Dixième édition du JMMHD et date anniversaire qui voit célébrer comme il se doit son auteur ! La journée est articulée autour des grandes passions de Jean Merlin : la magie, la gastronomie, la musique, le cabaret, l’humour, les Beaux-arts, l’éditions, et fait intervenir ses amis proches ainsi que des membres de sa famille. Qui de mieux placé que les gens qu’il connaît bien, pour parler de lui ?
Dans une salle bondée, à guichet fermé, tout le monde fut au rendez-vous pour une mémorable journée riche en surprises et en émotions.
Parmi les spectateurs étaient présents : Jean Régil, Bébel, Thierry Collet, Georges Proust, Jean-Jacques Sanvert, Pierre Switon, Alpha, Gérard Kunian, Alain de Moyencourt, Jacques Paget, José Angel, Céline Noulin, Marc Serin, Serge Arial, Gérard Souchet, Serge Odin…
Pour faire patienter le public, un montage vidéo nous montre les numéros les plus dangereux réalisés sur le plateau de l’émission télévisuelle America’s Got Talent en 2016.
Gaëtan Bloom présente Jean Merlin et ce dernier commence par rendre hommage à Michel Fontaine alias Mac Fink disparu en mai dernier. Il remercie les gens qui lui ont fêté son anniversaire puis annonce d’emblée que se sera son dernier Magic History Day, car il n’y a plus de « vieux » à mettre à l’honneur excepté Pierre Switon !
Niveau « boutique », le tome 2 du Jean Merlin’s Magic Book est en souscription et sortira lors du congrès FFAP de St Malo. Le tome 3 sera disponible en janvier 2018. Une nouvelle version du Petit Marin est à vendre, ainsi que 6 boîtes d’allumettes collector de Las Vegas, un coffret Fantastique de Salembier, ainsi que le livre de Valérie sur le Quick change.
Merlin explique ensuite comment fonctionne « le verre à apparition », offert avec le programme à tous les participants.
Ce verre transparent permet de faire apparaître un foulard avec une carte choisie imprimée dessus (montré vierge auparavant). D’autres routines permettent de faire apparaître un billet de banque ou de changer des papiers pour une prédiction. Les applications sont infinies et laissées à l’imagination de l’utilisateur.
LES GRANDS MAGICIENS DU PASSE
Un montage vidéo des grands magiciens du passé est projeté. Ce sont des numéros qui ont fait rêver Jean Merlin quand il était petit et qui ont participé à la construction de l’histoire de la magie.
Nous voyons tour à tour Jean Valton en 1964, Robert Harbin et son incroyable Aztec lady, Cantu en 1931, Al Flosso en 2007, Roy Benson et sa légendaire routine de bambou de 1955, Frank Garcia dans son numéro de scène, Paul Potassy à Paris en 1958, Sitta en Great Maharadja et en Chu Ching Fu, Pierre Brahma en 1959 puis dans un montage hommage de 2013, et enfin Keith Clark en 1957.
Pierre Cartier alias Keith Clark (1908-1979).
Après cette projection, Bloom et Merlin commentent les vidéos.
Bloom présente un ensemble exceptionnel du matériel de Jean Levaton alias Jean Valton (1911-1992), une boîte avec ses pipes excelsior, ses bougies, son FP en métal, ses faux cigares et cigarettes, ainsi qu’une poire à apparition pour les cigarettes.
Jean Valton.
Valton était un ancien prof de mathématiques qui est devenu magicien car il avait le temps pour s’entrainer comme Cardini. Il travailla un temps pour le cirque Pinder avec un numéro de [pickpockétisme->http://www.artefake.com/L-ART-DU-PICKPOCKET.html. Il avait quatre exemplaires de son matériel.
Bloom fait remarquer à Merlin qu’il a sa braguette ouverte (ce qui sera le premier leitmotiv de la journée) et Merlin de répliquer « Je vais fermer parce qu’à cette heure-ci il ne viendra plus personne ! »
L’Aztec Lady (1970) de Robert Harbin (1908-1978) est, pour Jean Merlin, bien supérieur à la Zig Zag Girl (1965). La femme voyage de compartiments en compartiments et Harbin présente cette grande illusion comme une aventure comique. Pour anecdote, Jean Régil a travaillé des mois pour comprendre le fonctionnement de cette illusion et la présenter en public.
Le mexicain Abraham J. Cantu dit Cantu (1896-1949), professeur à la Chavez Studio of Magic de Los Angeles, apprit les tourterelles avec Channing Pollock et chargeait les volatiles dans son poncho.
Albert Levinson alias Al Flosso (1895-1976), qui fut un temps le chauffeur de Merlin !, travaillait à Coney Island dans une fête foraine dans des conditions extrêmes (foule, bruits des manèges…). Il exécutait la classique chasse aux pièces en tirant un maximum de son partenaire, un jeune garçon, et du potentiel du tour. Il en profitait pour « charger » secrètement son cobaye pour sortir des pièces de partout.
Frank Garcia (1927-1993) présente un grand numéro de scène accompagné d’un orchestre de dix musiciens sur le thème de Richard Rodger. Nous sentons l’influence de Richard Ross dans son numéro d’anneaux chinois et son répertoire fait penser à un catalogue général de chez Tannen.
La version à trois bambous d’Edward Emerson Ford McQuaid alias Roy Benson (1914-1977) est unique.
Gaëtan Bloom raconte une anecdote sur Pierre Cartier alias Keith Clark qui vendait une fausse houlette signée Servais LeRoy. Jean Ludow récupéra du matériel de Pierre Cartier dont les verres aux œufs.
