8ème journée française d’histoire de la Magie.
Dans une ambiance de tripot clandestin, cette nouvelle journée placée sous le signe des arnaques en tous genres, a été pensée de façon ludique et théâtrale. La présentation étant confiée à la compagnie du Scarabée Jaune : Eve, Jack et Rodolpho, qui jouent successivement les présentateurs, bonimenteurs et chauffeurs de salle.
Rodolpho a pour mission de chauffer la salle. Il compare le public du théâtre à celui du cinéma, explique le concept du rire, épelle les lettres O, A et I avec la salle, mesure les applaudissements, etc.
Jack et Eve entrent en scène pour présenter le thème de cette journée et expliquer à quoi serviront les (faux) billets distribués à l’accueil. De l’argent que le public devra faire fructifier à la pause en jouant à différents jeux proposés dans le hall du théâtre… Le couple présente succinctement le premier intervenant en la personne de Jean Régil, spécialiste de la grande illusion, qui va nous parler des escroqueries de foire.
TRICHE ET ARNAQUES
1- Les arnaques de foire par Jean REGIL
Jean Régil, véritable encyclopédie de la magie, nous propose un voyage dans les arnaques de foire qui peuvent être exploitées par les magiciens dans les centres commerciaux. Pour cela, rien de mieux que de nous montrer en vidéo ces jeux avec comme support les émissions de la BBC de Paul Daniels nommées The Bunko Booth. Avertissement du magicien : « Ne jouez pas dans les foires car on se fait toujours avoir ! »
Le premier extrait vidéo nous montre une quille surmontée d’une boule suspendue par un fil. Le but du jeu est de faire tomber la quille au deuxième coup, lors du retour de la boule. Le magicien montre qu’il y arrive. Quand vient le tour du spectateur, bien entendu, il n’y arrive pas et se fait soutirer de l’argent.
Le magicien facilite les choses en remplaçant la quille par une autre beaucoup plus épaisse sur le dessus et la boule suspendue plus grosse. De l’argent est remis en jeu mais le spectateur perd une nouvelle fois. Ici le principe utilisé est très subtil et repose sur une ficelle plus longue et une table qui s’incline progressivement.
Deuxième extrait vidéo avec le jeu des six palets, encore présenté dans certaines foires. Ici, le principe est simple : il faut recouvrir entièrement un cercle avec six palets sans que ceux-ci ne dépassent. Jean Régil nous montre la méthode à l’aide d’un tutoriel repris sur Internet, méthode qui consiste à « viser » les points d’intersection.
Troisième extrait vidéo avec le jeu du « faites comme moi » à l’aide de 10 cartes jumbo. Cinq cartes sont distribuées pour le magicien et cinq pour le spectateur. Le magicien parie que le spectateur va perdre en misant de l’argent. Le spectateur suit les instructions du magicien et place les cartes comme lui : face en bas, retournées, etc. Résultat : les cartes n’ont pas la même configuration et le spectateur perd. L’opération est recommencée plusieurs fois et la mise est relancée. A la troisième fois, les jeux sont échangés et le spectateur gagne enfin. A la quatrième fois, il perd tout ! Régil nous explique le principe avec l’ajout d’une carte spéciale.
Quatrième extrait vidéo avec l’anneau que l’on doit lancer sur un plot en forme de maison. Disposé à l’endroit (toit vers le haut), l’anneau ne pourra jamais entrer, alors que de l’autre côté si. Ce principe est encore en activité dans certains stands de fêtes foraines.
Cinquième extrait vidéo avec les 6 ronds de bière. Le magicien distribue deux tas de billets et présente 6 sous bock dont un avec une pastille rouge dessous (celui qu’il ne faut pas perdre : le rond « différent »). Il est mélangé avec les cinq autres. Si le spectateur tombe sur la pastille, il perd (une chance sur six, c’est raisonnable !) Et bien sûr, celui-ci perd. Il a une deuxième chance avec les sous bock disposés un à un en cercle mais il perd de nouveau. Troisième chance avec le pactole entier pour mise : le spectateur tombe sur un sous bock vierge ! Il semble avoir gagné, mais le magicien lui affirme le contraire en lui disant qu’il a tiré le rond « différent », celui qui ne possède pas de pastille alors que tous les autres en sont munis ! (révélation des 5 autres ronds avec une pastille rouge dessus).
Sixième extrait vidéo avec une série de paris dans des bars. Paul Daniels voit défiler plusieurs spectateurs devant lui en leur proposant des paris différents à la chaîne :
– Deux boîtes d’allumettes mises l’une dessus l’autre à écraser d’un seul coup de poing.
– Soulever un verre avec une pièce
– Repositionner l’ouverture de trois verres en l’air avec des mouvements à respecter
– Soulever une bouteille à l’aide d’une paille
– Trois marques sont dessinée sur un côté d’une allumette en papier. Il faut deviner sur quel côté ça va tomber après que le magicien ait lancé l’objet.
– Tenir un bout de papier 5 secondes alors qu’il est en feu.
Inutile de dire que tous les spectateurs ont perdu…
Septième extrait vidéo avec les 5 enveloppes. Parmi elles se trouvent deux billets pour assister à un spectacle à la date de son choix. Chaque fois que le spectateur choisit une enveloppe, il donne un billet de banque au magicien. Son boulot est d’empêcher le spectateur de gagner et c’est le cas car celui-ci tire successivement les quatre enveloppes vides ! La cinquième contient les fameux billets avec la date choisie par le spectateur au début (gag du tampon).
Pour finir son intervention, Jean Régil nous présente une arnaque qu’il a reconstitué pour nous et qu’il va nous présenter en live : « Misez 1 cent et gagnez 500€ ! »
Une structure sur pied nous présente six cibles carrées surmontées de pinces. Des lettres sont cachées par un clapet dans la partie basse. Une prédiction en forme d’instruction est présentée sur une chaise. Le magicien demande à un spectateur de lui donner un chiffre et de placer lui-même le billet de 20€. Un autre chiffre est choisi et un deuxième billet est placé. Le spectateur place ensuite les autres billets ou il veut.
C’est le moment de la révélation de l’ordre secret des lettres cachées de A à F. les instructions sont suivies par le spectateur qui échange certains billets et les redonne, malgré lui, au fur et à mesure au magicien. Il finit par garder son centime !
Le principe est basé sur le placement du billet de 20€ au départ sur un nombre impair. Au contraire de faire perdre le spectateur, on peut lui faire gagner un lot intéressant comme un bon d’achat dans un magasin si il s’agit d’une animation commerciale. On peut adopter une présentation du style : « je suis magicien et je vais vous hypnotiser pour vous faire gagner… »
Régil finit par une projection d’un clip en hommage à Paul Daniels où l’on voit des numéros sur le thème du cirque, un numéro, de transformisme de 4 secondes, le tour avec un singe et un chameau, une séquence grimée en Fred Astaire avec comme partenaire Judy Garland, une grande illusion avec une carte géante qui sort du toit d’une maison, etc.
2- Surprise de Gaëtan BLOOM
Arrivé le matin même sur Paris, l’ami Bloom, fidèle défenseur du JMMHD depuis le début, nous fait la surprise d’une intervention sur le thème des arnaques de foire en complément de Jean Régil. Il nous présente donc un appareil existant qu’il a reconstruit et modifié pour les besoins de sa nouvelle conférence. Une arnaque tirée du livre The Bunco Book de Walter B. Gibson (Philadelphia, 1927), traitant de toutes les arnaques et tricheries des fêtes foraines.
L’appareil en question est une boîte constituée d’un quadrillage à clous dans laquelle viennent tomber des billes. Celles-ci tombent dans des cases numérotées. Suivant le résultat pair ou impair, le participant gagne ou non des lots.
Trois billes sont lancées en même temps et le résultat est toujours impair pour faire perdre le badaud. On peut aussi le faire gagner en « contrôlant » le chemin (en tordant certains clous).
Gaëtan Bloom a ajouté une subtilité supplémentaire en utilisant des clous sans tête, peints en noir, ce qui rend le cheminement des billes plus naturel.
Avant de passer à la suite, Claude De Piante fait gagner un billet de jeu en posant une énigme : « Sans lui, Paris est pris ».
