Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Mon premier déclic remonte à ma première année de licence en psychologie. Cette personne, qui est ensuite devenu mon meilleur ami (il l’est encore quinze ans plus tard), m’a montré un tour de magie. J’étais tellement bluffé que je me suis dit « Non ! C’est pas possible, il faut absolument que je comprenne comment ça marche ! ». Le lendemain, je suis revenu avec un jeu de cartes et depuis ça ne m’a plus jamais quitté. Il faut dire qu’à l’époque, j’étais relativement réservé et j’ai compris rapidement que la magie était un véritable outil de communication. J’avais une raison d’aller vers l’autre et peu à peu, ce rôle de magicien a déteint sur ma personnalité. Que du bonheur !
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Le premier pas franchi a été un spectacle, avec mon meilleur ami Cyril Thomas, chez Kiabi. Notre premier cachet où les personnes présentes ont fait tourner une enveloppe. On avait eu je crois quelque chose comme 80€ ! On était comme des dingues !
Ensuite je me suis essayé à aller au cercle de magie à Strasbourg (j’étais alors en première année de Master). J’y ai rencontré notamment deux magiciens, qui m’ont un peu pris sous leurs ailes (Eric Roumestan et Dan Leclaire). Lors de l’inauguration du cercle IBM, toujours à Strasbourg, j’y ai fait la rencontre de Vincent Hedan et Bébel, ainsi que Francis Tabary. La manière dont nous avons appris au début était via un site, qui se déclinait comme un livre, avec diverses techniques. Ensuite nous regardions des vidéos, notamment sur Penguin Magic et nous les passions parfois image par image pour déceler le secret et l’utiliser ensuite à notre guise. Nous étions très acharnés.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Comme je le disais plus haut, les rencontres précédentes m’ont beaucoup aidé. Ensuite en deuxième année de fac de psycho, il y a eu un mouvement de grève, qui fait que pendant plusieurs mois, avec Cyril, nous ne faisions que ça : « magiquer », « magiquer », « magiquer » ! On faisait des tours aux étudiants et aux profs, nous avions notre QG dans une boulangerie (une franchise), dans laquelle nous nous rendions très régulièrement et pour cause… Il y a avait un très grand miroir.
J’ai également rencontré un metteur en scène qui a accepté de me briefer pendant une journée complète pour un numéro. Ensuite un retraité dans mon village natal, qui a beaucoup de machines pour travailler le bois, m’a aidé à construire ma propre Malle des Indes. J’avais fait les plans moi-même, après m’être renseigné auprès d’un artisan qui travaille dans le bois, afin de rendre la malle totalement démontable et transportable dans le coffre d’une voiture.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Cette question est assez vague, alors je vais y répondre point par point.
– Je m’entraine chez moi, dans une pièce presque dédiée. Dans mon ancien appartement, j’avais consacré mon séjour à un studio vidéo dans lequel je tournais et m’entrainais.
– Je travaille, lors de prestations de close-up, avec tout le matériel sur moi. Je n’aime pas l’idée d’avoir à transporter un tapis, une petite table ou d’avoir à chercher des choses trop souvent dans ma valise. J’aime être libre pour aller facilement au contact des convives.
– Pour mes spectacles pour enfants et les quelques scènes grand public, c’est différent. J’ai ma sono au besoin, et pour le reste, ne faisant pas de grandes illusions, j’installe tout mon matériel sur une table, cachée par un « cache » (logique). Et ensuite j’entre en scène… (du bonheur !)
