Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
J’ai toujours été attiré par les choses bizarres et étranges.
Cela a commencé avec Pif Gadget que je courais acheter tous les mardis étant gosse chez le buraliste, souvent il y avait des objets insolites à fabriquer, et bien sûr des tours de magie.
A cette époque, à la télévision, j’admirais Dominique Webb qui me fascinait avec son piano volant, son aura inquiétante et ses yeux extraordinaires. L’émission de Michel Constantin Anagram avec Henry Mayol, Pierre Switon et leurs confrères, émission que je ne loupais pour rien au monde. Il y avait aussi chez Drucker Bertran Lotth et son numéro de coquillages, Alpha et ses perroquets…
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
C’est ma grand-mère, qui en 1982 lorsque j’avais 8 ans, découvre un article de presse sur une école de magie à Lyon. Elle m’y inscrit. Tous les mercredis je prends des cours.
C’est le magicien Pierre Adam’s qui me donnera le virus. Il m’apprend les bases pendant deux ans, puis je commence à bouquiner et regarder des VHS qui enrichissent ma culture magique. A cette époque sur ma table de nuit, c’est le Cours Magica de Robert Veno et Les secrets des tricheurs de Majax qui me font rêver…
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
A l’époque je vis à Lyon. Très vite, mon professeur de magie me fait participer à ses spectacles, puis Dj’Aikyss un ami magicien lyonnais me place sur des événements alors que je suis encore tout jeune. Cela me forme au métier.
Après mes études, je suis salarié dans différents secteurs, et la magie est uniquement un violon d’Ingres.
En 1996, je me sépare de la femme que j’aime avec qui je vis depuis plusieurs années, ma mère malade depuis mon enfance décède, et pour noircir le tableau, mon père ne joue pas son rôle et me laisse tomber comme une vieille chaussette…
Forcément, la santé en prend un sacré coup, et c’est déjà une période de remise en question. Ma vie bascule.
Après quelques mois de dépression à avoir remis de l’ordre dans ma tête, je décide de tout plaquer pour vivre de ma passion : je deviens professionnel.
Les années passent, les galas commencent à s’enchainer.
Des rencontres avec d’autres professionnels. Christophe Valère, avec qui j’ai débuté la magie, partage des contrats avec moi dans les cabarets et autres croisières.
Jean Régil avec qui j’ai la chance de travailler de temps en temps, qui m’invite à me changer les idées chez lui en me passant des vidéos de Shirley MacLaine ou Laurel et Hardy lorsque j’ai un coup de mou…
Un jour coup de fil de mon idole de jeunesse : Dominique Webb.
Il m’invite à participer à son festival de la magie à Méribel ! Un rêve de gosse !
Les années passent, puis en 2005, je m’installe à Paris.
Un an après Gérard Majax me propose de travailler dans un restaurant magique qu’il crée au Maroc : « Le Shalazam ». J’ai la chance d’y emmener ma femme, et j’officie avec mon ami Clint de Perpignan tous les soirs dans ce fabuleux lieu.
Une amitié avec Gérard se crée, je sens que derrière ce côté « star » se cache un homme sensible et érudit. Je ne me trompe pas.
S’enchaineront nombreux projets artistiques et amicaux.
Vient ensuite les galas avec son spectacle A la conquête du paranormal, puisque je deviens son partenaire de scène, après Gérard Kunian, pendant quelques années. De sacrés souvenirs.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Je travaille dans toutes les conditions !
La plupart du temps pour des événements d’entreprise.
L’avantage de la magie, elle se pratique sans trop de contraintes.
Beaucoup de prestations en close-up mais aussi en stand-up.
Je me souviens d’une aventure avec Jean Régil dans des trains, ou nous travaillions en close-up dans des wagons ! Une franche partie de rigolade !
Des anecdotes, j’en ai plein…
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Lorsque j’étais ado, le numéro de Jeff McBride et ses masques m’a marqué.
Aussi les Pendragons et leur malle des indes ultra rapide !
En magie, beaucoup m’ont inspiré.