3- Petit historique des arnaques par Didier MORAX
Tout d’abord il est important de connaître la différence entre le jeu et l’escroquerie. Le jeu est vieux comme le monde. Quand il s’accompagne de rabatteurs de comparses, de manipulations, il est considéré comme une escroquerie.
Depuis très longtemps le filou aux jeux est appelé « Grec ». Ainsi Ange Goudar, aventurier et littérateur français du 18ème siècle a écrit en 1757 : L’histoire des grecs ou de ceux qui corrigent la fortune au jeu. Dans cet ouvrage il dévoile sous un mode satirique et plaisant, les arcanes de « l’ordre des Grecs », autrement dit : « les tricheurs. »
Tricheur lui-même (il tenait un tripot à Naples où il rencontra Casanova), il y décrit une sorte de contre-société, réglementée et hiérarchisée, qui rassemblerait en son sein l’ensemble des tricheurs vivant du jeu. Il en dresse même la typologie, qui comporte 25 branches, et les dote de règlements qui parodient les Constitutions maçonniques d’Anderson, parues en 1723 (cf. E. Belmas, Jouer autrefois : essai sur le jeu en France.)
En 1764 Gabriel Mailhol publie : Le philosophe nègre et les secrets des grecs.
Quelques décennies plus tard, en 1861, Jean Eugène Robert-Houdin publie : L’art de gagner à tous les jeux : tricheries des grecs dévoilées. Ce livre est une mine d’or pour tous ceux qui s’intéressent aux techniques de triche. Les éditions postérieures à 1861 contiennent des chapitres absents dans la première édition. A la fin de l’ouvrage Robert-Houdin donne graduellement des situations de triche au jeu et demande au lecteur de fixer lui-même la limite entre probité et tricherie. Il a eu le soin d’appeler ce chapitre « Petites tricheries des gens du monde, innocentées par l’usage ». Le seul reproche de ma part, c’est qu’il semble convenir que la morale des gens du monde aurait le droit à quelques écarts. Il est loin le temps où il était jeune apprenti dans l’atelier du cousin Robert.
La revue L’Intermédiaire des chercheurs et curieux de 1892 propose un article sous le titre Apoulos et les grecs. On y apprend que l’appellation « grec » pour désigner un tricheur, pourrait avoir, en partie, pour origine le grec d’origine Théodore Apoulos. Ce personnage, viveur du temps de Louis XIV, a été pris en flagrant délit de triche avec un jeu de cartes préparées dans sa manche, lors d’une partie de Lansquenet engagée chez le maréchal de Villeroy. Il a été condamné à 20 ans de galères. De ce fait serait née l’appellation de « Grecs » appliquée aux tricheurs. Il semble difficile d’admettre que pour le seul Apoulos indélicat, l’idée soit venue d’appliquer à tout un peuple une injure aussi blessante. Toutes réserves faites quant à l’authenticité de l’anecdote dont le Grec Apoulos aurait été le héros, il ne parait pas impossible que la qualification de grec, infligée aux flibustiers du tapis vert, ait eu un fait particulier pour origine.
Un cas isolé ne suffirait pas, il est vrai, pour que le nom d’un peuple estimé jusqu’alors pût, du jour au lendemain, prendre une signification injurieuse. Mais si ce peuple était déjà mal famé, si de tout temps, à tort ou à raison, il avait été accusé de se rire des engagements les plus sacrés et de manquer absolument de sens moral, il y aurait moins à s’étonner que l’on vit dans un acte d’indélicatesse commis par un de ses représentants la manifestation, sous une forme spéciale, du caractère général de la race. De là à emprunter le nom même de cette race pour flétrir les auteurs, à quelque nationalité qu’ils appartiennent, d’un méfait du même genre, il n’y a que la haine.
Malheureusement pour le peuple grec, il se trouve dans toutes les conditions voulues pour que cette observation lui soit applicable. L’inclination au vol, au parjure, à tous les genres de fraude et de perfidie, était considérée comme un vice endémique chez les anciens Hellènes; les auteurs classiques ne tarissent pas sur ce chapitre.
Ecouter Polybe, un Grec, pourtant, et non des moindres : « Pour ne rien dire du reste, si vous prêtez à des Grecs un talent avec la garantie de dix reconnaissances écrites, de dix cachets et du double de témoins, il est impossible qu’ils gardent leur foi. »
Cicéron ne leur est pas plus tendre. Voici comment il s’exprime sur leur compte : « Aucun marchand ne se serait risqué à leur vendre à crédit. »
Plaute fait dire à une vieille courtisane qui pleure misère pour extorquer quelques écus à l’amant de sa fille « donnant, donnant, ou pas d’affaires. »
Selon Juvénal, une des plus regrettables félicités de l’Age d’or était que les Grecs n’avaient pas encore appris à se parjurer. Il exécrait, dit-il, cette engeance, et une bonne partie de sa troisième satire n’est qu’un réquisitoire virulent contre la mauvaise foi, l’astuce et la rapacité des aigrefins qui, de tous les points de la Grèce, fondaient sur Rome comme sur une proie (Engeance : Catégorie de personnes jugées méprisables) : « Je veux croire que les Grecs modernes, quelque peu amendés au contact des Turcs, dont la loyauté en affaires est connue, savent mieux distinguer le tien et le mien que ne le faisaient leurs glorieux ancêtres ; je ne puis m’empêcher de regretter, pourtant, qu’aujourd’hui encore, si l’on en croit les mauvaises langues, le métier de Klephte (voleur) soit chez eux un titre à la considération publique. »
En 1863 Alfred de Caston publie Les tricheurs. Cet homme, polytechnicien, faiseur de tours de cartes, professeur de mnémotechnie, illusionniste, voyageur, écrivain est aussi conférencier. Je pense, qu’il a eu une forte implication avec Robert-Houdin lors de l’écriture de : L’art de gagner à tous les jeux : tricheries des grecs dévoilées. Il a voyagé de par le monde et observé de nombreux cercles de jeux. En apportant quelques modifications concernant, les erreurs d’impression, de dates, ainsi que l’actualisation de certains mots, et de sombres coupures, je vais lui emprunter cet historique des tricheurs qui a la particularité d’être complet et concis sans être trop long. Cela va me permettre de respecter le temps trop court qui m’est imparti.
Dans cet ouvrage de Caston fait une énumération des tricheries de la vie ordinaire, tricheries économiques, politiques, sociales, professionnelles en précisant que ces tricheurs n’ont en général pour juges que leur conscience ou l’opinion publique. Puis il s’occupe des tricheurs, ceux qui volent au jeu, qui lorsqu’ils sont pris ont à rendre compte de leur conduite devant la police criminelle, parfois même en cour d’assises. Il qualifie ces tricheurs de fripons alors que c’est avec beaucoup trop de politesse qu’on les nomme grecs et philanthropes.
Il raconte que les cartes existent depuis les temps les plus reculés, et qu’elles ne servaient pas à jouer mais à tirer les horoscopes. Ces cartes on les trouve dans les premiers empires d’Assyrie, puis en Perse et plus tard en Macédoine. Après avoir complètement disparues au début de l’ère chrétienne, elles réapparaissent huit siècles plus tard dans le midi de la France et en Espagne lors des invasions des Sarrasins et de la conquête des Espagne par les Maures.
Alfred de Caston nous parle en ces termes des premiers tricheurs français : « Ce sont les dés en main, jouant le plus haut point ou le passe dix, que nous voyons apparaître en France les premiers tricheurs, se servant déjà de dés creusés ou pipés, qui lancés d’une certaine façon devaient forcément amener les points désirés par le pipeur. »
Autres temps autres tricheurs. Sous Henri IV, chacun s’occupa de rétablir sa fortune, comme le bon Roi s’occupait de son mieux à consolider la fortune de la France en lui rendant l’ordre à l’intérieur, c’est à dire la liberté et la force ; la gloire à l’extérieur c’est à dire la puissance et le respect des nations. On joua donc peu sous ce règne. Après l’assassinat d’Henri IV, par Ravaillac en 1610 nous voyons refleurir les jeux et réapparaitre les tricheurs
Sous la régence de la Reine Marie de Médicis et le commencement du régime de Louis XIII, les Concini avaient amené avec eux les italiens, tous plus joueurs les uns que les autres mais ils trouvèrent à qui parler dans notre belle capitale, et le palais du Luxembourg, que l’on venait de commencer servit bientôt de rendez-vous aux joueurs et de point de mire pour les tricheurs.
