Avec : Parenthèse cubique, Les Chapeaux Blancs, Bertox, Jérôme Helfenstein, Sarah Florees, Francesco Fratellini, Camila Hernandez et Maxime Larouy.
Troisième édition de cet événement organisé au Studio Stars Europe de Bruno Limoge et présenté par les associations L’Atelier et ArteFaktory. Créée en 2014, l’association L’Atelier développe un grand nombre d’événements culturels comme les soirées Danse en mettant en avant les formes contemporaines, le Hip Hop, le Tango, etc., les concerts de musiques tzigane, jazz, rock ou fado, Un Bal Masqué Barock au Château de La Bussière et bien évidemment la magie et le cirque actuels avec Illusions Magiques.
Cette année la thématique est « ombres et lumières » et la représentation entière se dirige vers une forme de voyage organisé autour d’une dualité complémentaire, comme le Yin et le Yang. La « boîte noire » du Studio se transforme en espace alternant le visible et l’invisible. Les artistes évoluent dans un monde où les frontières matérielles et cérébrales sont poreuses, où la perception du spectateur est brouillée pour mieux le tromper. Pour accueillir le public, l’orgue de barbarie de l’acteur et chanteur Jean-Bernard Michau se met en route comme une introduction au voyage à venir…
Symbolisme
L’ombre est, d’une part, ce qui s’oppose à la lumière mais aussi l’image des choses fugitives, irréelles et changeantes. L’ombre est considérée comme la seconde nature de l’homme et est liée à la mort et aux ténèbres. Elle est le côté obscur, refoulé, caché et inconnu de la psyché humaine. Mais l’ombre n’existe que par la lumière ; et pour le psychiatre Carl G. Jung, « l’ombre nous constitue tout autant que la lumière ». La lumière est un symbole universel de transcendance, de savoir et de spiritualité. Elle s’oppose aux ténèbres, symbole primitif du mal. Elle est mise en relation avec l’obscurité pour symboliser les valeurs complémentaires ou alternantes d’une évolution. Le symbolisme de la sortie des ténèbres se retrouve dans tous les rituels d’initiation : « La lumière succède aux ténèbres ». La lumière et l’ombre sont les deux faces d’une même entité qui ne peuvent pas aller l’une sans l’autre comme le blanc et le noir, la vérité et le faux ou le bien et le mal. Comme le dit Zarathoustra : « Après la nuit vient le jour. Lumière et ombre sont les deux éternelles voix du monde ».
Métaphore de la création
A l’ombre des pensées éclot une idée qui est mise en lumière. Le créateur cherche et puise dans les recoins de son cerveau des idées et des concepts pour les mettre à jour et les présenter au monde. Dans les arts du spectacle, les techniciens sont les hommes de l’ombre (éclairagistes, machinistes, régisseurs…) qui travaillent pour l’artiste qui se produit sur scène. Pour que la représentation ait lieu, l’un ne va pas sans l’autre.
Magies
Symboliquement, l’ombre évoque la magie noire, les forces occultes et la lumière évoque la magie blanche, la bienveillance, le divertissement. Théoriquement, l’ombre correspond aux diverses manipulations, subterfuges et trucages (gimmicks) qui doivent rester cachés pour mettre au jour l’illusion. Un jeu entre le visible et l’invisible, le paraître et l’être, le faux et le vrai : l’essence même d’une illusion.
Le spectacle
Un conteur-comédien arrive dans la salle et introduit la soirée : « Chers invités, entrez, entrez, dans un univers fait d’ombres et de lumières. Nous allons voyager ensemble le temps d’une soirée…»
Maxime Larouy, alias Puck va faire le lien entre les différents numéros en guidant les spectateurs dans un voyage en forme d’intermèdes poétiques, en s’appuyant sur des textes « symboliques » en rapport avec la thématique et les numéros visuels. Celui-ci jouera également avec la lumière, avec l’aide de la régie, qui se baladera de table en table et finira par se fixer pour mettre en focus un moment précis du récit. Puck jouera aussi à l’échassier avec les enfants dans une saynète ludique où ces derniers léviteront dans les airs…
LES CHAPEAUX BLANCS (Théâtre Noir)
Très rares sont les numéros de Théâtre Noir présentés de nos jours à travers le monde. Encore plus rares les numéros exceptionnels comme celui des Chapeaux Blancs ou l’indémodable Omar Pasha.
Dans un registre moderne, empruntant au peintre René Magritte son univers surréaliste (peintre déjà présent dans la création Le tableau de Jérôme Helfenstein), Claude Brun et Jérôme Helfenstein, assistés de Maxime Delforges (qui succède à Pierre Xamin) déploient des trésors de trouvailles et d’idées brillantes sur le thème du double dans un dispositif qui favorise toutes les audaces magiques : effets de décapitation, lévitations, dédoublements, équilibres impossibles, apparitions et disparitions instantanées.
