Les contes de la nuit reprennent cinq courts-métrages d’une série de dix contes intitulés Dragons et Princesses (diffusée sur Canal+ à l’automne 2010). Le film est complété par un court inédit spécialement réalisé pour l’exploitation en salle. Loin d’être une simple compilation, Les contes de la nuit sont un vrai projet de cinéma, un spectacle cinématographique dans la tradition des projections des premiers temps.
Au total, six petits contes d’environ treize minutes bâtis sur un schéma récurrent :
Dans un vieux cinéma, trois personnages (deux adolescents et un vieux technicien) réinventent l’univers du conte en se déguisant, en se documentant et en bricolant des histoires bien à eux. Ils défendent ainsi un idéal de générosité et d’intégrité, combattent le calcul et le mensonge tout en dénoncent le fanatisme et les dictatures au travers de la transmission des valeurs par le biais de paraboles simples. Un jeu ludique avec le spectateur qui s’amuse, lui aussi, à faire semblant.
« Au cours des années, j’ai découvert une chose agréable : je suis un sorcier. J’ai deux pouvoirs : celui de produire de la beauté et celui de susciter des êtres et des faits qui n’existent pas et qui nous font voyager à travers différents univers, comme sur un tapis volant. J’en profite avec passion. J’ai trouvé le véhicule qui me permet de raconter mes histoires. Les deux enfants des Contes de la nuit font mon merveilleux métier, en compagnie d’un vieux technicien, ils inventent, se déguisent, et jouent l’histoire qui leur chante dans le pays qui les charme. J’ai un goût extrême pour les contes, pour l’agencement de petites mécaniques qui se mettent à tourner joliment. Ce sont des cadeaux que j’offre aux gens, car j’aime faire plaisir, épidermiquement, et je l’espère, profondément. » M. Ocelot
Une portée universelle et humaniste
Avec Les contes de la nuit, Michel Ocelot raconte des histoires bien à lui en réinterprétant des récits éternelles et riches comme les fables qui ont bercé notre enfance. On y retrouve toutes les valeurs intemporelles des grands contes. L’exigence de son cinéma d’auteur se combine parfaitement avec la portée universelle de son travail et touche beaucoup de monde, petits et grands.
Les contes sont tous écrits par Michel Ocelot. Ils sont inspirés par des histoires ou simplement des images de cultures aussi variées que l’Inde, l’Afrique, les Antilles, la Russie. On sait que le réalisateur est un humaniste qui croit au pouvoir des contes et à la force du message, bien qu’il soit simpliste voir naïf. Qu’importe puisque la force de ses images vaut plus qu’un discours. La magnificence de ses histoires courtes emporte tout sur son passage.
« Toutes les filiations m’intéressent, tous les paysages, tous les arts, et bien sûr toutes les époques. J’aime l’histoire. J’ai choisi par exemple les Antilles à cause d’un conte traditionnel qui m’a plu. C’était aussi l’occasion de faire de jolis décors, avec les plantes tropicales que j’aime. J’ai également une histoire de fille sacrifiée inspirée de l’Afrique, mais que j’ai située dans l’Amérique aztèque. C’est une culture qui nous a offert une remarquable architecture, mais qui a aussi battu des records de cruauté. J’ai associé l’horreur imbécile de ces sacrifices à la beauté des chœurs que j’imaginais comme ceux de verdi. Allier des chants magnifiques et des choses épouvantables, le pire et le meilleur, était intéressant, et s’est déjà fait, en vrai… Mon succès fondateur avec l’histoire d’un bébé africain me pousse à revenir de temps à autre à ce continent noir, avec une petite chose comme ce Garçon tamtam. On trouve aussi notre civilisation avec deux contes situés au moyen Âge. Le loup-garou évoque la fin de cette période. Les costumes sont inspirés du XVème siècle à la cour de Bourgogne, avec ses coiffures magnifiques, dont celle de l’épouse de Jacques cœur. Avec La fille-biche et le fils de l’architecte, j’ai célébré notre culture gothique du XIIIème siècle à l’aide des dessins de Viollet-le-Duc. J’aime jongler avec les contes de partout, j’y suis à l’aise. » M. Ocelot
Le travail au noir
Avec Les contes de la nuit, Michel Ocelot prolonge ainsi l’exploration de son travail commencé avec ciné si en 1989 et ses premiers Contes de la nuit en 1992 (regroupés en long métrage Princes et Princesses en 2000). L’utilisation du théâtre d’ombre et des silhouettes découpées : un art ancestral et suggestif qui ne nous montre que la silhouette « noircie » des personnages.