LES ŒUFS ET LES VERRES par Gaëtan BLOOM et Jean MERLIN
Démonstration de la version Keith Clark par Bloom avec des coupes à glace à la place des verres, un plateau en bakélite transparent, des œufs en plâtre et un vrai. Dans la boîte, il y avait aussi un niveau d’eau intégré dans une table réglable pour mettre à niveau l’ensemble, quelque soit le sol.
La version de Jean Merlin est composée d’un plateau avec anses sur lequel est placé quatre verres surmontés d’un petit plateau et de trois supports à œufs. Un spectateur, avec les yeux bandés, maintient le tout sur sa tête tandis que le magicien donne une chiquenaude dans un carton pour faire tomber les œufs dans les verres. Dans cette présentation, ce qu’attend le public est que le type se prenne les verres et les œufs sur la tête !
MELKISTON
Diffusion d’une émission de télévision, le mercredi après-midi pour les enfants sans répétitions mais avec des questions préparées, où Jean Merlin alias Melkiston est interviewé et fait des démonstrations de manipulations de cigarettes, des boulettes de Slydini et une routine de gobelets.
C’est André Sanlaville qui a mis pour la première fois le nom de Jean merlin sur une affiche lors d’une tournée au lieu de Melkiston.
Nous voyons ensuite l’intégralité du numéro international de sculpture sur ballon présenté, à l’époque, par Ali Bongo.
Après ces extraits, un belge dissipé intervient fort dans la salle. Ce n’est autre que Stanislas qui veut venir sur scène montrer quelque chose. Merlin lui fait signe que c’est impossible (ce qui sera le deuxième leitmotiv de la journée).
MAD MAGIC par James HODGES et Frantz REJASSE
Jean Merlin : « Honneur aux gens qui éditent des livres de magie car c’est un vrai risque financier. »
Frantz Réjasse : « Cela se fait par passion, pour faire naître ce que l’on aime. Je citerai Jacques Brel : Le talent c’est d’avoir envie. »
Défile alors sur l’écran de projection des slides qui récapitulent chronologiquement les différents livres de magie édités depuis 2003 par C.C. Éditions.
Frantz Réjasse : « J’ai commencé la prestidigitation avec Renélys et j’ai grandi autour de magiciens. J’ai voulu mélanger mes deux passions, les livres et la magie pour faire des rencontres et concrétiser quelque chose en mettant en lumière les magiciens. »
Jean Merlin : « La réédition, en 2005, des cinq fascicules de Max Maven dans le livre Prisme a contribué à remettre le mentalisme à la mode. »
Jean Merlin : « Parlez-moi du book-test Voyages sur Jules Verne et H. G. Wells. »
Frantz Réjasse : « C’est un book-test d’Annemann que l’on a réédité sous forme de roman. C’est un type d’effets différents avec comme support des auteurs connus et des histoires porteuses de sens comme le voyage dans l’espace et le temps. »
Frantz Réjasse : « Faire un livre est une démarche artistique, de la conception à la mise en page en passant par l’édito. Un livre de magie n’est pas un mode d’emploi, c’est plutôt découvrir le travail d’un auteur, comprendre comment il pense, quelles solutions apporte-t-il… c’est une source d’inspiration globale. Le travail du lecteur est aussi très important car c’est lui qui décrypte et interprète les choses. »
James Hodges : « Il faut travailler par rapport aux personnalités en ayant un bagage et des connaissances suffisantes pour remettre en question les choses. »
Gaëtan Bloom : « A combien s’élève un tirage en France ? »
Frantz Réjasse : « 500 exemplaires. On est rarement bénéficiaire et on le fait par passion. L’aspect commercial est un réinvestissement pour les éditions à suivre. J’aime les défis comme par exemple l’ouvrage de Zakary Belamy Doubles Faces, un livre sans tours et visuel. »
Jean Merlin : « Parlons de l’aventure de Mad Magic. James m’a dit un jour qu’il aimerait bien illustrer mes notes. A l’époque La Revue de la Prestidigitation, dirigée par Marcalbert, était une horreur ! Il nous a dit qu’on avait qu’à faire une revue et on l’a pris au mot. »
James Hodges : « Nous nous sommes inspirés de Charlie Hebdo et d’Harakiri pour créer Mad Magic. On travaillait, Jean et moi, face à face ; un à la machine à écrire et l’autre au dessin. Nous mettions de la musique en fond pour nous inspirer. Plutôt du jazz car moi j’aimais Mozart et Jean m’agaçait avec Beethoven ! »
Jean Merlin : « On s’enfermait dans une pièce pour ne pas être dérangés par nos femmes. On a fait que neuf ans car nous avions peur de nous répéter. »
Frantz Réjasse : « C’est après une discussion avec vous deux que nous sommes tombés d’accord sur une réédition des 58 numéros de la revue. Il y a eu un énorme travail de mise en page car certains originaux étaient des formats A3 avec des bouts collés et des tâches de colle ! Il a fallu scanner et numériser différents éléments disparates. »
Serge Odin : « Je tenais également à saluer le travail de Frantz pour La Revue de la Prestidigitation. »
LA MACHINE A RESOUDRE LES RUBIK’S CUBE
Jean Merlin laisse la place à son fils Patrick et à ses deux petits-fils, Cédric et Cyril, qui vont nous présenter une incroyable machine programmée pour résoudre les Rubik’s Cube et construite à partir de LEGO.
Un Rubik’s Cube est emprunté dans la salle et mélangé. Il est placé dans la machine qui commence par scanner les différentes faces du cube, pour « refabriquer » un modèle en 3D dans sa base de données et proposer une solution de résolution en X mouvements.
Sous les yeux ébahis du public, le cube est résolu très rapidement.
Patrick Merlin nous présente d’autres formes de cubes comme le Void Cube (troué au milieu) ou un étonnant modèle désaxé.
