Entretien avec Domi NHO1 président de l’association MACH 5.
Présentez-nous votre association. Pourquoi, quand et comment est né ce projet ?
Je suis entré à la FFAP à l’âge de quatorze ans, mais le virus de la magie m’a pris à quatre ans ; j’ai très vite découvert le Magic Castle à Los Angeles que j’ai visité étant jeune, un lieu qui fait rêver tout le monde. Je me suis dit que la France méritait d’avoir quelque chose du même calibre. Cette idée m’a accompagnée pendant toute ma vie d’adulte. Je regardais de temps en temps des endroits où l’on pourrait faire quelque chose. Il s’avère que j’ai une double compétence, celle d’illusionniste et de promoteur immobilier d’immeubles d’envergure. Je suis donc une croisée propre à rendre les choses possibles, sur un lieu qui reste à trouver, situé à Paris.
MACH 5 est une association loi 1901 d’Intérêt Générale (avec la possibilité d’une déduction fiscale de 66% sur les cotisations pour les membres qui y adhèrent) ; une fondation l’accompagne à même de recevoir des donations, et des legs ; des investissements directs quant à eux peuvent se faire au sein de la SCI (qui porte l’immeuble et les travaux du futur Palais de la Magie). Nous avons besoin de monde pour faire bloc vis à vis des collectivités afin d’aider à la concrétisation de ce projet, que ce soit en adhérent à l’association, en faisant une donation, en investissant dans la pierre du Palais ou en aidant à rencontrer les représentants des collectivités locales et des institutions, dont les ministères.
Comment est venue l’idée du nom de votre association ? Comment a été conçu votre logo et qui l’a dessiné ?
Nous voulions incorporer dans le nom le côté artistique, culturel et humaniste. MACH 5 est l’acronyme de Magic Arts Culture Humanisme. Cela marche en français mais aussi en anglais. MACH c’est aussi la vitesse du son, ce qui veut dire que nous ne voulons pas lambiner. Le chiffre cinq, comme les cinq doigts de la main mais aussi les cinq collèges que sont : magiciens, non magiciens, associations, collectivités et entreprises. Pour le logo, nous avons demandé à Alexandre Laigneau, qui est un des premiers pré-adhérents de l’association, magicien mais aussi graphiste. Il a créé une forme dynamique, une identité qui sert à la fois au Palais de la Magie (l’immeuble), à Magic Foundation Paris (le fonds de dotation), et à MACH 5 (l’association).
Présentez-nous votre équipe et les différentes missions de chacun
À la base, il y a une soixantaine de magiciens qui ont pré-adhéré à l’association. Et dans ce groupe j’ai choisi une vingtaine de personnes pour signer les statuts, l’intervention de tous étant trop compliquée matériellement. Nous sommes cinq personnes au conseil d’administration, élus non pas sur des individualités, mais sur un programme commun, avec moi-même Domi NHO comme président, Peter Din comme trésorier (président du CMP et vice-président FISM – magicien professionnel), Benoît Rosemont comme secrétaire (magicien professionnel), Pathy Bad comme vice-président (directeur artistique de l’Ange Bleu – directeur EdFS – magicien professionnel) et Gabriel Werlen comme administrateur (magicien professionnel, conférencier). Nous collaborons aussi étroitement avec Christopher Pimond (magicien professionnel) qui s’occupe de la communication sur les réseaux sociaux. Et Frédérique Houzelle qui m’assiste dans tout ce que je ne sais pas faire comme la fabrication de PowerPoint.
Quelles sont vos buts et vos projets pour l’art magique ?
Le but est de faire connaître au plus grand nombre les arts magiques, et de les valoriser en tant qu’art à part entière, dépositaire d’une culture. Préserver et transmettre ce patrimoine en l’abritant dans un Palais de la Magie où toutes les activités prendront pied, a du sens.
Comment vont se concrétiser les différentes parties du futur Palais de la Magie (comprenant un théâtre, un musée, une médiathèque-bibliothèque, des ateliers…) ? Visez-vous un lieu « total » de l’art magique ? Avez-vous des pistes concrètes pour l’implantation de ce site via le fonds de dotation Magic Foundation – Paris ? Quand comptez-vous ouvrir ?