Travailler avec le noir, caché mais suggérer, dévoiler les mécanismes tout en gardant du mystère ; tels sont les objectifs de Michel Ocelot. Le réalisateur aime montrer comment ses petits films fonctionnent. Cela fait également parti de la mise en abyme, un thème récurrent dans son œuvre. Montrer la technique, c’est jouer la transparence, c’est faire confiance à la seul force artistique de son travail et reléguer « les trucs » au rang d’accessoires. C’est comme en prestidigitation, une fois le truc révélé, les gens sont parfois déçus. Mais si le tour raconte véritablement quelque chose et a un sens réel, alors la technicité passera au second plan et le public appréciera la façon dont l’artiste se sert de la technique pour transposer sa sensibilité et ses émotions.
En un mot, soyons honnête et sincère avec les gens et ils nous le rendrons. La force des films de silhouettes est de faire confiance au spectateur qui a une part active dans le processus. Ce que le conteur dit, le spectateur le complète. Ce que la silhouette noire ne montre pas, le spectateur l’imagine. Toute l’inspiration de Michel Ocelot va dans ce sens quand il dévoile ses sources, en utilisant des recherches que d’autres ont faites avant lui.
« Il est vrai que raconter une histoire en silhouettes noires, est quelquefois un défi. On n’a pas l’aide de la couleur, de la délimitation de tel membre qui se trouve perdu dans le noir, on a un espace très limité, même avec le relief. C’est une sorte d’ascèse. Il y a quelque chose de l’art égyptien dans cette technique. En simplifiant à l’extrême, en ne retenant que la courbe la plus pure, les égyptiens ont saisi la beauté maximum. Le torse est plus beau et lisible de face, les jambes, les fesses et la tête, de profil. C’est dans cet esprit que j’aime la silhouette noire. Quoi qu’on fasse, c’est un signe très fort qui produit une impression extrême sur la rétine. Le rien et le clair. Le théâtre d’ombres est une nuit magique où tout peut arriver » M. Ocelot
Mise en abyme
L’enjeu du réalisateur est de recréer l’illusion du spectacle vivant en faisant de chaque conte, une mise en scène d’une représentation théâtrale (derrière un rideau rouge). Comme dans la tradition du théâtre baroque, l’intérieur du plan/scène offre la possibilité de hiérarchiser les divers éléments qui se superposent. Les différents contes sont regroupés à l’intérieur d’un récit-cadre qui met en scène un maître conteur (alter ego de Michel Ocelot) entouré de deux adolescents, une fille et un garçon.
Cette disposition gigogne de mise en abyme fait implicitement référence à la structure des plus célèbres recueils de contes comme Les Mille et une Nuits.
Le caractère historique de l’ensemble donne les clés des principales inspirations du réalisateur au travers le déploiement de documentations. Un procédé qui permet une certaine transparence dans la réalisation de l’œuvre.
La 3D relief
Contre toute attente, l’artisan Michel Ocelot a choisit d’utiliser la technologie 3D ! Un mariage contre nature que personne ne lui a imposé, bien que les films soient plus vendeur sous cette étiquette. Extrêmement méfiant sur ce « jouet à double tranchant », il a fui son utilisation commerciale qui consiste à « gonfler » les différents éléments du film comme des ballons où, paradoxalement, plus rien ne « ressort ». Michel Ocelot travaillait déjà en relief avant la 3D. Il explique lui-même qu’il faisait de la 3D à plat, un relief qui donne l’impression d’être au théâtre. Il imaginait ses scènes à la manière des théâtres de perspectives au XVIIIème siècle, où l’espace est décrit dans sa profondeur et l’image décomposée en plusieurs plans (jusqu’à 7) dans la profondeur de la boîte.
