Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Je fais partie de la génération Pif gadget, Gérard Majax, Garcimore,…
J’avais une boite de magie que mon grand-père m’avait fabriqué, que j’avais décoré au pyrograveur d’un chapeau haut de forme et d’une baguette de magie, et dans laquelle je rangeais tout mon petit matériel. Je l’ai retrouvé dans le grenier chez mes parents il y a quelques temps, elle trône maintenant dans mon atelier.
J’avais également trouvé une annonce « devenez magicien » à la fin d’un numéro de « Télé 7 jours ». J’avais renvoyé le coupon et j’avais alors reçu un catalogue d’un marchand de trucs qui avait un stand aux Puces de Clignancourt. Comme il échangeait son fichier d’adresses avec Mr Hornecker, j’ai également reçu les premiers catalogues de Magix. J’ai passé des heures à feuilleter ces catalogues et à faire des commandes virtuelles que mon argent de poche de l’époque ne me permettait pas.
David Ethan et Spontus.
Arrivé au collège, un professeur d’EMT m’a fait découvrir l’informatique. Comme je ne fais jamais les choses à moitié, je me suis passionné pour l’informatique. La Magie a, petit à petit, disparu de ma vie. Ensuite, ce sont les études de Médecine qui m’ont accaparé.
Un fois installé comme médecin généraliste, un ami avec qui j’avais passé une soirée au Double-Fond quelques temps auparavant, m’a prêté la première VHS de Bernard Bilis. C’était durant l’été 2001. J’ai installé un combiné télé-magnétoscope dans mon Cabinet, en face de mon bureau, et j’ai commencé à travailler sur l’heure du déjeuner et entre les patients.
C’est à cette époque que j’ai pu avoir une connexion internet. J’ai découvert VirtualMagie puis les choses se sont enchainées.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Lorsque j’étais au collège, un ami avait chez lui l’un des tous premiers magnétoscopes, l’un de ceux avec ces K7 énormes. Le seul film que nous avions le droit de regarder, c’était Les sous-doués passent le bac. Je l’avais vu à sa sortie au cinéma et je l’ai vu chez lui un nombre incalculable de fois. Mon personnage préféré : Gaëtan, bien sûr.
Bien des années plus tard, j’ai retrouvé Gaëtan… Bloom.
Photo : Xavier Belmont.
Je ne suis pas un grand fan des tours de cartes, j’aime les tours un peu décalés, si possible avec de l’humour et autant que possible avec un gimmick qui fait tout le travail. J’ai tout de suite accroché à la Magie de Gaëtan et j’ai commencé à bricoler tout ce que je pouvais trouver de lui.
Bien entendu, la première conférence à laquelle j’ai assisté (au 1er rang !!!) fut celle de Gaëtan au GMRT.
Par le biais de VirtualMagie, j’ai rencontré deux magiciens de la région de Rouen. Puis d’autres nous on rejoint pour constituer le Magicos Circus Rouennais, un club informel, des magiciens qui se rencontraient une fois par mois. Je profitais de chaque réunion pour présenter l’une des créations de Gaëtan que j’avais bricolé. Puis, petit à petit, j’ai commencé à travailler sur des idées personnelles mais toujours dans le même esprit.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-il freiné ?
Chaque rencontre avec un artiste, quel qu’il soit, est pour moi une opportunité. Parmi ceux qui m’ont le plus aidé, je citerais :
Thomas Thiébaut de VirtualMagie : sans son site et sans son aide, rien n’aurait été possible. Gaëtan Bloom et Sylvain Mirouf, mes modèles, mes maitres à penser. William Eston qui m’a permis de commercialiser ma première création, « Mac Fly ». Stéphane Jardonnet qui m’a permis de commercialiser mes créations dans le monde entier avec Murphys Magic Supplies. L’équipe du congrès d’Arcachon qui en 2006 m’a fait confiance pour ma première conférence. Pascal Marc qui a organisé ma première tournée de conférences en France et en Belgique. Draco qui a été mon complice et mon partenaire de conférence pendant de nombreuses années. Spontus, créateur et bricoleur de génie, qui m’a accompagné dans l’aventure du congrès de Vannes (faire une conférence en présentant le concours de Magie de scène, un truc fou et inédit, un vrai bonheur). Les membre du Magicos Circus Rouennais qui m’ont servi de cobayes pour tester mes créations. Boris Wild et Mathieu Bich qui ont toujours été de bons conseils. Xavier Belmont, Ali Nouira, Joke, Eric Roumestan, Dan Leclaire, Candide, Bertox, Frantz Réjasse, Ludovic Mignon, Christophe Henriet… et tout ceux que j’oublie (qu’ils m’en excusent par avance)
Même si je suis professionnel, la Magie reste une passion. J’ai la chance de ne pas avoir besoin de la Magie pour vivre, cela me permet de prendre les choses avec beaucoup de recul. Les choses se font, génial ; les choses ne se font pas, tant pis.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
J’ai un atelier dans mon sous-sol, un bazar organisé : je garde pleins d’objets qui pourraient me servir un jour, des boites de toutes sortes, des gadgets, des jouets, des aimants de toutes tailles,…
J’aime pouvoir fabriquer rapidement et facilement un prototype me permettant de tester la moindre idée. Je bricole pleins de prototypes. L’expérience m’a montré que certains prototypes n’ayant pas aboutis m’ont souvent permis de rebondir quelques temps après sur une nouvelle idée.