Ces différentes parties vont se concrétiser dans un ensemble dans lequel nous allons loger toutes ces activités dans des espaces affectés. Nous avons différents critères édictés en « programme ». Nous tablons sur un lieu à Paris (intramuros), à même d’accueillir une surface totale d’environ 2500m2 (avec les annexes) pour un budget estimé à trente millions d’euros. Nos critères environnementaux sont un accès transport en commun à moins de 12mn à pied, un accès en voiture avec un parking de proximité à moins de 12mn à pied, un accès camionnettes avec espace de livraison et un accès handicapé. Nos conditions de superficies minimales sont une entrée-ticketerie-vestiaire de 140m2, une salle de théâtre de 400 places (avec une scène de 6x8m), des dégagements scéniques de 150m2, des loges de 60m2, un musée de 300m2, une bibliothèque-médiathèque de 300m2, un amphithéâtre de close-up avec bar de 400m2, des ateliers de répétitions de 400m2, voir un atelier de fabrication (Fab lab, imprimante 3D…). Nous avons déjà examiné trente dossiers ; un lieu se dégage parmi eux au centre de Paris, Faubourg Montmartre, mais le dossier est très complexe. C’est un endroit sans activité depuis une dizaine d’année qui possède une salle de mille places pour une surface totale de 2300 m2 y compris ses annexes.
Oui, nous visons un lieu totalement dédié aux arts magiques, ce qui ne nous empêchera pas d’y faire autre chose. Nous comptons ouvrir le Palais de la Magie d’ici cinq ans. Pour trouver un site, un an ce n’est pas de trop ; s’il y a un permis de construire, il faut encore un an et demi de plus, suivront les travaux, la décoration, etc.
Avec quels artistes allez-vous travailler ? Y aura-t-il des profils spécialisés suivant les différentes activités ?
Même si Le Palais de la Magie n’existe pas encore, le projet est déjà matérialisé dans nos esprits et un grand nombre d’artistes de renom nous soutiennent, et sans être exhaustif, comme Viktor Vincent, Bertran Lotth, Caroline Marx, Gus, Christophe Mervil, Marc Antoine, Kevin James, Stefan Leyshon, Jean Merlin, Francis Tabary, Guy Lamelot, Mikael Szanyiel, Norbert Ferré, Otto Wessely, Valérie Mageux, Florian Sainvet, Antoine Leduc, Philippe Socrate, Taha Mansour, Guilhem Julia, Hugues Protat, Bébel, Jan Madd, François Normag, Gilles Mageux, Didier Morax, Stanislas… Mais aussi des clubs de Grande Bretagne, Belgique, Italie, Suisse, Espagne, Allemagne et de France qui y voient un phare de référence européen.
Grâce à Philippe Molina, nous avons déjà créé un jeu MACH 5 sous forme d’alphabet avec un dos marqué et des cartes spéciales. Un ouvrage collectif et fédératif est en préparation, au profit de l’association. Il sera composé de plusieurs routines utilisant, entre autres, ce jeu : manipulation, mnémotechnie, mentalisme. Il y aura cinq niveaux adaptés à des publics différents : de l’enfant à l’expert. Les artistes-auteurs associés, sans être exhaustifs sont Markobi, Gaëtan Bloom, Jean Régil, Bernard Bilis, Alain Garan, Marc Decoux, Philippe Molina, Gabriel Werlen, Philippe Socrate, Francis Tabary, Pierre Guédin, Jean Régil et bien d’autres…
En fonction des compétences de ceux qui rejoignent l’association MACH 5 progressivement, nous proposons des responsabilités… Tous les talents sont les bienvenus, actuels et à venir. Par exemple, Pierre Guédin se propose de faire des formations pour les enfants de sept à douze ans avec comme support un cahier pédagogique. Quelqu’un de très précieux pour l’éducation, la formation, la transmission et la culture auprès des jeunes.
Quand le Palais de la Magie sera ouvert, il y aura des spectacles avec des artistes engagés, un peu comme au Magic Castle. Cela permettra d’avoir des shows d’envergure lesquels pourront rester un certain temps à l’affiche, tout cela avec un grand potentiel de spectateurs. D’ailleurs, des artistes comme Klek Entos, Viktor Vincent, Kamel, Alain Choquette, Zack et Stan, sont déjà restés à l’affiche de longues semaines dans des théâtres parisiens… Nous aurons des profils spécialisés suivant les différents espaces du Palais de la Magie afin de programmer des spectacles scéniques, mais aussi de close-up, et de la muséographie.
Quels sont vos soutiens et vos partenaires dans le monde magique ? La FFAP en fait-elle partie ?