Après la mort tragique de Concini, assassiné sur ordre du roi, et pendant les premières années de sa toute puissance, le cardinal de Richelieu lança quelques édits sévères contre les jeux et deux ou trois tricheurs et pipeurs furent envoyés ramer sur les galères du roi Louis XIII.
A partir de 1661, la France n’a plus qu’un seul maître (Louis XIV) qui jeune, brave, avide de gloire et de triomphes, emmène à sa suite la noblesse de France à la conquête de la Franche-Comté espagnole, sur les bords du Rhin et dans les Pays-Bas. Toutes les forces vives de la nation sont occupées, et les Tricheurs ne se trouvent plus que parmi les soudards et les racoleurs. Il n’est malheureusement pas ainsi de la seconde partie du grand règne, et nous les voyons reparaître de nouveau plus effrontés et plus nombreux que jamais.
Il faut dire aussi que la création des hôtels de Soissons et de Gêsvres, où des jeux publics furent installés, leur servit de lieux de rendez-vous. Les Tricheurs s’organisèrent, s’enrégimentèrent, et les grades furent donnés aux plus habiles, aux plus hardis. Malheur au joueur innocent qui venait tenter la veine au Lansquenet, au pharaon, au quadrille ou au piquet ; les mémoires du temps nous disent avec quelle dextérité les Tricheurs de cette époque vous soulageaient du poids d’une bourse trop bien garnie.
C’est vers 1686 qu’apparût Théodore Apoulos, Grec dont nous avons parlé précédemment. Condamné aux galères, l’on n’entendit plus parler de lui. Son complice, Louis Dubosc, après avoir passé quelque temps dans les prisons, réapparait en 1719. Au temps de Law, au moment de la fièvre de spéculation sur les actions du Mississipi et la monnaie papier, il alla s’installer rue Quincampoix. Il joua, ou plutôt fit jouer sur les valeurs, et devint un nouveau riche, ce qu’on appelait alors, et même aujourd’hui, un « honnête homme »
Vers 1855, les « grecs » ont pris le titre de « Philosophes », pour indiquer un de leur confrère exploitant ses petits talents de société à Vichy ou à Biarritz. Sous la Régence, les Tricheurs dirigèrent leurs efforts vers les jeux de Bourse.
Pendant le règne de Louis XV, les Tricheurs devinrent si nombreux, les scandales si fréquents, qu’un tollé général s’éleva contre eux, des premiers aux derniers degrés de l’échelle sociale. La Cour, le Parlement, la justice s’émurent ; les hôtels de Soissons et de Gêsvres furent fermés et Louis XV renouvela les anciennes ordonnances contre les jeux de hasard.
L’ouvrage intitulé L’antidote ou le contrepoison du Chevalier d’industrie est édité. Il se présente sous la forme d’un échange de correspondance entre un Vénitien, parfaitement initié aux manœuvres des Grecs, et un jeune voyageur absolument ignorant en matière de filouterie. L’enseignement prodigué à distance par le Vénitien n’a pas pour objectif de détourner son ami du jeu, mais au contraire de lui permettre de déjouer les pièges des banquiers : la morale consiste pour l’auteur à rétablir la vérité et l’authenticité du contrat de jeu, en permettant aux fils de famille de récupérer leur fortune injustement perdue. Les hôtels fermés, tout contrôle disparu, les tripots clandestins s’ouvrirent ; telle fut leur origine.
De temps en temps la justice en fermait un, il s’en rouvrait dix. Sous Louis XVI, la juste sévérité de quelques jugements eut pour résultat d’effrayer les Tricheurs de profession et de reverser le trop plein de Paris sur la province ; c’est un cadeau dont elle se fût sans doute bien passée.
La République arriva, l’on joua peu. Le gouvernement révolutionnaire était ombrageux et n’aimait pas les réunions particulières. De plus, l’argent devenait rare, la République en avait besoin pour fournir du fer et du pain à ses soldats. La patrie avait été déclarée en danger, l’honneur de la France s’était réfugié sous nos glorieux drapeaux, et les Tricheurs ont toujours été aussi peu nombreux que mal vus dans nos camps militaires.
Plus tard, l’Etat, en pénurie d’argent, réglementa le mal en le surveillant, et le Consulat et l’Empire firent les grands jours de Frascati et des maisons du Palais-Royal. Nos héros n’étaient pas toujours des plus endurants, et les Tricheurs s’exposèrent peu à tromper des hommes qui, au moindre doute, leur offraient de terminer la partie à coups de sabre. L’Empereur, mal conseillé, n’osa appeler à lui toutes les forces de la nation. Après une campagne héroïque, notre armée succomba, écrasée sous une formidable coalition.
La France était envahie. Les Tricheurs reparurent avec les mauvais jours, et les brillants officiers russes, anglais, autrichiens, prussiens, etc., payèrent souvent fort cher l’amitié des misérables qui allaient fêter les ennemis de leur pays.
La Restauration et le règne du malheureux Charles X eurent chacun quelques procès assez scandaleux. Outre les nombreux procès liés aux attentats et complots, il y eut le scandale d’un officier d’ordonnance chassé de Chantilly pour avoir triché au jeu. Hélas ! Les Tricheurs ne sont pas tous nés au coin d’une borne, et il en est beaucoup qui ont un père, une mère, des sœurs fort honorables. C’est sous le règne de Louis-Philippe, en 1837, que les maisons de jeu où se jouaient le « trente et quarante » et la « roulette » furent fermées. Ce fut une grande faute commise avec les meilleures intentions du monde.
Certainement si, en supprimant les maisons de Palais-Royal, l’on avait pu éteindre la passion du jeu dans le cœur de l’homme, c’eût été parfait . Mais il ne pouvait en être ainsi : les passions sont parties intégrantes de l’espèce humaine ; on peut les diriger, les réglementer ; les faire disparaître, jamais. L’on jouait honnêtement, argent comptant, sans scrupule contre un être collectif ; l’on joue en catimini, sans contrôle, et le joueur est toujours à la merci du premier fripon venu. Les maisons de jeu rapportaient de gros revenus à l’Etat ; en les fermant, il a fallu créer de nouveaux impôts.
Les étrangers venaient en foule à Paris ; l’argent du jeu faisait aller le commerce de luxe, si important pour notre capitale. Aujourd’hui, notre argent passe la frontière ; nous avons donné un vice à l’Allemagne, corrompu le cœur des blondes et candides filles des bords du Rhin, sans nous rendre plus vertueux. Des villes nouvelles se sont créées à nos portes ; nos villes thermales sont dans des conditions d’infériorité forcée et ne peuvent lutter contre leurs brillantes rivales allemandes.
Paris ne possède ni un joueur, ni une fille, ni un Tricheur de moins qu’en 1836 ; un gros scandale de temps en temps, voilà tout ce que nous avons gagné à cette suppression. Depuis 1837, les Tricheurs n’ont fait que croitre et multiplier.
Oublions de Caston et sa rétrospective historique sur les tricheurs. Jetons un œil autour de nous et constatons que filouterie et religion ont aussi fait de bons mariages. Dans la religion catholique, on peut devenir saint et avoir été tricheur. Ainsi le duc de Villeroy, apprenant la canonisation de St François de Sales qu’il avait beaucoup connu, remarqua : « J’ai été ravi d’apprendre que M. de Sales est saint ; il aimait à dire des gaudrioles et trichait au jeu ; à part cela, c’était un parfait gentilhomme ! »
La filouterie peut parfois utiliser les toutes nouvelles découvertes et technologies qui sont peu connues du quidam ordinaire. Plus récemment certains qualifièrent de filouteries, les interventions d’Uri Geller, avec ses barres et cuillers qui se tordaient. D’autres considéraient qu’il avait trouvé une nouvelle façon commerciale de vendre du spectacle. Les avis vont être partagés d’autant plus qu’il est engagé à la FISM 2015.