Serge LLADO et Jean MARTINY (cabaret style)
Les deux amis humoristes de Jean Merlin vont se succéder dans deux sketchs cultes. Ils sont, avec Jean Merlin et Pierre Switon, les derniers « dinosaures » du cabaret.
Le chansonnier, parolier et parodiste Serge Llado ouvre le bal en s’amusant avec les chansons, tout d’abord en révélant les messages subliminaux et codés de certaines paroles, quand la chanson est passée à l’envers (Daniel Balavoine et son « Salut Belzébuth », Henri Salvador, Dick Rivers et son « auto-reverse », Philippe Risoli, à l’endroit comme à l’envers une merde reste une merde !)
Llado enchaîne avec ses formidables « Hallucinations auditives », diffusez pendant 9 ans sur les ondes d’Europe 1 dans l’émission de Laurent Ruquier On va s’Gêner. Des chansons anglophones où sont décryptées des paroles en français comme celui d’Elton John (« Ça sent le WC ») ou de Police (« J’ai laissé le jean dans le bateau »).
Jean Martiny arrive avec sa marionnette Titi dans un numéro de ventriloquie parodique hilarant ! Il faut vivre en live cette expérience pour mesurer tout le talent comique et le jeu d’acteur de Jean Martiny qui campe un type excentrique, survolté et lunaire.
Christian CHELMAN
Chelman commence son intervention par une routine classique de gobelets, le plus vieux tour de magie répertorié, à la façon magie bizarre. Dans la première partie, il aborde les bateleurs et arnaqueurs à Florence ou en Egypte avec les Gali-Gali. Dans une deuxième phase, il nous parle des magiciens du pont-neuf comme Bosco et utilise trois balles de couleurs différentes. Il termine sa routine de trois gobelets avec la production de fruits et légumes (citron, tomate, navet, kiwi).
Jean Merlin : « Je suis très heureux que tu sois parmi nous aujourd’hui. Je t’ai perdu de vue longtemps, mais je me tenais au courant de ton évolution. Tu pratiques une magie qui sort des sentiers battus, frisant parfois le satanisme. Tes livres ont été une révolution. Une de mes routines préférée est La maison de poupée. Comment ton personnage s’est construit ? »
Christian Chelman : « A la base, je ne voulais pas être magicien mais tricheur aux cartes. Je m’intéressais à la cartomagie et je me suis créé des besoins. Je travaillais en restaurant, je faisais 1 à 2 heures de close-up et j’ai dû trouver des techniques qui me convenaient pour, par exemple, remonter un jeu ou contrôler une carte (Blitz et Overblitz). Je voulais faire de moins en moins de mouvements apparents.
J’ai ensuite découvert Indiana Jones au cinéma et je suis tombé sur un petit scarabée antique dans une boutique. A ce moment, ma vision a changé et j’ai commencé à travailler avec des objets antiques. Je suis allé voir des experts et j’ai ensuite collectionné un tas d’objets magiques dans mon musée, le Surnatéum. Je loue et prête également des pièces pour des expositions comme Persona au Musée du Quai Branly en 2016.
La majorité des magiciens ne croient pas à la magie. Il faut se demander comment le spectateur va interpréter le mot MAGIE et explorer toutes ses significations. L’arrivé d’Harry Potter dans la littérature a changé la perception de la magie. Il était vraiment magicien, tandis que Copperfield ressemblait plus à un illusionniste.
Ma magie est basée sur trois choses (Le triangle de Chelman / Histoire-Routine-Objet) : un objet rare, une histoire qui se tienne et un tour qui va se fondre. L’effet n’est pas le tour. J’aime tronquer la perception avec la magie bizarre et mon personnage de conservateur de musée se met en place.
Par exemple, dans ma routine Reliques (la lance de Longinus), il y a une « authentification » de l’église, elle a un pouvoir. On met le spectateur dans un cadre historique précis, à la place d’Adolphe Hitler.
Je joue mes histoires chez moi dans mon Muséum d’Histoire Surnaturelle, le Surnatéum en soirée privée ou VIP. Les spectateurs ont le choix d’un thème, dont le vampirisme et le spiritisme sont les plus demandés ! Par contre, je ne prends jamais partie sur le sujet car mon métier de conservateur me l’interdit. »
Jean Merlin : « Tu sais faire vivre les objets, mettre en état de trouble les spectateurs. Tu es un précurseur et un maître dans ce domaine. »
Christian Chelman : « Merci à toi qui m’a édité dans le numéro 46 spécial de Mad Magic, je te dois beaucoup… »
Philippe SOCRATE
Le très rare et talentueux Philippe Socrate nous fait l’honneur de sa présence. A 17/18 ans, il prit des cours de magie et obtient un Grand Prix au congrès FISM de Lausanne en 1982. Il fréquente l’école de magie de Dominique Webb et abandonne ensuite son métier de médecin pour vivre de sa passion. Pour lui, l’art de la magie est une chose merveilleuse et le truc n’est rien comparé à la manière de mettre en œuvre le tour.
A l’époque, il n’y avait aucuns livres sur la magie des cordes. La passe au fouet fut une révolution. Longtemps, la France avait « le secret des cordes » avec Delord et Merlin.
Philippe Socrate commence par une excellente routine d’ouverture intitulée Revue de Presse. Le journal change quatre fois, de sorte que le public voit cinq journaux différents, le dernier étant chinois. Après chaque transformation, Philippe Socrate lit un gros titre qui a un rapport direct avec l’événement du Jean Merlin Magic History Day.
C’est une version améliorée du tour Fregoli Press, inventé dans les années 1950 par le propriétaire du magasin de magie Mayette à Paris.
