Disons-le tout de suite, il y a quelques nouveaux spectacles, mais pas de vrais grands changements à Vegas et ce sont toujours les magiciens qui tiennent le haut du pavé. Commençons par ce qui n’est pas « magique ».
Le Cirque du Soleil
Au New York-New York, on attend Zumanity, le nouveau show du Cirque du Soleil, qui devait démarrer en juillet et dont la sortie est retardée jusqu’à fin août ce qui fait que je n’ai pas pu le voir. La pubbe annonce « Une autre facette du Cirque du Soleil » et les affiches montrent principalement des gens qui ont l’air nus et derrière des jerseys qu’ils déforment. Enfin bon, connaissant Vegas et l’Amérique en général, ça m’étonnerait bien que ça fracasse le hit parade de la haute pornographie… En attendant il n’y a que Rita Rudner, une standing comédienne de NY justement et qui semble faire du monde.
Le Harra’s propose Clint Holmes un chanteur-entertainer portoricain, excellent. La publicité dit que ce pourrait être le nouveau Sammy Davis Junior. Ce n’est pas tout à fait ça quand même, mais on passe un excellent moment. Il y a toujours Mystère au Mirage et O au Bellagio qui continuent d’afficher complet tous les soirs. Ce sont deux grandes productions du Cirque du Soleil et vous vivez un rêve éveillé !
Blue Man Group
Le Luxor présente un show extraordinaire : Blue man group. Dans sa neuvième année, ce show de peintres, percussionnistes n’a pas échappé aux requins de Vegas : de plus le show a été agrandi : il est passé de 300 places à 2000 et ce sans perte de qualité. Des tambours couverts de peintures qui font des projections de couleur, aux trombones à coulisses géants et multiformes, on assiste à un véritable numéro d’artiste dans le grand sens du terme. Le tout avec des effets de cinétique que l’on n’avait jamais vu. Un final avec des rouleaux de papiers cuisine venant du fond et transportés par le public vers la scène transforme cette salle immense en une mer de papier, tandis que des tuyaux blancs descendent du plafond et tournent à toute vitesse sous des projecteurs qui les changent complètement de couleur toutes les dix secondes. De plus, le programme à lui seul est une œuvre d’art !
Céline Dion
Reste le spectacle de « Féline Lion », monté par Franco Dragone (un ex du Cirque du Soleil), dans une arène construite spécialement à cet effet au Caesars Palace… Mais bon, ça marche un mois sur deux soi-disant pour que « Caline Fion » se repose, mais peut-être aussi parce que ça ne se bouscule pas au guichet, car il y a quand même un gros hic : des places à 200 $… Où va-t-on s’arrêter ? Sans doute le spectacle est-il beau, sans doute « Lénine Pion » chante juste, mais bon c’est quand-même pas Brel… Alors vous allez me dire, certains acceptent bien de mettre 1000 dollars pour voir de la boxe, OK, mais ce ne sont pas les mêmes et puis c’est un évènement d’un soir, une chose unique. Il semble bien que le public de Vegas, même s’il ne regarde pas trop à son argent, trouve que 200 $ le siège, c’est excessif.
EFX
Au MGM, EFX a définitivement fermé ses portes après huit ans de bons et loyaux services et quatre versions différentes. Le show qui contenait pourtant pleins d’effets magiques et d’effets spéciaux n’a jamais trouvé son rythme de croisière et pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé. J’y ai vu en pré show pour chauffer la salle, du gospel, des patineurs, des entertainers et à part la version de départ menée par Michael Crawford, (parti après un accident) ses successeurs ont fait ce qu’ils ont pu, mais étaient mal à l’aise dans ce show taillé sur mesure pour lui, qui faisait quand même la Water Torture Cell d’Houdini et quelques autres gâteries du même style comme se lancer du haut de la salle sur une tyrolienne et atterrir sur la scène… Les suivants qui n’ont sans doute pas voulu prendre de tels risques ont tous amoindri le show qui, trop lourd ou trop fin à régler, s’est dégradé petit à petit notamment au niveau des illusions de Houdini. A la fin, ça ne ressemblait plus à rien. Ce qui tente à prouver que pour faire des effets magiques, des techniciens ne suffisent pas et c’est bien fait !
