Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
C’est arrivé assez tard dans ma vie. J’avais dix-huit ans et je venais de voir un magicien à la télévision. C’était juste après mon anniversaire et ma grand-mère m’a emmené dans une librairie pour m’acheter deux livres comme cadeaux. L’un d’eux traitait de la magie de rue et je l’ai presque « dévoré » avant même d’arriver à la caisse.
Le premier déclic est arrivé quand j’ai montré un tour de pièce à mes camarades de classe. À partir de ce moment, je suis devenu accro à la magie. J’ai ensuite appris de discussions informelles avec d’autres artistes sur le vol à la tire. J’avais déjà un grand intérêt pour les escrocs et les pickpockets, et j’avais essayé d’apprendre certaines de leurs astuces pour me protéger d’eux. J’ai donc immédiatement recherché à me spécialiser dans cette forme de divertissement. Au moment où j’ai subtilisé ma première montre, j’étais excité à l’idée de recommencer. Et c’est comme pickpocket que je suis surtout connu aujourd’hui.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
J’ai commencé à faire des représentations de magie pour des fêtes privées d’enfants dans ma région.J’imprimais des affiches et des dépliants avec mes coordonnées que je déposais dans les boîtes aux lettres et en les placardant sur les panneaux d’affichage de toute la ville. J’ai aussi fait quelques petits spectacles médiocres pour adultes où je mélangeais un peu de magie, d’évasion et d’arts martiaux sans véritable structure narrative. J’ai finalement rassemblé quelques routines qui fonctionnaient bien et j’ai commencé à jouer plus régulièrement.
Le vol à la tire était une discipline plus difficile. J’avais besoin de cobayes pour m’entraîner. J’ai donc conclu un accord avec le propriétaire d’un club de Stand up comedy pour distribuer des flyers en échange d’une place garantie, deux fois par mois, lors de ses soirées Open mic. Là, je montais sur scène et j’essayais mes techniques sur le public. Ce n’était pas la meilleure façon d’apprendre à « vider » les poches car cette foule indisciplinée était habillée en t-shirts et en jeans. Pendant deux ans, à chaque fois que je montais sur scène, c’était un véritable combat ! Mais j’ai dû m’adapter…
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Les magiciens que j’ai rencontré au club de magie local m’ont beaucoup aidé à approfondir la magie, et plusieurs d’entre eux ont pris le temps de me faire part de leurs commentaires. Je ne serais pas là où je suis aujourd’hui sans eux. Je remercie également le propriétaire du Stand up comedy club qui m’a laissé « tourmenter » son public à mes débuts. Trouver un endroit pour jouer est vraiment capital.
J’ai également eu beaucoup de chance de présenter mon numéro de pickpocket pour une entreprise de sécurité où se trouvait l’élite de la sécurité suédoise. Banques, militaires, etc. C’est là que je me suis lié d’amitié avec le chef de cette agence de prévention des vols. Après être resté en contact pendant quelques années, l’agence m’a finalement demandé de travailler en tant qu’expert consultant dans leur émission télévisée. Cela m’a ouvert de nombreuses portes pour m’établir et j’ai fait plusieurs apparitions télévisuelles par la suite.
L’événement qui m’a freiné fut le club de Stand up comedy. Même si cela m’a permis de tester mes compétences, le public était extrêmement difficile à « affronter » pour un débutant. Et me forcer à monter sur cette scène encore et encore m’a appris à jouer, à improviser et à « vider » les poches des gens. Mais cette expérience a gravement endommagé ma confiance. Il m’a fallu un certain temps avant de m’en remettre. Je suis content de tout ce que cela m’a apporté, mais avec le recul, j’aurais pu choisir un moyen plus simple et plus serein pour apprendre le pickpocketisme.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Je travaille principalement pour des événements d’entreprise, sur scène ou autour des tables. Sur scène, je suis présenté au public comme un pickpocket « honnête », donc tout le monde sait ce qui va se passer quand les gens sont à mes côtés. J’ai eu le plaisir et l’honneur de voyager à travers le monde avec mon spectacle, que j’ai réalisé dans presque toutes les conditions. Actuellement, avec la pandémie, je reste en Suède et le vol à la tire ne fait malheureusement plus partie des numéros que j’ai joué cette année.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
D’abord et avant tout « le Roi des pickpockets », Boris Borra. La première fois que j’ai vu une vidéo de sa performance, j’étais émerveillé. Il m’a donné le sentiment de regarder un vrai maître au travail. J’ai également été grandement inspiré par d’autres pickpockets tels que Ricki Dunn et Mark Raffles.