Socrate s’assoie derrière une table et présente sa routine Je ne fume plus où il utilise l’art de la misdirection et du lapping. Il explique ensuite les différentes phases qui amènent à la disparition du briquet et de la cigarette. De la phase d’accroche pour attirer l’attention, en passant au tapotement du briquet sur la table pour induire qu’il est « normal » sans le faire examiner.
Jean Merlin : « Magination a été ta société, une vraie équipe avec une organisation où tu vendais des prestations magiques aux entreprises, notamment à Versailles. Je me souviens avoir travaillé pour toi en étant déguisé. »
Philippe Socrate : « J’étais seul face aux emmerdements. On juge les gens directement par rapport à l’expérience du magicien comme le médecin généraliste. On passe son temps à jauger les gens, à localiser le chef de table pour bien mener notre prestation. En magie, on analyse, on prend des risques et on vérifie. On sait immédiatement si on s’est trompé ou pas. »
Philippe Socrate : « J’ai essayé de jouer la transparence avec l’équipe que j’employais, mais cela ne marchait pas. Je me faisais de l’argent sur leur dos inévitablement. Les laboratoires pharmaceutiques employaient un médecin avant un magicien. Je considère que quelqu’un qui me paye mal ne me respecte pas.
Avec mon compère de l’époque Paul Dassonville, qui était psychologue, nous jugions nos clients différemment nous avions la capacité de cerner les gens qui allaient faire un bout de chemin avec nous. »
Philippe Socrate termine son intervention par Un anniversaire pas comme les autres (1993) tiré du classique cartomagique Sam the Bellhop.
Historiquement, ce jeu de rôle et d’épellation, utilisant toutes les cartes du jeu, remonte à 1790, dans une description faite par H.T. Morley dans le livre Old and Curious Playing Cards, Their History and Types from Many Countries and Periods, sous le titre The Soldier Almanak. L’effet est commercialisé sous le nom Sam the Bellhop en 1961 par Frank Everhart. A noter par la suite les versions de Bill Malone, Eric Mead, Simon Lovell, et David Regal.
Un beau moment de partage avec une belle personne, classe et respectueuse.
Coffret FANTASTIQUE / Ludovic MIGNON – Antoine SALEMBIER – Benoît DRAGER
Jean Merlin présente un de ses coups de cœur de l’année dernière, le coffret Fantastique d’Etienne Salembier édité par Ludovic Mignon. Une production extraordinaire avec un concept original, une mise en page fabuleuse, agrémentée d’artefacts originaux.
Antoine Salembier est un brillant illusionniste, ancien mathématicien, connu également pour son numéro de télépathie avec sa partenaire Val.
Ludovic Mignon : « Pour ce coffret, nous nous sommes inspirés du livre-objet Bulletproof de Andy Nyman édité par Todd Karr en 2010. J’ai rencontré Antoine, en 2007, qui m’a présenté un tour qui est à la base de notre coffret. Ce projet a duré jusqu’en 2016 ! Nous avons édité 500 exemplaires ; il fallait donc produire 500 pièces et artefacts. J’ai avancé de l’argent au fur et à mesure des années. Fantastique est le travail de trois tarés, avec notre graphiste Benoît Drager qui a déjà travaillé avec Christian Chelman. »
Benoît Drager : « J’ai fait une école de Bande dessinée en Belgique pendant 5 ans et j’ai ensuite rencontré Christian Chelman. J’ai réalisé des couvertures de livres pour lui en échange de cours de magie. Mes dessins ont évolué avec le temps pour devenir plus sombres et plus noirs. Je travaille sur Photoshop pour Chelman et sur InDesign pour le coffret Fantastique, en récupérant certains documents et en les remodelant. »
Antoine Salembier : « A l’intérieur du coffret, il y a différents éléments, plusieurs jeux de cartes, un livre… Le travail de conception a été réalisé par Benoît Drager.
Ce coffret est le résultat de mes années passées avec Christian Chelman, c’est une sorte de récit de mes cours réalisés avec lui pendant 4 ans. Je me souviens la première question qu’il m’a posé : Qu’est-ce que la magie pour toi ? Nous sommes ensuite allés dans une librairie et il m’a offert mon premier livre de magie : Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.
La vraie difficulté est de trouver un univers et une identité. Fantastique est une œuvre à tiroir dont la matrice est le livre de Carroll. Le coffret fonctionne sur trois clés : L’artiste, l’illusionnisme et le fantastique.
La question centrale est la redéfinition du mot MAGIE et de l’illusionnisme. Redéfinir les moteurs mécaniques, la matière. La technique ne fait pas la magie.
Je me suis interrogé sur les notions de fantastique, du merveilleux et de l’étrange après être allé voir une sorcière avec Chelman. La magie bizarre est constamment sur ce fil de rasoir.
Nous définissons la fantastique sous trois formes : une rupture dans le quotidien, l’illusionnisme et scénariser, donner une histoire (un détournement de tour, un déplacement d’information).
L’artiste est celui qui construit, comme l’architecte. »
Jean Merlin : « Par rapport aux expériences de magie bizarre et fantastique, a-t-on le droit de laisse les gens dans un état second après le tour ? »
Antoine Salembier : « Nous travaillons sur la suspension de la crédibilité. Le spectateur est prêt à accepter ce qui va se passer. La magie fantastique s’inscrit dans le quotidien. Faut-il fermer le rideau après l’expérience ? Oui, je le pense. »
Ephéméride par Antoine Salembier (Marchand de trucs Éditions, 2016).
Antoine Salembier exécute le tour Ephéméride, un « grimoire ésotérique » basé sur la théorie de l’horloge (un tour généreusement offert à TOUS les spectateurs du JMMHD par Ludovic Mignon).