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Mon premier spectacle de magie m’a beaucoup inspiré (ne serait-ce parce que c’était le premier spectacle que j’allais voir. Il s’agissait d’Allan Dickens. Ensuite les spectacles d’Eric Antoine, notamment ses premiers. Cette capacité d’occuper toute une salle de spectacle en étant seul sur scène, c’est très inspirant. La conférence au Festival de Magie de la FFAP, organisé à Besançon, de Jeff McBride m’a totalement fait fondre et m’a « envoyé » très haut dans les airs. Les spectacles d’humour également m’inspirent. Cette faculté de happer le public et le tenir en haleine est également une réelle source d’inspiration, le tout en légèreté.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Le close-up est un de mes styles favoris. La magie de rue également. J’ai un faible également pour la magie de salon, que je considère comme une petite scène et dans lesquels je réadapte me tours de close-up. J’aime le contact avec le public et j’aime la « masse », c’est un bon compromis.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Au départ, David Stone m’a beaucoup inspiré. Bernard Bilis, forcément, avec ses DVD où j’ai pu appréhender de nouvelles techniques cartomagiques… Et puis une de mes idoles est David Williamson (il mêle beaucoup l’humour à la magie et c’est un personnage déjanté. J’aime ce genre de personnalité). Les grands de ce monde comme McBride, Copperfield, Blaine sont des incontournables. Jean-Luc Bertrand, Bébel, Hedan, Olicard… Et bien entendu, mon meilleur pote, Cyril Thomas, qui en est à neuf projets publiés sur la magie des élastiques.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
De mon point de vue, la technique, en prestation, n’est pas l’essentiel. L’important c’est l’enrobage. Comment allez-vous proposer le tour, avec quelle atmosphère ? Etc. Cela demande forcément du travail, mais quand on est passionné, on ne s’en rend pas compte. Il faut tester et retester. Ne pas appliquer à la lettre un tour, avec la même approche que le magicien qui vous l’a appris. C’est important de s’entourer des bonnes personnes, qui vont vous inspirer, vous élever. Il y a malheureusement, à mon sens, beaucoup trop de magiciens qui ont un melon gros comme une pastèque (oui, l’image est assez approximative… So sorry !). Et puis, explorer, continuellement. L’univers de notre art est infini… Et c’est ce qui en fait un domaine juste extraordinaire.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
J’en ai un regard positif. L’image du magicien « ringard », « vieille école » en mode chapeau haut de forme et queue de pie est balayée. Merci à Eric Antoine d’avoir apporté ça et à tous ces magiciens qui œuvrent dans ce sens. La magie se modernise à l’image de ce monde.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Elle est essentielle, au moins en partie. Ça permet ne serait-ce que de répondre aux personnes qui ont une curiosité sur le moment. Ça donne du sens à l’évolution de notre art et puis ça permet parfois d’agrémenter son « speech » à travers des aspects historiques. La culture, au sens large, permet également d’être artiste, pleinement, sans pour autant partir dans un extrême, en étant totalement « engagé » (même si c’est utile, voire nécessaire). C’est important de connaitre le contexte dans lequel nous évoluons, de comprendre et d’assumer ses choix dans la direction que nous prenons quand on propose nos prestations.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Je suis vidéaste. Je réalise pas mal de choses. Des courts métrages, des parodies, etc. Et plus spécifiquement, des vidéos pour des projets de magie. J’en suis à mon sixième, ne serait-ce que pour Cyril Thomas, afin de les vendre ensuite sur la plateforme américaine Penguin Magic. N’hésitez pas à y faire un tour.
Je suis également comédien. J’ai tourné dans un long métrage où j’avais le premier rôle. Ce film, Bioctane devrait sortir en 2022.
Je réalise également un doctorat sur l’impact de la magie sur le développement de la créativité, la facilité à résoudre des problèmes, pour les salariés d’une entreprise. L’idée étant également de voir si la dynamique des groupes de travail peut s’en trouver plus efficace. Dans deux ans, vous aurez la réponse, après ma soutenance.
J’adore également l’enseignement. Je donne des cours à l’Université de Psychologie à Besançon. J’ai été amené à proposer des formations et des conférences qui me confortent dans l’idée de continuer, au moins en partie, dans cette voie. Et puis… Je suis un rêveur inconditionnel. J’aime voir le monde d’un point de vue décalé et cela me convient très bien.
– Interview réalisée en septembre 2021.
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