Écriture et mise en scène : Luis de Matos. Artistes invités : Aaron Crow, Dan Sperry, Norbert Ferré, Yu Hojin. Assistante/danseuse : Joana Almeida. Danseurs : Momentum, Crew, Deeogo, Dygas, Hércules, Juver, Xxl. Conseillers magie : David Britland, Paulino Gil. Stylisme : Américo Tavar. Scénographie : Luis Godinho. Conception graphique et audiovisuelle : Vanessa Viana. Direction musicale et technique : Jan Spirik. Éclairage : Vasco Silva. Chorégraphe : Max Oliveira. Construction scénographique : Jorge Rodrigues. Cameramen : Bernardo Santos, Jorge Lopes. Vidéo scène : Jorge Lopes. Photographe scène : Ana Dias. Contributions magiques : Gary Ouellet, Henry Evans, Jim Steinmeyer, Jonathan Goodwin, Kevin James.
C’est aux mythiques Folies Bergère1 que Luis de Matos pose ses valises pendant un mois de représentations avec son spectacle Impossible sur Scène2. Le concept est un plateau d’artistes « de luxe », pour la plupart primés à la FISM, et venant de différents pays à travers le monde. Ils vont se succéder en réalisant deux à trois numéros en solo entrecoupés des passages de Luis de Matos, le grand ordonnateur et présentateur. La représentation est divisée en deux parties, pour une durée totale d’une heure et cinquante minutes.
Quand les spectateurs entrent dans la salle, le rideau de scène est ouvert et on peut voir la scénographie en place : une grande enseigne lumineuse avec marqué dessus « Luis de Matos – Impossible sur Scène », six écrans LED verticaux, des projecteurs amovibles, des extincteurs, et une grande structure rectangulaire sur roulettes ouverte avec, en son centre, un tabouret haut et une chaise. La musique de générique commence (leitmotiv du spectacle pour marquer le début et la fin de chaque partie) et un groupe de cinq danseurs arrive sur scène pour effectuer des figures de breakdance. Les danseurs se saisissent ensuite d’extincteur qu’ils actionnent en direction de la structure et les cinq magiciens de la soirée apparaissent instantanément !
Luis de Matos présente sur scène un grand aquarium rempli d’eau. Il produit un poisson rouge d’une carte à jouer enroulée qu’il place dans un verre à pied. Il saisit ensuite un foulard de la couleur du poisson qu’il va lentement faire disparaitre dans l’aquarium ; les mouvements ondulants du tissu rappelant subtilement la queue d’un poisson. Après s’être essuyé à une serviette noire, il place celle-ci autour des trois parois vitrées de l’aquarium. Il renverse le poisson du verre dans l’aquarium et mime d’en attraper d’autres dans les airs en direction du récipient. La serviette est alors retirée et une centaine de poissons rouges apparaissent dans l’eau !
Le sud-coréen Yu Hojin présente, dans un costume entièrement noir à queue-de-pie, son numéro de manipulation primé à la FISM 2012 de Blackpool. On retrouve dans cet acte, accompagné d’une musique classique au piano, des effets formidables comme le foulard blanc qui se transforme en une carte à jouer, une carte déchirée qui se reconstitue à vue, une incroyable série de cinq productions d’éventails de cartes colorés (à la suite) et les bras écartés (sans prises), une carte dont les index s’effacent, lévite et se métamorphose en foulard du début. On a souvent loué l’école sud-coréenne avec son esthétisme et sa technique irréprochable, jusqu’à devenir un standard un peu trop stéréotypé par la suite. Yu Hojin est un des plus grands représentants de cette école où il se distingue par sa grâce et sa technicité unique.