Je ne me serai pas lancé dans un défi comme celui-ci sans avoir autour de moi des magiciens qui comptent et en nombre suffisant pour disposer d’un noyau dur qui supporte moralement et qualitativement ce projet ! Bien que je ne sois plus membre de la FFAP depuis 1994, Je travaille avec elle depuis 2017 via l’équipe de France de magie de scène en tant que coach ; j’ai apporté des mécènes à la FFAP afin de financer la structure. Mais cela ne s’est pas bien passé car l’objet sociale de la Fédération (qui n’est pas d’intérêt général mais de fédérer les clubs) impose une fiscalisation des dons de 60%. La FFAP m’a ensuite confié une rubrique sur le mécénat dans la Revue de la Prestidigitation qui s’est arrêtée brusquement pour divergence d’opinion concernant un article prenant l’exemple du leg de Pierre Brahma… Après cet épisode, j’ai pris mes distances, quarante jours de réflexion, sondant différents magiciens reconnus pour leur parler du projet du Palais de la Magie… Je ne suis pas fâché avec la FFAP puisque la Revue de la Prestidigitation me propose à nouveau une rubrique régulière sur les lieux magiques en Europe et dans le monde à partir du numéro de novembre-décembre 2024. Les membres FFAP sont par ailleurs nombreux à faire partie de MACH 5.
Notre pays compte déjà des hauts lieux avec la Maison de la Magie Robert-Houdin à Blois, le Musée de la Magie Georges Proust et le Double Fond à Paris ? Y-aura-t-il une synergie commune ? Quelle place comptez-vous occuper dans le paysage magique français et international ? À terme, souhaitez-vous une reconnaissance définitive des institutions françaises ?
Tant Dominique et Alexandra Duvivier, que Georges Proust et qu’Arnaud Dalaine, le directeur de la Maison de la Magie Robert-Houdin, qui nous a présenté à la municipalité de Blois sont informés de notre projet. Les collectivités locales et les institutions peuvent également nous aider dans la concrétisation de cet ambitieux programme. Oui, il y aura des synergies communes et des échanges entre ces différentes structures en faisant par exemple venir des spectacles et des expositions en résidences dans le Palais de la Magie et vice versa. Pas de concurrences mais une complémentarité. Le Palais de la Magie est ouvert à tous les partenariats avec les théâtres, lieux de cultures et associations liées à la magie et à l’illusionnisme. Il faut aussi éduquer le public pour qu’il vienne ensuite de façon régulière ; il conviendra de le fidéliser avec par exemple un abonnement à l’année comme cela se fait dans les théâtres et centres culturels parisiens. À terme, le public se forgera une culture magique et l’illusionnisme deviendra de plus en plus légitime auprès des institutions. Nous voulons occuper une place majeure et bien identifiée qui comptera et innovera dans le domaine de la magie en termes de culture, de patrimoine et de créativité.
Quels sont vos modèles ? Le Magic Castle et le Magic Circle en font-ils partie ?
Nous étudions les lieux dédiés à l’art magique en Europe et dans le monde au travers d’un Benchmark. Le Magic Castle et le Magic Circle en font partie tout comme La House of Mysteries de Luc Poppe à Gand, Le Circolo Amici della Magia à Turin et El Gran Museu de la Màgia de Xevi à Santa Cristina d’Aro. Il y a également le Paradox Museum dédié aux illusions d’optique à Paris. Tous ces lieux ont leurs points forts et leur points faibles. Ils nous renseignent aussi sur les choses qui marchent et sur les erreurs à éviter. Le plus difficile est d’installer une ambiance, une âme. Il y aura certainement beaucoup d’essais, d’améliorations avant de trouver notre identité ?
Concernant les espaces bibliothèque-médiathèque, conservation et musée, quelles sont les personnes qui vont s’occuper de ces missions ? Collaborez-vous avec des historiens-collectionneurs français ou étrangers ? Comment vont-être constituées votre bibliothèque et vos collections ?
Nous sommes en discussion avec certaines personnes, mais il nous reste à trouver des profils adéquates avec leur spécificité et leur expertise dans chaque domaine. Il y a des magiciens et collectionneurs qui ont de très belles bibliothèques avec des ouvrages splendides. Nous sommes à la recherche de donation ou de vente de leur vivant ou par l’intermédiaire de leur ayants droit avant que les choses ne disparaissent. En langue française comme étrangère.
En ce qui concerne les collections de notre futur musée, des contacts ont été pris avec de grands collectionneurs et nous espérons constituer progressivement un fonds muséal. Nous venons d’acquérir une magnifique pendule fabriquée par l’atelier de Jean-Eugène Robert-Houdin, sous l’expertise de Hjalmar. Un objet qui a du sens et qui prendra place dans une muséographie appropriée, rendant hommage au maître blésois. Nous pourrons également travailler avec d’autres lieux pour faire venir des expositions temporaires au Palais…Très certainement des magiciens donneront des appareils, à commencer par moi qui ai des pièces d’exception. Rien ne presse et le temps bonifiera tout cela.
