Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
J’ai toujours été attiré par la magie. Je ne sais pas vraiment quel a été le déclic. Je crois que je suis né comme ça. Tout jeune Je recherchais systématiquement les magazines pour enfants qui expliquaient des tours, le premier livre que j’ai demandé à mes parents était le « Luc Mégret » qui était dans la vitrine d’un magasin de « farces et attrapes » devant lequel je passais tous les jours. Le stand du professeur RENELYS à la sortie de la foire de Lyon fut pour moi une découverte fascinante. J’y allais autant que je pouvais et je restais planté là des heures (Il devait en avoir marre !)
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
J’ai vraiment franchi le pas après avoir vu dans l’émission Lecture pour tous Michel Seldow présenter son livre Les illusionnistes et leurs secrets. Le lendemain j’étais à la librairie Flammarion de Lyon pour acheter ce livre. Et là : merveille il y avait, à côté, toute la collection des Payots que j’ai acheté les uns après les autres. Pour Noël j’ai demandé de l’argent à tout le monde pour acheter ces livres. Pour moi ces livres avaient une telle valeur que je me suis saigné les veines pour les faire relier avec une belle reliure.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A
l’inverse, un évènement vous a-il freiné ?
Celui qui m’a vraiment mis le pied à l’étrier, professionnellement a été Gérard Majax. Il m’a recommandé pour des galas et en particulier toute une tournée pour Tupperware. Quand je suis venu à Paris il m’a dit « Tu es à Paris, il faut en profiter. Il a téléphoné à la « Main au Panier » et à la « Grange au Bouc » pour m’arranger des auditions. J’ai complètement foiré l’audition de la « Grange au Bouc ». Ce jour là il n’y avait que des étrangers. A cette époque je ne parlais pas anglais. J’ai pataugé lamentablement. Mon grand final était l’épée à la carte. Quand je me suis retourné pour prendre mon épée sur le piano, j’ai vu, avec horreur, que le système s’était
déclenché tout seul et que la carte était déjà au bout de l’épée. J’ai quitté la scène en me disant que le métier de plombier n’était pas si mal après tout. La direction était gentille mais un peu gênée. On n’a pas bien compris votre final m’ont-ils dit. Moi non plus, ai-je bredouillé. Il faudra revenir faire une autre audition.
L’imitateur Max Fournier qui était aussi dans le spectacle a tout fait pour me mettre à l’aise en me disant que ce n’était pas facile devant un public étranger et que ce soir là, ils étaient particulièrement cons. C’était gentil mais ça ne m’a pas empêché de mal dormir. Par contre l’audition de la « Main au Panier » s’est bien passée et Jack Gautier m’a engagé plusieurs fois et même, plus tard, dans son établissement de Nice.
Ensuite j’ai fait une tournée en Suisse de Festival de Magie. C’était la première fois que l’on voyait Pavel sur scène. J’ai connu pour la première fois Jean Garance qui allait être un ami de toujours. Il y avait le ventriloque Dick Berny. Le magicien blanc et Gérard Majax en vedette. Là encore il m’a donné de bons conseils (pour le maquillage par exemple – j’étais maquillé de façon ridicule). Il m’a dit il y a des gens qui vont te dire que tout ce que tu fais est formidable. Ce ne sont pas de vrais amis.
Il y a, par contre, ceux qui comme moi, vont te dire tout ce qui ne va pas. Ceux là sont tes amis.
En fait beaucoup de gens m’ont aidé. C’était une chance car je ne suis pas un commercial de première force. Il y a eu André Sanlaville qui m’a pris dans tout ses Festivals de Magie, en France et à l’étranger pendant plus de 10 ans, le magicien-illusionniste Claude Elmerich pour qui j’ai travaillé en exclusivité pendant une autre dizaine d’années. C’est l’homme le plus honnête que je n’ai jamais rencontré. Il se défonçait tellement pour ses artistes que cela a favorisé une crise cardiaque précoce.
Luc Parson qui m’a pris dans tous ses Festivals et beaucoup beaucoup d’autres. Généralement ce sont des magiciens. Christian Fechner m’a donné, à sa façon habituelle efficace et discrète, plusieurs coups de pouce qui m’ont été très utiles. Il s’est occupé de me faire faire ma première affiche. Lorsque j’étais au Casino de Deauville avec la revue Magic Magic il a envoyé une équipe pour filmer le spectacle. C’est grâce à lui que j’ai monté une entrée pour Johnny Hallyday à Bercy et fait
un mois à la maison de la Magie à Blois. Les discussions que j’ai eues avec lui étaient toujours extrêmement motivantes et enrichissantes.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Je pourrais dire que ma spécialité est de savoir travailler dans toutes les conditions. Mais attention, je pense, que pour cela il faut avoir toute une gamme de spectacles. Celui qui n’a qu’un seul numéro, ou spectacle et qui va vouloir travailler dans toutes les conditions avec ce même numéro va souvent se planter. On ne travaille pas de la même façon sur un podium en plein air que pour un gala au théâtre « Princesse Grace ».
Il faut s’adapter et en même temps il y a un danger : Les gens qui vous voient faire un très bon spectacle de plein air pensent vite que l’on ne peut pas faire autre chose. Plus vous avez bien travaillé pour un public spécifique, plus ceux qui vous ont vu dans ces conditions auront tendance à vous cataloguer et penser que vous ne pouvez pas faire autre chose. Ca m’est arrivé de nombreuses fois.
Quelles sont les prestations de magiciens qui vous ont marquées ?
