Comment es-tu entré dans l’univers de la magie (le déclic) ?
A 4 ans j’avais demandé au Père Noël un costume de magicien. Avec mon chapeau haut de forme, et ma cape par-dessus mon pyjama, j’ai fait un tour où je faisais apparaître un foulard. Pour cela, j’utilisais une technique très avant-gardiste, où je tirais le foulard de dessous ma veste de pyjama. Mes parents ont été assez gentils pour applaudir. Ensuite, le vrai déclic s’est fait à 7 ans. Un cousin, de 3 ans mon aîné, avait une boîte de magie de Gérard Majax ; il présenta un petit spectacle devant la famille, et je servais d’assistant. Le noël suivant, je recevais la même boîte de magie, et commençais à m’entraîner. Depuis, je n’ai jamais arrêté.
Quand as-tu franchi le pas et comment as-tu appris ?
Après avoir travaillé tous les tours de cette boîte, j’ai trouvé des livres de magie pour débutants à la bibliothèque municipale. A la fin de l’un d’eux étaient listés des magasins de magie qui vendaient des tours par correspondance, ce qui m’a donné accès à des effets et des livres plus avancés. J’ai étudié seul pendant quelques années. A la fin d’un spectacle de magie à mon école, je suis allé voir le magicien et il m’a proposé de me faire rentrer dans un club de magie dont il faisait partie. L’environnement du club m’a permis d’apprendre et de voir beaucoup de magie, et d’échanger avec d’autres passionnés.
Dans quelles conditions travailles-tu ?
J’ai travaillé dans des conditions très différentes. Sur scène avec un spectacle parlé, en table à table, en cocktail, dans la rue ; j’ai aussi présenté des spectacles de close-up dans un petit théâtre. Maintenant je présente ma magie dans des situations proches du table à table, ou en démonstration de close-up avec le public autour de moi.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui t’ont aidé. A l’inverse, un évènement t’a t-il freiné ?
Le magicien qui m’a fait rentrer dans mon premier club de magie m’a donné la chance de rencontrer d’autres personnes et d’échanger avec eux. Cela m’a permis de dépasser le stage du passe-temps que l’on pratique seul dans sa chambre, et je me suis mis à travailler plus sérieusement. Ensuite, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui m’ont aidé et encouragé de différentes façons. Dans le désordre, Boris Wild, Frantz Réjasse, Arnaud Chevrier, Tony Corgann, les membres de mon club à Poitiers, et plusieurs amis magiciens que j’ai rencontrés quand je vivais à Sydney.
Parle nous un peu de ton travail en magie.
En ce qui concerne la technique, je me suis rendu compte d’une évolution J’ai petit à petit arrêté de faire des fioritures, et j’ai essayé de réduire les mouvements au minimum. Je pense que la magie est encore plus impressionnante si le public est persuadé qu’il n’y a pas eu de mouvements suspects. Sur la question du style, j’ai du mal à savoir si je me dirige dans une direction bien définie, cela dépend un peu de l’humeur. Pendant plusieurs années, je ne travaillais la magie qu’à l’intérieur de l’univers de la prestidigitation. Maintenant, je m’inspire de plus en plus de la littérature et du cinéma. J’aimerais vraiment que ma magie puisse avoir le même impact qu’un excellent film.
Si tu devais nous raconter un souvenir marquant de l’une de tes prestations, ce serait ?
Bizarrement, ce sont des souvenirs de « dérapages contrôlés » qui me reviennent. Des moments où, en pleine prestation, un problème survient, et je me rends compte que l’effet ne va pas fonctionner. Trouver une solution sur le vif génère une bonne poussée d’adrénaline.
Cela m’est arrivé pendant le concours à Aix-les-Bains, quand j’ai présenté mon numéro Rainman.
Cite un ou deux tours qui te viennent à l’esprit comme les plus beaux, à regarder, à pratiquer.
« Les trois mies de pain » de René Lavand est à mon avis l’un des plus bels effets de close-up. La structure est simple, l’effet impossible, et bien sûr sa présentation est merveilleuse. Pour moi c’est l’un des effets les plus beaux et poétiques.
Quelles sont les prestations d’artistes (magiciens ou non) qui t’ont marqué ?
Quand j’étais à Sydney, un jour j’ai vu un musicien, Sunflower Syco, jouer du didgeridoo et de la guitare acoustique dans la rue ; bien qu’il soit dans une zone commerçante avec beaucoup de passants, il a réussi à créer une bulle magique, un moment hors du temps.
Yukki, un japonais virtuose du yoyo, a aussi créé ce type de moment surréaliste au congrès FFAP d’Aix-les-Bains.
Quels sont les styles de magie qui t’attirent ?
C’est un peu comme les films, je ne suis pas attaché à un style particulier, j’aime juste les bonnes choses. J’adore certaines prestations de scène, cabaret, close-up, dans tous les styles (comique, dramatique, etc.), pour peu que l’artiste ait fait l’effort de présenter autre chose qu’une succession de tours, et que sa présentation reflète son univers personnel.
Quels conseils aurais-tu à donner à un débutant ?
Honnêtement, s’il n’est pas trop tard, je lui conseillerais d’arrêter la magie, parce que je vois à quel point j’ai du mal avec la magie à exprimer correctement ce que j’ai en tête. Je l’orienterais vers la musique. S’il est déterminé à continuer la prestidigitation, je lui conseillerais de lire un peu de magie, beaucoup de littérature non-magique, et de regarder le plus possibles de films, en espérant que cela lui donne une bonne source d’inspiration pour ses prestations.
Quel regard portes-tu sur la magie actuelle ?
Ce serait très prétentieux de ma part, à 26 ans, de faire une critique ou de proposer un jugement sur la magie actuelle. Comme je ne me reconnais pas trop dans ce qu’on nous propose en général, j’essaye de faire évoluer ma magie en me concentrant sur ce que je voudrais partager avec le public.
Quelle est selon toi, l’importance de la culture dans l’approche de la magie ?
C’est absolument essentiel. Si on veut dépasser le cadre du simple tour, il faut être capable de lier l’effet à un élément extérieur. Sans un minimum de culture, on ne peut pas communiquer d’émotions, on ne peut pas discuter avec le public, on ne peut pas établir de connexion avec les spectateurs. Et la culture, sous toutes ses formes, est aussi une source indispensable d’inspiration.
As-tu de futurs projets et spectacles ?
J’ai quelques idées de spectacles sur scène, chacune de ces idées étant rattachées à mes centres d’intérêts, mais pour l’instant ces projets sont trop ambitieux et il me reste encore beaucoup de choses à mettre en place.
Tes hobbies en dehors du spectacle ?
Le cinéma, principalement asiatique, et la littérature, en particulier Jorge Luis Borges et Paul Auster.
– Interview réalisée en septembre 2010.
A visiter :
– Le site de Vincent Hedan.
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