Cette exposition, montée avec la participation précieuse des collections de Christian Bertault, François Binétruy, de la Cinémathèque Française et des Monuments Nationaux, se veut grand public et ludique. Elle nous propose de découvrir les origines du cinéma et des fantasmagories et de mettre en lumière les artistes héritiés de Georges Méliès à travers les effets spéciaux et les trucages cinématographiques. Un petit événement dans une institution « magique » qui est salutaire pour bien comprendre comment les magiciens et les cinéastes sont intimement liés depuis le pré-cinéma jusqu’à nos jours.
Le parcours est astucieusement divisé en 7 parties très vivantes : Lanternes magiques, Fantasmagorie, Spectres vivants, Pré-cinéma, Magie et cinéma, Georges Méliès et Magie du 7ème art. Malgré une salle Méliès un peu étriquée, le cheminement et la scénographie de Ludovic Meunier regorgent d’astuces pour divertir les visiteurs sans temps mort. A noter que les visites sont agrémentées d’une présentation théâtralisée genre bonimenteur et que l’exposition est accompagnée d’un livret découverte pour les enfants très bien réalisé. Deux bonnes idées pour donner vie à une « muséographie » qui peut devenir plate et ennuyeuse avec d’autres médias (notes, cahiers, photos…) Mais ce n’est pas le cas ici car le sujet même se prête à une multitude de dispositifs visuels passionnants et foisonnants.
Lanternes magiques
Nous entrons dans l’exposition en découvrant l’impressionnante collection de lanternes magiques et de plaques peintes de Christian Bertault, lui-même illusionniste. Plusieurs affiches et reproductions montrent les fameux colporteurs qui faisaient découvrir la lanterne dans les villages dès le XVIIe siècle.
Fantasmagorie
Un grand écran avec rétroprojection d’images animées essaye de reconstituer ce que le public de l’époque voyait comme apparitions spectrales avec le fameux fantascope de Robertson (collection François Binétruy).
Pré-cinéma
Sont exposés ici les jouets optiques précursseurs du cinématographe grâce à la collection de Christian Bertault qui comprend des pièces rares comme un praxinoscope et un zootrope du XIXe siècle. Est présenté également le matériel de Buatier de Kolta servant à l’escamotage d’une personne vivante et datant de 1886. Cette remarquable pièce composée d’une chaise et d’un pratiquable est mise en relation avec le célèbre film de Georges Méliès : Escamotage d’une femme au Théâtre Robert-Houdin (1896).
Méliès
C’est la plus grande partie de l’exposition réservée à l’inventeur des effets spéciaux et qui plus est dans la salle réservée à son nom. En préambule sont énumérés quelques « promoteurs» illusionnistes du cinématographe comme Fregoli, les frères Isola, Carl Hertz, Trewey, David Devant, Jean Caroly et Harry Houdini.
Sur la petite scène sont reconstitués des éléments de décors du film mythique Le voyage dans la lune (1902). La cinémathèque Française a prété quelques dessins originaux du maître. Certains procédés et trucages sont expliqués de façon pédagogique.
Mais la véritable expérience originale de toute l’exposition est de nous proposer un voyage fictionnel en montgolfière qui sera filmé puis diffusé en direct sous les yeux amusés du public. Nous sommes donc invités à prendre place devant un décor sur fond vert (truc initié avec le film Le voleur de Bagdad de Michael Powell en 1940) et jouer à notre guise une petite comédie qui nous voit décoller dans le ciel et attérir dans la cour de la maison de la magie.
Fantasmagie du 7ème art
La dernière partie de l’exposition reconstitue des espaces en formes de loges-ateliers divisés en thématiques : Traversez l’écran, Créatures et objets animées, A travers la matière et le temps, etc.
On y retrouve des affiches, objets, costumes, accessoires, éléments de décor et extraits des films évoqués comme Orphée (et sa séquence culte de traversée du miroir), ou La Belle et la bête (masque de la bête et décor surréaliste de son château). Les univers de Jean Cocteau, Orson Welles, Pierre Etaix et Michel Gondry sont mis en avant puisqu’ils font partie des représentants d’une catégorie appelée cinéastes-illusionnistes. Sont cités également certains films de Bruno Podalydès, Francis Ford Coppola ou encore Jacques Tati (avec André Delepierre aux trucages).
Pour finir en beauté, à la fin du parcours, apparait un étonnant zootrope moderne rebaptisé le zooprout musical du nom de son inventeur le docteur Prout, sculpteur méca-physique d’objets insolites et revisités. Une belle découverte.
Conclusion
C’est avec ce genre d’exposition que la magie gagnera en crédibilité au près du grand public et des institutions. Le fait que la Maison de la Magie de Blois soit rattachée au Ministère de la Culture et soit labellisée « Musée de France » est bénéfique à la création d’événements ayant une portée nationale. Symboliquement la magie n’est plus un « gentil divertissement » mais fait partie de la culture et des arts : encore un pas de plus vers une reconnaissance certaine. Il faut également souligner la volonté de la directrice culturelle Céline Noulin à proposer de nouveaux événements chaque année et ainsi renouveler et dynamiser ce lieu unique en Europe. De belles heures en perspective pour cet endroit devenu, après différents tergiversements, enfin incontournable et un digne représentant de l’art magique !
L’exposition Fantasmagique Cinéma s’est déroulée à la Maison de la Magie de Blois du 5 avril au 2 novembre 2014. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.