Luis de Matos tient dans ses mains un cube (qui lui servira pour sa prochaine illusion) et présente l’américain Dan Sperry, « l’Anti-Conjuror »,qui nous propose un numéro « classique » d’apparitions de colombes façon gothique-métalleux, sur un rythme musical d’enfer, avec son look à la Marylin Manson et ses effets éclairs tonitruants. Il va produire de nombreuses colombes par des techniques classiques mais une présentation originale et des choix judicieux comme la saisissante transformation d’un masque d’oiseau en colombe. Les transformations et les apparitions s’enchainent ensuite dans une séquence impressionnante : plume en foulard, production d’un éventail et d’un couteau, puis d’une colombe. Filet de sang sur le bras qui se transforme en foulard rouge et production d’une colombe. Le foulard est roulé en boule et se transforme en une balle de la même couleur, puis en ballon d’où est produit une colombe au sol. L’oiseau change alors instantanément de couleur et devient rouge ! Il disparaît ensuite dans le foulard lancé en l’air qui est tâché de sang. Un foulard est transformé en baguette d’où surgit une colombe en plein milieu, qui est ensuite dédoublée. Une fois toutes les colombes misent dans une cage, celle-ci est recouverte d’un tissu et disparait dans les airs pour faire apparaitre un grand perroquet blanc. Dan Sperry campe un personnage marginal et introverti (savamment travaillé par sa gestuelle) adepte d’effets grand-guignolesques et macabres, contrebalancés par un humour sombre.
Luis de Matos présente ensuite l’illusion Origami de Jim Steinmeyer avec sa partenaire Joana Almeida. Il amène sur scène un cube (celui du tableau précédent) qu’il place sur une plateforme à roulette munie d’un grand miroir. Le cube s’ouvre comme un papier déplier en plusieurs couches et sa partenaire prend place dans cet espace rectangulaire. Elle disparait ensuite à l’intérieur et le cube est reconstitué. Trois sabres vont y pénétrer de chaque côté. Malgré ses conditions impossibles, la partenaire du magicien ressort indemne du cube et à même changé de costume entre temps.Luis de Matos à l’art et la manière d’interprété un classique de la grande illusion pour en faire un moment de pure poésie, accompagné par des effets de lumières et des projections vidéo qui magnifient l’illusion dans un jeu graphique et optique en noir et blanc.
C’est autour de notre Norbert Ferré nationale de faire une entrée cocasse sur scène avec une boîte surprise en forme de prédiction. Il a une démarche de cowboy, car il est venu à cheval ! (hilarant). Il a aussi de nouvelles chaussures et nous propose une démonstration de claquettes déroutantes, « c’est cours mais professionnel », comme il le dit. Il présente ensuite son double manipulateur qui va exécuter une routine de balles. Durant ce numéro il va laisser échapper « accidentellement » une balle qui sera en fait un geste délibéré révélé par la prédiction du début. Son double comique revient et propose une démonstration de chant espagnol. La surprise se dédouble également et on retrouve dans la boîte la paire de chaussures que le magicien, maintenant en chaussette, portait à son entrée. Peaufinés depuis plus de vingt ans, les personnages de Norbert Ferré sont irrésistibles et savoureux. Haut en couleur dans leur clownerie et gracieux dans leur classicisme. C’est toujours un plaisir renouvelé que d’assister à ses performances que l’on connait par cœur, comme on apprécie un très bon vin. Norbert Ferré fait partie des rares illusionnistes à proposer un même numéro depuis des décennies sans lasser son public comme le grand Voronin.
Le belge Aaron Crow est un personnage charismatique et énigmatique. Avec son look mystique, son mutisme et son regard bleu acier pénétrant, il propose des expériences dangereuses en compagnie de spectateurs qu’il fait monter sur scène. Dans son premier passage, il nous propose La bougie, un effet de mentalisme les yeux bandés de multiples façons (cire, bandelette, scotch, aluminium). Trois spectateurs sont désignés et tiennent chacun un objet : un sac rempli de sable, une planche en bois et un ananas sur la tête. Placés à des endroits stratégiques, le mentaliste va visualiser l’espace et une fois les yeux bandés, il va se déplacer tel un ninja, trois fois de suite, pour percer le sac de sable grâce à un couteau, casser la planche de bois grâce à un nunchaku et couper l’ananas en deux grâce à un sabre, sans que personne ne soit blessé. Suspense et frisson garantis !
