Création, interprétation et conception musicale originale : James Thierrée. Avec : Anne-Lise Binard, Ching-Ying Chien (danseuse), Mathias Durand (voix, guitares, basses, piano, tempura), Samuel Dutertre (comédie, danse, technique), Hélène Escriva (euphonium, trompette basse), Steeve Eton (saxophone, voix, clarinette, clarinette basse, flûtes, percussions), Maxime Fleau (clarinette, batterie et percussions, contre-ténor), Nora Horvath (danseuse), Sarah Manesse, Alessio Negro. Lumières : James Thierrée, Lucie Delorme, Samuel Bovet. Régie son : Lilian Herrouin, Loïc Lambert, Jean-François Monnier. Costumes : James Thierrée. Réalisation costumes : Laurette Picheret, Sabine Schlemmer. Régie générale : Rodolphe Padel. Assistant à la création musicale : Mathias Durand. Assistants à la mise en scène et coordination : Felicitas Willems, Philippe Royer. Construction décor et accessoires : Olivier Achez, Mathieu Fernandez, Christelle Naddéo, Félix Page, Sam Dutertre, Anthony Nicolas, Thomas Delot, Joanny Guillaumin. Patines et peintures : Marie Rossetti. Régie plateau : Samuel Dutertre, Mathieu Fernandez, Christelle Naddéo, Félix Page, Laurette Picheret, Alessio Negro.

Ce créateur a la même passion pour les objets que son père, auteur et metteur en scène du fabuleux Cirque imaginaire. Ici montés sur des châssis sur roulettes, de hauts pans de murs d’un salon avec miroir au mercure et cheminée et qui a dû autrefois être celui d’une belle demeure. Magistralement patinés et mis en circulation par toute une équipe de techniciens à qui le spectacle doit beaucoup.
Cet acrobate virtuose, musicien et acteur, a créé de remarquables spectacles – tous au Théâtre de la Ville – dont sa célèbre Symphonie du hanneton, à vingt-quatre ans. Il en a maintenant le double ; ses cheveux sont gris, toujours aussi frisés et en bataille. Mais il a toujours aussi cette gestuelle fabuleuse. Room est surtout orienté vers la musique mais aussi le corps et il chante le plus souvent en s’accompagnant au synthé, avec dix jeunes et moins jeunes interprètes et chanteurs jouant chacun de plusieurs instruments : Anne-Lise Binard (alto, violoncelle), Mathias Durand (voix, guitares, basses, piano, tempura), Hélène Escriva (euphonium, trompette basse), Steeve Eton (saxophone, voix, clarinette, clarinette basse, flûtes, percussions), Maxime Fleau (clarinette, batterie et percussions, contre-ténor). Il y aussi Ching-Ying Chien et Nora Horvath (danseuses), et Samuel Dutertre (jeu et danse).
« J’ai toujours eu conscience, dit-il, que la musique portait mes spectacles. Mais toujours sur bandes-son enregistrées. Cette fois, j’ai voulu qu’elle soit au cœur du spectacle. » Ces bons musiciens-chanteurs sont moins convaincants quand ils doivent jouer des dialogues assez pauvrets. Et entre ces châssis que l’on change de place sans arrêt, les chansons en anglais et des moments acrobatiques de James Thierrée, le spectacle part un peu dans tous les sens et souffre d’un réel manque d’unité. Et cet action painting comme il dit un peu abusivement, créé à partir d’un butin amassé : décor, accessoires, chorégraphies, musiques, personnages idées jetées sur le papier, ne fonctionne pas vraiment…


Un architecte et créateur (James Thierrée lui-même) semble dessiner des plans avec un assistant mais dit-il « dans Room, la chambre ne sait pas qui elle est, elle se cherche d’une certaine manière. Ses murs fuient tout le temps. » À un moment, comme dans un élan du cœur, le personnage que joue James Thierrée se pose la question : « Où est la dramaturgie ? » Mais son auteur, lui, aurait dû se la poser avant ! C’est bien là où le spectacle fait surtout problème. Ici, nous sommes dans une sorte de théâtre dans le théâtre, un thème pas vraiment original… remontant au XVIe siècle. Et les gags, souvent un peu lourdingues, ne font pas vraiment rire et sont dignes d’une mauvaise comédie musicale. Ainsi tout d’un coup, la salle est entièrement plongée plusieurs minutes dans le noir. James Thierrée répète jusqu’à plus soif à l’éclairagiste : « Rallume la lumière / Non / Pourquoi / Parce que / Je te dis de rallumer la lumière / Non / Pourquoi / Parce que ». Et il finit par faire allumer une barre fluo blanc au-dessus du synthé, laquelle clignote sans arrêt… Comment croire une seconde à de tels procédés usés jusqu’à la corde ? Et James Thierrée aurait pu nous épargner des fumigènes qui n’ont rien à faire là comme des lumières stroboscopiques : deux stéréotypes qui sévissent actuellement. Il y a pourtant de magnifiques images : on le voit assis contre le mur seul, désespéré dans ce grand salon abandonné, aux murs gris et, à un moment juste éclairé par deux petites ampoules. Ou ces pans de murs et ce plafond en toile qui semblent avoir une vie autonome mais que James Thierrée n’en finit pas de faire circuler. Alors que ses personnages sont, eux, assez statiques. La mise en place est très précise mais les images souvent répétitives (la répétition dans un théâtre surtout presque muet est tout un art, et là on est loin du compte). Comme il y a plusieurs fausses fins exaspérantes, le spectacle repart mais bancal… Et ce Room se termine, plus qu’il ne finit.


James Thierrée a une gestuelle et une maîtrise de l’espace toujours aussi impeccables mais il a bien du mal à gérer le temps scénique et cabotine un peu, comme pour essayer de remplir un scénario assez vide de sens. Ces deux heures se laissent voir (il se passe toujours quelque chose sur le plateau) mais restent bien longuettes. Et – il ne le fera sans doute pas – ce Room aux qualités visuelles indéniables et techniquement parfait, gagnerait beaucoup si son auteur voulait bien éliminer des gags encombrants et vus un peu partout. Vers la fin, ça piétine et il faudrait qu’il fasse aussi des coupes sérieuses pour gagner au minimum quelque trente minutes. James Thierrée n’est pas n’importe qui et il a souvent prouvé qu’il pouvait inventer un nouveau langage scénique avec pas ou peu d’oralité, et avec comme ici, des chansons et des parties chorégraphiées. Mais ici, il a raté son coup et ce Room, malgré des moyens techniques importants, est très décevant. Le public était visiblement partagé : certains spectateurs applaudissaient de bon cœur (quelques-uns même debout), les autres, pas dupes, très mollement, voire pas du tout.
– Source : Théâtre du Blog.
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