« Utiliser la mise en relief, c’était essayer un nouveau jouet. Paradoxalement, cette technique dernier cri me renvoie à l’image telle que je la faisais lorsque je n’avais pas d’argent. J’ai toujours fait des petites choses en relief, des découpages, des collages. Cette avancée technologique m’a permis de retrouver un certain enchantement de mes débuts qui avait disparu. Cet enchantement tenait aux papiers découpés. Quand je tournais ces modestes films, penché sous la caméra, une fois que j’avais éteint la lampe du dessus et allumé la lumière par dessous du contre-jour, je tombais tout simplement dans le conte de fées. Les petits pantins étaient indépendants du décor, et le décor était en plusieurs niveaux pour la commodité de la manipulation. Ces petites constructions, je les ai montées dans des expositions, dans des boîtiers de lumière. Cela avait un charme extraordinaire. Des gens qui avaient d’abord vu ces petits théâtres de lumière en vrai, m’ont parfois confié avoir été déçus par le film sur l’écran plat. Et j’observe que ce charme opère de nouveau avec cette nouvelle version en cinéma stéréoscopique, qu’il s’agisse de simples spectateurs ou de grands professionnels. J’ai refait ce que je voyais dans des caissons. Lorsque j’ai découvert les premières images en relief, j’ai poussé un cri d’émerveillement, comme un enfant ! Tant que ce côté magique subsiste, il est intéressant d’utiliser cette technique. » M. Ocelot
La mise en relief des contes de la nuit s’avère pertinente et justifiée. Elle permet d’offrir au public une dimension supplémentaire inhérente à l’univers d’Ocelot. La 3D donne à voir une vision encore inconnue à ce jour : le relief dans le noir. Ainsi, il est possible de superposer plusieurs silhouettes sans qu’elles semblent se confondre à notre regard. Ici, le relief clarifie une scène. Des gens les uns derrière les autres dans une foule ne se mélangent plus. Avec la dimension de profondeur, l’image est plus lisible. Les décors et les enluminures d’une beauté à tomber par terre s’en trouvent rehaussés. Le résultat est d’une subtilité rare puisque qu’il évite tout effet spectaculaire en jouant sur la superposition des éléments du décor avec les silhouettes. Les distances ont été évaluées entre chaque élément sans rajouter de la « ronde-bosse ». L’habituelle impression de lourdeur fait place à la délicatesse et à la légèreté. C’est une utilisation raisonnée et sensée de la 3D loin des bandes de démonstration pour logiciel.
Au final le résultat est bluffant. Le procédé 3D valorise la technique et le sens graphique de l’entreprise. Le relief joue sur la distance entre les silhouettes découpées et le décor comme dans un vrai théâtre d’ombres. L’effet qui en résulte peut être assimilé à celui que procure un livre Pop-up (livre à mécanismes et techniques de pliages) où le lecteur-manipulateur est invité à suivre le déroulement du récit et à mettre en marche les mécanismes qui en permettent le fonctionnement. L’animation se développe sur plusieurs plans superposés qui ne fonctionnent qu’avec la coopération du lecteur.
Monstres et merveilles
Comme à son habitude Michel Ocelot émerveille. Il flatte aussi bien l’œil que l’esprit du spectateur. Il ne sacrifie jamais la forme au fond. Mieux, la forme est dictée par l’histoire. Chaque séquence, chaque image sont ciselées avec une minutie maniaque dans le but d’aller à l’essentiel et de produire du sens. Le travail de recherche est aussi important que le résultat final. Il est intégré au processus de création dès le début et montré comme tel. Ocelot joue carte sur table avec le spectateur. Son honnêteté et sa transparence sont la clé de la réussite de ses courts-métrages qui captivent tant. La grande force de son cinéma est d’être multi générationnel et multi culturel. Il parle aux jeunes comme aux vieux, aux africains comme aux russes. En un mot : Universel.