Dans ce tour, Le magicien sort d’un petit étui douze cartes qui symbolisent une petite horloge. Ces cartes représentent les douze mois de l’année, ainsi que les douze heures du jour. Sur chaque carte figurent un mois et le nombre associé à sa place dans le calendrier, ainsi qu’un cadran qui indique l’heure correspondante.
Grâce à ces cartes spéciales, le magicien propose une expérience de numérologie et, par trois fois, il révèle un nombre pensé par le spectateur. Le magicien devine ensuite le mois de naissance du spectateur et sa carte chance prédite à l’avance.
Antoine Salembier : « Un livre, c’est une coécriture avec l’auteur. La force du titre donne la possibilité d’être créatif à travers ce que donne l’auteur. »
STANISLAS
L’autre belge de service, après Chelman et Darger, récidive et prend en otage la scène du Zèbre avec un numéro de « Baguettes magiques », inspirée du Mad Magic n°3.
Le docteur Stanislas va nous présenter à tour de rôle une multitude de baguettes, un catalogue improbable d’accessoires surréalistes aux services du magicien fantaisiste comme : la baguette de face et de profil, avec des bouts blancs ou des bouts noirs, la baguette de voyage avec une anse, la baguette molle, pense-bête, communiste, patriotiste belge, chrétienne, etc.
Bernard BILIS
Après avoir rendu un émouvant hommage à Georges Proust, et lui avoir offert un cadre regroupant les différents billets collector des dix éditions du JMMHD, Jean Merlin introduit Bernard Bilis, spécialement exfiltré du Plus Grand cabaret du Monde.
Ce dernier commence son intervention par une routine de cartes voyageuses avec deux spectateurs (Card across) où il fait signer trois cartes, remises une à une dans le paquet du premier spectateur qui se retrouvent ensuite dans le paquet du deuxième spectateur.
Jean Merlin : « Tu t’es fait connaître à la télévision dans l’émission de Christophe Dechavanne Coucou c’est nous. Tu faisais la promotion de ta cassette VHS La magie des cartes avec une démonstration de la carte ambitieuse et la carte à la bouche. »
Bernard Bilis : « J’ai fait 20mn au lieu de 3mn pour cette première émission. Du coup, Dechavanne m’a gardé pendant 4 ans. Je vais bientôt fêter mes 20 ans chez Patrick Sébastien au Plus Grand Cabaret du monde, en décembre prochain, en ayant réalisé environ 150 routines. »
Jean Merlin : « Toutes les routines t’appartiennent ? »
Bernard Bilis : « J’ai travaillé pendant trois ans avec Mickaël Chatelain, mais 98% des routines sont de moi. »
Jean Merlin : « Comment travailles-tu avec Patrick Sébastien ? »
Bernard Bilis : « Je gère Patrick comme je peux. Ce n’est pas par mauvais esprit qu’il intervient dans mes tours. J’ai toujours l’angoisse de présenter quelque chose. Je n’ai que trois semaines pour préparer une routine qui est à chaque fois une première devant le public, je n’ai pas le choix. Il faut également être à l’écoute et se mettre au diapason des spectateurs pour être à leur contact. »
Jean Merlin : « Que vas-tu faire maintenant ? »
Bernard Bilis : « Je veux reprendre mon spectacle Bilisssimo, mais je ne veux pas être dépendant d’un producteur. J’aimerais également ouvrir une école de magie avec une formation complète. »
Jean Merlin : « Quel regard portes-tu sur l’avenir du close-up en France ? »
Bernard Bilis : « Ça ne s’arrange pas. Par exemple, Patrick Sébastien est le seul à payer les artistes contrairement à l’émission Incroyable Talent. Pour les prestations de close-up c’est pire, on se vend le prix que l’on s’estime ! A un moment donné, il faut savoir dire non. »
L’ECRITURE DE JEAN MERLIN par Claude DE PIANTE et Aude LEBRUN
Dans la magie, il y a des auteurs avec un style, un univers, une écriture, une mise en scène. Une part de leur secret se trouve dans l’écriture.
Jean Merlin est un auteur. Ses textes sont importants et extrêmement bien préparés.
Nous allons essayer d’analyser son écriture sur la base de l’ouvrage d’analyse de Stephen King : On Writing : A Memoir of the Craft (Ecriture : Mémoires d’un métier, 1999). Avec comme référence la narration et l’immersion sensorielle.
La narration offre une situation de départ et présente les personnages. Exemple avec un article de Jean Merlin sur la musique et Thelonious Sphere Monk où l’on peut apprécier la précision de l’écriture dans laquelle quelques mots créent immédiatement une ambiance.
Les routines de Jean Merlin sont essentiellement basées sur le langage parlé comme celles des Boulettes de Slydini.
Il y a aussi l’idée de l’aventure comme dans le périple du Petit marin, la narration chaotique des œufs et des verres ou de la carte non retrouvée (Anniversaire d’Antoinette Marteret)
Un exemple de langage parlé avec l’enveloppe indestructible où l’histoire justifie des choses qui ne sont pas cohérentes (le matériel) et où l’écriture finit par donner du sens.
Le personnage de Jean Merlin, c’est Jean Merlin mais pas tout à fait. Il incarne une espèce de bookmaker à la Audiard, un genre de « mercenaire », de Trickster qui utilise la ruse, la Mètis et l’ingéniosité. Une sorte de Chaplin et de Keaton mélangé qui s’en sort toujours par une pirouette (exemple du billet de 500fr).
Jean Merlin utilise souvent « le duo comique ». Celui qui agit et celui qui réagit (celui qui fait rire). Il crée des confusions. Plus c’est le magicien qui réagit et plus c’est fort !
