Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Michelle & Ernest Ostrowsky (MEO) : Cette histoire d’entrée et de déclic passe par un détour apparemment imprévisible.
Nous étions, Michelle et moi, danseurs et chorégraphes dans le domaine du ballet contemporain, ce qui, dans les années 50, était novateur mais hasardeux. Le public nous accordait d’excellents succès mais la difficulté était d’arriver devant lui; c’étaient en effet les organisateurs qui ne faisaient pas confiance à la danse contemporaine : il n’y en avait que pour le ballet classique.
Une rencontre s’avéra décisive : en 1954 une revue de danse organisa Le Congrès Mondial des Espoirs de la Danse. Encore ados, nous participâmes aux éliminatoires, au cours desquelles Ernest fut sélectionné pour la Finale. (Ironie de l’histoire : l’affaire de ce concours s’écroula, l’organisateur n’ayant pas eu les moyens de réaliser la grande finale.)
Mais, mais, mais : parmi les jurés, il y avait un jeune « peintre de la danse » avec lequel nous avons sympathisé dès notre première conversation après le spectacle. Il avait beaucoup aimé ce que nous avions dansé, il avait fait de nombreux croquis à main levée d’après nous. Ce peintre de la danse était un jeune homme ébouriffé et barbu nommé James Hodges (Nous nous reportons au Talk-show avec James et Merlin sur Artefake et nous y découvrons que le paragraphe « La danse » est illustré d’une maquette que James a faite pour nous, en l’occurrence le costume pour Michelle dans notre chorégraphie intitulée Ombres et lumières d’après le Concerto N°1 pour piano et orchestre de Tchaikovski – seconde moitié des années 50 -).
Nous nous revîmes souvent. Nous partagions la même passion pour la danse, le théâtre, la musique. James, qui travaillait entre autres pour des compagnies de ballet (costumes, décors, éléments chorégraphiques) réalisa aussi de multiples maquettes de costumes et décors pour nous.
James était déjà un féru, un connaisseur de toutes les formes d’arts du spectacle.
Il avait un numéro de manipulation en magie comique, un numéro de ventriloquie et un spectacle de marionnettes. Ayant besoin de manipulateurs de marionnettes, mais qui soient de préférence des danseurs, il embaucha d’abord Michelle en 1957, puis nous deux en 1958, là pour un spectacle au cabaret La Tomate, rue Notre-Dame de Lorette à Paris. Le patron souhaitait “enrichir” son show de strip-tease : James lui avait proposé des sketches humoristiques avec divers types de marionnettes et des effets magiques autour de certains des effeuillages de ces demoiselles. Hélas, ces messieurs les spectateurs ne voulaient se délecter que des nus et il fallut très vite en rabattre et ne conserver que les effets magiques autour des nus.
Ce qui devait être présenté en alternance par trois couples le fut bientôt seulement par Michelle et moi, les 4 autres (dont James et Liliane) courant vers d’autres aventures.
Ces effets autour des filles (avec des marionnettes et/ou des objets) étaient du Théâtre Noir, sur des sketchs réglés au départ par James.
Le « premier déclic » se fit ainsi en douceur. Nous étions loin d’imaginer où cela nous mènerait !
Les trois interviewés, la “famille Pasha”, sur la muraille de Chine 2009 – après le Congrès de la FISM à Pékin où ils furent engagés – de g. à dr. Louis-Olivier, Michelle, Ernest.
Louis-Olivier Ostrowsky (LOO) : Je suis tombé dans la potion magique lorsque j’étais petit. Enfin, bon, pas vraiment comme Obélix : d’abord, et sans vouloir le vexer, je ne suis pas gros et ensuite parce que cette potion m’a été administrée petit à petit, en voyant de nombreux magiciens au fil du temps. Ainsi mon entrée en magie a été naturelle. Plus largement, j’ai vu depuis toujours toutes sortes de spectacles, dont la magie.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
MEO : Les premiers pas de notre apprentissage magique ? 1958 donc : nous avons fait des marionnettes, puis des marionnettes avec trucages, puis des trucages sans marionnettes. Et c’était la magie, en sa technique du Théâtre Noir, le Black Art.