« J’ai toutes sortes de choses à faire passer. J’aimerais donner de la dignité aux gens, de la décontraction et le goût de la vie. On me dit souvent: « C’est bien, vous prêchez la tolérance ». Pas du tout, je célèbre plutôt les plaisirs de la vie. Une bonne partie des différences qui peuvent nous inquiéter sont au contraire des qualités, des sources de plaisir. Je ne place pas mes contes dans des pays des quatre coins du monde pour faire international, mais pour montrer le bonheur de disposer tant de gens et d’univers différents. Et je me régale en allant d’une civilisation à une autre, comme un gourmand dans une confiserie. » M. Ocelot
LES CONTES
Le Loup-garou
L’histoire : Deux soeurs ennemies se battent les faveurs d’un prince. Ce dernier a passé les dernières années de sa vie à croupir au fond d’un cachot dans lequel il n’a pu survivre que grâce aux biens envoyés depuis l’extérieur. A sa sortie, il jure d’épouser celle qui l’a sauvé. Il est persuadé qu’il s’agit de l’aînée des deux qui confesse à qui veut l’entendre que c’est elle qui est à l’origine de tous les présents. Mariés, il avoue à sa nouvelle femme qu’il est victime d’une terrible malédiction : tous les soirs de pleine lune, la chaîne qu’il porte autour du cou brûle et le force à la retirer. C’est alors qu’il se transforme en un terrible loup-garou. La soeur aînée insiste pour assister à ce prodige et en profite pour jeter la chaîne au fond d’un puit impénétrable. La plus jeune des soeurs rencontre le loup-garou dans la forêt et, pensant parler à une bête, elle lui confesse son histoire. Elle réalise alors que le loup-garou est en réalité le prince et que sa soeur est responsable de quelque chose. A la vue du loup-garou, la soeur aînée commet une erreur en l’appelant par son prénom. Elle avoue même avoir jeté la chaîne au fond du plus profond des puits. La benjamine réussit à la récupérer. Le prince redevient prince et, malgré la jalousie maladive de sa soeur et la malédiction, elle décide de lui donner son amour.
Décors de pleine lune splendides pour cette histoire délicate « d’une fille qui murmurait à l’oreille d’un loup », qui reste fidèle à son amour malgré la malédiction. Le mythe de l’homme se transformant en animal sauvage est commun à plusieurs cultures depuis l’antiquité. Pour délivrer l’homme de ce sort, il existe des philtres magiques permettant au loup-garou de retrouver son aspect humain (dans les légendes scandinave, et d’Europe centrale du XVème siècle). Le loup-garou peut également être tué d’une balle en argent en plein coeur. Michel Ocelot revisite cette légende en conjurant la malédiction par une chaîne et renverse les rôles en attribuant la férocité à la soeur aînée et une douceur fataliste au loup.