Kalanag qui a inscrit en moi le goût pour les spectacles complets spectaculaires de Magie. Kassagi avec son numéro de canaris et colombes pour l’intensité qu’il arrivait à donner à ses présentations et enfin le Lyonnais Joë Waldys pour sa vitalité, son rythme, son dynamisme sur scène. Il y en a eu beaucoup d’autres, tous ceux qui passaient dans des galas ou des cabarets à Lyon; mais ces trois là sont les premiers qui me viennent à l’esprit, comme étant les plus marquants.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’aime tous les styles de Magie quand il y a SPECTACLE. Duvivier, au Double Fond fait du close-up, mais c’est du spectacle. Bébel fait du spectacle. Jan Madd fait du spectacle etc.
Quel conseil. Quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
C’est difficile à dire. On a tendance à conseiller le chemin qui a été le sien. Mais à mon époque il y avait peu de livres et les DVD n’existaient pas. Donc tout a changé. Je dirai quand même que personnellement j’avais peu de livres. Ceci à fait que je les ai vraiment étudiés à fond. Donc mon conseil serait : acheter moins de livres et DVD, mais bien choisir des auteurs avec qui vous vous sentez proches et les étudier à fond. Trop d’infos tuent l’info. Quand on relit un livre un an après on découvre plein
de choses qu’on n’avait pas vues la première fois parce qu’on n’avait pas le niveau pour les comprendre. Et un an après c’est pareil. Si je relis maintenant la technique moderne aux cartes ce n’est plus le livre que j’ai lu la première fois. Une autre chose importante : ne pas s’enfermer dans la magie. Il faut voir un maximum de spectacles non magiques.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Elle se porte pas mal. Nous avons des artistes fabuleux : Norbert Ferré, et Pilou qui sont tout de même champions du monde, Hugues Protat, François Normag formidables artistes et infatigables organisateurs du festival de Forges les eaux, Jérôme Helfenstein, Sébastien Mossière, Julien Labigne, Jean-Luc Bertrand, David Stone, Xavier Mortimer qui fait l’unanimité, Laurent Beretta qui pourrait très bien gagner sa vie avec son numéro de cartes et qui trace sa voie dans une véritable quête personnelle de l’esthétique. Nestor Hato, Arno, Alpha, le tout jeune Otto Wessely, Jean Merlin qui se décarcasse pour la transmission du patrimoine, Eric Antoine le chéri des médias, Sylvain Mirouf et ses innombrables créations, Bertran Lotth qui met la magie à l’honneur depuis 8 ans au Futuroscope et qui nous ménage encore beaucoup de surprises, Dani Lary qui arrive à gérer l’ingérable, Luc Parson qui a monté un nombre impressionnant de Festivals, Claude et Mylène Gilsons que j’adore, Gérard Souchet avec son nouveau festival et sa passion, Gaëtan Bloom sur qui il n’y a plus rien à dire, Florian Sainvet qui a été en final d’incroyable talent 2009, Max Guito qui rafle tous les prix, Philippe Vallaud et ses organisations toujours parfaites, David Coven qui récupéré mes merveilleux assistants pour un show dynamique, Christian Cecile et ses constructions soignées, Gérard Bakner qui fait plus de choses que beaucoup l’imagine, l’inépuisable Stefan Leyshon et la merveilleuse Katell, tous ceux qui, dans leur ville prennent le risque et les soucis d’organiser des festivals qui font le plein, ceux qui publient des interviews passionnantes sur internet, et notre toute dernière découverte Yann Frisch.
Je m’aperçois avec cette liste idiote que je me suis lancé dans une mission impossible, car il y en a au moins cent qui, en plus, sont des amis et que je n’ai pas nommés. Bon je vais avoir moins d’amis. Le fait qu’ils soient aussi nombreux est certainement le signe d’une bonne santé de notre art. A mes débuts j’aurais eu beaucoup moins de mal à n’oublier personne. Ils étaient très loin d’être aussi nombreux.
Par contre tous les numéros se retrouvent instantanément sur YouTube ou autres et cela me fait un peu peur. André Sanlaville ne passait dans les villes qu’une fois tous les 3 ans. Il disait : « C’est comme un terrain », il faut mettre en jachères si on ne veut pas l’épuiser. J’ai un peu peur qu’actuellement on presse un peu trop le citron et que celui-ci finisse par n’avoir plus de jus. Voyez à Las Vegas il n’y avait pas de Magie. C’était pratiquement impossible de se faire engager en tant que magicien. Puis ils
se sont rendu compte avec Siegfried & Roy (puis d’autres) que la magie pouvait être populaire. Quand je suis allé à Las Vegas il y a 10 ans, il y avait 85 shows de magie. Résultat : les gens se sont lassés et maintenant cela redevient difficile pour les shows de magie (et on a eu droit au magicien masqué).
Mais tout est en mutation perpétuelle. Les cabarets ont disparus, mais il y a de nouvelles demandes dans le domaine de l’événementiel, etc. Et puis rien n’est totalement imparfait. Si les gens se lassent des numéros classiques cela pousse les artistes à être plus créatifs. Disons que ça risque d’être plus dur pour les artistes « classiques » qui se contente d’acheter du matériel et de suivre la notice.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Je ne sais pas si c’est important, mais c’est passionnant et ceux qui passent à côté manque quelque chose. Et puis ça fait du bien aux égocentriques que nous sommes tous de s’intéresser, un peu à autre chose qu’à notre petite personne.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Le spectacle. Trouver sur ebay des vieilles cassettes de Showmen d’autrefois.
– Interview réalisée en novembre 2010.
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Crédit photo : Jean Régil, avec l’aimable autorisation de l’artiste.