Le ballet contemporain (que nous avons encore pratiqué jusqu’aux années 60) était tout naturellement lié à ce travail : avec la danse nous avions à exprimer, raconter quelque chose avec notre corps. Avec des marionnettes ou des objets nous avions à projeter en avant de nous-mêmes les mouvements à imprimer à ce que nous tenions en mains : très riche expérience.
Pendant plusieurs années, nous avons travaillé simultanément la danse et la magie. Michelle et Ernest Ostrowsky dans un extrait de “L’Histoire du Soldat” de Stravinski et Ramuz dont ils avaient fait la chorégraphie – 1963 (photo Claude Batho)
LOO : J’ai toujours été baigné dans la magie, déjà au travers des 3 premiers numéros de mes parents et bien sûr plus tard d’Omar Pasha. J’en reparlerai.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidés. A l’inverse, un évènement vous at-il freiné ?
MEO : C’est donc James qui nous fit connaître cette forme de magie, qui nous donna les premières occasions de la pratiquer. Mais aussi, nous partagions avec lui des dizaines de moments d’échanges multiples, de rires, de conviviales expériences à propos de culture, de spectacles, de films, de littérature, de musique, etc., etc.
Pour ce qui est des sketchs de Théâtre Noir autour de numéros de strip-tease, et forts de notre expérience naissante, nous avons nous-mêmes cherché et trouvé des engagements dans toutes sortes de cabarets parisiens, surtout à Pigalle et à Montparnasse. Notamment aux Folies Pigalle qui présentaient alors des revues chics et légères qu’un certain Tout Paris aimait applaudir en même temps que s’y encanailler. C’est le chorégraphe Norbert Schmidt qui nous avait engagés.
Ce furent quelques années d’initiation au métier et à la technique : il fallait se mettre en place et travailler en toutes circonstances, s’installer en quelques secondes, assurer le trucage à tous coups. Et ne parlons pas de la précarité de ce genre d’engagements ni du manque quasi total de protection sociale. Rude école, mais efficace école.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
MEO : D’abord, nous répondrions plutôt comment nous avons alors travaillé : dès 1965, alors que nous étions aux Folies Pigalle, nous avons voulu, Michelle et moi, aller au-delà de ce que nous faisions, réaliser « un vrai numéro », en exploitant notre expérience d’alors.
En partant du personnage d’un des sketchs de James (l’homme invisible venait dérober l’argent d’une jeune femme qui, pour le séduire, se déshabillait), nous avons planché et construit le scénario d’une aventure (sans fille nue !) de cet individu. Cela devint Ballade pour un homme invisible par Les Baladins, numéro très design inspiré dans son graphisme par le pop art britannique et américain, parodie d’un trafic de drogue (sujet dont on pouvait alors s’amuser), un thriller magique.
« Ballade pour un homme invisible » sorti en 1966, que nous présentions sous le nom « Les Baladins » (Photo Nogrady). Ce numéro, comme tous les autres que nous présentons ou avons présentés, est déposé et protégé.
Cet Homme Invisible marcha superbement dans toute l’Europe et au Proche Orient, à Bobino en 1967 dans le premier programme que Pierre Perret fit en vedette, en tournée en 1973 à travers la France avec Michel Sardou, diverses télévisions, etc.
Pariscope – 1967.
France Soir – 1967.
Puis ce fut Le Pianiste sous le nom des Light Fingers à partir de 1971 à la création duquel James participa, avant une refonte que nous fîmes, Michelle et moi, environ un an plus tard. C’était aussi un numéro de Théâtre Noir, magique et humoristique, qui fut notamment programmé à la FISM de Paris en 1972, sur 2 mois de tournée avec Joe Dassin, 5 semaines à l’Olympia de Paris avec Charles Trenet, au Bataclan de Paris, à nouveau des télévisions, etc.
« Le Pianiste » sorti en 1971, que nous présentions sous le nom « The Light Fingers ».
Dédicace de Joe Dassin pour le programme de l’Olympia (spectacle de Charles Trenet) – 1971.
Tournée Joe Dassin – février/mars 1971 – La Voix du Nord – Lille.
Sans oublier encore un troisième numéro de Théâtre Noir avec marionnettes et objets : Circus Parade.