Ti Jean et la Belle-Sans-Connaître
L’histoire : Aux Antilles, écrasé sous le poids d’une chaleur accablante, un jeune homme fort désinvolte décide de se réfugier dans une grotte. Poussé par sa curiosité, il descend de plus en plus profond jusqu’à se rendre dans le royaume des morts. Là, il fait la rencontre d’un vieillard qui lui apprend l’existence de la fille du Roi, la Belle sans connaitre. Mais celui ci le met en garde : cette fille est gardée par trois monstres, une abeille, une mangouste et un iguane. Le jeune homme décide alors de tenter sa chance mais au lieu de tuer ces monstres en les empoisonnant, il leur offre des mets succulents. C’est sans difficulté qu’il passe l’abeille, la mangouste et l’iguane. Arrivé chez le Roi, celui ci le soumet à trois épreuves. La première consiste à retrouver les onze tortues d’or dispersées dans tout le pays en restant enfermé dans son cachot. Venant le remercier pour le repas qu’elle a reçu, la mangouste, à l’aube, lui apporte les onze tortues d’or. Le roi n’en croit pas ses yeux et décide de le soumettre à la deuxième épreuve : retrouver le diamant bleu de sa fille, égaré au milieu de l’océan en restant enfermé dans son cachot. C’est cette fois ci l’iguane qui, à l’aube, vient lui apporter l’objet précieux. Le roi est abasourdi et lance au jeune homme son ultime épreuve : retrouver la quelle de ses trois filles est la Belle sans connaître. C’est grâce à l’abeille que le jeune homme parvient à l’identifier sans mal. Le Roi du royaume des morts n’en revient pas et offre au jeune homme sa fille et la moitié de son royaume. Mais celui ci en a que faire d’une fille qu’il ne connait pas et d’un royaume dans lequel tout le monde est mort. Il lance au Roi heurté un « à plus la compagnie » !
L’histoire de Ti Jean et la Belle-Sans-Connaître est un régal de situations typiques inspiré d’un conte traditionnel antillais, permettant des décors rutilants. La beauté des décorations tropicales et la couleur locale des personnages (notamment les deux petites vieilles) donne à cette histoire une indolence incomparable qu’on retrouve jusqu’au personnage principal. La représentation de l’enfer, avec ses parois psychédéliques aux couleurs pétantes, ressemble à des tableaux de Vasarely. Ti Jean est un jeune garçon culotté, honnête et droit, qui choisit la voie du don au lieu de sacrifier « les trois monstres ». Sa bonté est récompensée contre toute attente. Les monstres ne sont pas ceux que l’on croit. Le jeune homme s’offre même le luxe d’une pirouette finale qui donne à l’histoire une note toute relative.
L’Élue de la ville d’or
L’histoire : Dans une ville d’or, un étranger s’interroge sur la tristesse perpétuelle des habitants. Il décide de questionner une demoiselle sur les raisons de cette platitude. Celle ci lui explique alors que quatre fois dans l’année, « le bienfaiteur » offre à la ville de l’or en échange de la plus belle fille du village, offerte sur l’esplanade du sacrifice. Révolté à cette idée, le jeune homme décide de s’opposer à ces rites. Le soir du sacrifice, il provoque le terrible monstre mais se fait gober par celui ci. Tuant la bête de l’intérieur, il sauve « la belle offrande » et attire sur lui la haine des habitants. En effet, la prophétie racontait que si le bienfaiteur était tué, la ville d’or tomberait en ruines. Par un discours sur l’importance du travail et de la vie, le jeune homme parvient finalement à mettre le peuple de son côté.
Sacrifice humain, rite et trahison sont les ingrédients de cette histoire tirée d’un conte traditionnel africain, qu’Ocelot a transposé chez les aztèques. Tout ce qui brille n’est pas or comme dit le proverbe. L’or ne tarde pas à se transformer en plomb et à « noircir » dans une belle séquence où « les ombres » reprennent leur pouvoir maléfique.
Le Garçon qui ne mentait jamais
L’histoire : Deux empereurs du Tibet se lancent un pari : celui de faire mentir un modeste jeune homme, possesseur du seul étalon doté de parole de la région. On raconte que ce garçon ne ment jamais. La fille de l’empereur se transforme en jeune fille de rien et simule une maladie. Le jeune homme, épris par sa beauté lui demande le remède qui pourrait la soigner. Elle lui confie que seul le coeur de son cheval qui parle pourrait la faire vivre. L’amour pour la belle est plus fort et il convainc son cheval de lui céder son coeur. Mais alors qu’il l’offre à sa bien aimée, celle ci s’enfuit sans même manger le coeur du cheval. Appelé par l’empereur, prêt à mentir, le jeune homme fini par tout avouer. C’est ainsi que par cette seule parole, le garçon prouve sa pureté. La princesse, la jeune fille de rien de laquelle le jeune homme est follement amoureux, touchée par cette franchise, se rend compte de la bassesse des autres hommes. Le jeune homme gagne la moitié d’un empire et l’amour de la princesse.