Luis de Matos présente la superbe illusion Eclipse de Mark Kalin et William Kennedy avec sa partenaire Joana Almeida, tout habillée de blanc, sur une belle musique et dans une superbe scénographie entre ombres et lumières où des faisceaux lumineux tombent des cintres. La partenaire prend place dans la moitié de croissant d’une grande structure circulaire séparée en son milieu par une plaque de métal. Des assistants placent un voilage opaque devant une des moitiés et l’on voit la partenaire en ombre chinoise. Cette moitié est pivotée de l’autre coté comme une éclipse de lune devant le soleil et la femme disparait de la première moitié pour réapparaitre dans la seconde progressivement en ombres chinoises puis en vrai.
Dan Sperry revient avec son numéro Lifesaver (Saw de Sean Fields), assis en bord de scène. Il mâche et avale un bonbon rond de type Polo avec un trou au milieu, puis place du fil dentaire au niveau de sa gorge. On voit clairement le fil pénétrer dans la chair et d’un coup sec, après des va-et-vient à droite et à gauche, le bonbon ressort intacte sur le fil. Un effet gore et joyeusement décalé grâce aux facéties et mimiques de Dan Sperry.
Yu Hojin présente un deuxième numéro Coins of time, du close-up sur table au milieu de la scène. Sa performance est filmée en directe par un caméraman et retransmise sur un des écrans verticaux. Il s’agit de différentes routines classiques de pièces qui s’enchainent sur le thème du temps qui passe. Il commence par l’apparition d’une pièce et la transformation d’une montre à gousset en pièce. Deux autres pièces apparaissent et sont placés sous quatre cartes à jouer pour un effet de Matrix où les pièces voyagent une à une sous la même carte et reviennent à leur position initiale. Les quatre pièces se multiplient alors sur la table pour un total de vingt. Quelques pièces sont alors transformées en cartes puis la montre gousset réapparait pour clore le numéro.
Luis de Matos propose un tour interactif très impactant avec tous les spectateurs dans la salle. Le public sort d’une enveloppe (confiée en début de spectacle) quatre cartes postales où sont représentés les magiciens de ce soir (quatre sur cinq). Le magicien va alors énumérer toute une succession de procédures que le public doit suivre à la lettre, en commençant par déchirer en deux le groupe de quatre cartes les unes sur les autres et d’en garder une moitié, puis de mettre de côté un bout dans sa poche pour la révélation finale. Après un échange de morceau avec un autres spectateur, différents mélanges et éliminations, le dernier bout qui reste en main de chaque spectateur correspond parfaitement à l’autre moitié gardée en poche ! Une adaptation du tour Before You Read Any Further…How To Find Your Other Half créé par Woody Aragon en 2011 (inspirée du Redivider de Max Maven), déjà utilisé par Penn & Teller dans leur show de Las Vegas sous le titre Love Ritual.
Après un entracte de 20 mn, les danseurs reviennent sur scène sur la musique générique du spectacle, puis c’est l’apparition saisissante des cinq magiciens dans des halos de lumière partant du sol pour dévoiler progressivement tous leurs corps jusqu’à leurs têtes. Cet effet scénique est une superbe trouvaille technique, une version contemporaine du célèbre procédé du Théâtre Noir (Black Art).
Luis de Matos propose une routine de close-up rediffusée sur grand écran avec quatre cartes.Quatre as à dos bleu se retournent, un à un, face en bas, puis à nouveau face en l’air en changeant chacun leur dos de couleur en rouge. Pour finir, les as se transforment un à un en rois à dos bleus qui sont ensuite donnés en souvenir aux spectateurs dans la salle. Très beau moment de manipulations sur le bout des doigts avec ce classique Twisting the aces revisité.