Par l’immersion sensorielle, les gens s’identifient et sont acteurs. Chez Merlin, c’est le quotidien qui peut mal se passer. Il y a aussi une certaine métaphore des images, un côté poétique qui donne un côté surréaliste (exemple du numéro de Mad Magic et de l’épisode de la Boule zombie de Pierre Switon, de l’interview dans La Revue de la Prestidigitation n°618, et l’article sur le piano et la musique).
Jean Merlin : « Je rebondis sur ce que vous avez dit. Ce qui est important c’est le rythme du texte. Il faut des phrases courtes et travailler le tempo. J’ai appris cela au cabaret. Il faut matraquer le public dès le départ avec une surprise toutes les 10 secondes. »
LA CORDE SERPENT SANS AIMANT ET SANS DANGER par BLOOM, MERLIN et TABARY
Voici un exercice de style de la corde au chapeau ou corde serpent. Ou comment différents magiciens peuvent venir avec une solution différente et nouvelle en travaillant un classique de la magie des cordes. Les trois compères nous montrent magistralement qu’il n’y a pas de fin à un tour et qu’il y a toujours des solutions différentes !
La version Bloom : Le serpent blanc du dessert. Le magicien sort de son chapeau une corde blanche et un spectateur lui murmure le nom de sa carte signée qu’il a choisie auparavant. La corde serpent est placée dans le chapeau et va pêcher la carte en s’enroulant autour (au lasso).
La version Merlin propose de travailler avec un sac en papier d’épicerie. Une carte est choisie puis perdue dans le jeu. Après trois fausses révélations, le magicien abandonne et passe à un tour de corde coupée avec un nœud qui se fait tout seul et qui va pêcher, dans le sac, la carte choisie. Merlin propose une variante avec le coin déchiré de la carte.
La version Tabary : Un tour divin (sur une idée de Jean Ducatillon). Une corde à la carte sur le modèle de la carte à l’épée en lançant les cartes en l’air ou avec une version alternative en réalisant un éventail de cartes et en venant frapper la corde dessus.
Jean Merlin : « Voici quelqu’un qui a autant de talent que Derren Brown ! »
Viktor Vincent : « Avant de me spécialiser dans le mentalisme, je faisais de la magie traditionnelle. Je conçois le mentalisme comme des effets courts où il faut trouver des astuces pour que le public ne s’ennuie pas. Il y a des tours que l’on peut apprendre sans dextérité ; la magie c’est magique. Le public se fout de la technique.
L’acteur lui, sait jouer et sera toujours meilleur qu’un magicien lambda dans son rôle.
Il y a des auteurs comme Chelman qui travaillent leur texte et la façon dont ils sont donnés au public.
Le travail du magicien se limite trop souvent à prendre le travail d’un autre magicien. Pleins de cerveaux ont réfléchi pour nous auparavant, mais c’est dommage de ne pas aller plus loin… Nous devrions nous inspirer d’autres artistes non magiciens pour enrichir sa magie. »
Jean Merlin : « Comment écrivez-vous vos textes ? »
Viktor Vincent : « On peut raconter des histoires de différentes manières. Il existe des recettes pour cela. Il faut susciter l’envie par le mystère, la tension dramatique et le suspense. Le suspense, c’est quand le public sait quelque chose que le magicien ignore ; il a un temps d’avance sur lui. La tension dramatique est, par exemple, quand le jongleur loupe exprès un mouvement pour réussir au final ses passes.
Il faut se différencier du montreur de trucs en racontant des histoires, en faisant naître la magie, en faisant voyager le public par notre capacité à raconter et à délivrer un texte et à jouer un personnage. Sur ce point, je vous conseille de lire La dramaturgie d’Yves Lavandier (Éditions Le Clown & l’Enfant, 1994). »
VIDEO RETROUVEE DE LA CARTE NON RETROUVEE par Jean MERLIN
Avant de rentrer dans le vif du sujet et de mettre à l’honneur Le grand jean Merlin, nous avons la primeur de découvrir une vidéo amateur inédite filmée en 2002 pour l’anniversaire des 90 ans d’Antoinette Marteret (1912-2006) au Musée de la magie de Georges Proust ; un vrai moment d’anthologie.
Antoinette Marteret.
Merlin y joue un sketch hallucinant et hilarant en prenant pour point de départ la routine de carte retrouvée The faster card trick in the world de Joe Karson. Le résultat de 10 ans de cabaret où cette routine est passée d’une durée de 4mn à 22mn, tant il s’agit d’un moment surréaliste qui « prend en otage » le public pour leur plus grand bien !
A l’origine, cette routine était suivie d’un tour politique sur Bernadette Chirac et ses pièces jaunes.
Gaëtan Bloom : « Dans cette routine, vous obligez le spectateur à faire ce qu’il ne faut pas faire. »
Jean Merlin : « Oui, tout est basé sur le rythme. Ça changeait tous les soirs suivant la personne. Comme un toréador, je m’adaptais constamment. Il ne reste, au final, plus beaucoup de chose de la routine initiale. Je créais une merde noire dans la salle et je finissais par sculpter un caniche en ballon que j’offrais à la personne maltraitée.»
Merlin refait le coup de la braguette ouverte (leitmotiv de la journée).
MERLIN by BLOOM
Merlin, un nom prédestiné pour devenir magicien, faisant écho à Merlin l’Enchanteur du poète normand Wace, personnage légendaire faisant parti de l’imaginaire et de la littérature du Moyen Age, né vers 1100. Merlin l’Enchanteur était connu sous le nom de Merlinus, magicien, prophète et conseiller stratégique d’un roi breton.
Comme un air de ressemblance ! L’enchanteur Merlin faisant, en plein midi, descendre la nuit sur le Télégraphe par Grandville, Jean Ignace Isidore Gérard (1835).
