Extrait de la revue L’Illusionniste n°124 d’avril 1912.
Patrizio, dont il est question dans les Souvenirs d’Arnould, naquit en 18401 à Castiglione, province de Cuneo (Italie, Piémont). Son véritable nom était Ernesto Scagnetto ; mais il trouva plus élégant d’adopter le pseudonyme de Patrizio, qui rappelait à ses concitoyens la noblesse de l’ancienne Rome : les Patriciens.
Il débuta dans la carrière en voyageant avec un prestidigitateur du nom de Zanardelli, qui avait épousé la fille d’Eugène Bosco, fils de Bartolomeo Bosco, le célèbre escamoteur italien. Il fit ensuite, toujours en Italie, des tournées avec Frizzo. Plus tard, il visitait la Belgique et se trouvait à Bruxelles en même temps que Buatier de Kolta. Afin d’exciter la curiosité du public, ils convinrent, selon la mode établie à cette époque entre les magiciens, de se défier mutuellement ; l’un triomphait un jour, et l’autre le lendemain.

C’est pendant l’été 1875 que Patrizio vint à Paris et donna, aux Folies-Bergère, une série de quarante-six représentations, durant la fermeture estivale de cet établissement qu’il avait loué pour son compte. On y vit, pour la première fois à Paris, la disparition du bocal à poissons avec le bocal double, jusqu’alors inconnu sur les bords de la Seine. Dans ce même programme, figurait encore une autre nouveauté : le mouchoir fulmi-coton, qui passait dans un citron après avoir été volatilisé dans un éclair.

Après ce séjour en France, qui fut un succès aussi bien sous le rapport de l’art que sous celui, presqu’ aussi appréciable, de la recette, il partit pour l’Amérique du Sud où son spectacle fit, durant tout l’hiver, les délices de la haute société. Rentré en Europe en février 1878, il partait, un mois après, en avril, pour faire, en compagnie de notre ami Foletto2 (de qui nous tenons ces détails), une tournée en Espagne qui dura jusqu’au mois d’octobre. L’hiver venu, il décidait de retourner vers l’Amérique du Sud, et proposa à Foletto de le suivre ; mais celui-ci, ayant appris que la fièvre jaune sévissait dans ces parages, ne consentit pas à exposer sa précieuse existence aux ravages de ce fléau et préféra venir à Paris où il fit l’apparition que nous avons racontée dans un numéro de ce journal. Après de nombreuses pérégrinations autour du monde, Patrizio mourut à Barcelone (Espagne) en 1895 ou 18963.
J.C.
Notes :
1 Une autre date de naissance lui est attribuée : 1845.
2 Foletto ou Folletto de son vrai nom Joseph Ferraris (1853-1919).
3 Selon Raimondi d’autres dates de décès lui sont attribuées : 1891 ou 1892.
Note de la rédaction :
Ernesto Patrizio di Castiglione, fils de parents très riches, est né sous le nom d’Ernesto Scagnetto (ou Scagnelli). S’il peut compter sur la richesse de sa famille, il préfère travailler et se produire comme magicien. Dès son plus jeune âge, il montre de grandes aptitudes magiques, mais sa famille voit d’un mauvais oeil ce destin de saltimbanque et essaye de s’opposer à ses choix artistiques. Il est alors placé dans l’école de guerre de Turin dont il sort sous-lieutenant d’artillerie.

À l’âge de dix-huit ans, Ernesto Patrizio devient officier d’artillerie et participe à la guerre entre l’Autriche et l’Italie. Il est capturé et emprisonné en Autriche. Il montre alors ses talents de prestidigitateur au gouverneur de la forteresse et à son état-major pour éviter les travaux forcés. Il finit par être traité plus comme un invité que comme un prisonnier de guerre et devient le favori des officiers autrichiens. Il décide de faire de la magie sa profession après avoir été libéré en 1867.
C’est avec son ami magicien Zanardelli que Patrizio commence sa jeune carrière en Italie. Après le succès qu’il obtient au Théâtre Carignano, il prend le nom de scène de « Conte Patrizio di Castiglione » et commence à travailler d’abord dans la péninsule, puis en Suisse.

Ayant une bonne connaissance des langues, il voyage alors en Allemagne, en Belgique, en France, en Espagne, au Brésil, au Mexique et visite les États-Unis à deux reprises (à Boston et New York en 1890). Patrizio est alors rejoint par le jongleur D’Alvini et ils tournent ensemble en Amérique du Sud.
Son répertoire
Patrizio se présente au public comme un « thaumaturge humoriste » et un « nécromancien transcendantal ». Son répertoire est empreint d’ironie et d’humour avec des effets de « Thaumaturgie humoristique », d’expériences de nécromancie et d’occultisme (Le crâne parlant des Althotas, Les hochets de la vérité et la lecture de pensée avec sa femme). Patrizio suit la mode des spectacles spirites en présentant des expériences médiumniques ainsi que « l’armoire des frères Davenport » dans un tableau nommé The Tomb of Necromancy.



Il pratique également un répertoire classique d’effets de prestidigitation comme les anneaux chinois, la manipulation de billes de billard, de la cartomagie et tricherie aux cartes… Il réalise une saisissante disparition éclaire d’un mouchoir et présente l’effet du Barman du Diable (A Fancy Bar-Room) où plusieurs liqueurs sont distribuées, à la demande du public, d’une bouteille en verre blanc. Son effet le plus spectaculaire est la saisit de boulets de canon à mains nues. Patrizio est le premier à se spécialiser dans la capture de boulets (tirés d’un vrai canon) qui a attiré l’attention du public. D’ailleurs, l’avisé P. T. Barnum ne tarde pas à engager Patrizio pour son show Cannon Ball Feature.
Patrizio finit, la plupart du temps, ses spectacles par une séance de projections du « merveilleux kaléidoscope », avec une visite des principaux musées d’Europe, ainsi qu’un voyage à la découverte du pôle Nord.
Retraite
Patrizio a une certaine prédilection pour la ville de Barcelone, à tel point qu’il s’y installe lors de sa retraite. Dans la ville catalane, il se produit au Teatro del Liceu, l’opéra le plus important et le plus prestigieux de la ville, symbole et lieu de rencontre du pouvoir, de la noblesse et de la bourgeoisie.
Selon les rumeurs, Patrizio connu la ruine financière et est mort dans la pauvreté en Amérique du Sud. C’est une toute autre version que le Dr Don Pablo de Areny de Plandolit raconte dans son livre Las Maravillas de la Magia Moderna (1913). Selon lui, Patrizio est décédé dans une maison du Paseo de Gracia à Barcelone, laissant derrière lui une grande fortune.
– Cet article a été publié pour la première fois dans le MAGICUS magazine n°233 (janvier-février 2022).
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