Cet acte de 10 minutes, d’une perfection rarement atteinte pour un numéro visuel, est né au congrès FFAP en 2010 (année exceptionnelle qui aura vu la naissance de trois grands numéros avec Parenthèse cubique, Baltass de Yann Frisch et Les Chapeaux Blancs). Le numéro a ensuite obtenu le prix de Vice-Champion du monde en magie général à la FISM de Blackpool en 2012 et un Mandrake d’or en 2014.
Comme leurs compères et amis de Parenthèse cubique, les Chapeaux Blancs tournent depuis dans le monde entier et c’est amplement mérité pour ces artistes d’une rare modestie et d’une gentillesse incroyable ; c’est toujours la marque des plus grands ! Bravo à eux.
Sarah FLOREES (Hula-hoop et contorsion)
Voici un numéro classique de cerceaux remarquablement présenté par Sarah Florees qui accompagne ses jongleries par de la contorsion. La jeune femme, habillée en blanc, évolue sur une scène baignée de cercles de lumière concentriques. Un cerceau tournoie à un rythme effréné, il est lancé en l’air puis rattrapé, il est vrillé puis tourne sur le pied de la contorsionniste, qui se plie par terre.
Changement d’ambiance, plus chaude et apparition d’un deuxième cerceau pour réaliser une manipulation graphique dans l’espace, puis être placé autour du corps, des genoux et du buste. Pour terminer, quatre cerceaux tournent autour du corps de Sarah Florees, puis une multitude.
Jérôme HELFENSTEIN (Ombres et lumière)
Formé dès 1994 aux arts du cirque, Jérôme Helfenstein fonde la compagnie Eclats de cirque avec cinq amis. Il se spécialise dans la jonglerie et la magie, discipline dans laquelle il reçoit différentes récompenses dont un premier prix FFAP en close-up en 2000. Jérôme Helfenstein aime mélanger les genres et créer des numéros visuels esthétiques et créatifs avec une volonté de poser un univers très marqué et facilement reconnaissable.
Ombres et lumière, créé en 2005 est à l’image de son créateur, espiègle et novateur. En mélangeant magie et ombromanie, tradition et modernité, Jérôme Helfenstein développe un numéro mixte que l’on peut nommer d’ombromagie. Il utilise l’écran de projection avec une programmation d’images animées et une interaction avec des ombres projetées en live.
En parallèle à un certain dépouillement de formes minimalistes, l’ombromane-magicien joue avec les figures traditionnelles des ombres chinoises comme le chien, la grenouille, le trompettiste ou le jockey.
Il faut souligner le travail chorégraphique de Jérôme Helfenstein qui fait des va-et-vient entre le projecteur et l’écran, exécutant des mouvements de danseur et faisant vivre son tableau dans l’ombre. Il y a un fascinant jeu entre la lumière et les ombres qui va au-delà de la simple monstration de figures ; un corps qui « fait corps » avec la projection.
Son numéro est construit comme un rêve avec un personnage qui se réveille de sa chaise, allume une lampe et projette sa fiction sur un grand écran blanc. A la fin la lampe est éteinte et le rêve prend fin.
Francesco FRATELLINI (Jonglage et monocycle)
Dans un numéro traditionnel de cirque, Francesco Fratellini nous présente une série de jonglage avec un plateau, trois balles puis un numéro d’équilibriste sur un monocycle où il empile des tasses et des soucoupes sur sa tête.
La performance est parfaite et Francesco a un capital sympathie énorme. Il faut dire qu’il est un artiste complet et un clown Auguste accompli pratiquant également le mât chinois, l’acrobatie à cheval et le tremplin élastique. Il porte en lui le poids d’une famille historique du cirque qui a vu le jour en 1745 avec Giuliano Fratellini ! Fils de Tino et Carol, Il est né en 1992 et fait partie de la huitième génération des Fratellini. Francesco et Rebecca sont les deux seuls descendant de la grande dynastie des Fratellini à travailler actuellement en piste.
Camila HERNANDEZ (Débarassement)
Une silhouette fine et gracile se détache avec un mât chinois en ombre, sur le devant de la scène.
Tout de noir vêtue, la jeune femme porte une multitude de bijoux : colliers, bracelets, boucles d’oreille… Un poids trop lourd à porter et une chimère pour cette femme qui rêve à d’autres horizons, portée par le désir de se libérer de ses artifices. Le mât chinois est son salut, un moyen d’échapper à sa condition, d’exorciser son statut. Camila Hernandez, fait partie de la promotion 2016 de l’école du CNAC, qui est en tournée avec le spectacle Vanavara. C’est sa première représentation devant un vrai public avec ce numéro de soliste très personnel et habité où elle exécute des figures virtuoses avec un minimum d’effort apparent. Son petit gabarit contraste avec la force nécessaire à ce genre d’agrès, ce qui rend sa performance encore plus impressionnante laissant la place à l’interprétation.