Les dés
Venons-en au jeu de dés. Des dés, vieux de 5 000 ans ont été retrouvés au sud de l’Iran. Ils appartenaient à un jeu de backgammon. Les dés apparaissent régulièrement dans la littérature antique et ils semblent tenir une place importante dans le quotidien des hommes, allant de la distraction à l’art divinatoire. Les jeux de dés connurent un véritable succès sous l’Empire Romain. Bien que les jeux d’argent fussent interdits, ils existaient un grand nombre de joueurs professionnels et… de tricheurs !
Des fouilles archéologiques ont permis de retrouver des dés à 20 faces ainsi que des dés pipés… Les tribus germaniques étaient apparemment également friandes de jeux de dés, le sénateur romain Tacite parle même de certains joueurs prêts à mettre leur liberté en jeu une fois dépouillés de leurs biens.
Vers le début du 20ème siècle, Jouer au dès sur le comptoir de certains bars, pouvait entrainer quelques pertes. L’article illustré paru dans le journal Nos Loisirs vers 1905, nous dévoile l’envers du décor de certains bistrots. Les dés d’aujourd’hui peuvent recevoir des équipements très spéciaux tout en gardant un aspect et un comportement presque normal.
Les Joueurs de gobelets
Le jeu de gobelets est apparu 2500 ans avant Jésus Christ. A l’origine c’était un jeu, et progressivement il est devenu un outil pour les arnaqueurs. Deux types de joueurs de gobelets ont émergés : D’abord ceux qui utilisent les gobelets comme amusement pour attirer le public et lui vendre onguent, poudres ou, potions destinées à améliorer son bien-être, tout en préparant le terrain pour les tire-laines et malandrins, et ensuite ceux qui utilisent les gobelets pour organiser des jeux d’argent. Les gobelets pouvaient avoir la forme que nous leurs connaissons, mais ils pouvaient avoir l’apparence de clochettes, de quilles ou de calots.
Le Républicain de la Loire du 17 septembre 1880 nous parle d’une variante des gobelets utilisée par les arnaqueurs. En Angleterre il y a majoritairement des jeux avec des coquilles de noix (thimble) ou des dés à coudre. De nombreuses illustrations existent. Abordons le bonneteau ou jeu des « 3 brêmes », avec un dessin de Georges Méliès. A l’origine le bonneteur était un homme obséquieux qui donnait à droite et à gauche des coups de bonnet, à tout propos. Depuis longtemps toute idée de politesse doit être proscrite !
Intéressons-nous à l’ouvrage Paris Escarpe. Charles Virmaitre y a écrit :
« Ce fut le célèbre Corberon qui inventa le bonneteau qu’on nommait alors sur le préau de la Foire, le birlibi. Le jeu de bonneteau est un vol qui se nomme de trois manières le flancheur, la markouse, le bonneteur. Pour le jouer on retire habituellement d’un jeu de cartes l’as de cœur, l’as de pique et le roi de trèfle. Le bonneteur opère habituellement dans les fêtes des environs de Paris, dans les chemins de fer, sur les champs de courses et autres lieux publics. Dans une fête publique, le bonneteur installe une petite table en forme d’X et attire le monde par ses boniments. Les premiers individus qui l’entourent sont toujours des compères, des engayeurs (cette expression ne figure dans aucun dictionnaire d’argot).
Lorsque le teneur ou bonneteur se voit assez entouré, il étale sur la table les trois cartes qu’il a légèrement courbées en forme de tuile il les montre au public, puis les fait passer et repasser avec une grande dextérité. Quand il a répété plusieurs fois ce manège qu’il accompagne toujours d’un langage verbeux, il met les personnes qui l’environnent au défi d’indiquer où se trouve le roi de trèfle. Les paris s’engagent. Les cartes sont de nouveau manipulées et posées, puis un parieur, l’engayeur, devine la carte. Alors le bonneteur se déclare vaincu et rembourse les paris. C’est ce qu’en argot de jeu ils appellent faire un vanne; de là sans doute l’expression qui sert à désigner celui qui a tout perdu ; il est vanné.
Le bonneteur change alors de procédé. Après différentes passes sans importance, il corne deux de ses trois cartes parmi lesquelles le roi de trèfle qu’il affecte de laisser voir avant de l’avoir mêlé avec les deux autres. Les parieurs ne s’aperçoivent en aucune façon de la supercherie, car ils n’ont vu qu’une carte cornée et pour eux c’est une inadvertance. Voici où est le vol, Le bonneteur décorne lentement la carte qu’il a laissé voir, et lui substitue la seconde, qu’il a également cornée. Le tour est joué. »
Pour illustrer les joueurs de gobelets « filous », et la technique des bonneteurs nous allons regarder un extrait du film Le Bâtard de Dieu (1992), de Christian Fechner, ce sera en même temps un clin d’œil à Jean Merlin, l’initiateur de ce Merlin Magic History Day qui apparaît dans le film, cette séquence sera suivie par un extrait de Monsieur la souris (Georges Lacombe, 1942) et pour finir nous visionnerons la scène des bonneteurs dans Le Gentleman d’Epsom (Gilles Grangier, 1962).
Revenons à l’ouvrage de de Caston, les tricheurs, pour découvrir la fabuleuse histoire de Garcia vers 1860.
Les cartes sont taroquées à l’avance. Le premier gros point en partant du haut de la carte, à gauche, représentera du cœur, le second du carreau, le troisième du trèfle, le quatrième du pique. En descendant à gauche de la carte, en partant du haut, le premier point représentera l’as de cœur, le second le roi de cœur, le troisième la dame de cœur, et ainsi de suite jusqu’au sept de la même couleur. Il est entendu que c’est à l’aide d’un seul point. Ce taroquage se fait également sur des cartes blanches avec une aiguille très fine. Il faut pour cela dédoubler la carte et faire un point imperceptible dans la même division que celle indiquée plus haut. Un procès qui eut un grand retentissement à Paris, il y a quelques années, mit en lumière un taroqueur célèbre, Garcia. Ce fut, je crois, l’inventeur du procédé.
Voici comment il opéra. Il acheta une prodigieuse quantité de cartes. Il se retira à la campagne et, pendant plusieurs années, il se livra à un travail véritablement surhumain. Il taroqua chaque carte du jeu. Quand il eut terminé, il se rendit à Saint Nazaire et fit embarquer sur un voilier sa cargaison de cartes. Le navire devait partir le 30. Le 20, il s’embarqua sur un paquebot à vapeur qui, nécessairement, arriva à Mexico bien longtemps avant le voilier. Une fois à Mexico, Garcia fit acheter par des émissaires toutes les cartes de la ville et les brûla. Grand émoi à Mexico, où le jeu est considéré comme une des nécessités de l’existence. La disparition était commentée dans les salons, dans les hôtels, dans les rues. C’était presque un deuil public. A « Mon royaume pour un cheval » était dépassé de cent coudées par » Ma vie pour un jeu de cartes » disaient les Mexicains. Un jour le bruit se répandit, plus prompt que le feu enflammant une traînée de poudre, qu’une voile était signalée au large et que ce navire apportait une cargaison de cartes. C’était le navire de Garcia.
A peine ancré en rade, le navire fut pris d’assaut par des gens qui achetèrent les cartes à des prix fabuleux. On joua nécessairement avec plus de fureur que jamais. Garcia mit alors à exécution la seconde partie de sa diabolique combinaison. Chaque fois qu’il s’asseyait à une table de jeu, dans un salon ou dans un cercle, il gagnait invariablement tous les joueurs et, chose particulière, cette veine persistante ne donna l’éveil à personne, tant le joueur était pénétré de sa perspicacité. Quand Garcia eut réalisé une somme importante, il revint en France où il se fit prendre en flagrant délit chez une cocotte célèbre.
Les bonneteurs
Dans cette rétrospective il m’a semblé intéressant de vous faire découvrir comment les bonneteurs s’organisaient professionnellement
En 1892 parue La société des Bonneteurs dans Le Journal du Loiret. Pour terminer le monde est renversé quand on lit Le Journal du Loiret du 5 janvier 1890 : Un bonneteur volé par un policier :
Le gardien de la paix Carpentier, inspecteur de poste, attaché en cette qualité au commissariat de Saint-Ouen, avait, il faut en convenir une bien détestable habitude :
celle de dévaliser les gens qu’il arrêtait. C’est ainsi que récemment, un nommé Blondeau, bonneteur, pris en flagrant délit sur le champ de courses de Saint-Ouen, et amené au commissariat, était volé par Carpentier de sa montre et de sa chaîne, estimés 350 francs.