LOO : J’ai assisté à la fabrication et à l’entretien des objets des numéros, que ce soit en rentrant de l’école ou en me réveillant le matin. C’était un plaisir de découvrir des objets … qui n’étaient pas des jouets. Un jour, j’ai eu un cadeau : une petite chaise semblable à celle du numéro Ballade pour un Homme Invisible.
J’ai commencé à avoir un rôle actif à la fin du numéro Circus Parade, je devais avoir sept ou huit ans : lors d’un gala de Noël, durant le salut de mes parents, je me suis glissé sur scène, hors de la vue du public et j’ai rangé le matériel, ce qui a permis une sortie de scène plus rapide et un départ sans tarder pour le spectacle suivant en doublage.
Aussi, j’ai participé comme enfant au pilote d’une émission télé présentée par Jacques Higelin.
MEO : Et puis, et puis, comment ne pas répondre à une question … non formulée ?! Mais il s’agit vraiment d’un évènement qui arrive à bien peu d’artistes et qui a transformé notre carrière d’une façon inattendue. Nous avions été impressionnés par un numéro de Théâtre Noir magique que nous avions vu à l’Olympia, dans le Festival Mondial de la Magie d’André Sanlaville. Nous (Les Baladins) l’avons revu à Bruxelles où nous sommes allés féliciter Omar Pasha dans sa loge. Cela reste un souvenir marquant. Il s’agissait de Willy Berscheid, ex-Sambalo, alors Omar Pasha !
Willy Berscheid en Omar Pasha – début des années 1970.
Et vint l’été 1975. Engagé à la Tour Eiffel, Willy – Omar tombe malade et décède un mois plus tard. À l’automne, nous sommes incidemment informés que sa veuve, Hilde, souhaite vendre le numéro. Téléphone, courriers, rendez-vous, échanges sur les conditions d’un contrat, voyage de 3 jours à Trier en Allemagne, pendant lesquels nous travaillons avec Hilde.
Et nous repartons à Paris avec le matériel et avec un encouragement oh combien précieux ! : au moment de quitter Trier, Hilde nous dit : « Vous allez bien assurer le numéro, je le vois, sinon je ne vous l’aurais pas laissé ». Il y avait encore du travail.
Les deux complices : Hilde et Michelle, ici lors d’une visite à Trier en 2006.
Lorsque nous avions appris que Omar Pasha était à « reprendre », c’est Michelle la première qui avait, dit : « si quelqu’un le fait, ce doit être nous ». C’était le coup de coeur. Il est vrai que nous avions l’expérience, la volonté, la passion. Il s’agissait pour nous de conserver, de porter plus loin ce numéro et l’héritage artistique qu’il représentait. Nous voulions être fidèles, préserver, porter au-delà.
Mais jamais nous n’avions imaginé que cette nouvelle aventure irait aussi loin et sur des dizaines d’années.
Couverture du magazine “MAGIC” – Las Vegas – mai 1997.
Couverture du hors-série de la revue de la FFAP – juillet août 2014.
Au fil du temps, nous avons apporté toutes sortes d’ajustements, d’améliorations techniques, mêmes si elles sont parfois invisibles. Mais dès le début nous avons resserré le numéro, le portant à 14 minutes, puis même à 12 minutes, tout en conservant la totalité des effets. Nous avons conservé la musique du Boléro de Maurice Ravel, mais en construisant le tout comme une chorégraphie, en suivant le crescendo de Ravel, des percussions du début à l’apothéose orchestrale des accords finaux.
Willy, pour sa part, après d’autres musiques telles que le Marché Persan (de Ketelbey), avait utilisé le Boléro, mais sans le début ni la fin, faisant chuinter le son à sa disparition finale, en 15 à 18 minutes, selon ce que nous avait confié Hilde.
C’est notre fierté d’être aujourd’hui les troisième (Ernest) et quatrième (Louis) générations d’une tradition magique, après les deux générations de la famille Berscheid. Et c’est aussi notre fierté de lire Richard Kaufman, directeur du magazine magique US GENII : « Omar Pasha est l’un des plus grands numéros de scène de l’histoire de la magie ». (septembre 2009 – après notre participation au spectacle international à la FISM de Pékin.)
Omar Pasha – Ernest Ostrowsky (Photo Michel Kempf).
Alors, dans quelles conditions travaillons-nous ?