Jean Merlin, lui, est né le 18 mai 1944. Il est LE magicien de cabaret par excellence (avec Pierre Switon), y travaillant depuis 1965.
En 1969, il édite son premier ouvrage intitulé Premier livre de close-up-Tome 1, suivi du Tome 2 en 1973.
Introduction du Premier livre de close-up-Tome 1.
Repéré par un agent américain, la même année, il part faire une tournée aux Etats-Unis dans 46 villes et sera un des premiers français à travailler au légendaire Magic Castle. Ce voyage sera l’occasion de côtoyer des légendes comme Dai Vernon, Slydini, John Scarne, Fred kaps ou Albert Goshman.
En 1976, il crée la revue Mad Magic avec son compère James Hodges, une aventure qui durera jusqu’en 1985.
En 1977, il fait son premier passage à l’Olympia et obtient un 2ème prix Mondial en close-up. Il part en tournée au Japon en 1981 puis aux Etats-Unis et au Canada en 1983 et 1984 passant de nouveau au Magic Castle et au Shubert Theater. En 1986, il travaille dans les plus grands cabarets d’Italie. En 1989, il parcourt la Finlande, la Belgique et le Danemark. Il donne son One man Show à Hong Kong en 1991. Puis une nouvelle tournée au Japon en 1994.
En 1999, il travaille au Caesar Palace à Las Vegas en close-up. Une ville qu’il connaît par cœur et qu’il fréquence très régulièrement depuis plus de 20 ans. Il en tirera deux livres références : Vegas, les vrais secrets (1995) et Vegas 1997, le triomphe des magiciens (1997). Une description détaillée des shows de David Copperfield, du Cirque du Soleil, Dick Arthur, Ayala, Lance, Burton, Dixie Dooley, Show girl in Magic, Penn & Teller, Rick Thomas… avec de magnifiques dessins de James Hodges.
Dans les années 2000, Merlin repart en tournée aux Etats-Unis et continue de se produire dans les rares cabarets parisiens encore existants.
2008 marque la naissance de sa journée historique le Magic History Day.
Jean Merlin a édité une dizaine de note de conférence et booklets vendues dans le monde entier et est l’auteur de livres références sur le close-up, les foulards, les cordes et la sculpture sur ballon.
Talk show
C’est parti pour un talk-show avec pour support un diaporama fourni en documents et photos inédites de Jean Merlin.
Le diaporama commence et l’on découvre une carte postale de Bloom envoyée à Merlin, puis une photo du jeune Gaëtan avec des bambous chinois.
Prochaine diapo montrant Jean à l’âge de 4 ans, sa première boîte de magie en langue allemande ! Où il fallait inventer des tours avec les objets car la notice était incompréhensible. Dans cette boîte, il y avait deux fausses boîtes Okito et trois gobelets en étain pour enfant.
Gaëtan Bloom : « Faites-vous partie d’une famille traditionnelle de magicien ? »
Jean Merlin : « Mon père savait faire cinq tours : le paddle move, les 21 cartes, le lacet coupé et raccommodé et le bonneteau. »
Prochaines diapos montrant Jean au Vélodrome d’Hiver dans le spectacle Les cœurs Vaillants, Jean à 16 ans avec la Triade magique de foulards (c’est son directeur d’école de l’époque Pierre Bennoit alias Beniton qui lui a appris des tours).
Jean Merlin : « Mayette avait, à l’époque, un stand au magasin du Printemps où j’achetais des tours.»
Jean Merlin : « Le 26 novembre 1960 je participe à mon premier gala de magie à 16 ans. C’est Maurice Martel qui m’apprit les anneaux chinois.»
Jean Merlin : « J’ai passé ensuite deux mois en colonie de vacances où je suis devenu moniteur chef. Je dessinais les costumes des spectacles de la colonie, ainsi que des décors de théâtre comme l’Auberge du cheval blanc.»
Nous voyons ensuite Jean Merlin en Thierry la Fronde, puis au congrès de Barcelone en 1967 où il finit 4ème avec une routine de cordes. Plusieurs magnifiques photos de studio défilent, des essais signés Jean-Pierre Dormoy.
Jean Merlin : « J’ai eu la chance de rencontrer Gérard Philippe car j’étais abonné au TNP. »
Les influences musicales de Jean Merlin.
Jean Merlin : « Jacques Brel a été une grande influence pour moi. J’allais le voir en tant que spectateur à Bobino avec ses trois représentations par jours ! Il avait la même énergie pour tout donner sur scène. J’allais voir également Georges Brassens à Bobino. Je lui ai même posé quelques questions. Quand à Serge Gainsbourg, ma période préférée est celle de L’homme à tête de choux et Mélodie Nelson, qui sont de véritables chefs-d’œuvre. »
Jean Merlin : « J’ai travaillé pendant trois ans avec Coluche qui m’a appris le rythme, c’était aussi un excellent cuisinier. Le premier à avoir travailler le rythme au cabaret fut Robert Lamoureux. Coluche arrivait à 22h15 avec une guitare désaccordée et chantait faux. Il me dit : Viens, ils engagent en face au cabaret de Boby Lapointe. La vedette du moment était Robert Nyel ; il y avait également un jeune débutant du nom de Bernard Lavilliers. »
Gaëtan Bloom raconte une anecdote concernant Coluche avec un cercueil et deux gants de boxe, accessoire qu’il reprendra dans un de ses numéros de scène en manipulant des cartes à jouer.