Georges Carlyle
Donc exit EFX qui est remplacé par Georges Carlyle, sorte de Guy Bedos américain, un chansonnier à la dent très dure envers Busch et son gouvernement (vous me direz qu’il n’y a pas à se forcer, mais on entend quand même : « pays de merde », « gouvernement de singes », « Président de merde » – Tout y passe : les religions, les écologistes, qui sont ramenés à ce qu’ils sont vraiment, c’est à dire un « amuse pauvres » de plus et même les golfeurs, qui en prennent plein la tronche ! j’ai même été surpris que les américains tolèrent ça…). Sur l’un des journaux gratuits que l’on reçoit à Vegas, il y avait une interview de lui qui en disait long. « Je sais que la commission fédérale des gros mots, des prouts et du pipi-caca est présente tous les soirs, et enregistre tout ce que je dis, que la CIA en a des copies et sans doute le président aussi et qu’un jour peut-être, si l’on juge que j’ai dit trop de vérités, je finirai en tôle, dans ce pays de merde ou seuls les connards peuvent encore se croire en liberté ».
J’ai beaucoup aimé ce garçon ! Cela m’a rappelé malgré moi, le seul film qu’à réalisé Bob Fosse, le grand chorégraphe américain : Lenny. Si un jour vous voyez ce film à l’affiche d’une cinémathèque, ou à la vente en DVD, investissez !
Steap Tease
Comme de plus en plus de maris amènent leurs femmes, les chippenboys ont envahi Vegas. Il y a au moins quatre shows, dont un d’Australie qui annonce fièrement « Du tonnerre dans la culotte ». Quitte à me faire traiter d’homophobe, je n’y suis pas allé. Par contre, je suis allé voir Fantasy avec des filles au Louxor et devant la pauvre plastique de ces demoiselles, l’indigence des chorégraphies, et la pauvreté des éclairages, je suis parti au bout de vingt minutes, fier d’être français, car dans le moindre cabaret à Strip de Pigalle, on fait mieux !
Shows magiques
Mais après ce petit tour d’horizon, revenons quand même à la magie. Même si les « piliers » font un effort pour se renouveler, l’ensemble reste grosso modo semblable à ce que l’on connaît. Notons toutefois l’arrivée sur le Strip de The Amazing Johnathan au Flamingo, et Mac King, qui semble installé pour un bon moment au Harra’s, les après-midis, mais j’y reviendrai. Siegfried & Roy ne font plus, si j’ai bien compté, que cinq shows par semaine au lieu de dix, mais bon, ils ont beaucoup donné ! Rick Thomas, toujours au Tropicana, a raccourci son numéro (cinquante minutes au lieu de soixante-dix et c’est dommage parce qu’il n’y avait rien à jeter). Le grand moment reste toujours sa propre lévitation verticale pour aller tirer le voile d’une Asrha montée trop haut.
The Amazing Johnathan
Le Flamingo présente The Amazing Johnathan. C’est de la bonne magie de cabaret qui tient plus dans les réparties et dans les gags que dans les tours (il doit en faire quatre en soixante minutes.) Il a une partenaire qui en rajoute exprès dans le style vulgaire, un peu comme Pamela la femme et partenaire de The Great Thomsoni mais en pire. A certains moments c’est aussi « limite gore » et d’aucuns penseront sans doute que certains passages sont de mauvais goût, en tout cas, c’est irracontable à moins de donner son texte !
Il est précédé de Juliana Chen, sans doute pour faire plus long et la pauvre a bien du mal avec ses cartes qui ne sont pas visibles du fond. De plus on subodore que ce genre de magie n’est pas la tasse de thé de Johnathan, qui, a un moment, lance comme une boutade : « si ce que je dis ne vous plait pas attention, je peux toujours rappeler la chinoise avec ses cartes de merde ! » Certaines personnes sont sorties sans doute choquées par le ton du show, et il aurait peut-être fallu une pancarte comme les amerloques savent si bien les faire : « Attention, ce show contient de l’explicite matérial et quelques blue jokes ». Que dire, sinon, que le monsieur doit être excellent dans une salle de 300 places comme il y avait downtown, mais que sur une 1000 places c’est sans doute un peu petit et surtout très mal éclairé et que même si le show est basé sur les réparties de l’artiste, ça reste quand même de la magie, et donc ça doit rester visible du dernier rang.On passe néanmoins une bonne soirée.
Lance Burton
Et maintenant ceux qui me connaissent vont bien rire, pour moi la bonne surprise de Vegas cette année a été Lance Burton. J’ai tellement dit ce que j’en pensais qu’il me semble honnête de signaler quand les changements vont dans ce que je crois être la bonne direction… Certes quelques tours ont changé et je vais en parler, mais le vrai grand changement, c’est Burton lui-même qui a renoncé une fois pour toutes à vouloir être un second Channing Pollock (ou pour ceux qui aiment les contes de fée qui n’essaie plus d’être « la plus belle du royaume ».) La preuve : Il a viré l’exécrable tableau qui le représentait en pied et derrière lequel il apparaissait gonflé de suffisance pour une apparition plus moderne dans une cabine « vide » (avec quand même un poteau au milieu).