BERTOX (Illusion d’optique)
Cédric Bertolino alias Bertox est un artiste très attachant et pluridisciplinaire. Jongleur adepte du dice stacking et du contact juggling, magicien et illusionniste. En dehors de ses spectacles en solo, il collabore avec plusieurs artistes et compagnies (Cie Vibration Visuelle) dont des musiciens pour créer des numéros originaux. Il est également l’autre moitié du duo de Parenthèse cubique.
Joué pour la première fois en janvier 2014, Illusion d’optique est un numéro graphique d’anneaux qui mélange la jonglerie moderne et des techniques d’illusions. Bertox arrive sur scène et chausse son fidèle chapeau melon souligné par un ruban blanc (posé sur le dossier d’une chaise), similaire au tapis circulaire posé sur scène (rappelant la piste de cirque) et aux anneaux qu’il va manipuler.
Il commence par faire évoluer dans l’espace un anneau blanc qui semble bouger de part lui-même avec la technique du contact juggling. L’illusion que l’objet fait du sur place est saisissante. Ensuite, l’anneau se dédouble, puis sont au nombre de trois, changent de couleur et composent au final une chorégraphie à quatre. Bertox est debout sur sa chaise et fait tournoyer dans l’espace ses anneaux qui dessinent d’incroyables dessins géométriques, impriment et hypnotisent la rétine. Ce n’est plus le manipulateur que l’on regarde mais ces cercles bicolor qui s’animent comme une planche de spiral designer.
A la fin du numéro, c’est la réalité qui se tord et les objets qui dictent leur dynamique à l’image de l’équilibre impossible de Bertox sur sa chaise (on retrouve cette même torsion de la réalité avec le cube et le lampadaire de Cubic act). Le numéro se termine comme il a commencé, les quatre anneaux se fondant en un seul qui est aimanté sur le dossier de la chaise.
Soulignons la remarquable musique, très rythmée, qui accompagne ce numéro et composée par un sound designer. De nombreux artistes jongleurs se sont lancés dans ce type d’« Isolation » et d’« Antispin » (manipulations graphiques), dont les français Nicolas Longuechaud et Pich, ou le magicien diaboliste japonais Ouka, qui nomme son travail Ringarts, initié en 2011. La base étant les recherches extraordinairement novatrices du danseur et jongleur Michael Moschen qui a créé le contact juggling dans les années 1970. Moschen est aussi le premier à avoir utilisé les balles transparentes (réalisées en acrylique) et créa la première « Isolation » de balle en Palm Spinning. Bertox, lui, va plus loin dans l’artistique et le message, ne se contentant pas d’enchaîner les figures sur un mode démonstratif, mais en posant un univers et un personnage bien à lui avec une esthétique propre ; la différence entre le manipulateur qui démontre et l’artiste qui suggère.
PARENTHESE CUBIQUE (Grande illusion)
Maxime Delforges, Cédric Bertolino et Manon Delforges nous présentent leur incontournable Cubic act, créé pour le concours FFAP en 2010, qui a depuis tourné dans le monde entier, passant dans le Fool Us de Penn & Teller en 2012 et obtenant le prix de Vice-Champion du monde de Magie à la FISM de Blackpool la même année et un Mandrake d’or en 2016.
Nous avons déjà décrit ce formidable numéro de Grande Illusion qui va à contre-courant de tous les tours commerciaux présentés sur les scènes actuelles.
Il faut une nouvelle fois louer le travail esthétique et l’écriture de cet acte qui est éminemment contemporain. Ce n’est pas à proprement parler un numéro, mais plutôt un instant, une impression où les personnages sont les faire valoir d’objets vivants.
Ce renversement des rôles confère une toute autre approche de la narration et change le rapport de force classique entre le magicien et ses objets, ainsi que le magicien envers son public. Ici, tout est subi et les objets ont une vie propre qui provoque les effets magiques.
En sept ans d’existence, le numéro a évolué et gagné en maturité et en fluidité. Léopoldine a été remplacée par Manon et l’effet du cube noir a été rajouté à la fin, dans la logique du changement de costume des deux compères.
Conclusion
Après le salut des artistes, Bruno Limoge, le patron de Stars, prend la parole pour féliciter les artistes, les partenaires, mais aussi les techniciens sans lesquels rien de tout cela ne serait possible. Il insiste sur le fait qu’une telle manifestation est une aventure humaine et artistique où l’échange, l’écoute, l’interdisciplinarité et l’originalité en sont la clé de voûte.
La structure de Studio Stars, créée en 2013, existe pour tous les audacieux, pour tous les créatifs de tous les domaines artistiques. A eux de s’approprier cette machine unique en Europe qui évolue et se transforme d’année en année avec, en plus de son parc technique et de sa « boîte noire », la création de loges, d’une salle de réunion et d’une structure qui servira d’atelier.
A lire :
– Illusions Magiques 1
– Illusions Magiques 2
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