grandir en tant qu’artiste. Et grandir en tant qu’artiste, c’est inévitablement grandir en tant que personne et magicien.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Mes chiens et mon piano. Mais je crois que tout art qui veut se rapprocher de l’excellence a besoin d’un dévouement obsessionnel et total.
– Interview réalisée en mars 2022.
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