Alors, c’est vrai, Il fait apparaître deux, trois tourterelles mais en parlant sur la musique et il dit : « Beaucoup d’artistes sont superstitieux, je ne fais pas exception à la règle, je vais vous faire trois tourterelles et deux bougies, parce que c’est avec ça que j’ai gagné le grand prix de la FISM… je sais que ça ne dit plus rien à personne, mais bon, c’est comme ça. » On dirait presque qu’il s’en débarasse… Ensuite, il vire sa queue de pie, et descend en bretelles serrer des mains dans le public. Moi, je suis né dans le Kentucky et toi d’où tu viens ? Puis il s’assoie sur le devant de la scène et raconte des tas de trucs. La suspension du verre au dessus de la bouteille est pratiquement faite assise et cela passe très bien ! Le gros du numéro est celui décrit dans l’ouvrage Vegas 97, Le triomphe des magiciens avec toutefois les changements suivants :
Les deux rubans qui volaient au dessus des spectateurs et finissaient sur la scène ont été virés et ça c’est un peu dommage. Mais bon, il a dû casser 150 barillets et en avoir marre ! Il a enlevé aussi la très belle double lévitation horizontale dans laquelle il atteignait les cintres avec une partenaire et il a remplacé ça par une « machine infernale », un peu semblable, il faut le dire, à celle qui était utilisée par Doug Henning dans un de ses shows télévisés. Et si la grosse pierre qui est supposée écraser l‘artiste en finale ne s’y trouve plus, par contre il y a en haut à droite la même souris avec une clé sur le côté, mais bon Doug Henning est mort, c’est pas lui qui va venir réclamer ! Lance fait partie lui même de la machine infernale et à un moment il apparaît déguisé en lapin en dansant la gigue ! Bref, plus de problèmes d’ego ! Ca donne un truc amusant et complètement hors d’échelle avec lequel le public se régale !
Lance a enlevé la routine du petit garçon dont il faisait brûler la chaussure et l’a remplacée par la cage à disparition (à la manche) avec une quinzaine d’enfants qui lui servent même d’écran pour extraire la cage de la manche sans quitter la scène et recommencer l’expérience. Chaque enfant repart avec un tour sous blister, ce qui lui permet de parler des magic sets qui se vendent dans la boutique…
A un moment il revêt une sorte de veste à carreaux, genre bûcheron canadien, ainsi qu’une coiffe de sorcier indien, qui lui cache bien la moitié de la figure et c’est tant mieux parce que le rideau de fond s’ouvre et l’on découvre un tipi vide, mais traversé lui aussi par un poteau vertical qui doit bien servir à quelque chose et avec tout cela, il va faire la routine des trois fantômes (Things That Go Bump In The Night créé par Jim Steinmeyer).
Le show se termine toujours par la lévitation de la voiture qui a fini par marcher et pour la première fois, je l’ai vu faire une demi-standing ovation. Donc acte. Par contre il faudrait qu’il prenne des danseuses « neuves », car celles qu’il a sont très abîmées. (Ca doit s’abîmer très vite une danseuse à Vegas…) On reçoit les places du show dans un petit portefeuille en papier assez élégant et à la fin du spectacle, on peut échanger le reste de son ticket contre un magnifique programme couleur d’une douzaine de pages qui partout ailleurs serait vendu 10 $.
Melinda n’est plus au Vénitian et c’est dommage, parce que lorsqu’elle se penchait en avant on en prenait quand même plein les yeux et que mon bon monsieur, ça vous justifiait le prix du show ! Par contre son ex-camarade Steve Wyrick a repris du service au Sahara avec un show dans lequel il fait apparaître un avion et un hélicoptère.
Penn & Teller
Penn & Teller sont au Rio, en même temps que Ronn Lucas et son dragon Scortch qui lui passe en après-midi et qui doit bien être actuellement le seul ventriloque à présenter un show de soixante minutes. Très excentré, avec un buffet de poissons un peu cher (mais qui reste une expérience unique), le Rio ne sait plus quoi faire pour drainer la clientèle et affiche six spectacles dont les horaires ont été combinés pour qu’un spectateur puisse en voir quatre, plus le carnaval dans le ciel et donc… y passer la journée. Je n’avais pas encore vu leur show au Rio dont il faut prendre une navette derrière le Harra’s pour y accéder).