MEO : Depuis notre enfance, Michelle tout comme moi, nous avons toujours adoré le spectacle vivant, sous toutes ses formes. Nous avons toujours travaillé par et avec passion, dans la danse comme (depuis 1958) dans la magie. C’est véritablement « magique » que d’être sur scène et de communiquer quelque chose au public. Il y a une technique à totalement maîtriser, un contrôle permanent de chaque seconde et tout à la fois raconter une histoire au spectateur, que celle-ci soit ténue ou plus développée. À l’instant où le rideau s’ouvre, on est tout entier tendu, dédié à ce but.
LOO : Les conditions de mon travail ont évolué avec mon âge. J’avais 10 ans en 1975 lorsque mes parents, tout juste revenus d’Allemagne, où ils avaient commencé à travailler sur le numéro Omar Pasha avec Hilde Berscheid, m’ont raconté le numéro et ses effets. J’en comprenais certains et dû m’en faire expliquer d’autres.
Puis vint le moment d’être la « doublure lumière » de mon père pour les répétitions techniques de certains spectacles comme au fameux Palladium de Londres en 1978. J’avais 13 ans.
Dès 1984 j’ai commencé à être régulièrement l’assistant et ce de par le monde : notamment dans une longue revue à l’américaine en Australie en 1986, la célèbre tournée Zauber Zauber dans les plus grandes villes allemandes en 1987, etc.
Mon rôle a évolué en m’impliquant de plus en plus, autant dans le travail sur scène que dans le côté technique. Efficacité, rapidité, précision de chaque instant sont essentiels. Mes responsabilités se sont aussi élargies dans la préparation et la mise en place, sans parler de l’entretien du matériel en général.
En ce qui concerne le numéro, j’ai donc d’abord appris beaucoup de choses avant de me mettre véritablement à apprendre le rôle principal. En 2001, en Australie on nous demanda, comme à tous dans le spectacle, d’avoir une doublure pour chacun. Ce fut une grande occasion : j’ai d’abord appris effet par effet le rôle de mon père. On nous avait réservé une zone de taille largement suffisante et qui n’était pourtant qu’une petite partie du plateau, lequel avait une ouverture de 30 mètres de large.
Ensuite, les contrats se sont enchaînés dans le monde entier, notamment avec d’autres lointains voyages et des préparations de tournées souvent longues. Puis mes répétitions reprenaient selon les disponibilités dans l’emploi du temps.
Comme d’autres enfants d’artistes reconnus dans leur domaine, je n’ai voulu commencer à présenter le numéro et perpétuer la tradition à la suite de mon père qu’au moment opportun.
Omar Pasha – Louis-Olivier Ostrowsky (Photo Michel Kempf) Quatrième génération de la tradition magique, après la famille Berscheid et après son père.
« À couper le souffle à Chennai !… Omar Pasha, un numéro de Théâtre Noir populaire depuis plus de 120 ans, présenté par l’énigmatique Louis-Olivier Ostrowsky, qui brouille les lignes entre le réel et l’illusoire. » dans « The Times of India » – Tournée en Inde – 2013.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
MEO : Nous pratiquons un segment bien précis de la magie. Ce qui n’empêche évidemment pas que nous nous intéressions à toutes les formes de l’art magique. Plutôt que d’oublier trop de collègues et d’amis, nous ne citerons pas de noms. Ce serait trop long vraiment ! Ils sont si nombreux, des Français comme des étrangers. Mais tout de même… quelques photographies d’amis et collègues ci-dessous :
“Légendes vivantes de la magie” spectacle organisé par Juan Mayoral à Lugo, Espagne – novembre 2005 – de g. à dr. : Pierre Edernac, Omar Pasha, Salvano, Mayoral, René Lavand, John Calvert et son épouse. Ce fut le dernier spectacle de Salvano … et puis aujourd’hui seuls sont vivants Mayoral bien sûr et Ernest. Indicible émotion !
Las Vegas – mars 1997 – Ernest avec Siegfried and Roy dans leur loge.
Répétition au théâtre Hebbel à Berlin pour “Variété” – 1992 – en concertation avec le grand réalisateur de cinéma et metteur en scène d’opéra allemand Werner Herzog – photo Matthias Horn.