Yu Hojin présente un troisième et dernier numéro, son Paper airplanes act, très inspiré de celui de son collègue allemand Nikolai Striebel, qui lui est antérieur. Un tabouret haut est visible sur scène ainsi qu’une multitude d’avions en papier au sol. Le magicien arrive, habillé en tenue décontractée et baskets. Il pose un avion sur le tabouret et celui-ci disparait après son passage. Il réapparait dans un geste de lancer et commence à jouer la chanson entrainante As it Was de Harry Style. Plusieurs avions sont ensuite produits, dédoublés et lancés dans les airs. Un papier froissé surgit du tabouret et se transforme en balle blanche pour ensuite devenir un bâton sur lequel apparait un volant (pour constituer un petit moulin à vent). Le volant prend la forme d’un bateau puis d’un avion. Une feuille écrite se plie toute seule en lévitant et prend la forme d’un avion. Plusieurs avions sont jetés dans les airs et une pluie de confettis surgit. Arrive alors le magnifique tableau final où le magicien commande chaque avion sur le sol pour les faire arriver dans sa main et les lancer à l’horizontal dans l’espace où ils s’immobilisent tous pour ensuite repartir d’un coup en coulisse. Le numéro de Yu Hojin est d’une grande délicatesse minimaliste, utilisant un objet chargé de sens qui nous rappel notre enfance. Décidément, les effets de lévitation sont dans l’ère du temps et plusieurs artistes reprennent ce procédé, réactivé et sublimé par la compagnie 14:20 et Étienne Saglio depuis les années 2010, avec des objets basiques comme des feuilles de papier (Laurent Piron, Artem Shchukin).
Luis de Matos choisit sept spectateurs au hasard dans la salle grâce à un frisbee. Une fois sur scène, il les dispose en ligne à des endroits précis, et il leur confie un jeu de cartes à chacun qui est éventaillé pour constater que toutes les cartes sont différentes. Les sept jeux sont ensuite mélangés par chaque spectateur. Les jeux sont ensuite coupés en deux et une moitié est illuminée au hasard. La moitié restante est mélangée face en bas et au « stop » du magicien les spectateurs recouvrent le jeu de leurs deux mains comme un sandwich. Chacun révèle, un à un, la première carte du dessus du paquet qui est différente de son voisin. C’est alors la révélation finale avec devant chacun des spectateurs un tapis en vinyle imprimé d’un index qui est retourné et qui correspond à la même carte qu’ils ont choisi ! Un effet de prédictions multiples qui a scotché toute la salle.
Dan Sperry propose un dernier effet de close-up au milieu de la salle, retransmit sur l’écran scénique. C’est le fameux tour des Lames de rasoir avalées (The Threaded Razor Blades de William A. Buerger, 1930) avec une mise en scène à l’humour noir. Le magicien se positionne sur une chaise et sort d’un petit coffre une pomme sur laquelle sont plantées des lames de rasoir. Il présente un papier avec un gros smiley jaune dessiné dessus qui souris puis retourne le motif et au verso le même smiley avec cette fois-ci la bouche à l’envers et les yeux en croix. Il découpe alors la feuille avec une des lames qu’il avale ensuite. L’opération est répétée plusieurs fois. Quand il a une dizaine de lames dans la bouche, il mange du fil dentaire et en ressort une à une les lames dessus. Excellente présentation de ce classique, à la technique parfaite, qui fait toujours frissonner le public.
Luis de Matos présente une superbe double lévitation (Asrah de Servais Le Roy et Double levitation de Rick Thomas) avec sa partenaire Joana Almeida qui est allongée sur une table, puis flotte ensuite dans les airs, une fois celle-ci retirée. Un grand cerceau est passé autour de Joana pour montrer qu’il n’y a rien qui la retient physiquement. Un voile est placé sur elle et elle lévite alors vers les cintres. Luis de Matos rejoint sa partenaire en hauteur, arrache le voile et le corps a disparu.
Luis de Matos demande aux spectateurs « qui sont amoureux ? » Pas beaucoup de personne lève la main, peur d’être choisi pour monter sur scène, et c’est bien ce qu’il se passe pour un couple. Entre alors le ténébreux Aaron Crow, l’ère grave. Après une connexion les yeux dans les yeux entre le couple, Il demande la bague de mariage à la femme et la place dans le milieu d’une pomme verte, disposée sur un présentoir à pic et placé sur la tête de la dame. Une cible est alors découverte à cour. Aaron Crow présente une flèche et dévoile à jardin un grand arc. Il monte ensuite sur une petite plate-forme tournante, ajuste sa flèche avec un faisceau laser et tir à travers la pomme. La flèche vient couper la pomme en deux et se planter dans la cible. La bague est retrouvée sur la flèche et le mari est invité à passer, une nouvelle fois, la bague autour du doigt de sa femme. La présentation et la mise en scène de ce numéro de l’archer (Bowman) sont millimétrées. Tout le monde se reconnait dans ce couple amoureux où les notions de confiance et de sacrifice sont judicieusement évoquées.
