Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier
déclic ?
Mon grand-père me faisait des tours de cartes qu’un grand-père fait à son petit-fils, c’est à dire des tours simples et automatiques, qu’il présentait très bien. Puis un jour pour mes 7 ans, j’ai reçu de ce même grand-père mon premier coffret de magie. C’était en décembre 1987… Dès lors, j’ai été pris de passion et je n’ai jamais arrêté de faire de la magie pour mon plaisir avant tout.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Je me suis fait offrir, ou j’ai acheté moi-même avec mon argent de poche tous les livres que j’ai pu trouver sur le sujet, dans le domaine « grand public », autant dire pas grand-chose. Mais dans un de ces livres, il y avait l’adresse de Magix, la boutique par correspondance de Jean-Pierre Hornecker (Internet n’existait pas à l’époque). J’ai eu accès à la vraie littérature magique par ce biais. Les Very Best Of de Vollmer, puis la VHS de Bernard Bilis ainsi que les Cours de cartomagie moderne de Roberto Giobbi. J’achetais surtout des livres et des vidéos, ayant assez vite compris que les tours achetés directement ne m’intéressaient que très moyennement : j’avais surtout envie de « faire », faire des choses magiques avec du matériel « non magique ». J’ai passé des dizaines d’heures devant la télé à essayer (puis plus ou moins parvenir) à reproduire la routine de corde de Tabary diffusée sur France 3 dans le cadre de la baguette d’or de Monte-Carlo, avec de la corde achetée… chez Castorama. Je travaillais tout ce que je trouvais, l’accès à l’information étant très rare à l’époque, je bossais tout (c’est à dire peu finalement) à fond !
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Ce n’est qu’à l’âge de 17 ans et demi que j’ai fait la rencontre d’un magicien en chair et en os, en achetant un jeu de cartes dans une boutique farces et attrapes dans ma belle ville de Metz. Lionel Martin, le magicien des Kamyléon, devenu Lord Martin aujourd’hui. « T’es magicien ? fais-moi un tour » m’a-t’il dit voyant que j’achetais un jeu Bicycle. Je lui ai fait La carte générale de Bilis et lui-même m’a fait quelques tours mais surtout m’a laissé sa carte de visite ! Nous nous sommes revus, puis peu à peu sommes devenus amis, puis collaborateurs : il m’a embauché en tant que régisseur plateau de la troupe. J’y suis encore aujourd’hui, ça fait maintenant plus de 16 ans et demi que je participe à ce spectacle qui a évolué de mille manières différentes. Il m’a permis de rencontrer des grands noms de la magie, de fréquenter le milieu notamment sur les festivals de magie et les congrès. Lionel m’a également fait faire mes premières prestations close-up rémunérées. Je lui dois beaucoup, j’ai énormément appris, et j’apprends encore et toujours à son contact.
Lionel Martin.
Pour la deuxième partie de la question, je n’ai pas souvenir d’un événement particulier qui aurait freiné mon développement en magie. Elle fait partie de ma vie depuis mon enfance, et je ne pense pas qu’elle en sorte un jour. Elle y est au contraire davantage présente chaque jour.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Mon activité dans la magie se divise en 4 catégories :
Mon travail avec la troupe Kamyléon / Lord Martin. Régisseur de la troupe, j’ai une multitude de fonctions, car étant l’un des plus anciens, j’ai pour fonction de cadrer le travail des plus nouveaux. Nous avons plus de 10 tonnes de matériel à manœuvrer, je supervise et participe à tout le montage technique, son, lumières, pendrillons, grandes illusions. Je m’assure que tout se passe bien et que tout soit en état de fonctionnement au moment où le matériel arrive sur scène pour le numéro. Dans le spectacle, je joue plusieurs personnages, Oscar, le majordome du Lord, un personnage maniaque et psychorigide. Je joue également le rôle du professeur Cornélius qui dans l’histoire est le professeur de magie du Lord. En tout le spectacle sur scène comprend 5 personnages, 2 heures de show, une vingtaine de grandes illusions et une dizaine de numéros interactifs. C’est un métier à part entière que faire vivre ce spectacle, entre les 7 heures de montage, et 4 heures de démontage, la conduite du poids lourd 19 tonnes, le chargement etc. Mais quel plaisir de voir d’une salle vide le matin émerger une salle de spectacle totalement fonctionnelle et prête à accueillir notre show quelques heures plus tard.