« L’amitié, l’amour et la mort sont des thèmes fondamentaux. La mort est très rarement représentée dans les dessins animés – à la rigueur, de loin pour les méchants, mais pas pour les gentils. Dans Le garçon qui ne mentait jamais, amener la mort était intéressant. L’ami se sacrifie. La notion de sacrifice est intéressante aussi, mais ici le sacrifice est excessif ! » M. Ocelot
Le conte le plus émouvant qui met en avant de magnifiques mandalas et tankas tibétains, qui donnent aux silhouettes une intensité et une aura unique. L’amour et la mort sont intimement liés dans ce récit qui n’hésite pas à montrer la cruauté et la vileté des hommes. Tout est une histoire de cœur. En offrant le cœur de son cheval à sa bien aimée, le jeune garçon, au cœur pur, conquit le coeur de la jeune fille.
Garçon Tamtam
L’histoire : En Afrique, dans un petit village en guerre et dont le roi est souffrant, un jeune homme ne peut s’empêcher de jouer du tam-tam. Tous les habitants n’ont qu’une phrase à la bouche : « Tu nous casses les oreilles ! ». Alors qu’il se promène dans la savane, le jeune homme sauve un vieillard d’une hyène affamée en frappant de ses mains les branches d’un arbre. Le vieillard, conquis par sa musique et persuadé de son talent décide de l’emmener dans sa case. Il lui révèle la présence de son « tam-tam magique » qui aurait la faculté de charmer quiconque l’entendrait. Après un entraînement acharné, le vieillard annonce au jeune homme que celui ci est prêt. Appelé à l’aide par la princesse pour sauver son père et se dressant contre les recommandations du chaman, il parvient grâce à la musique à le sortir de son comas lattent. Mais la guerre fait rage et encore une fois, le jeune homme parvient à repousser l’ennemi grâce au son de son tam-tam magique. Mais dérobé par le chaman, le tam-tam est détruit et plus rien ne semble pouvoir repousser les ennemis. La fille du roi se rend alors compte que ce n’est pas le tam-tam qui est magique, mais bel et bien les mains du jeune homme. Le village sauvé de la guerre, le jeune homme est acclamé comme un héros et fait danser tout le village au son de son tam-tam.
Michel Ocelot retrouve l’univers africain qu’il affectionne dans ce conte basé sur un principe qu’on retrouve un peu partout : un violon ou une flûte magique qui force les gens à danser. Dans le Garçon Tamtam c’est l’inverse, l’instrument n’est finalement pas magique, tout est dans l’artiste qui utilise l’instrument. Toute l’essence de l’Afrique est remarquablement restituée : silhouettes typiques, mouvements des corps en train de danser, gris-gris, sorciers, décors stylisé et apparition d’un petit enfant africain rappelant Kirikou.
La fille-biche et le fils de l’architecte
L’histoire : Au XIIIème siècle, Thibault est amoureux de la belle Maud. Mais la jeune femme est promise à un sorcier. Thibault, fils de l’architecte qui a conçu la cathédrale dans laquelle se déroule le mariage, réussit à enlever Maud et à s’enfuir. Mais le sorcier, furieux, transforme celle-ci en biche. Thibault part à la recherche de la fée des caresses pour sauver son aimée de l’envoûtement.
Michel Ocelot a totalement inventé cette histoire de transformation en fonction d’un tournage en relief. L’occident médiéval est remarquablement représenté. La cathédrale est une merveille. La recherche de la jeune femme donne l’occasion de découvrir la belle séquence de l’œuf, où la 3D explose en mille étoiles scintillantes qui restent en suspension le temps des retrouvailles des deux amoureux.
DRAGONS ET PRINCESSES
Voici les cinq autres contes qui figurent sur l’édition DVD.