Luis de Matos rend hommage à Harry Houdini en présentant la Chinese Water Torture Cell, une illusion très dangereuse et mythique. En introduction, nous entendons la voix enregistrée d’Houdini datant de 1914 (provenant de la collection de David Copperfield) avec son profil apparaissant sur les cinq écrans verticaux. Luis de Matos fait son apparition et est menotté et suspendu par les pieds, puis plongé dans la grande cuve rectangulaire remplie d’eau. Un rideau rouge est alors levé et cache les parois de la cuve de chaque côté. Un compte à rebours affiche les minutes passées dans l’eau sans oxygène. À deux minutes, le rideau est levé et on voit la tête de Luis de Matos. Quelques minutes se passent et tout à coup, le magicien réapparait au fond de la salle et c’est sa partenaire Joana Almeida qui se retrouve prisonnière à sa place dans la cuve !
Norbert Ferré fait son deuxième passage comique avec la récitation d’un poème à l’intention de son chien, en imitant des aboiements. C’est ensuite un cours d’imitation… de sa mère. Puis un numéro sonore hilarant où il bruite, grâce à un sifflet dans sa bouche, différents sons. Il pousse la chansonnette et rigole, mime un jeu vidéo qu’il perd et pleure. Il appuie ensuite sur différentes parties de son corps (son « zizi » ne fait pas le même bruit !) Il sort de sa poche une mouche, lui parle, la libère et l’aplatit comme une crêpe. Elle ne réagit plus alors il pleure comme un bébé. Il sort une clé de sa poche et essaye de « remonter » la mouche comme un jouet mécanique. Cela ne marche pas, alors il part de scène au son de la marche funèbre. Pour terminer, Norbert Ferré présente son cultisme One for two, two for one où il se dédouble pour proposer aux spectateurs d’incroyables démonstrations de dextérités poétiques avec des cartes. Son numéro s’est affiné et modifié au fil des années, avec des subtilités et des variations, pour devenir un petit bijou de présentation et de manipulation !
Pour terminer le spectacle, les cinq illusionnistes s’assoient chacun sur un tabouret, déchirent une serviette blanche et produisent alors des confettis qui volent sur toute la scène comme une neige (japonaise) artificielle. Sur ce final un peu conventionnel et déjà vu, la représentation se termine avec un générique de fin, comme pour un film, qui défile sur les écrans pendant que les spectateurs quittent progressivement la salle et que les magiciens les attende dans le grand hall des Folies Bergère pour une séance photo et de dédicaces.
Conclusion
Impossible sur Scène est un formidable spectacle d’une qualité remarquable. Il faut souligner le travail collectif de la production derrière cette réussite ainsi que la cohésion et le professionnalisme des équipes. On sent que le show a été répété et rodé avec précision, notamment au Estúdio33 (salle de répétition et d’enregistrement de Luis de Matos). Le choix des artistes invités est très judicieux et chacun apporte son personnage, son style et son répertoire qui composent un ensemble assez complet de l’art magique dans sa diversité culturelle et esthétique. Pas de doublon mais de la complémentarité et de la variété sur un rythme d’enfer. Luis de Matos fait également l’effort de parler en français dans toutes ses interventions orales, ce qui est très apprécié du public. Impossible sur Scène est une expérience galvanisante qui porte l’art de l’illusion au plus haut avec passion et amour. Un des plus grands spectacles magiques actuel qui place les spectateurs au cœur d’un dispositif spectaculaire où l’émotionnel et le partage sont la clé de voûte. Un seul regret : ne pas voir de femmes illusionnistes dans les différentes équipes pour équilibrer les rapports et les sensibilités artistiques. Seule Léa Kyle était présente à la quatrième édition de 2023-2024, c’est trop peu…
Notes :
1 Après son ouverture le 2 mai 1869, les Folies Bergère deviennent l’une des premières grandes salles de spectacle et de music-hall à Paris, spécialisée dans les variétés à grand spectacle, sur le modèle de l’Alhambra de Londres. Au cours de ses premières années, le théâtre présente un programme mixte d’opérettes et de pantomimes, avec le célèbre mime Pierre Legrand. Édouard Marchand (1859-1905) est l’inventeur de la toute première revue de music-hall, le 30 novembre 1886 avec Place au jeûne, un spectacle mêlant ballets (avec la première apparition d’un groupe de girls d’Europe centrale), attractions, tours de chant et intermèdes comiques. Marchand comprend que « la femme » est au cœur du concept qu’il veut imposer aux Folies Bergère ; c’est ainsi qu’il présente en vedette les « cocottes » de la Belle Époque : la Cavaliéri, la Tortojada, la belle Caroline Otéro, Liane de Pougy, Émilienne d’Alençon, Cléo de Mérode ou Loïe Fuller, qui devient la star de l’établissement pendant dix ans. Dans la dernière décennie du XIXe siècle, le répertoire du théâtre comprend des comédies musicales et des revues, des opérettes, des sketches de vaudeville, des saynètes, des ballets, des danseurs excentriques, des acrobates, des jongleurs, des funambules et des magiciens.