La deuxième partie de mon activité est la magie de close-up : en restaurant pendant plusieurs années, évidemment en événementiel, puis pour des particuliers dans le cadre de mariages, communions, anniversaires… J’ai une bonne expérience professionnelle dans le domaine du table en table ou du cocktail, dans toutes les configurations possibles. Même dans des cas où je ne parle pas un mot de la langue des clients, ce qui m’est arrivé à plusieurs reprises, mais j’ai un répertoire pour ce genre de situations.
La troisième partie de mon activité est la réalisation et production de vidéo de magie. Auteur de plusieurs programmes vidéos en DVD et VOD, j’ai investi il y a quelques années dans tout le matériel vidéo me permettant de réaliser des vidéos de magie. Peu à peu, j’ai appris et amélioré mes techniques de tournage et montage et peut donc faire des vidéos de qualité en un temps record. Je me suis associé avec Kris Carol, patron de La boutique de la magie près de Nancy et je m’occupe de tout ce qui est réalisation vidéo. Nous avons ensemble fait naitre le site « kriscarol-production.fr » et j’ai développé entièrement la section VOD de ce site. Je l’alimente régulièrement de nouveaux épisodes qu’on peut acheter en téléchargement et/ou streaming. La dernière réalisation en date est la sortie d’un épisode avec Bébel où il explique pour la première fois en vidéo sa routine Retour aux sources plus qu’il avait décrit dans Imagik il y a plusieurs années.
Ma quatrième activité dans le domaine de la magie est de faire de temps à autre des conférences. J’ai monté ma conférence essentiellement sur la magie des cartes et une partie pour s’initier à la magie utilisant un jeu mémorisé, mais j’y montre et explique également ma routine de corde, d’élastiques, de Rubik’s cube et beaucoup d’autres choses : la conférence est en deux parties d’1h30 chacune en moyenne. Je commence à la faire tourner dans quelques clubs, et je vais la faire pour la première fois à l’étranger, en Italie en janvier 2019.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Je parlais de la routine de corde de Francis Tabary, donc son passage télé en 1991 m’a beaucoup marqué. Le Best of Seminar de Guy Hollingworth a marqué pour moi un véritable tournant ; cette vidéo de 2 heures m’a bouleversé. Certains passages de Bernard Bilis chez Dechavanne dans Coucou c’est nous. La routine d’épingles qu’il y avait présentée m’a mystifié pendant des années avant que je ne l’apprenne moi-même, ainsi que beaucoup de tour de cartes qu’il y a présenté.
Ensuite ma rencontre avec Jérémy Kiener, un magicien de ma région que m’a présenté Lionel Martin : un cartomane, mais un touche à tout de la magie exceptionnel. J’ai énormément appris avec lui (et j’en apprends à chaque fois qu’on se voit). Je pense que l’un de mes plus grands souvenirs en magie, c’est à lui que je le dois, un soir de l’année 2000, où j’en ai pris plein la tête et les yeux pendant des heures. Plus tard, Mac King, que j’ai eu le plaisir de voir à Las Vegas m’a aussi beaucoup marqué, et pour finir, David Copperfield, dont personne ne peut nier qu’il s’agit d’un génie absolu et un précurseur incroyable.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Des magies qui se font avec rien ou presque. Du matériel qui n’en est pas (ou dont on n’a pas l’impression que s’en est), un simple jeu de cartes, quelques élastiques, une corde, quelques épingles, 3 ou 4 pièces. Des tours qui reposent essentiellement sur l’habileté de l’opérateur, pas uniquement digitale, mais aussi l’habileté de présentation avec toutes les subtilités, techniques et psychologiques.