Carpentier, au lieu de placer ces objets sous scellé, avait trouvé plus pratique de les garder pour lui. Ce n’est d’ ailleurs pas la première indélicatesse reprochée à cet agent modèle, qui , grâce à cette industrie, sans doute, avait fait l’ acquisition, sans doute d’ une petite maison, impasse Parmentier, et sur le compte duquel le rapport de police n’en fournissait pas moins gravement ces renseignements : « Très économe, d’une conduite exemplaire, excellent serviteur ! »
Sur les réquisitoires énergiques de Monsieur le substitut Trouard-Riolle, la 10ème chambre, présidée par M. Hepp, a infligé à cet « excellent serviteur », huit mois de prison. Statuant en outre sur les conclusions du bonneteur, partie civile au débat, qui, il y a quelques jours, était frappé de deux mois de prison, le tribunal a condamné Carpentier à lui restituer 350 francs, prix d’achat de la montre et de la chaîne, et à 100 fr.de dommages-intérêts
A la fin de cette intervention je fais appel à Monsieur Méry, tricheur professionnel qui compare le tricheur professionnel et le magicien : Les tricheurs professionnels et les magiciens ont deux points en commun. Ils travaillent avec le même type de matériel (cartes, dés, jetons…) et sont de véritables artistes. Mis à part cela, ils sont opposés en tout point. Les magiciens vivent dans la lumière quand les tricheurs se terrent dans l’ombre. Le magicien s’entraine et se donne en spectacle pour la reconnaissance des spectateurs, la gloire et par voie de conséquence le salaire. Le tricheur s’entraine et se produit secrètement pour lui-même et pour l’argent.
Malgré tout il y a toujours l’exception et chez nous elle a porté le nom de de Gago, éminent magicien qui a opéré au théâtre Robert-Houdin, qui avait la réputation d’exercer ses talents en d’autres circonstances. Méliès a écrit sur lui cette phrase : « Quant aux cartes, on m’a affirmé,
qu’il les maniaient (parfois) un peu trop bien, je n’eus personnellement pas à me plaindre de lui. »
Pour conclure, pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la tricherie, je leur conseille vivement de posséder la Bibliographie des ouvrages de tricheries de Daniel Rhod. Ils trouveront dans ce livre la liste, de la plus grande partie des livres en langue française, relative à ce sujet.
Extrait vidéo d’une pub de la caisse d’épargne utilisant le bonneteau et la scène de la partie de cartes venant du film Marius d’Alexander Korda et Marcel Pagnol (1931).
4- Les boxeurs par James HODGES
James Hodges a fait l’effort de venir malgré des problèmes de santé pour nous présenter « le combat des petits boxeurs », une arnaque présentée sur les boulevards des grandes villes qu’il a vu lorsqu’il avait 10 ans (expliqué dans le Mad Magic N°50-Tricheries malhonnêtes).
Selon lui, l’origine de « ce spectacle » remonte au Moyen Age. Il nous montre une reproduction de deux soldats en train de se battre grâce à des tirages de ficelles, puis nous fait la démonstration avec sa femme Liliane, grâce à des marionnettes qu’il a construite.
En tant que marionnettiste, Hodges a trouvé sa solution et nous explique la mise en place discrète de l’effet des boxeurs présentés en extérieur contre un bâtiment de préférence pour éviter le passage vers le mur. Un demi-cercle est ainsi formé et le public assiste à l’incroyable spectacle. Le bateleur-vendeur s’écriait : « Vous pouvez présenter chez vous ce spectacle pour 10 centimes… »
Jean Merlin précise que ce spectacle se faisait de préférence lors des jours de pluie. Le macadam mouillé cachant le système… James Hodges finit son intervention par une anecdote. Il imitait le chat dans le métro parisien quand il avait 17 ans et les gens cherchaient l’animal partout.
5- Les codes au Poker par François MONTMIREL
François Montmirel est le fondateur de Joker Deluxe, directeur associé de la revue Imagik et organisateur du salon annuel de la magie Week-End Magik dans les années 1990. Expert du poker, il est reconnu comme tel depuis son premier livre, sorti en 1984. Il en a écrit et traduit une trentaine d’autres depuis, dont Poker pour les nuls et Poker Cadillac, son best-seller. Il a été consultant en 2006 pour le film Casino Royale (James Bond). Titulaire de deux titres internationaux, il dispense des cours de poker depuis 2005 et a sans doute été le premier prof de poker français, ce qui l’a conduit à co-fonder l’Ecole Francaise de Poker en 2007. Son blog, Over-Pair.com, est l’un des plus anciens et fait référence en matière de poker francophone. Il est également le créateur des éditions Fantaisium.
Il nous présente un extrait de sa conférence qu’il a dispensé dans le cadre de l’Ecole Française de Poker en 2007, intitulée « Les Tells au Poker » et qui se focalise sur la communication non verbale et la gestuelle dont les joueurs de poker sont des adeptes dans les grands tournois internationaux. Ces Tells sont ces gestes ou manies qu’ont les joueurs de poker quand ils sont sous pression ou, inversement, quand ils cherchent à tromper l’adversaire en lui faisant croire qu’ils sont forts quand ils sont faibles… et vice-versa.
François Montmirel nous présente en introduction son livre Poker Code, comment ils simulent, comment ils manipulent, comment ils se trahissent ? Un grand livre de la gestuelle au poker. Les plus grands champions français s’en sont inspirés. Deux ans de travail, des heures de séances photos entre la France et le Brésil, et beaucoup de patience et de compétence ont été nécessaire à l’auteur pour réaliser ce manuel qui est composé de 400 photos couleur et décortique 159 situations visuelles examinées à la loupe. Posturama : 80 postures de fond ou de demi-fond. Tellorama : 32 séquences de force ou de faiblesse/bluff. Et Manipulorama : 27 manipulations de base ou de pointe. Grâce à un Power point projeté, François Montmirel va décortiquer avec nous les Tells à partir d’exemples photographiés.
Le contexte
– Il y a quatre facteurs clé de décision : les cartes, le tapis, la position et les adversaires.
Les adversaires
– Deux façons de les décrypter : d’après leur jeu (lecture tactique) ou d’après leur gestuelle (Tells)
Postures visuelles
– Posture de crainte (buste en arrière, chaise retournée, croisement des bras, touché de l’oreille, indécision…)
– Posture d’assurance (buste en avant, « ça va chauffer » en avançant sa chaise, regard appuyé en dessous, langue dans la joue, la jupe tirée vers le bas…)
– Posture de mensonge-manipulation active et passive (tour de jeton, architecture de jeton, déstabilisation par l’empiétement du territoire de l’autre, bluffeuse, carte laissée en avant, séquence de force, posture du crapaud, regard inquisiteur, déstabilisation verticale, intimidation par anticipation, intimidation hormonale pour les femmes…)
François Montmirel nous montre un extrait vidéo de la finale du Partouche Poker Tour 2009 où l’on voit tricher Jean-Paul « El Korsico » Pasqualini et son compère Cédric Rossi. Au départ de la compétition, 521 joueurs ayant payés 8000€. Les neuf finalistes gagnants entre 102 000€ et 1000 000€.
Déclaration de Alexandre Dreyfus après la découverte de la vidéo, quatre ans après, en 2013 : « Récemment, des informations ont été rendues publiques à propos d’un incident sujet à de sérieux soupçons de triche, ce qui au poker s’apparente à une fraude. Nous avons passé beaucoup de temps à analyser les faits, à vérifier le bien-fondé des vidéos et de ses sources. Nous avons sollicité le point de vue des 50 premiers joueurs du GPI. Les retours de l’industrie et des joueurs ont été très clairs : ils soutenaient l’idée d’une suspension de Jean-Paul Pasqualini et Cédric Rossi par le Global Poker Index. »
En visionnant très attentivement cette vidéo, on s’aperçoit que les deux joueurs communiquent entre eux par un système de codes établis de la sorte : la tête pour l’as, l’œil pour la dame, le nez pour le valet, le cou pour le 9 ou le 8, le bras pour une petite pair… Depuis les contrôles se sont accentués dans les finales des concours. Technologies HD, caméras, Google glass, écouteurs ou autres faux journalistes, tout est passé au crible.