Capture d’écran – avec Arturo Brachetti dans “The best of magic” sur ITV – Grande-Bretagne – 1989.
Conférence de presse pour le Festival magique de Shanghai, avec Juliana Chen et Kevin James – 2007.
Pour ce qui est d’artistes non magiciens, ceux qui nous ont marqués sont légion aussi. Il faut dire que nous nous revendiquons du spectacle vivant et de toutes les expressions artistiques en général. Pour s’en tenir à la scène et aux années de nos débuts, citons le danseur Jean Babilée notamment dans les chorégraphies de Roland Petit, Maurice Béjart (que nous avions vu bien avant même qu’il ne soit célèbre), le ballet américain d’Alvin Ailey et au théâtre : Louis Jouvet et puis – au TNP – Jean Vilar, Gérard Philippe, Maria Casarès, Daniel Sorano et, dans leur ensemble, les saisons du Théâtre des Nations (à l’actuel Théâtre de la Ville) qui conduisirent à Paris les plus grandes compagnies mondiales de théâtre, de ballet et d’opéra. (Je fus le secrétaire général du Club du Théâtre des Nations et nous pûmes assister à la plupart des Premières de ces spectacles prestigieux, une vraie révélation pour le Tout Paris artistique.)
LOO : Baigné comme je l’ai été depuis mon enfance dans le monde magique et des variétés, et du spectacle en général, j’ai eu la chance de voir travailler beaucoup d’artistes dont certains étaient des « vedettes” ou sont devenus mythiques.
Des magiciens ? En France d’abord : De Saint Lary, Switon, Jean Preston, Jan Madd, dans son numéro de foulards, Pierre Edernac, et puis Gérard Majax, et puis Otto Wessely et ses cannes à ses débuts parisiens (nous avons partagé une mémorable bataille de confettis dans les rues de La Rochelle) et puis Joe Waldys. Et puis Shimada et le feu dans ses mains, Salvano. Et les Dinardi, etc., etc.
Louis et Ernest avec Luis De Matos (Portugal) – à la Convention FISM 2009 à Pékin – Chine.
Ali Bongo avec nous trois à la Convention FISM 1997 à Dresde – Allemagne – Hommage à ce cordial magicien comique britannique -.
Prasanna Rao, l’exceptionnel ombromane indien, avec nous dans l’autobus de la tournée “Wintergarten” en Allemagne, Suisse, Autriche – 1994 – Sans relâche, il exerce ses mains et ses doigts.
Lors de la 1ère “Colombe d’Or” à Juan Les Pins, photo de Nice Matin : de g. à dr. Mac Ronay, Omar Pasha, Gérard Majax, Anja & Paulus Philippart, Audoin Rambaud (de l’Office des Congrès de Juan les Pins), Chapeau, Jean Ludow – Avril 1991.
Et d’autres artistes (avec lesquels mes parents ont travaillé) : Joe Dassin à qui je donnais des bonbons et qui me donnait les poupées que ses admiratrices lui offraient, et Michel Polnareff que je voyais à l’Olympia depuis la cabine de sonorisation, et le comique Jean Hébrard (dans les tournées de Dassin et de Sardou et dans la tournée magique De l’Illusion au Fantastique que mes parents avaient organisée en 1972).
Et j’ai aussi été marqué par des artistes de music-hall au talent éprouvé et déjà âgés alors que j’étais enfant : le vieux monsieur comique troupier Ouvrard; les comiques Teddy Pompoff Family, Don Sanders, Gino Donati…
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
MEO : Tous, pourvu qu’ils soient présentés avec intelligence et talent tout en incluant un certain esprit créatif. Y compris la magie nouvelle.
LOO : Sans en être un spécialiste, j’ai toujours été attiré par la magie du tournant des XIX° / XX° siècles, période qui est d’ailleurs aussi celle de l’apparition du Black Art.
Quelles sont vos influences artistiques ?
MEO : Dès notre prime jeunesse, c’est l’art qui nous passionne, le spectacle vivant, et aussi la musique, la littérature, la peinture, la sculpture, l’architecture. Des études en Sorbonne à Paris (licence d’histoire de l’art) ont aussi nourri cette soif. Nous avons déjà évoqué ces influences plus haut.