La Maîtresse des Monstres
L’histoire : Dans une grotte sombre et humide, un groupe de mendiants se voit soumis à la tyrannie sans bornes de monstres. Les gestes du quotidien sont devenus une véritable épreuve. Se nourrissant uniquement de champignons crus, les mendiants doivent sans cesse attendre le repos du monstre pour se servir. Une jeune fille, mal aimée du clan, fait la rencontre d’un rat qu’elle sauve des griffes des ses congénères. Celui ci lui apprend qu’elle est en fait Maîtresse des Monstres et qu’un seul de ses regards est capable de faire rétrécir le plus énorme des monstres. Il va ainsi lui montrer le chemin de la sortie vers le vrai monde dans lequel, dit-on, un prince l’attendrait depuis toujours pour l’épouser. Elle franchit les épreuves sans trop de mal mais fait brûler sa chevelure. Vêtue d’herbes trouvées dans la grotte, sa sortie dans le grand monde se fait en grande pompe : trompettes, cerisiers et confettis l’attendent pour célébrer son mariage avec le prince.
Ce conte fait penser à l’allégorie de la caverne de Platon. Un groupe de personne prisonnier d’une grotte, aveuglé par des « projections monstrueuses ». Dans ce groupe, une jeune fille espiègle et fonceuse va défier la morale bien pensante et s’épanouir à l’extérieur après avoir réduit, à l’état de microbes, les différents monstres.
Le Pont du petit cordonnier
L’histoire : Un cordonnier, trop pauvre pour s’acheter un cuir de qualité rêve de pouvoir travailler un jour à la ville. Derrière sa pauvre boutique, il fait installer un banc dans son immense pommier, à l’abri des regards et des critiques des villageois. Alors qu’il s’écroule sur son travail, le cordonnier fait un rêve très étrange : une voix lui dit qu’un trésor est caché sous la septième statue du Pont Charles de Prague. Il décide de se fier à son instinct et ruine ses économies pour se rendre dans la capitale tchèque. Il ne trouve rien mais décide d’attendre un jour de plus. Le gardien du pont lui demande des explications et lui confesse qu’il a fait lui aussi un rêve étrange (il vit un pommier sous lequel se cacherait un trésor). De retour chez lui, le cordonnier trouve sa petite amie en train de creuser sous l’immense pommier. Ils y découvrent une trappe menant dans une pièce vide sous l’atelier. En touchant le seul pilier qui orne la pièce, la petite amie du cordonnier actionne un mécanisme révélant un immense trésor.
La véritable richesse se trouve en soi et non à l’autre bout du monde. Ce conte d’Europe centrale transpose un rêve sur un mode somnambulique. Les images fantasmées de la ville de Prague se transforment en morne réalité et l’humble maison du cordonnier devient un havre de richesses.
Le Mousse et sa chatte
L’histoire : Un jeune mousse est maltraité par tout un équipage de pirates. Sa seule amie est sa chatte, enceinte, dont la vie sur le bateau est aussi difficile que celle de son maître. Un jour, le navire accoste dans une magnifique ville orientale. Contre toute attente, le mousse et sa chatte se retrouvent au centre des attentions d’un sultan qui lui propose des richesses en contre partie de son animal. Le mousse verra-t-il enfin son rêve le plus cher se réaliser : vivre sur terre ?