6- La loterie K7 de Jean MERLIN
En complément de l’arnaque présentée en live par Jean Régil, Jean Merlin nous propose sa version pour scène adaptable en close-up avec un magnétophone et une K7 (qui ne se trompe jamais contrairement à un bloc papier). Il a présenté ce tour mainte fois en supermarché ou pour des concessions automobiles (pour faire gagner une voiture). Il utilise une boîte rectangulaire percée sur le dessus sur laquelle sont présentées les six premières lettres de l’alphabet. Sont disposés ensuite, dans des cônes transparents, la pièce de 1€ du spectateur, 4 autres billets (10, 20, 50, 100) et un chèque de 10 000€
La K7 (face A) est placée dans le magnéto et le spectateur place les cônes dans l’ordre qu’il veut au-dessus des lettres. Le magicien met ensuite en route la K7 et le spectateur suit scrupuleusement les instructions qu’il entend en permutant des cônes suivant les lettres et en rendant ce qui ci trouve au magicien. A la fin de l’opération, il garde ce qui se trouve en D, comme « désillusion », c’est-à-dire sa pièce de 1€ !
Le magicien lui offre une deuxième chance avec 4 cônes, au lieu de 6, qu’il positionne ou il veut. La K7 est une nouvelle fois mise en route avec une seconde prédiction à l’attention du spectateur. A la fin, même constat, le spectateur garde sa pièce, D comme « désolé ». Une troisième chance s’offre au malheureux participant, avec cette fois ci que deux cônes : sa pièce et le chèque, du 50/50. Il va sans dire que cette dernière chance est un échec pour le spectateur. Tout le système est contrôlé par le magicien grâce à une K7 ingénieusement truquée sur son boîtier. L’origine du tour est un principe de Paul Curry, Martin Gardner et Ken Brook : « corriger un hasard qui va de pair à impair. »
En « contrôlant » dès le départ la pièce du spectateur, il suffit ensuite de se laisser guider par la K7 qui distille des mots bien choisis et joue sur des subtilités de temps et de silences avec deux débuts possibles suivant le schéma ACE ou BDE. L’utilisation de la K7 audio est motivée dans l’histoire que Merlin raconte, un objet d’un autre âge remis au goût du jour des technologies actuelles (ce qui serait impossible avec un CD)… Une version avec des tables roulantes peut être présentée en proposant de gagner des appareils types caméra, télévision, lecteur vidéo, etc. Les lettres peuvent être matérialisées au sol.
7- L’histoire des tricheurs en France jusqu’au XXe siècle par Daniel RHOD
Collectionneur épris d’histoire de la magie, magicien discret mais influent, Daniel Rhod est à l’origine de la revue Imagik avec François Montmirel. Auteur de Plus secrets secrets et de Magie Virtuelle, ouvrages rapidement épuisés, il est conseiller artistique de Joker Deluxe. En 1999, il fonde la SIAM (Société Internationale des Arts Magiques) et fait paraître en novembre 2000 le premier numéro d’Abraxas.
En complément de Didier Morax, il va nous présenter cette histoire, très vaste, des tricheurs par une sélection d’anecdotes. Les tricheurs sont à l’origine de beaucoup de techniques cartomagiques et la France est précurseur dans les ouvrages traitant de tricherie.
On retrouve des témoignages de tricherie avec l’apparition des cartes à jouer, dans un manuscrit. Le premier ouvrage à en traiter est celui d’Olivier Gayn de Poitier en 1550. Vers la dernière partie du XIVe siècle, on joue partout aux cartes : le jour, la nuit, dans les tavernes. On joue les vêtements des femmes et même les hommes d’église s’y mettent. Le premier témoignage est une lettre de rémission de 1508 où l’on découvre les prémices du bonneteau.
Daniel Rhod nous présente une gravure de 1492 où les cartes à jouer sont distribuées par les colporteurs avec des jeux plus ou moins arrangés, ce qui permettait à certains tricheurs de « gagner » à tous les coups. Au XIVe et XVe siècle, ceux-ci étaient condamnés de façon exemplaire (doigts ou oreilles tranchés).
Les premières cartes ont un format plus long et moins large qu’actuellement. Les dos sont blancs, il n’y a pas d’index, les coins ne sont pas arrondis et les figures ne sont pas réversibles. La « piperie » des cartes existe en coupant ou marquant ces dernières. Le concept de séquence est déjà présent en rangeant les cartes dans un certain ordre pour tricher par la suite… L’Etat se rend vite compte de la supercherie et demande à ce que les cartes soient rangées dans l’ordre et par couleur pour éviter toute tricherie à venir.
Daniel Rhod nous présente une peinture du Caravage où l’on voit une taille de carte plus longue. Le XVIIIe siècle est l’âge d’or des tricheurs. On joue partout et il existe plus de 400 maisons de jeux clandestines. Ange Goudar a expliqué certaines techniques dans son ouvrage L’Histoire des Grecs, ou de ceux qui corrigent la Fortune au jeu (La Haye, 1757). A la fin du XVIIIe siècle, les maisons de jeu ont des restrictions. Les tricheurs s’expatrient en Europe et plus particulièrement dans les villes thermales. Le dos des cartes à jouer évolue et apparaît le fameux tarot en 1816. Dans l’ouvrage L’antidote ou le contrepoison des chevaliers d’industrie ou joueurs de profession démontré par un Vénitien… (1768), on y révèle des cartes marquées, des arnaques avec l’asymétrie des tarots (techniques toujours applicables de nos jours). Le saut de coupe ou l’estocade est décrite en 1550 comme le tour du petit doigt ou la volte-face.
Au XIXe siècle, les croupiers des casinos sont tentés de s’en mettre plein les poches et les affaires de tricherie sont étouffées. Plusieurs techniques sont mises en place comme le gilet entonnoir qui est attaché à la culotte et ou vont s’entasser les jetons vers les bottes du croupier, le croisement des mains, etc. Ces techniques sont décrites dans l’ouvrage d’Argus J. Ardisson intitulé Le Guide du joueur, L’étouffage pratiqué par caissiers et croupiers de certains cercles (1893).
Un livre qui fit scandale à sa parution constitué comme un catalogue des méthodes employées pour rouler le client au jeu de la roulette. Comment s’y prend un croupier pour voler seul, comment un croupier vole avec l’aide du caissier, complicité du gérant et rôle du commissaire des jeux, moyens pour se préserver des vols… Avec de belles illustrations par Louis Poyet montrant les méthodes marseillaise, toulousaine, etc. L’homme masqué, José Anténor de Gago (1851-1924) était un tricheur magicien. Philippe Talon, ainsi que Charlier se sont aussi intéressés aux tricheries.
Par un arrêté du ministère de l’intérieur, les cartes sont devenues réversibles et réglementées. Un ouvrage sur les techniques des tricheurs a été édité par ce même ministère dans les années 1950-1960. Les ouvrages des tricheurs eux, sont très discrets. Il y a différentes manières de signaler une carte par la position du jeu (code avec des positions naturelles), de la marquer (carte bombée, courte, à trou, pointée, etc.). Les marquages impromptus sont les meilleurs (corne par exemple). Le Holdout du XVIIe siècle est toujours utilisé de nos jours.
8- Le tripot clandestin (entracte)
Sont disposées dans le hall d’entrée du théâtre trois tables de jeu et une « machine » à liqueurs. Le public muni de ses « faux billets », spécialement tirés pour l’occasion, est invité à miser aux jeux du Blackjack, de la ficelle (la chaîne) et du tour des 15 bâtonnets. Ils doivent également deviner les breuvages concoctés par le chef Christophe Boisselier.
9- Les appareils « correcteur de hasard » par Olivier CAVE
Olivier Cave est une personne rare et secrète, un des plus grands historiens et expert en tricherie, qui nous fait l’honneur d’intervenir pour nous dévoiler sa fantastique collection d’objets de triche « d’Aristote à Kennedy », des appareils inédits et même insoupçonnables pour le commun des mortels !
Depuis l’âge de 15 ans, ce collectionneur aguerri compile une bibliothèque unique au monde sur le thème des tricheries du XVIème siècle jusqu’à nos jours. Il possède plus de 1500 ouvrages et documents sur la triche ainsi qu’une centaine d’objets.