LOO : Il y en a tant, et ce depuis mon enfance, lors des divers contrats de mes parents en France et à l’étranger. Disons que mes souvenirs sont aussi divers qu’ils me passionnent, et pourraient paraître éclectiques. De fait, ils me ressemblent.
Je citerai les grandes oeuvres aussi marquantes et variées du spectacle : avec l’opéra : Samson et Dalila aux Arènes de Vérone, avec la musique : le Pianiste Pollini et le chef d’orchestre Claudio Abbado à la Philharmonie de Berlin, avec le théâtre : Richard III de Shakespeare en Australie, une pièce de Heinrich von Kleist au Berliner Ensemble à Berlin, La Mouette de Tchékov à Paris, et dans d’autres domaines : la comédie musicale Annie (invité par le producteur Harold Fielding à Londres), et aussi au cinéma avec des films comme Fitzcaraldo de Werner Herzog (nous avons travaillé avec Werner Herzog dans un spectacle dont il assurait la mise en scène !), Hair, les Monty Python… et je ne peux oublier un artiste total : Pierre Etaix. J’ai d’abord connu son oeuvre par ses livres puis par son cinéma quand il a pu être à nouveau diffusé. Il m’a fait l’immense honneur et plaisir de venir voir chez moi un choix de mes photographies issues de mes expositions, et avec la danse et le chorégraphe Merce Cunningham.
Il y a tous les musées et expositions que j’ai pu voir avec des oeuvres picturales et sculpturales : Boticcelli, Raphaël et Michel Ange (Les Quatre Captifs !) à Florence, et Magritte, et Fernand Léger, et Giacometti avec son Homme qui marche. Et je ne peux pas oublier Picasso (les décors, costumes et rideau de scène pour les Ballets Diaghilev et ses dessins classiques de jeunesse jusqu’aux diverses périodes ultérieures), et pêle-mêle Hopper, Degas, Rodin.
Et encore, j’ai eu (et j’ai toujours) une immense curiosité pour l’archéologie, notamment pour l’ancienne Egypte et la Grèce.
Tout cela sans parler de la photographie et de son histoire, dont les photographes les plus … magiques : Étienne-Jules Marey d’une part jusqu’à Bernard Faucon d’autre part. Et je me retiens de citer des dizaines de photographes essentiels.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
MEO : À celui qui veut devenir magicien professionnel ?
Es-tu sûr, mais alors ab-so-lu-ment, que c’est cela que tu veux dans la vie ? C’est une profession à risques. Même si tu es primé dans un grand concours, auras-tu les engagements qui suivront ? Es-tu prêt à mener la « vie d’artiste » qui va avec : beaucoup de travail, d’investissement personnel, et tout l’inévitable aspect de commercialisation ?
Mais au fond, on ne peut pas vraiment donner des conseils. L’expérience des uns ne sert guère à d’autres.
LOO : Ne prenez pas Internet comme unique professeur ni Youtube comme unique culture. Travailler les bases au maximum pour atteindre un niveau technique suffisant permettant de passer à une création qui vous soit vraiment personnelle. Et allez à la rencontre d’autres formes artistiques, allez au théâtre, au concert, à des expositions, voyez des spectacles de danse. Faites-vous un goût, ayez des passions.
Mais en tout cas, faire un « copié-collé » de créations ou numéros existants ne vous mènera nulle part.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
MEO : Un regard curieux et intéressé. Et plus encore. Pourvu qu’on y trouve un esprit créatif et une personnalité marquante, basés sur une technique irréprochable. Quant à la magie nouvelle, elle vaudrait un développement spécifique.
LOO : Je m’y intéresse mais ne peux la suivre en détail en raison de mon travail personnel. Par contre, j’ai l’occasion de faire des rencontres riches et surprenantes.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
MEO : Veux-tu une réponse en 3 lignes ou … ?
La magie est pour nous une forme du « théâtre », de ce qui se joue sur une scène. La technique, les techniques que nous utilisons sont un langage parmi ceux à la disposition des artistes de scène. La danse, le jeu du comédien, le chant, le mime, la musique, etc. sont des langages du théâtre. Nous aussi, les magiciens, avons à dominer (d’abord, bien sûr) notre technique magique, mais aussi et au-delà nous avons à être des artistes du spectacle vivant. Nous devons aussi être des comédiens. Tous, nous avons à maîtriser l’espace scénique (ou l’espace de l’artiste de close-up).