J’ai pratiqué pendant longtemps la magie des oiseaux, donc forcément, je me suis orienté vers les meilleurs : Channing Pollock, Joseph Gabriel, Shimada, Jason Byrne, J-D Bass, Lance Burton, Marc-Antoine…
Mais aussi pour la manipulation plus « classique » et la mise en scène : Slydini, Vito Lupo, Kalanag, Jay Scott Berry, Tommy Wonder, David Copperfield, Siegfried et Roy, Simon Drake, Dai Vernon, Greg Wilson, David Williamson…
J’ai découvert dernièrement lors de l’enregistrement des Mandrakes d’Or, un magicien plein d’idées : Riccardo Harada avec un numéro sur le thème de Magritte. J’aime ce type de magie, poétique et tout en finesse.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Même si j’ai un penchant pour le close-up, j’aime être sur scène.
Je dirais plutôt que j’apprécie moins la grande illusion, même si je l’ai pratiqué à mes débuts, avec des belles illusions de mon ami Christian Cécile.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Le genre d’idée comme la suspension etheréenne de Robert-Houdin, je trouve ça brillant. J’aime la magie scénarisée, pas le déballage.
Musicalement (Craig Armstrong, Depeche Mode, Etienne Daho…) ou dans mes lectures (Rod Serling, Richard Matheson…) j’aime les ambiances particulières et mystérieuses.
J’aime beaucoup les vieilles séries et films fantastiques, ou les films curieux (David Lynch…)
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Ne pas brûler les étapes en voulant aller trop vite à présenter un tour qu’on ne maitrise pas. Ne pas aller plus vite que la musique. Débuter avec la vraie manipulation qui est essentielle.
De ne pas oublier qu’on fait de la magie pour un public profane.
La magie s’apprend, certes, dans les livres ou des supports vidéo, mais je pense que l’apprentissage se transmet mieux aux côtés d’un autre magicien.
Un gain de temps pour avancer : Apprentissage des techniques, choix des effets, les bons mouvements de mains, la mise en scène, la diction…
Ne pas oublier que le magicien est là pour faire « rêver », comme pour interrompre le temps l’espace d’un instant, pour amener le public en dehors de la réalité, comme dans une autre dimension.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
La magie est à mon goût trop facile à aborder. Elle perd son côté secret.
Quand j’ai débuté, pour assister à une conférence, il fallait montrer patte blanche. Malheureusement aujourd’hui, beaucoup trop de monde ont accès à la magie.
Internet y est pour quelque chose…
Je ne fréquente pas trop le milieu des magiciens. Encore moins les congrès ou autres clubs (Trop de donneurs de leçons qui, la plupart du temps, n’y connaissent pas grand-chose).
J’ai des confrères et amis qui présentent une magie qui me plait et avec qui j’échange parfois des idées comme Bertrand Crimet et Carmélo Cacciato, Julien Labigne, Jérôme Helfenstein et Claude Brun, Christoph Borer, Patrick Droude, Christophe Valère, Etienne Pradier…
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
La culture et l’ouverture d’esprit sont importantes dans chaque domaine artistique.
Qu’elle soit magique, musicale, littéraire ou cinématographique. Je pense qu’une bonne magie englobe une multitude de connaissances (La lettre de Jules Dhotel au magicien Hardy).
La magie n’est pas un produit à mes yeux, mais un art.
De plus en plus, certains « magiciens » ayant souvent trop rapidement appris quelques effets, se mettent sur le marché, sans avoir une réelle culture magique, ni de bonnes bases de manipulation. Parfois même sans être des artistes.
Un bon bagage commercial et le tour est joué… C’est dommage.
J’élargis la question initiale : pour que la magie avance davantage, il faudrait instaurer une réglementation officielle, pour driver fédérations et autres mauvais rigolos qui pourrissent la profession… Mais c’est un autre débat.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Mes passe-temps : Cuisiner, continuer à me faire tatouer, chiner (Je collectionne les trophées d’animaux empaillés), jouer du piano, bricoler, nager, bouquiner, boire un bon Bordeaux entouré de jolies filles…
– Interview réalisée en novembre 2013.
Note de la rédaction :
– En 2017, Après 20 ans d’exercice sous le pseudonyme Cédric YOGRID, le magicien mentaliste Cédric HEDIARD utilise désormais son véritable nom.
A visiter :
– Le site de Cédric Hédiard.
Crédits photos : Alexandra Bay et Cédric Hédiard. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.