Le 7 avril 1894, Édouard Marchand, atteint par la maladie, cède son fonds de commerce à Émile et Vincent Isola, jusqu’en 1905 (après avoir été propriétaires du Théâtre des Capucines en 1890, du Parisiana en 1897 et de l’Olympia en 1898), deux frères qui ont connu le succès comme illusionnistes, engagés sur cette même scène en 1886. Les frères Isola comprennent qu’il ne faut pas changer le genre des Folies Bergère et continuent d’y présenter des attractions extraordinaires comme le saut périlleux en automobile conduite par une femme. Pendant cette période, la revue de music-hall trouve définitivement sa place dans le cœur du public.
Les Folies Bergère acquièrent une renommée internationale sous la direction de Paul Derval (de 1918 à 1966). Il met en scène une série de spectacles somptueux et grandioses avec de belles jeunes femmes défilant dans un état de quasi-nudité (malgré leurs costumes voyants) sur des décors exotiques avec la complicité de Michel Gyarmathy au poste de Directeur Artistique dès 1936. Les Parisiens et les touristes sont également attirés par les chanteurs, les acrobates et les sketches dramatiques qui composent le reste du programme. Les Folies Bergère mettent en valeur les talents de nombreux grands artistes de music-hall français de la fin du XIXe siècle. Parmi eux : Yvette Guilbert, Mistinguett (1933), Fernandel, Joséphine Baker (de 1926 à 1949) et Maurice Chevalier. Depuis 1974, les Folies Bergère sont dirigées par Hélène Martini, qui maintient la tradition jusqu’en 1993 qui voit le style des spectacles changer en jouant sur la modernité et la remise au goût du jour des revues. De nombreux magiciens sont passés sur la scène de ce théâtre mythique : Le Dr Lynn, le Comte Patrizio, Joseph Velle, Viviane Mireldo, Arturo Brachetti, Jean-Luc Bertrand, Éric Antoine, Gus… Ainsi que les spectacles : Y’a-t-il un magicien dans la salle ?, Magicien(s) tout est écrit, The Illusionists, Les Mandrakes d’Or…
2 Luis de Matos IMPOSSÍVEL Ao Vivo est un concept de spectacle créé en 2018 au Portugal se produisant les mois de décembre et janvier, avec quatre artistes invités qui changent suivant les tournées. Tá na Manga (Pedro Teixeira & Gonçalo Jorge), Aaron Crow, Yu Hojin (2018-2019), Raymond Crowe, Topaz, An Halim, James More (2019-2020), Javier Botia, Dan Sperry, Norbert Ferré, Yu Hojin (2022-2023), Laurent Piron, Léa Kyle, Winston Fuenmayor, Raymond Crowe (2023-2024). Après Paris en novembre 2024, le spectacle est en tournée au Portugal, de décembre 2024 à janvier 2025, avec Rada (Argentine), Hector Mancha (Espagne), Mortenn (Danemark) et Dan Sperry (États-Unis). Pour la première fois, le spectacle se produit hors du Portugal, en France et s’est conclu par un succès critique et public avec plus de 15 000 spectateurs. Il reprendra sa route européenne en mai 2025 en Hongrie et République Tchèque.
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