La culture, c’est aussi la littérature, la musique, la danse, l’opéra, le cinéma, la peinture, la sculpture, l’architecture, la photographie, la BD, les arts numériques … Toutes les formes de la culture ne peuvent qu’enrichir, former, inspirer, à un niveau ou un autre. D’ailleurs, pour le moins, certains films et leurs musiques ont inspiré bien des scénarios de magiciens.
Chers Amis, demandons-nous un peu pourquoi la magie n’est pas considérée comme “un Art” dans les couloirs du ministère et dans certains salons. Là, les magiciens ne seraient que des montreurs de tours. Lequel d’entre nous n’a pas entendu lorsqu’il a indiqué sa profession : « Faites-moi donc un petit tour » …
LOO : Je viens d’en parler dans mes réponses aux questions précédentes.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
MEO : Ouh la la … Nous deux avons une passion pour les arts en général, pour l’histoire de l’art, pour l’histoire tout court y compris l’histoire contemporaine.
De plus, Michelle aime cuisiner pour la famille et les amis, bien qu’elle prétende être une cuisinière fantasque. Elle aime créer des ambiances chaleureuses à la maison et partout où nous nous trouvons pour le travail. Elle adore entrainer tout le monde à la découverte de spectacles, théâtre, danse, spectacles expérimentaux ou inattendus.
Tous les deux, depuis l’enfance, avons voulu connaître le monde. La magie, notre métier, nous a gâtés en cela : tant de rencontres sur les 5 continents. Notre curiosité nous poussait à découvrir monuments et musées, mais aussi la vie de ceux que nous pouvions croiser ou rencontrer, quel que soit leur milieu, des plus nantis aux plus démunis : tant de modes de vie, de penser. Tant d’humilité à acquérir.
LOO : La photographie, son histoire et son rapport à la grande Histoire.
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Et puis encore, voici un pêle-mêle de photographies, des souvenirs de rencontres et partages chaleureux avec des amis et collègues de ci, de là à travers le monde. Si quelques lecteurs ne situaient pas exactement tous ces artistes magiciens, allez vite sur votre moteur de recherche : ils ont leur place dans l’histoire de la magie.
Il y aurait bien d’autres photos, dans nos tiroirs et dans les recoins de nos ordinateurs. Mais, bon…
Pour commencer, et vraiment sans se glorifier soi-même, une photo de 1995 (prise par Michel Fages) de Ernest saluant le public après le numéro au cours d’un festival magique en région parisienne. Nous souhaitons à vous tous, lecteurs magiciens, de retrouver ce sentiment et cette joie de savoir pourquoi on a travaillé si dur, si longtemps, hors des feux de la rampe, et aussi de savoir tout ce qu’il y a à partager avec ceux qui sont là, derrière le rideau, les partenaires qui ont travaillé aussi dur et aussi longtemps à ce succès.
Avec Shintaro Fujiyama à Tokyo, lors d’un congrès de la branche japonaise de la S.A.M. dont il est le président – septembre 1993 -. Tant de rencontres avec lui, aussi à Pékin, à Hawai.
Michelle avec Kevin James à Münich – janvier 2009 – une rencontre parmi tant d’autres contrats en commun : Grèce, Allemagne, Colombie, Vénézuela.
Avec Marvyn et Carol Roy (Mr Electric) à Las Vegas – octobre, novembre 2000 – si longue amitié, notamment tout au long de la tournée 1987 “Zauber Zauber”. Pensées émues pour Carol, décédée en mai 2009 et pour Marvyn, né en 1925 et actif comme jamais en magie.
Avec les Netcheporenko (Grand Prix FISM 1997, Dresden) – au Congrès FISM de Pékin, juillet 2009 -. Tant de contrats en communs en Europe, en Amérique du Sud.
Avec Mac King – juillet 2009, Pékin, Congrès FISM – il a un spectacle de magie comique à Las Vegas, depuis une vingtaine d’années !
– Interview réalisée en janvier 2017.
A visiter :
– Le site d’Omar Pasha.
Crédits photos : Louis-Olivier Ostrowsky, Claude Batho, Nogrady et Michel Kempf . Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.