Sa collection se compose ainsi :
– Préparer le matériel de jeu (gabarit, tailleur, etc.)
– Les objets (dé, jeton, roulette, etc.)
– Equipement secret utilisé pendant la partie (holdout…)
La première trace d’objet truqué est un osselet romain du 1er siècle après J.C.
Un astragale (jeu romain des osselets) à quatre faces (pipé de plomb) est connu au temps d’Aristote. La seule règle de jeu de l’Antiquité que nous connaissons aujourd’hui est celle de l’empereur Auguste. Ce dernier s’adonnait à un jeu de dés qui consistait à jeter en général quatre osselets. Un dé en terre cuite de l’antiquité dont les faces opposées en font pas 7. Ce dé n’est pas cubique et tombe sur les faces à valeurs élevées. Présentation d’un texte Le livre des jeux de 1284 sur la fabrication des dés. Utilisation de « faux dés » au Moyen Age, sous les appellations suivantes : mauvais dez, dez d’avantaige, dé ploumez, chargiez, vuidez…
A la Renaissance apparaissent les artisans de « la correction du hasard ». En 1608 dans La mort aux pipeurs, où sont contenues les piperies du jeu, et le moyen de les éviter (D. Guillemot), le dé pipé au mercure est décrit. Une boîte de jetons à l’effigie de Louis XIV avec une coquille (fausse pile de pièces) Un dé français en os, pipé du XVIIIe siècle. Un dé hollandais en os cerclé. Dans l’ouvrage L’histoire des grecs d’Ange Goudar (1757), est décrit le premier chargeur de jeux. Les grecques géomètres fabriquaient des appareils pour les autres grecs. Invention entre autre de la machine du trente et quarante (tuyau de fer blanc avec deux jeux chargés).
Perfectionnement du chargeur avec le Holdout .
Gobelet papillon.
Mécanismes « grecs » du XIXe siècle.
La passe lacet décrite dans Les filouteries au jeu d’Augustin Cavaillé (1875) ex-inspecteur principal du service de surveillance des jeux clandestins à la préfecture de police.
Premier plan de roulette truquée expliqué en 1910. Aux Etats-Unis, apparition des Cheating devices. Démonstrations du jeu du Pharaon, puis démonstrations exemplaire de la donne en second et de la donne du dessous par Olivier Cave.
Présentation d’une Faro box truquée et non truquée avec un mécanisme d’horlogerie utilisé et décrit dans deux livres de Jonathan Green et J.N. Maskelyne.
La Squeeze box de la maison Will & Finck (1864-1932) qui distribue automatiquement des donnes simples ou doubles.
Olivier Cave nous fait défiler une dernière série d’objets : La Screw box, les massicots de cartes, le Kepplinger card Holdout (avec un mécanisme contrôlé par le coude et les cuisses), un incroyable distributeur de cartes avec un pied miroir pour voir les cartes passer, un gabarit de pipage, une mallette de diceman, la pirouette au put & take, une flèche de foire truquée…
Démonstration en live de Rolling log avec des dés.
Catalogue Blue Book, une maison de vente par correspondance qui vendait des accessoires de jeux, édité jusqu’en 1961, année du Gambling act de J.F. Kennedy qui a mis fin aux maisons de jeu.
10- Les livres de l’année par Jean MERLIN
Hommage de Jean Merlin aux trois personnes qui éditent encore des livres de magie (de 300 à 500 exemplaires) : Frantz Réjasse (CC éditions), Ludovic Mignon (Marchand de trucs Editions) et Georges Proust (Académie de Magie). Promotion des livres, revue, DVD et autre événement : Agenda Secret de Roberto Giobbi, Impossible de Larry Becker, L’expert aux cartes annoté d’Erdnase, Création d’illusions théâtrales de James Hodges, Full Bloom, L’art du ventriloque de Fanch Guillemin, Final secrets de Dominique Duvivier, revue L’Illusionniste, 6ème Congrès Européen Magie, Histoire et Collections du 4 au 6 septembre 2015, livre Le mentalisme du JMMHD 2014.
11- Remise des prix pour les jeux de l’entracte
La compagnie du Scarabée Jaune remet les trois prix offert par Jean Merlin aux gagnants :
– un jeu de boîtes illustré de tours de magie
– une collection de reproductions de cartes à jouer sur format raisin
– Le premier livre de Close-up dédicacé par Jean Merlin.
12- Démonstration de tricherie par Jean-Jacques SANVERT
Champion FISM, catégorie cartomagie, en 1979 en Belgique, Jean-Jacques Sanvert est mondialement connu pour sa technique en magie des cartes. Spécialiste incontestable des mouvements de triche dont il propose régulièrement des démonstrations, il fait partie de ces rares magiciens francophones à avoir fait la première page du magazine Genii en 2006.
Est projetée en introduction, une vidéo de présentation de J.J. Sanvert dédicacée à Steeve Forte, le maître de la triche. Ensuite, nous voyons un extrait de l’émission On n’est pas couché de Ruquier de 2006 dans lequel Sanvert piège Patrick Bruel au poker. Il fallait tricher sans qu’il s’en rende compte, tout ça en une seule prise. Une vraie tricherie à la télé en 5 minutes où la production bricolait, au dernier moment, une table adaptée au magicien. Le comédien Philippe Torreton était le complice de Sanvert qui devait sortir une quinte flush au premier coup en changeant ses cartes de manière invisible. (Voir l’extrait à partir de la 17ème minute : https://www.youtube.com/watch?v=2bsYDJNkYp4)
J.J. Sanvert nous fait ensuite une série de démonstrations de donne en second en variant la vitesse. Un conseil est de travailler avec des jeux différents, de textures différentes, plus ou moins usés pour être capable d’effectuer la passe parfaitement dans n’importes quelles conditions. Il faut aussi travailler le rythme entre la donne normale et la donne en second. Il réalise ensuite une variante du second deal avec une rétention visuelle de la première carte qui est décalée au-dessus. Puis avec la technique du Push off de deux cartes et au jeté avec rétention de vision. Quatre tenues du jeu sont possibles pour effectuer le mouvement, mais la meilleure est l’open grip (tenue commune aux novices). Le travail de la synchronisation des poignets et du doigt droit qui glisse vers le jeu est primordial. Il faut adapter la vitesse de la donne suivant les conditions.
Est projetée une vidéo intitulée Strike second de donne en second en gros plan. Vient ensuite la donne du dessous avec une technique d’entrainement où les doigts gauches ne doivent pas bouger. Variante bluffante vers le devant. Démonstration de la donne troisième, du change de cinq cartes effectué pour tromper Bruel lors de l’émission évoquée plus haut, avec le travail du détournement d’attention. Projection d’une vidéo d’un tricheur chinois virtuose intitulé Dragon stack où il utilise le mélange hindou et la donne en second.
BEBEL
Jean Merlin et Jean Régil présentent Bébel comme un artiste.
Jean Régil : « Deux mots me viennent à l’esprit pour le définir : le talent et la gentillesse. »
Jean Merlin : « Je l’ai découvert dans la rue en train de tricher honnêtement ! »
Bébel arrive sur scène, s’installe derrière une table et demande à une personne de venir l’assister. C’est parti pour une heure de spectacle de cartomagie.
Bébel : « Je ne joue pas au cartes mais je préfère jouer avec. Je commande les cartes, je leur parle…»
Vont se succéder des classiques revisités et des créations de Bébel, sur un rythme d’enfer, comme le bonneteau, le 10 poker deal, les as gangsters, suivez le chef, Reset, triomphe, l’ambitieuse, la carte à l’étui, La Dame de trèfle qui pique mon cœur, Mabillon, La pensée fantômes, Le harem et cette liste n’est pas complète…
Après cette démonstration, Jean Merlin entame la discussion avec l’artiste.
Jean Merlin : « La rue est ce qu’il y a de plus dur. C’est l’école la plus difficile en magie, les gens peuvent se barrer à tout moment ! »
Bébel : « Je travaille à l’instinct et j’aime les challenges. J’ai une technique pour retenir les gens. Quand on en a un, on peut en avoir cinquante ; c’est ensuite du feeling. »
Jean Merlin : « Tu es né en 1963 à Nanterre. Les enfants de Banlieue, s’ils se battent, réussissent dans la vie. Qu’est-ce qui t’as décidé à travailler ? »
Bébel : « Très vite, j’ai évolué atypiquement. Ça n’est pas une décision de ma part. Les choses se sont faites au fil du temps par envies. Je cherchais à m’améliorer et pas à être le meilleur.
