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L’ILLUSIONNISTE DE TATI / CHOMET

La fin des illusions.

Sébastien Bazou

Sylvain Chomet est un artiste à part dans la production ultra standardisée de l’animation. Après des débuts dans la bande dessinée, il réalise un premier court-métrage La vieille dame et les pigeons en 1996 qui est salué par la critique. En 2003, il signe son premier long-métrage avec Les triplettes de Belleville, une histoire musicale presque sans paroles, un ovni inclassable à l’ambiance rétro jazz. C’est un premier coup de maître pour Chomet qui brave la mode des créatures en 3D style Pixar.

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« Avec Les triplettes de Belleville, je voulais prouver aux producteurs qu’on pouvait faire des dessins animés tous publics, que les adultes pouvaient aimer. Ca a marché. » S.Chomet

Exilé en Ecosse dans ses nouveaux studios, Sylvain Chomet y peaufine son nouveau film, basé sur un script inachevé de Jacques Tati. Après sept années de préparation, L’illusionniste sort de l’ombre en 2010.

L’ombre de Tati

Dès le début, l’univers de Chomet fut hanté par la présence de Jacques Tati. Une manière décalée de voir et d’appréhender le monde. C’est la fille de Tati, Sophie Tatischeff, qui confie personnellement le scénario inachevé de L’illusionniste à Chomet. Tati a écrit ce manuscrit entre 1956 et 1959, comme une lettre personnelle à sa fille aliénée. L’histoire de Tatischeff, un magicien sur le déclin toujours entre deux théâtres miteux, qui rencontre une jeune fille candide qui va changer sa vie.

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Pour la petite histoire, l’accessoiriste et magicien André Delepierre dit Pierdel raconte dans son livre La magie du petit homme vert, une anecdote sur L’illusionniste. Employé par Tati sur le tournage de Jour de fête puis sur les vacances de Monsieur Hulot, Pierdel sait que le réalisateur prépare un nouveau projet dont le sujet est la magie. Ce « Tati n°4 » fini par s’intituler L’illusionniste. Tati demande un temps d’apprendre quelques tours de magie dans l’idée d’interpréter le rôle titre, mais celui çi abandonne l’idée et indique à Pierdel qu’il sera la prochaine vedette de son film. Il va sans dire que plus les années passèrent et plus le projet s’éloigna d’une hypothétique réalisation, jusqu’à finir dans un carton.

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Tati dans Playtime en 1967.

Sylvain Chomet, s’est emparé de ce conte mélancolique, de cette histoire simple et belle qu’il a transposé dans son Ecosse d’adoption. Le personnage principal de cette histoire porte les traits de Jacques Tati. Un taiseux lunaire à la Hulot.

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« L’illusionniste est plus Jacques Tatischeff que Monsieur Hulot. Il est habillé avec élégance comme l’était Tati dans la vie. La tête qui part, le corps qui ne suit pas, ou l’inverse… Je le vois comme une espèce de poule géante. » S.Chomet

La fin d’une époque

À la fin des années 1950, une révolution agite l’univers du music-hall avec l’arrivée du Rock. Très vite, les numéros traditionnels sont jugés démodés. Acrobates, jongleurs, ventriloques et magiciens constatent alors violemment qu’ils appartiennent désormais à une catégorie d’artistes en voie de disparition.

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Chomet conte l’exode de son personnage principal. Les propositions de contrats se faisant de plus en plus rares, le héros de l’illusionniste est contraint de quitter les grandes salles parisiennes et part avec son lapin tenter sa chance à Londres. Mais la situation est la même au Royaume-Uni : il se résigne alors à se produire dans des petits théâtres, des garden-party, des cafés, puis dans le pub d’un village de la côte ouest de l’Écosse, où il rencontre Alice…

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Une fois son contrat terminé, l’illusionniste va tenter sa chance dans la capitale écossaise d’Edinburgh. Il se rend compte que la jeune fille la suivit et font alors ménage à deux. Le travail y est encore plus sommaire qu’ailleurs et l’illusionniste est contrait d’accepter d’autres jobs comme de travailler de nuit dans un garage ou de se produire dans les vitrines d’un grand magasin pour vanter des dessous féminins ! Rabaissé, touché dans son amour propre, à l’image de ces autres artistes qui n’ont plus de travail et finissent à la rue, Tatischeff se résilie à quitter l’Ecosse et à abandonner Alice aux « délices » diaboliques de la société de consommation naissante.