L’Écolier sorcier
L’histoire : En Perse, un jeune homme fait la rencontre d’un inquiétant sorcier. Après lui avoir montré quelques tours, ce dernier invite son nouvel apprenti dans un repaire mystérieux. Là, le sorcier lui enseigne l’art de la métamorphose et le jeune homme se révèle être très doué. Le soir venu, il fait connaissance avec la fille du sorcier, captive et semblant avoir été quittée par toute félicité. Lors d’un repas, attendrie par la naïveté de ce nouvel élève, elle lui apprend les plans maléfiques de son père : celui-ci enferme les jeunes sorciers les plus talentueux dans des cylindres en verre afin de leur extraire leur génie. Elle lui révèle aussi qu’il n’existe qu’une entrée et que pour sortir de ce repaire, il faut être renvoyé par le sorcier en personne. Sous les conseils de la jeune fille, l’impétueux sorcier emploie toute la mauvaise volonté du monde afin de tromper le magicien, qui le renvoie de son repère sur le champ. Alors qu’il est en route vers la ville, c’est au même endroit qu’il rencontre le sorcier en train de charmer un autre promis. Sans hésitation, il se transforme en terrible dragon et dévore le sorcier. Riche de par son talent mais dévoré par la culpabilité, le jeune homme se met en quête d’aller sauver la fille du sorcier. Sans mal, il pénètre dans le repaire et retrouve la jeune fille, euphorique. Mais seul le sorcier connaissait la formule secrète pour s’en évader.
L’Ecolier sorcier fait partie des meilleurs contes avec Ivan Tsarevitch. Les diverses transformations du jeune apprenti « à l’école du sorcier » sont un régal visuel remplit d’humour. Les fonds colorés de la grotte, représentant des tapis orientaux, sont étincelants et font ressortir le fabuleux bestiaire qui se joue devant nos yeux. Ce conte rappel certaines histoires des Mille et une nuits. Au final, le jeune homme novice et crédule devient « le bourreau » de son maître dans un dénouement moral.
Ivan Tsarevitch et la Princesse Changeante
L’histoire : Ivan Tsarevitch, le fils de l’empereur est prêt à tout pour venir en aide à son père agonisant, même à escalader le mur du palais du Tsar des Jardins afin de lui dérober des prunes d’or, seul remède à ses blessures. Mais alors qu’il touche la première prune d’or, le Tsar ordonne de lui faire couper la tête. Mais pour Ivan, il est prêt à faire une exception s’il parvient à lui apporter le vase qui multiplie. Ivan Tsarevitch se rend chez le Tsar des Céramiques afin de lui dérober son vase, mais alors qu’il fait tomber les étagères, le Tsar surgit et ordonne de lui faire couper la tête. Mais pour Ivan, il est également prêt à faire une exception s’il parvient à lui apporter l’étalon aux sabots d’or du Tsar des Pur-Sang. Ivan Tsarevitch, par une fenêtre s’introduit dans le palais du Tsar et tente en vain de voler le cheval. Condamné à mort, le Tsar est prêt à faire une exception s’il lui apporte la Princesse Changeante qui, raconte-t-on, change d’apparence à chaque fois qu’on la touche. Se rendant au palais le la princesse, elle lui apprend que seul son véritable amour lui permettrait de lui faire garder sa forme normale. Lorsque Ivan touche la jeune fille, celle ci maintient sa beauté. Ils échafaudent ensemble un plan : grâce à la princesse qui peut prendre l’apparence qu’elle désire, Ivan Tsarevitch récupère le pur-sang aux sabots d’or, le vase qui multiplie et les prunes d’or. Se rendant au chevet de son père, c’est à sa plus grande surprise qu’à son réveil, ce dernier n’en croit pas ses yeux en voyant son fils auprès de la Princesse changeante.
Le plus beau conte de la série nous transporte au pays de la Russie éternelle inspiré de l’Oiseau de feu, du folklore russe, des images d’Ivan Bilibine et des laques de Palekh. Les silhouettes typiquement scandinaves, les palais somptueux et les nombreux rebondissements procurent un plaisir de chaque instant. Les diverses transformations de la princesses sont des moments drôles et spectaculaires, tour à tour Vieille femme, chenille et araignée.
A voir :
– Les contes de la nuit de Michel Ocelot en 2D et 3D relief. DVD disponible chez Studio Canal (décembre 2011).
– Dragons et princesses de Michel Ocelot. DVD disponible chez Studio Canal (décembre 2010).
A Lire :
– Les trésors cachés de Michel Ocelot.
– Princes et Princesses.
– Azur et Asmar.
– Rencontre avec Michel Ocelot.
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