On apprend la magie par des concepts, des principes généraux. On voit le pire et le meilleur avec la génération Internet, qui soit dite en passant favorise la copie. »
Jean Merlin : « Quelqu’un t’a défini ainsi : humilité, malice et grande prouesse. »
Bébel : « On garde un groupe de personnes avec la passion qui conduit à tout. Il faut être passionné pour retenir son public. La magie m’a appris à mieux communiquer. »
Jean Merlin : « On reconnait quelqu’un à travers ses goûts. Qui a-t-il dans ta bibliothèque ? »
Bébel : « Des livres sur la magie de scène et de salon. J’ai commencé ma carrière par un numéro de cabaret. Je me suis vite ennuyé et je me suis orienté vers la cartomagie. Il me fallait du changement, une structure plus improvisée. J’éclate les systèmes et les cadres. C’est un état d’esprit à adopter ; j’aime manipuler les concepts. Sinon, j’ai des livres de sciences, des romans surréalistes et de la science-fiction. »
Jean Merlin : « Une discothèque ? »
Bébel : « Pas grand-chose. Il fut un temps où j’allais en boite de nuit en manipulant mes cartes. Cela m’a appris la rythmique. »
Jean Merlin : « Des vidéos ? »
Bébel : « De magie, oui. »
Jean Merlin : « Vas-tu à des spectacles autres que de magie ? »
Bébel : « Oui, à des concerts, au théâtre, cela m’arrive. J’ai fréquenté pendant pas mal de temps le Caveau de la Bolée à Paris. J’aime me confronter à différentes expériences et différents artistes. »
Jean Merlin : « Tu as une admiration pour les grands escrocs. As-tu développé des concepts de triche ? »
Bébel : « Non je préfère le spectacle. J’ai l’impression qu’il y a une certaine éthique chez eux. Les scénarios, le maquillage, etc. Cela demande beaucoup de talents différents. »
Jean Merlin : « Tu t’intéresses à la spiritualité. Comment passe-t-on de la technique à la spiritualité ? »
Bébel : « Pour moi, la spiritualité est une philosophie. C’est un outil qui me permet d’ouvrir un monde imaginaire. Je crois qu’aujourd’hui les magiciens sont désenchantés. »
Jean Merlin : « Tu fais partie des gens qui sont embêtés par le débinage. »
Bébel : « Nos motivations motivent tout ce que l’on va faire ensuite. Je ne m’inquiète pas du public mais du magicien. Il faut qu’il comprenne la notion de secret pour que cela ait un sens. Notre démarche est de tromper. Le secret fait partie du détournement d’attention. Le débinage sur Internet est une fausse excuse. Les magiciens n’ayant plus beaucoup de travail, tout est mis sur Internet pour le grand public : des conférences, des DVD, des notes. Un cercle vicieux de magie pour magiciens. Leur envie est de faire du commerce. »
Jean Merlin : « Tu as travaillé au Théâtre du Rond-Point et sur le film Les amants du Pont-neuf de Léos Carax. »
Bébel : « J’ai donné des cours à Denis Lavant pour une scène du film. »
Jean Merlin : « Tu as travaillé à la Comédie Française grâce à Abdul Alafrez. Il est là avec nous. »
Abdul Alafrez : « Je travaille plutôt au théâtre. En ce moment je prépare un spectacle avec douze violoncellistes sur de la musique contemporaine.
En 1992, Anatoli Vassiliev m’a appelé pour son spectacle Le Bal Masqué de Mikhail Lermontov pour une scène de tricherie au début de la pièce. Il fallait trouver un deuxième magicien. Il fallait montrer des choses secrètes et il me fallait un technicien des cartes. Bébel avait une qualité innée, une présence naturelle sur scène.
Nous avions un peu de texte. Bébel arrivait avec toute sa science et était droit dans ses bottes. Je me souviens d’un effet magique où un as de pique se collait sur le rideau d’avant-scène qui était transparent. »
Bébel : « Moi, je ne me souviens plus trop de cette expérience. »
Abdul Alafrez : « Il fallait trouver comment montrer et agrandir les choses et les effets pour qu’ils soient visibles. Nous avons fait confiance à la mise en scène pour suggérer des choses. Il y avait entre autre, le tour des 4 cartes, le tour du phénix, celui du pharaon, une histoire de carte cornée… »
Bébel : « Ce qui était intéressant était l’interactivité avec la scène. »
Abdul Alafrez : « Je voudrais parler du spectacle de Bébel : Belkheir ou Une carte ne vous sauve pas la vie pour rien. Un spectacle extraordinaire avec une personne sur scène et un jeu de cartes. Moi-même, j’ai passé ma vie à entremêler d’autres arts comme la danse, le théâtre et la musique. Souvent, des magiciens essaient de mettre du théâtre dans leur magie et inversement mais cela ne marche pas. La magie est un langage qui repose sur le temps et le rythme. Pour qu’un spectacle de théâtre et de magie soit convainquant, il faut qu’il soit bilingue, il faut un échange commun. Belkheir est un spectacle de Bébel et c’est aussi du vrai théâtre. Il y a également un vrai travail de vidéo derrière… »
Jean Merlin : « Bébel, pour le spectacle Belkheir, tout a commencé par un projet qui s’appelait L’Histoire secrète des cartes, les cartes m’ont choisies. »
Bébel : « C’était la première fois que je travaillais en équipe. Il faut accepter l’autre, sa conception. Le mécanisme d’un tour est toujours la même chose, on démontre quelque chose. Comment changer ce rapport ? Je veux me servir de la magie pour l’emmener ailleurs, c’est ainsi que j’ai imaginé que les cartes avaient une vie. Un voyage dans l’imaginaire où le pouvoir du magicien n’existe plus, où celui-ci devient comme le spectateur : un témoin. J’ai constitué un dossier. On est parti en Indes avec Raphaël Navarro pour voir de la magie traditionnelle de rue. Ensuite, j’ai rencontré Roger Le Roux le directeur du Cirque-Théâtre D’Elbeuf. On m’a présenté un premier metteur en scène, un magicien et j’ai refusé. J’ai ensuite fait la connaissance d’Anne Artigau. (qui monte rejoindre Bébel et Jean Merlin sur scène). »
Anne Artigau : « Bébel est avant tout un chercheur. Nous avons eu l’idée de ce spectacle où le magicien disparaît au fur et à mesure de la pièce. Il fallait également parler du concept de la projection vidéo sans que cela soit de l’illustration. Il y avait quatre caméras, visibles du public, braquées sur Bébel, qui était aussi suivi en plan rapproché. J’ai sentis cette envie chez Bébel de construire un spectacle de théâtre visuel où les arts se conjuguent ensemble, où la magie serait perçue comme un art, ou la performance serait transformée en un propos. La cartomagie ne parle pas comme nous. Elle a un langage propre, une vie particulière de par le jeu, la voyance, les histoires… Les cartes sont très expressives. En ce moment, nous travaillons sur un deuxième spectacle en effaçant le comédien et le personnage pour laisser que les cartes en scène. Des cartes qui ont un rapport à la mort. Nous avons fait un travail de préparation en amont en dehors du close-up traditionnel. Nous avons réfléchi à un concept de l’effet qui ne soit pas marqué. Nous voulons plutôt marquer le propos pour ne pas perdre l’histoire et effacer de nouveau le magicien. »
Bébel : « il y a un automatisme du magicien qui s’intéresse au côté technique… »
Jean Merlin : « Mesdames, messieurs, ce soir vous avez vu quelque chose d’étonnant car Bébel s’est livré à vous ! »
Bébel : « Oui, je fonctionne à l’instinct. Vous avez eu de la chance. »
A lire :
– Le JMMHD 1.
– Le JMMHD 2.
– Le JMMHD 3.
– Le JMMHD 4.
– Le JMMHD 5
– Le JMMHD 6
– Le JMMHD 7.
Historique de HJALMAR :
– La tricherie aux cartes.
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