Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Le public adore être diverti par un homme charismatique, et le magicien montréalais Tom Auburn en est l’exemple ultime. Tom traitait son public avec un grand respect et il divertissait avec bienveillance. J’avais sept ans quand j’ai rencontré “Magic Tom” dans un restaurant local, et je me souviens qu’il m’a donné la chair de poule quand il a produit un œuf de derrière mon oreille. Quelques années plus tard, j’ai vu Tom à la télévision faire un miracle avec des foulards en soie colorées (Les foulards du 20e siècle), et je me souviens encore où je me trouvais quand j’ai été témoin de cette prouesse. Ce fut pour moi un moment clé et c’est à cet instant que j’ai décidé de devenir un magicien.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
J’ai effectué mon premier spectacle professionnel pour 5 $ à la fête d’anniversaire d’un ami comme « Magic Ted ». J’avais 12 ans. L’expérience était à la fois terrifiante et excitante. J’ai commencé ma représentation avec Les foulards du 20e siècle. Je faisais disparaitre un foulard et il réapparaissait noué entre deux autres. Cinq minutes plus tard, le foulard redisparaissait pour réapparaître pendu à l’arrière de ma veste ! Oups !
La bibliothèque locale était ma principale source d’information et j’ai sorti, plus d’une fois, tous les livres sur la magie que je trouvais. J’ai pratiqué sans relâche devant un miroir, puis testé mon nouveau matériel en face de mes amis et de ma famille.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
J’ai commencé à travailler à la boutique Morrissey Magic à Montréal à l’âge de 15 ans : c’était le paradis pour un jeune magicien ! J’ai beaucoup appris des propriétaires Richard Olsen et Herb Morrissey. Mes tâches consistaient à nettoyer les casseroles à colombe, les gobelets (dont la société était le fabriquant), à confectionner des gimmick Zombie, à imprimer et relier des livres, et bien sûr à montrer des tours derrière le comptoir. J’ai eu le grand privilège de rencontrer et d’apprendre à connaître la plupart des magiciens de Montréal ainsi que des grands professionnels de passage dans la région comme Jeff McBride, Derek Dingle et Geoffrey Buckingham.
Je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui sans ma partenaire et mon épouse Marion, qui est une danseuse professionnelle. Nous sommes ensemble depuis 15 ans et sa passion pour la vie et pour notre spectacle m’inspire au quotidien. Nous nous sommes entourés d’une équipe fabuleuse de personnes qui nous aident à réaliser notre fusion de la magie, de la danse et du théâtre. Notre concepteur lumière, notre constructeur-technicien, notre scénographe, notre chorégraphe, notre consultant en création et notre graphiste sont tous d’une importance capitale dans le résultat final de notre travail.
J’ai toujours espéré que le téléphone sonne et que quelque chose d’énorme nous arriverais spontanément et nous emmènerais à une prochaine étape de notre carrière, mais cela n’est jamais vraiment arrivé. Ma carrière a été une série de petites étapes comme pour monter à une échelle. J’ai vite appris que personne ne ferait le travail pour moi, donc je devais y arriver par moi-même ! J’essaie d’apprendre de mes erreurs. Si j’apprends d’une erreur alors je le vois comme quelque chose de positif. Les échecs font partie de la vie, mais peu importe ce qui se passe, nous devons continuer à avancer.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Notre spectacle, OUTERBRIDGE – Clockwork Mysteries a été conçu pour être joué dans un théâtre pour un public d’adultes et familial. Nous travaillons également pour quelques événements d’entreprises et occasionnellement pour des casinos chaque saison. Quand je ne suis pas en train de créer, de faire le marketing et la gestion de notre spectacle, nous sommes en tournée. Nous tournons pendant environ cinq mois de l’année.
Une journée typique sur la route peut être un jour de voyage, le tour des médias comme la télévision, les journaux et la radio, ou un jour de spectacle qui implique huit heures de préparation et de mise en place dans le théâtre, un show de 90 minutes et deux heures de démontage.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
J’ai été inspiré par un large éventail de formes artistiques : magie, danse, musique et cinéma. Dans le domaine magique, j’ai été ému par les performances et les créations de Dereck Dingle, David Acer, “Magic” Tom Auburn, David Copperfield, Eugene Burger, Kalin & Jinger, Jim Steinmeyer, Nicholas Knight, Penn & Teller, Mac King et Peter Samuelson.
La musique a un grand impact sur la façon dont je joue mon rôle sur scène : Tout, de The Who à Rimsky-Korsakov et Engelbert Humperdinck. Malgré de nombreuses protestations, je chante « Quando » au cours de nos filages sonores ! Les arts du cinéma et de la danse me fournissent également beaucoup d’inspiration.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’aime regarder tout magicien qui peut offrir une expérience d’émerveillement, et pas seulement un casse-tête ou un truc mais un moment dont je me souvienne.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Je crois que la magie doit venir du cœur, pas d’un catalogue de boutique de magie. Je puise mon inspiration dans la vie au jour le jour. Je conçois et construis la plupart de mes illusions et je recherche des stimulations visuelles dans l’architecture, dans le paysagisme, dans le design de meubles, dans la belle musique, dans la scénographie, dans la conception de l’éclairage… En somme, quelque chose de beau et d’émouvant.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Produisez-vous chaque fois que vous le pouvez. Peu importe ce qui se passe de bon ou de mauvais, vous allez apprendre quelque chose. Aucun apprentissage n’est jamais perdu. Essayez des choses qui « vous font peur ». Enregistrez vos représentations. Soyez votre pire critique. Félicitez-vous. Rappelez-vous que peu importe ce que vous faites, certaines personnes adoreront et d’autres détesteront. Personne ne peut satisfaire tout le monde tout le temps.
Prenez des notes. Scénarisez vos spectacles, comme cela vous aurez un point de référence et vous pourrez l’améliorer. Ne jamais se reposer sur ses lauriers. Soyez attentif aux feedbacks des autres. Écoutez leurs commentaires mais ne les suivez pas aveuglément. Comportez-vous comme la personne que vous voulez être. Vous êtes « le produit », alors prenez bien soin de vous.
Tournez-vous vers d’autres formes de spectacles et de divertissements pour votre inspiration. Entourez-vous des bonnes personnes. N’essayez pas de simplement « tromper » les gens ; donnez à votre magie un sens. Efforcez-vous de donner « la chair de poule » à vos spectateurs, de les impliquer dans ce que vous faites, et … buvez beaucoup d’eau.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
La magie est une des plus anciennes formes d’art et elle peut être fière d’être un art unique en son genre. Il y a beaucoup de magiciens talentueux et intelligents qui ont le courage d’essayer de nouvelles idées et qui contribuent à faire avancer la magie pour les temps futurs.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Je crois que comme magiciens, nous devrions nous efforcer d’offrir une expérience qui laisse un impact durable sur notre public, longtemps après que le rideau se soit refermé sur nous. Pour se relier à son public, un magicien doit présenter du matériel qui intéresse les gens ; la compréhension d’une même « culture » est impérative.
Moi-même, j’utilise « un langage » qui est bien compris de tout le monde et qui parle à un public international que ce soit pour le Canada anglophone, le Québec, le Canada francophone, les Bermudes ou l’Allemagne.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
J’aime les belles choses. Je collectionne les lithographies sur pierre (des maîtres anciens de la magie) et les meubles anciens. J’aime l’architecture, éclairer ma maison à l’intérieur et à l’extérieur (il s’agit de l’éclairage en général), J’aime également la musique, le jardinage, la course et un bon verre de vin.
-Interview réalisée en mars 2014.
A visiter :
–Le site des Outerbridge.