À part au grand public et aux magiciens, ce lieu sera-t-il ouvert aux artistes d’autres disciplines (théâtre, danse, cirque, marionnettes, musique, cinéma…), aux universitaires, aux chercheurs ? Des collaborations transdisciplinaires sont-elles au programme ?
Oui, nous sommes favorables à toutes formes de collaborations suivant les opportunités et les demandes qui se présenteront. Avec nos cinq collèges, cela ouvre déjà beaucoup de perspective entre les magiciens, les profanes, les institutions, les collectivités et les entreprises. Nous pourrons également louer nos espaces pour des soirées privées, des événementiels ou des tournages, ce qui fera connaitre le lieu.
Note de la rédaction
1 Domi NHO / Dominique Plessis est né en 1950. Il entre à l’AFAP en 1964 à l’âge de quatorze ans. Ses deux parrains sont le docteur Jules Dhotel et Horace (Yves Gunzbourg). Il est très influencé par Pierre Brahma qu’il prend comme modèle. À dix-sept ans, Domi NHO s’intéresse à l’effet de la boule volante (boule zombie) et monte un numéro avec une mappemonde qu’il présente au concours de la FISM en 1970 à Amsterdam. Il remporte alors le premier prix en Invention. Il se représente à la FISM de Paris en 1973 et remporte un deuxième prix en Magie Générale. En 1976, il remporte le premier prix en Magie Générale à la FISM de Vienne. De 1974 à 1975, Domi NHO préside le Cercle Robert-Houdin de Bourgogne (CRHB) et organise la manifestation « Magie et Gastronomie » en 1975.
Au début des années 80, il monte un numéro de grandes illusions sur le thème des bulles de savons avec l’apparition de ballerines, de deux Barzoï et d’un paon. Ce sont des illusions originales qu’il couplera avec une autre illusion de Dick Zimmerman, fabriquée par Jean Régil à partir de plans de John Gaughan (un livre est en cours de rédaction sur ces effets, avec leurs explications). Comme ses modèles Siegfried & Roy, il va éduquer et dresser patiemment en confiance ses deux chiens splendides, pour les intégrer ensuite au numéro.
Domi NHO travaille aussi sous le nom de Dominique Plessis et se spécialise dans le mentalisme et la mnémotechnie. En 1986, il est invité au Mexique pour prédire les résultats du Mondial de football. Il fait plusieurs passages à la télévision locale en direct jusqu’à la finale remportée par l’Argentine contre l’Allemagne, qu’il a prédit. Après cet épisode, il réapparait à la télévision pour des expériences d’Homme fusillé ou d’annuaire téléphonique. Il en profite pour se rendre à New York et prend des leçons avec Tony Slydini qu’il admire.
De 1986 à 2016, il « disparait » des radars magiques pour se consacrer entièrement à la promotion immobilière et fonde le groupe immobilier SERCIB France. Profession qu’il exerce en parallèle de la magie depuis 1971, muni du Diplôme de l’École Centrale de Paris. Il est le précurseur des projections sur immeuble dès 1988, conçoit des complexes avec des œuvres d’arts intégrés comme dans l’immeuble First Point, construit en France mais aussi en Asie.
Aujourd’hui installé à Bruxelles, il intègre le Royal Club des Magiciens de Bruxelles affilié à la Belgian Magic Federation. Il va revenir à sa passion pour les arts magiques en reprenant son numéro scénique des années 70, aidé par Lionel Martin (qui travaillait à l’époque comme résident au parc Nigloland sous le nom de Kamyléon). Il rode son numéro à Forges-les-Eaux grâce à Hugues Protat. Domi NHO fait son retour « officiel » au gala d’ouverture du congrès FFAP de Nancy en 2016 où il rejoue Pure Music-Hall, son numéro solo act de la FISM 76. Il intègre, en 2017, l’équipe de France de magie de scène de la FFAP en tant que coach Il se voit confier une rubrique sur le mécénat dans la Revue de la Prestidigitation qui s’arrête brusquement. Pendant la période du Covid il repense à son projet de Palais de la Magie, une nouvelle aventure ambitieuse et palpitante ! Discrètement il s’est aussi engagé et a édité le manifeste Le défi Français (1994) et ces dernières années il signe un roman Le codex de Marthe (sous le pseudonyme de Thao Tenet) réédité sous le titre Le secret de Marthe aux éditions Slatkine.
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Entretien réalisé en septembre 2024. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Domi NHO / Association MACH 5 / Éric Hochard / Hjalmar / S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.