Dans leur show, Penn & Teller annonce qu’ils allaient faire venir un container de 10 000 litres de vaseline. Tous les premiers rangs auraient des imperméables, bref, on allait voir ce qu’on allait voir ! La réalité est différente : c’est à se demander si Penn & Teller qui avaient des projets ambitieux, n’ont pas été freinés par le casino qui a voulu garder un côté « « famille » à l’ensemble. On voit successivement une évasion d’une double caisse, une sorte de miss made faite avec une guérite et dont l’explication seule est un numéro en soi, Un tour avec deux aquariums, un tour de cartes trop long et confus dans lequel il faut trois tables, trois spectateurs, trois jeux et qui a été mis là pour faire du temps. Vient ensuite la routine de l’ébrancheur, un tour de pendaison avec substitution, la femme en gorille, un numéro d’avaleur de feu déjà présent dans un des shows télévisés et un final avec Don’t cross de yellow line un double bullet catching bien enlevé. Le tout doit bien faire soixante-dix minutes, le théâtre qui fait 1000 places n’est pas plein, mais les gens sortent contents.
Mac King
Et puis il y a le MUST de chaque après-midi : le show de Mac King. Il est vraiment seul pour tout faire et on est mort de rire du début à la fin. On y voit des tours de cordes, la carte à la braguette (si, si…) un truc avec un ver de terre dressé et la finale avec une satire de Siegfried & Roy avec disparition et réapparition dans la salle. J’ai pris la décision de ne pas décrire par le menu, car il y a des trucs faciles à faire, qui portent à tous les coups, et je me suis dit « l’armée des fainéants va immédiatement les copier ». Donc pour ça, vous serez au moins obligé d’aller voir ! Mais c’est sûr, du point de vue économie de moyens, c’est un chef d’oeuvre, courrez-y. je vous jure que vous aurez mal tellement vous aurez ri. Mac King fait une standing ovation deux fois chaque après-midi.
De plus, il y a une petite boutique dehors juste en face le Harra’s dans laquelle vous pouvez, sur demande, obtenir une place gratuite : il faut juste acheter un verre à 6 $… C’est certes l’antithèse de Siegfried & Roy mais ça reste LE show à voir l’après-midi si l’on en voit qu’un.
Conclusion
Donc, on le voit, sans être vraiment sur le déclin, la magie plafonne à Vegas et les nouveaux shows sont plus des shows d’entertainers que de grosses productions et l’on peut se demander si l’on n’assiste pas à un virage. Les financiers ayant compris qu’un comique attire autant de monde que certains gros spectacles avec une mise de fonds moindre. C’est particulièrement criant dans le cas de Georges Carlyle qui avec cinq musiciens (d’ailleurs pas indispensables car ils font l’intro et la sortie et un bon minidisque ferait pareil) fait autant d’entrée que EFX au même prix. Même bien payé, il coûte forcement moins cher que les 100 personnes qui gravitaient autour du show EFX. Même combat au Mirage, où Danny Gans, sans doute le plus grand imitateur du monde, rempli chaque soir une salle de 1200 places à 100 $ dollars la chaise, c’est à dire le même prix que Siegfried & Roy.
Enfin, je voudrais dire aux jeunes qui se disent que c’est une affaire d’argent, que j’ai payé mon voyage aller-retour 700 €, que ma chambre à l’Impérial Palace m’a coûté 35 $ en semaine (et 100 $ le week-end) que l’on peut ne faire que deux repas par jour : un petit déjeuner à 8 $ plus un dîner à 15 $ sans souffrir de la faim et, je suis bon mangeur ! Alors avant que le vent ne tourne, c’est peut-être le moment ou jamais d’y aller : Siegfried & Roy ne seront pas là éternellement et il faut vraiment les avoir vu en « live »1. Il y a peu de villes dans lesquelles on peut voir quinze spectacles de magie, fait par les meilleurs… Alors connectez-vous sur « gépadefric.com » ou encore cassez votre tirelire et envolez vous vers une semaine de magie totale et de rêve, vous y verrez tout ce qu’on ne verra jamais à la FISM !
Note :
1 Le show de Siegfried & Roy au Mirage s’est arrêté brutalement le 3 octobre 2003 avec l’accident tragique de Roy Horn (1944-2020) mettant fin à plus de 6 000 représentations et 30 ans de carrière !
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