Ma toute première source d’inspiration était celle du regretté Paul Daniels, que j’ai rencontré une fois avant son décès. Voir sa routine de Chop Cup m’a beaucoup influencé quant au type et au style de performance que je finirai par adopter. Et bien sûr, le suédois, Tom Stone avec ses ateliers qui m’ont aidé à grandir.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Je préfère regarder un magicien intéressant et ensuite sa magie. Mais, il devrait y avoir les deux. La personnalité de l’interprète doit être au premier plan. J’aime quand la magie se passe dans un contexte particulier ou qu’elle raconte une histoire. Une chose que je n’ai pas toujours fait moi-même. J’ai également un faible pour la comédie dans la magie.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Paul Daniels et Boris Borra sont deux des grands artistes qui ont influencé mon jeu et mon style. Je me tourne également vers d’autres arts comme la jonglerie et la danse. Penser quelle structure ces artistes utilisent dans leurs numéros et voir si cela peut être appliqué à ce que je fais. Je m’inspire beaucoup de films et de bandes dessinées pour concevoir mes routines. En me posant cette question : « si j’étais un pickpocket dans un film, que ferais-je pour mettre en valeur une scène ? »
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien et pickpocket débutant ?
Expérimentez autant que vous le pouvez au début. Avec différents personnages et différents styles de présentation. Parce qu’une fois que vous aurez gagné votre notoriété, il vous sera plus difficile d’essayer de nouveaux styles car les gens auront des attentes sur ce qu’ils verront de vous et vous paieront pour cela. Cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas expérimenter certaines choses, mais faire de grands changements est quasiment impossible.
Si vous voulez vous essayer au pickpocketisme, ne faites pas comme moi au début et orientez-vous directement dans un numéro complet, car cela vous causera beaucoup de peine avant de constater des résultats positifs. Commencez d’abord par apprendre à voler UNE chose et travaillez lentement. Incorporez votre pratique petit à petit dans votre numéro. N’oubliez surtout pas que votre « cobaye » est la personne la plus importante que vous rencontrerez pendant le spectacle. Sans elle, vous n’existez pas, alors traitez-la correctement.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Un regard ambigu. C’est un sujet où je ne peux pas répondre en quelques phrases. D’un côté, je suis en colère chaque fois que je vois quelqu’un révéler des tours ou des techniques de magie sur YouTube pour obtenir des vues. Néanmoins, nous avons un grand nombre de nouveaux magiciens découvrant cet art à travers des vidéos comme celles-ci.
Concernant cette pratique par écrans interposés, personnellement je ne comprends pas l’idée de présenter de la magie devant une caméra, ça me laisse souvent dubitatif. Mais, ces magiciens construisent un nouveau type de magie à l’aide des médias sociaux. La pandémie, liée au Covid, a accéléré cette voie numérique avec l’explosion de spectacles virtuels. Dans son ensemble, la magie subit des attaques croissantes mais je reste positif pour l’avenir.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Je pense qu’il est important de savoir quelle expérience vous souhaitez offrir à votre public. Et utiliser tous les outils nécessaires pour faire passer cette expérience. Le théâtre et le jeu d’acteur sont des éléments essentiels pour obtenir l’impact que vous désirez. Plus vous avez de connaissances sur différentes formes artistiques, ou simplement dans différents domaines, plus vous avez d’outils à utiliser dans votre magie. Comédie, chant, danse, etc., tant qu’ils pointent tous vers le même objectif de l’expérience que vous souhaitez offrir au public, c’est l’essentiel.
Par contre, n’ajoutez pas d’autres formes artistiques pour cacher les faiblesses de votre magie, mais plutôt pour la relever et la sublimer. Vous pouvez ainsi créer un spectacle unique qui vous est également plus personnel.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
La psychologie et l’art martial. Je fais un peu de dessin et j’adore lire des bandes dessinées.
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Interview réalisée en novembre 2020. Crédits photos – Copyrights avec autorisation : Robert Ace. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.