C’est un véritable choc esthétique et scénaristique que ce 3ème long métrage de Michel Ocelot, le chef de file de l’animation à la française. Après les deux volets de Kirikou qui l’ont révélé au grand public et surtout du méconnu Princes et Princesses, le réalisateur mixe le réalisme et la féerie pour nous exposer à l’écran le mariage étonnant de l’occident et du moyen-orient.
L’histoire est aussi limpide que la magnificence des images : Deux enfants élevés comme deux frères par la même nourrice sont séparés brutalement. Azur est blond aux yeux bleus et fils d’un châtelain. Asmar est brun aux yeux noirs et fils de la nourrice. Ayant grandit, Azur décide de partir aux pays des Djinns à la recherche de leur légendaire princesse. Il y retrouvera Asmar et rivaliseront tous deux d’audaces aux pays des terres magiques.
S’appuyant sur une actualité brûlante, Ocelot enrichit son œuvre d’un vrai message à caractère racial. Il nous prône la tolérance, le respect, la différence à travers le parcours de deux frères de lait. Dans ce contexte à fortes connotations, le réalisateur construit une histoire d’une fluidité étonnant. Tout va à l’essentiel dans chaque scène : l’enfance et la différence, la découverte d’une nouvelle terre, l’adaptation et l’acceptation, la fraternité… On s’attache de suite aux personnages, travaillés avec finesse et animés comme des pantins dans un décor digne des plus belles miniatures persanes et flamandes. Car ce qui nous éblouit c’est ce mélange de traitement. Des personnages dessinés en aplats de couleurs (qui explosent dans les scènes de marché) et la minutie éblouissante des décors. Et quand ces deux figures se fondent en une seule c’est la maîtrise parfaite du jeu d’ombres qui se joue devant nos yeux subjugués. Ocelot crée un moyen Orient médiéval à moitié fantasmé où l’architecture berbère côtoie l’architecture byzantine, où l’onirisme côtoie le réalisme. C’est la vision d’un européen sur la culture arabe. Une synthèse magistrale de l’univers des mille et une nuits et des vraies valeurs arabo-persanes.
Le film nous flatte aussi bien l’œil que l’esprit et c’est une vraie gageure. A l’intelligence du scénario répond la splendeur visuelle qui nous transporte entièrement dans la féerie. Devant tant de beauté c’est tous nos sens qui sont mis en éveil. A l’image d’Azur qui, par nécessité, devient aveugle et découvre un pays qu’il ne connaît pas : par le toucher, l’ouie, l’odorat, le goût et la vue ; le spectateur est lui aussi sollicité pour mettre à contribution ses cinq sens. Maîtrisant le double sens avec brio, le film livre ses multiples messages aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Car le miracle de Azur et Asmar c’est de nous faire voyager entièrement en tant qu’individu. Un voyage qui n’a pas finit de nous hanter…
A voir :
– Azur et Asmar de Michel Ocelot (2006). DVD disponible chez TF1 Vidéo.
A lire :
– Michel Ocelot, les trésors cachés.
– Princes et Princesses
– Les contes de la nuit.
– Rencontre avec Michel Ocelot.
A visiter :
– Le site du film.
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