Quelles sont vos influences artistiques ?
J’ai été influencé comme beaucoup au départ par Bernard Bilis, et par ses passages à Coucou c’est nous, le « 19/20 » de Dechavanne sur TF1 il y a 25 ans. Ensuite, la bible des cartomanes, l’excellent Cours de cartomagie moderne de Roberto Giobbi. Ma magie a ensuite évoluée par l’intermédiaire de Jérémy Kiener évoqué ci-dessus puis Sandy, un magicien de ma région décédé il y a peu (nous sommes, Kris Carol et moi-même, sur le point de finaliser la création d’un jeu de cartes qui portera son nom.) Sandy est celui qui nous a présenté et par lequel grâce à cette rencontre l’aventure « kriscarol-production.fr » a vu le jour.
Dominique Duvivier m’a également influencé par ses spectacles au Double fond, notamment la série des Intimistes et du Le Hasard c’est moi. Ma plus grande influence reste à ce jour celle de l’école espagnole : Tamariz, qui a poussé la réflexion à un point jamais égalée (publiée en partie dans son dernier ouvrage L’arc en ciel magique qui est pour moi une référence absolue tant je me sens en phase avec sa vision de la magie). Évidemment, je pourrais en citer beaucoup d’autres, comme Dani Daortiz ou Woody Aragon…
Cependant, depuis environ 4 ans, tout mon travail magique s’est fait en collaboration avec mon excellent ami Maxime Couty, que peu connaissent, car depuis quelques temps, il ne fait pratiquement plus de magie en public, mais il est pour moi un cerveau incroyable dans la création d’enchainements. Je publie actuellement sur le groupe secret des acheteurs de ma web-série douze enchainements de tours de cartes exécutés par Maxime (de 15 à 30 min par enchainement), à raison d’un par mois. Ces enchaînements sont à mon sens le fruit des recherches les plus abouties dans ce qu’il est possible de faire avec un jeu de cartes ordinaire.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Mon conseil primordial sera de se focaliser sur les bases. De ne pas trop tenter de tout faire en même temps si celles-ci ne sont pas acquises. Quand j’ai commencé, l’accès à l’information était difficile et rare. Je bossais le peu de ce que je pouvais grappiller ici ou là, à fond ! De nos jours, on peut trouver tout, tout de suite, et de ce fait, on ne se focalise plus sur rien en particulier. C’est le grand piège de notre époque. Donc, bosser les techniques de base, bosser les tours classiques et les faire en public régulièrement, avant de se lancer dans de la pseudo « création » qui ne peut en être que quand on sait ce qu’ont fait les grands noms avant nous.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
C’est une question qui pour moi n’a pas grand sens : de nos jours, il y a tant de magies différentes qui se pratiquent. Je ne pense pas qu’il s’agisse de « magie d’une époque », je ne pourrais donc pas synthétiser ce que je pense de la « magie actuelle ». Parlez-moi d’un magicien en particulier et de sa magie, et je vous dirai ce que j’en pense.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Quelque soit le domaine, et donc en particulier la magie, je pense qu’il est primordial de savoir de quoi on parle quand on s’adonne à une activité ou qu’on étudie un sujet. C’est donc quelque chose de très important. L’étude de l’histoire de la magie, de l’historique des versions de tours, les grands classiques, etc. Dans l’ignorance de tous ces sujets, il n’est guère possible d’aller très loin à mon avis.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
La vidéo, la programmation, la psychologie, la cosmologie, la musique sont des sujets qui me passionnent et pour lesquels je passe un temps considérable dans leur étude… Il faut varier les plaisirs !
– Interview réalisée en octobre 2018.
A visiter :
– Le site de Philippe Molina.
– Le site de Kris Carol Production.
– le site de Lord Martin.
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