Jean Merlin : « Audiard était un vrai écrivain. Il avait le sens de la formule et en quatre mots, il pliait l’affaire. Ce que j’apprécie chez lui c’est le rythme de ses phrases, la musique de ses mots. »
Gaëtan Bloom : « Il me semble que vous êtes proche de Frédéric Dard et de San Antonio. Pour moi, le personnage d’Onésime Laboum de Mad Magic s’inspire de cela. »
Jean Merlin : « Je n’ai jamais lu un San Antonio. Je n’aime pas ça. »
Jean Merlin : « Voici un Milk Pitcher maison fabriqué par mes soins. Il y en avait un qui était vendu par Dickman. J’ai trouvé deux pots au BHV et le tour était joué. »
Jean Merlin : « je suis issu d’une famille extrêmement pauvre. Je récupérais des paquets de lessive et je peignais dessus à la gouache. J’ai confectionné une cage aux tourterelles avec l’aide de mon maître Beniton qui m’avait montré la technique. »
Jean Merlin : « Le Bœuf à l’escamote est l’endroit où j’ai débuté avec Roger Frank. »
Jean Merlin : « J’ai réalisé plusieurs pots tournés quand j’étudiais aux Arts appliqués. Je faisais également des laques de Coromandel avec la technique chinoise. Je suis d’ailleurs professeur de laques. L’incrustation de coquillages d’œufs sur des boîtes à bijoux fut aussi une de mes activités artistiques. »
Jean Merlin : « Voici mon modèle de gobelets qui se rapproche de ceux que possédaient les auberges aux Moyen-Age. L’escamoteur arrivait avec ses muscades et sa gibecière et empruntait ces gobelets hauts pour réaliser sa routine. Ce design est plus historique que les modèles Paul Fox ou Charlie Miller. »
Jean Merlin : « Grâce à mon diplôme de designer, j’ai pu dessiner un grand nombre de matériels pour la magie, dont différents systèmes de guéridons avec boîtes de rangement, une mallette avec une table de close-up qui rentre dedans… Ce matériel m’a permis de réaliser plus de 40 000 passages en cabaret ! Si vous comptez sur personne, vous n’êtes jamais déçu ! Il faut être prévoyant, c’est pourquoi, j’ai pratiquement tout mon matériel en triple. »
Gaëtan Bloom : « Vous êtes quelqu’un d’organisé. »
Jean Merlin : « Chez moi, il n’y a pas de perte de temps. Je suis condamné à avoir de l’ordre. Tout est classé et organisé. Quand je reçois beaucoup d’invités à la maison pour dîner et que je dois faire des toasts, j’ai plusieurs grille-pain pour que tout le monde mange en même temps. »
Jean Merlin : « Mes magiciens préférés se nomment Pollock, Slydini, Goshman et Vernon.
Jean Merlin et Tony Slydini.
Fred Kaps était la crème des hommes et vu que je parlais hollandais, cela facilitait nos échanges.
Tony Slydini a été invité par Christian Fechner pendant 1 mois et demi à Paris, qui le traitait comme une star. Il en a profité pour filmer sa magie. Nous avons ensuite organisé des journées Mad Magic.
Harry Vendryes.
Clarke « The Senator » Crandall (1907-1975).
J’ai fait l’Olympia et deux tournées en Afrique avec Richiardi jr, Vendryes et Crandall. Ce dernier ne faisait que deux tours : le bonneteau mexicain et la grenouille. J’ai été un des premiers français à travailler au Magic Castle en 1973, après Claude Rix.
Gaëtan Bloom, Shimada et Jean Merlin.
Harry Thiery.
Henri Kassagi (1932-1997).
Dany Ray (1921-1989).
D’autres magiciens que j’aime : Di Sato, Harry Thiery, Kassagi (qui possédait deux habits identiques pour faire apparaître 2 fois six tourterelles), Vendryes, Vergas, Dany Ray, Jean Garance, Yann Frisch (l’avenir de la magie), Samson (Il faisait apparaître des fleurs sur scène, avait 50kg de matériel sur lui et prenait 3 heures pour tout préparer et 2 heures pour tout ranger !), Alberto Sitta, Denis Moroso, Potassy (ce qui nous rapproche est la routine des 6 foulards).
Jean Ludow (1912-2007).
Il y a aussi Jean Ludow (un faussaire de génie qui avait des cartes pour entrer partout. Il éditait une lettre gastronomique à un prix fou où il faisait des commentaires très documentés. Il envoyait ensuite cette lettre à tous les restaurants qui l’invitaient en retour !), et Christian Fechner, bien évidemment. »
Jean Merlin et Christian Fechner.
Gaëtan Bloom : « Quels sont vos projets à venir ? »
Jean Merlin : « Pour le Magic History Day, c’est une histoire qui se finit mais qui prendra une forme différente par la suite. J’ai du travail jusqu’à fin octobre avec la finition de mes deux tomes du Magic Book. J’ai aussi beaucoup de contrats en 2018 avec, entre autre, une tournée de 30 dates. »
La gastronomie et la cuisine, autres passions de Jean Merlin.
Gaëtan Bloom : « N’aimeriez-vous pas écrire des romans ? »
Jean Merlin : « Pour l’instant, cela ne m’intéresse pas, mais pour manger peut-être… Des romans policiers avec des intrigues démoniaques liées à la magie. J’adore Agatha Christie, j’ai tout lu. C’est d’une précision incroyable, une vraie horlogerie. Elle utilise beaucoup la misdirection dans ses récits. L’heure zéro, un vrai décor de théâtre. La mécanique de Conan Doyle m’intéresse également.
Juste un mot sur un film de Joseph L. Mankiewicz qu’il faut voir, Sleuth (Le limier, 1972), un chef-d’œuvre de manipulation. »
A lire :
– L’interview de Jean Merlin.
– L’histoire de la magie par Jean Merlin.
– L’historique du Magic History Day
– Les précédentes éditions du Magic History Day.
A voir :
– L’interview vidéo de Jean Merlin par Vincent Delourmel.
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