Pour l’inspiration, pas de recette miracle, elle peut venir à n’importe quel moment, à n’importe quel endroit. Une petite anecdote : j’ai eu l’idée d’un gimmick pour faciliter l’utilisation d’une paille à apparition… sur mes toilettes. Je peux passer des semaines sans avoir la moindre idée puis en avoir quatre dans la même journée.
Par contre, je suis curieux de tout :
J’épluche les publicités trouvées dans ma boite aux lettres à l’affût des nouveautés que je pourrais exploiter en Magie. Je traine dans les solderies, magasins de jouets, magasins de bricolage. Je me tiens au courant de tout ce qui sort dans les boutiques de Magie. J’aime regarder les publicités à la télévision : c’est en m’inspirant d’une publicité pour Tic-Tac, en voulant recréer en live un effet vidéo, que j’ai créé un changement de couleur / parfum d’une boite de Tic-Tac.
J’emmagasine toutes ces informations, ces concepts, ces images et de tout cela jaillit de nouvelles idées.
Quelles sont les prestations de magiciens qui vous ont marquées ?
Actuellement en France, je citerais Xavier Mortimer, Sébastien Mossière, Julien Labigne, Bertox et Jérôme Helfenstein : ils ont tout compris, ce sont des artistes complets, de vrais magiciens et c’est toujours un vrai bonheur de passer un moment avec eux.
Sinon, Derren Brown (« la classe »), Mac King (« l’entertainer ») et David Copperfield (« le maitre »).
La disparition de David Copperfield et du spectateur dans « Portal » reste pour moi un pure merveille, un vrai moment de Magie (j’aime beaucoup moins la suite du tour…).
Même en connaissant le trucage, j’ai été subjugué lorsque je l’ai vu en live à quelques mètres de moi au Zénith à Paris.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’aime la Magie quelque soit le style.
Je pense qu’il est bon de ne pas se limiter à un style de Magie, cela peut même être très intéressant de se pencher sur une branche de la Magie à laquelle on n’a porté que trop peu d’intérêt. Ainsi, je n’ai jamais été un grand fan de la Magie des pièces. Avec quelques notions et mon esprit créatif quelque peu décalé, j’ai trouvé récemment quelques idée très intéressantes auxquelles les pièçomanes n’ont jamais pensé, « enfermés » dans cette branche de la Magie.
Quel conseil, quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Rencontrer d’autres magiciens : l’échange et l’émulation permettent de progresser. Lire des livres : en plus de la beauté et de la noblesse de l’objet, un livre vous obligera à faire travailler votre esprit, votre imagination. Voir des spectacles, toutes sortes de spectacles : les meilleurs magiciens ont souvent un parcours hétéroclite et ont intégré d’autres arts dans leur Magie (la jonglerie, la musique, le mime, …)
Savoir s’entourer lorsqu’on décide de passer aux choses sérieuses. Je travaille de plus en plus pour d’autres magiciens avec un rôle de coach, je travaille avec eux sur leur numéro, autant sur les aspects techniques que sur les aspects artistiques. Beaucoup de magiciens travaillent seuls et un œil extérieur permet souvent de mettre en évidence des erreurs, des maladresses,… Cela permet également d’avoir une créativité différente et de pouvoir ainsi emprunter d’autres chemins et / ou se sortir d’impasses.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Les points négatifs : le marketing à outrance, le piratage sur internet, les copies vendues dans les boutiques, la médiatisation de magiciens utilisant des effets vidéos sans l’avouer, les magiciens qui pillent le répertoire d’autres magiciens.
Les points positifs : les actions de Peter Din à la tête de la FFAP, l’équipe de France sous la houlette de Thierry Schanen, le retour de la magie à la télé, l’engouement des spectateurs pour la magie, le CIFAMM de Mâcon, l’EMC de Luis de Matos.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Étant magicien, la culture est très importante, c’est le fondement de notre Art, son histoire.
Étant un créatif, la culture est d’autant plus importante : impossible de créer de nouveaux effets sans connaître ce qui a déjà été créé auparavant. Cela évite de réinventer un effet, cela permet parfois d’en améliorer un, de le moderniser ou de le détourner.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Ma femme et ma fille.
– Interview réalisée en décembre 2010.