Maurice François Saunders, né le 30 mai 1877 à Akron (Ohio), commence la magie à l’âge de neuf ans en assistant son oncle Addison The Magician pendant un été. Ses parents le force à continuer ses études mais le laisse rejoindre des troupes circassiennes pendant les grandes vacances estivales où il travaille avec Stirk and Zeno du cirque Adam Forepaugh. A treize ans, il fait partie des tournées Chautauqua et Kohl-Castle avec un numéro de prestidigitation. Son grand-père l’emmène ensuite en Europe où il rencontre The Great Alexander Herrmann. Le maître français change sa vie et sa destinée de magicien. Il adopte alors, comme lui, le titre de « The Great » et le place devant le prénom Raymond. A partir de ce moment, The Great Raymond est né et construit alors son travail d’interprète par rapport à son modèle. Il emprunte également des expériences d’évasions popularisées par Houdini.
En 1904, Raymond commence une série de spectacle sur la côte Ouest des Etats-Unis. L’année suivante, il part en Orient, en Europe (à Londres et Paris), en Asie et en Australie. Il est accompagné par une équipe de trente personnes. Raymond retourne aux États-Unis où il joue dans les circuits du vaudeville et, en 1910, il repart pour une tournée en Australie, passant beaucoup de temps en Extrême-Orient. Il se rend également au Japon, en Chine, en Amérique du Sud, en Europe, à Manille et à Hawaii.
Raymond est polyglotte, parlant quatre langues et pouvant communiquer avec le public du monde entier. Il développe un style de présentation basé sur l’humour. Il est un des grands illusionnistes itinérants du début du XXe siècle et présente un spectacle familial similaire à celui de Charles Carter. Comme ce dernier, il fait le tour du monde, sept fois (selon ses dires), pour présenter son spectacle, se faisant appeler « The Globe Trotting Magician ».
Raymond est adepte de grandes publicités pour faire la promotion de ses spectacles, comme c’est l’usage à l’époque. Il installe, par exemple, de grands panneaux d’affiches sur les tramways sillonnant les principales artères des villes. En 1913, il se voit proposer un contrat par John Cort pour une grande tournée aux Etats-Unis dans les plus grands théâtres du pays pour un montant de 2 000 $ la semaine. Il retourne ensuite en Europe avant la Grande Guerre et continue sa tournée en Grande-Bretagne pendant le conflit.
En 1924, la harpiste Pearlitzka Gonser rejoint la troupe de Raymond et devient vite sa partenaire sur scène et dans la vie (ils se marient en 1927 et devient sa seconde épouse après Lipzka). Elle participe, entre autre, aux tours de La femme coupée en deux et à La malle des Indes (Substitution Trunk). Raymond travaille un temps avec Fu Manchu en Afrique du Sud. Dans les années 1930, Raymond travaille avec Fanchon and Marco dans les salles de cinéma et présente une intervention de quarante-cinq minutes avec quatre-vingt danseuses. Le spectacle commence par l’apparition du magicien dans un cadre enflammé. Il se met ensuite à produire des fleurs d’un bol vide qu’il jette ensuite dans le public. Présente la fameuse Arche de Noé d’où sort neuf partenaires et plusieurs animaux. Vient ensuite The Divorce machine qui voit une femme disparaitre d’une chaise suspendue. La représentation se termine par la transposition Metempsychosis.
En 1932, Raymond ouvre une agence artistique à New York. Il déménage ensuite à Portland où il devient conseiller technique pour la West Coast Film Compagny. Ce travail ne le satisfait guère et voit le préjudice que l’industrie du cinéma cause aux spectacles vivants et à la magie en particulier. Raymond continue tout de même de présenter son spectacle jusqu’en 1945, date à laquelle il commence à donner des conférences et à accepter des contrats de moindre importance. Sa dernière grande performance est un spectacle d’une nuit à Broadway où sa femme présente un numéro de magie orientale. Raymond meurt le 27 janvier 1948 à New York dans une pauvreté totale. Il est enterré dans le cimetière Glendale d’Akron. Sa femme Lipzka se remarie rapidement avec l’auteur écrivain et magicien Walter Gibson (1897-1985).
Ce dernier, grand ami de Raymond, écrit un texte posthume après sa mort : « Avec lui disparaît l’Age d’or de la magie moderne, une période qui a connu les plus grand magiciens comme Herrmann, Kellar, De Kolta, Maskelyne, Devant… The Great Raymond fut l’un d’entre eux. » Raymond n’est pas très aimé de ses contemporains et a beaucoup d’ennemies due à son attitude arrogante, ses préjugés, son manque de discernement financier, et le traitement tyrannique qu’il fait subir à ses assistants et collaborateurs.
Son répertoire
Durant de nombreuses années, Raymond fait son entrée sur scène en apparaissant à l’intérieur d’une structure métallique. La présence de dix assistantes légèrement vêtues dans de beaux costumes annonçait l’arrivée du maître en fanfare transformant ce simple tour en ouverture spectaculaire et pittoresque.
Raymond commence toujours son spectacle par la production d’oranges d’un tissu. Une routine interactive où il distribue les fruits parmi le public.
La séance mystique, un voyage chez les revenants (1908). Adoptant la formule des frères Davenport, Raymond s’assoie ligoté dans une armoire où, une fois les rideaux tirés, « les esprits le rejoignent ».
L’arche de Noé (1912). Cette illusion est inventée par le magicien autrichien Ernest Thorn en 1894 et présentée par une très grande partie des illusionnistes de l’époque. Raymond n’échappe pas à la règle et son affiche exagère quelque peu les effets produits, mais le résultat reste tout de même spectaculaire. La scène se remplie d’une vraie ménagerie d’animaux non dressés : canards, poules, lapins, dindes, chèvre et de quelques jolies partenaires féminines sortant tous de l’arche préalablement montrée vide.
Throne of mystery. Une disparition rapide de plusieurs personnes sur scène.
Asrah. Après avoir hypnotisé son sujet féminin, Raymond dispose sa partenaire sur une table et la recouvre d’un drap. Il la met alors en lévitation et le corps flotte dans les airs. Un large anneau est passé autour avant que le drap ne soit retiré et que la femme disparaisse dans les airs. La célèbre création de Servais Le Roy.
Metempsychosis (1920). Au début de sa carrière, Raymond prend pour modèle Harry Houdini et se spécialise dans les évasions. Il va même jusqu’à copier sa transposition Metamorphosis (mise au point en 1893) dans sa version originale (sur une idée originale de J.N. Maskelyne), qu’il exécute avec son épouse Lipzka. Ce différent n’empêche pas son parrainage à la Society of American Magicians par Houdini, lui-même en 1921.
À lire :
- The Great Raymond de William V. Rauscher (Éditions David M. Baldwin, 1994)
Cet article a été publié pour la première fois dans le MAGICUS magazine n°222 (mars-avril 2020). Crédits photos – Documents – Copyrights : Collection S. Bazou et State Library Victoria. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.