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« Ce monde du music-hall qui disparaît et que l’on dit perdu au moment où le rock émerge, nous l’évoquons avec une technologie dont certains prédisent la disparition : le dessin à la main. Mais les choses changent, elles ne disparaissent jamais complètement. » S.Chomet

Un conte grave et délicat

L’illusionniste est avant tout un conte pour adulte. Un drame sur la filiation qui évoque la fin d’une époque et le début d’une autre, le passage de l’adolescence à l’âge adulte, de l’innocence à la raison et de l’espoir à la résiliation.

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Le scénario de Tati s’avère autobiographique puisqu’il raconte la gravité de la solitude et des doutes de l’artiste face à un public qui change de génération et de goût. Jacques Tati connu semblables émotions quand il mit en route son chef-d’œuvre Playtime qui l’amena au bord de la ruine.

Loin de tout effets spectaculaires, L’illusionniste conte la rencontre entre deux êtres que tout sépare. Le vieux magicien français est en fin de carrière et appartient à la vieille génération, tandis qu’Alice est une jeune adolescente écossaise innocente, attirée par les lumières de la ville moderne. De ce choc des générations, Chomet orchestre son film en micro événements. A première vue, rien ne se passe et l’ennui peut guetter le spectateur. Mais dès que l’on y regarde de plus prêt, le cinéaste organise sa trame dramatique à l’intérieur de chaque plan qu’il compose comme un orfèvre. Car l’action est là, à l’intérieur des saynètes minutieusement organisées comme une pièce de théâtre. La précision des gestes, des gags et la finesse des caricatures font des miracles. Chomet distille son art comme un illusionniste, d’une manière invisible mais terriblement élégante pour qui sait le voir !

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« La caméra ne bouge pas et reste en plan large comme dans les films de Tati, un peu éloignée, un peu comme si on regardait une scène. On voit les personnages des pieds à la tête. » S.Chomet

Les changements imperceptibles qui vont s’opérer pour les deux protagonistes sont le reflet du cadre dans lequel ils évoluent. En choisissant les paysages d’Ecosse et la ville d’Edinburgh, Chomet a inscrit son film dans un espace temps empreint de magie où les choses ne semblent pas être ce qu’elles sont, où les décors apparaissent comme des choses-trappes.

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La ville d’Edinburgh offre, elle-même, un double visage : une partie ancienne, The Old Town qui montre les traces d’un passé glorieux dont le château en est le symbole et une ville nouvelle néoclassique, qui abrite des magasins de shopping. Le voisinage de ces deux ensembles urbains confère au film l’opposition entre le monde passé et le monde à venir, entre la tradition et la modernité.

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« L’Ecosse est un pays magique. La lumière y change constamment. Je voulais qu’il y ait une étrangeté dans le film, la sensation du temps qui passe… » S.Chomet

Chomet maîtrise également l’art du caricaturiste. La capacité de saisir en deux coups de crayon la spécificité d’un personnage. Tous ses seconds rôles sont formidablement bien croqués : la chanteuse de cabaret façon Cruella d’enfer, l’ami écossai porté sur la bouteille, le clown suicidaire, le ventriloque schizophrène, ou le trio d’acrobates façon Rodriguez.

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L’illusionniste est quasiment muet comme l’était Les triplettes de Belleville. Les images sont plus fortes que les dialogues à l’image du cinéma muet ayant tout inventé avant l’arrivé du parlant. Chomet croit à la force primitive des images dont le cinéma de Jacques Tati est le reflet. Comme chez l’auteur de Playtime, Chomet mise sur la précision du trait, à la limite de la caricature. Il construit des saynètes tragi-comiques qui renvoient à l’univers burlesque de Tati et fait de la bande-son le moteur de l’action.

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« C’est un film musical dont j’ai écrit les morceaux. Et comme les personnages ne se comprennent pas, on tente d’expliquer leurs émotions avec la musique qui devient leur langage. » S.Chomet

La fin des illusions

L’illusionniste est triste, beau et mélancolique. Pudique dans sa façon d’aborder les sentiments, et réaliste dans sa façon de dépeindre un monde qui va bientôt disparaître. Une œuvre douce-amère qui fait le deuil du monde de l’enfance et de ses illusions. Après tout, les magiciens n’existent pas. Peut-être que la vraie magie se cache dans la relation que l’on entretient avec les autres : savoir partager un moment privilégié, fut-il éphémère ?

A voir :
– DVD L’illusionniste de Sylvain Chomet (Pathé Distribution, 2010).

A lire :
– Jacques Tati par Michel Chion (Editions Cahiers du cinéma, 1987).
– Jacques Tati par Jean-Philippe Guérand. Sa vie et sa carrière (Editions Gallimard, 2007).
– La magie du petit homme vert d’André Pierdel. Chapitres 1, 2, 4 et 6 concernant sa collaboration avec Jacques Tati (Auto édition, 2009).

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