Le pickpocketisme est pratiqué par des magiciens, dont certains en font leur spécialité, « uniquement à des fins de divertissement » avec la complicité du public. Cette discipline « de la rue » devient alors une démonstration spectaculaire de dextérité, d’agilité et de bagout, le pickpocket étant obligé de « contrôler » sa « victime » par son assurance et son flot de paroles. Bien entendu, à la fin de la séance, tous les biens sont rendus à leur propriétaire.
Le magicien allemand Compars Herrmann (1816-1887) et son jeune frère, Alexander Herrmann (1844-1896) sont les précurseurs du pickpocketisme scénique en incluant une séquence de vol à la tire dans un de leur spectacle.
Fred Brezin, « The Original and First Pickpocket ».
Le pickpocket de spectacle apparaît sur les scènes théâtrales au début du XXe siècle. L’un des tout premier artiste pickpocket est un magicien anglais d’origine française, Fred Brezin, qui commence à se produire à Londres en 1906, se présentant comme « The Original and First Pickpocket ». Il est suivi par l’allemand Walter Sealtiel (1890-1948).
En 1929, un Juif hongrois nommé Adolph Herczog (1896-1977), alias Dr. Giovanni fait sensation en Angleterre en volant une épingle de cravate au Prince de Galles. Il devient vite une vedette auprès du public populaire des boîtes de nuit aux États-Unis et dans le monde entier jusqu’à sa mort en 1977.
Dans les années 1930, les pickpockets investissent les music-halls. En 1931, un prestidigitateur bulgare nommé Nissim défraya la chronique ayant été pris en flagrant délit de vol dans les stations de métro.
Borra et sa femme.
L’âge d’or du pickpocketisme a lieu après la Seconde Guerre mondiale. Son représentant le plus célèbre est le serbe polyglotte Borislav Milojkowic (1921-1998), surnommé Borra, « Le roi des pickpockets » ou « Le voleur de Bagdad » qui est le père du numéro moderne de pickpocketisme, créateur d’un style archétypal qui sera répété jusqu’à nos jours. Celui qui se vantait d’avoir « dévalisé Scotland yard, Interpol et le F.B.I » devient rapidement une star de la nuit, des clubs, des variétés et des cirques à travers l’Europe. Il présentait un numéro commençant par une chasse aux cigarettes, agrémentée de ronds de fumée, puis procédait au « déballage » des objets dérobés au moment où le public rentrait dans la salle (déguisé et grimé en contrôleur ou en placeur). Pour son grand final, il faisait venir plusieurs personnes sur scène et commençait une démonstration virtuose en dévalisant ses « victimes ».
Gentleman Jack et sa femme Maj-lis.
En 1949, le danois Tommy Iversen (1921-1984), alias Gentleman Jack et sa femme Maj-lis se font connaître. Il se présente comme « l’aristocrate des pickpockets » ou « Les mains les plus rapides du monde ». Ils travaillaient sur les cinq continents dans de nombreux grands cirques et spectacles de variétés en Europe avec leur élégant numéro de pickpocket dans un style british très élégant.
Vic Perry.
Ricki Dunn.
Dans les années 1950, de nombreux artistes européens se produisent comme pickpockets, tels que Borra Junior, Alf Melander, Boris Borsuks et Mark Raffles. Au même, moment aux États-Unis, Victor Perry apparaît. Originaire d’Angleterre, faisant partie d’une grande famille du spectacle, il pratique le mentalisme, l’escapologie, l’hypnotisme et est présenté comme « le meilleur pickpocket du monde ». Mais, c’est grâce à un américain que la discipline se démocratise : Fred Revello alias Ricki Dunn (1929-1999). Il est l’auteur d’un livre référence sur le pickpocketisme et a mené une longue carrière aux États-Unis sous le nom de « Mr. Pickpocket » ou « Le premier pickpocket de l’Amérique » jusque dans les années 1990.
Dominique.
Bob Arno et sa partenaire.
Dans les années 1960, deux nouveaux artistes du monde du showbiz sont devenus des grands noms du pickpocket : le français Dominique et le suédois Bob Arno. Dominique Risbourg commence le pickpocketisme à l’âge de 15 ans. Il est également magicien et ventriloque. Il travaille en professionnel à l’âge de 20 ans de nombreuses années au Lido de Paris et à Las Vegas ou il se produit en vedette au Sands, Sahara, Flamingo, Desert Inn, New Frontier, El Rancho et de nombreuses fois au Stardust.
Gérard Majax et son partenaire-mannequin Oscar.
Les pickpockets sont à la mode et d’autres artistes se font connaitre : le letton Boris Borsuks, le tunisien Henri Kassagi (conseiller technique pour les gestes du voleur dans le film Pickpocket de Robert Bresson), Fred Clifton, le lyonnais Joe Waldys, Gérard Mercier, le toulousain Dody Willtohn (son numéro de pickpocket est truffé de prestidigitation avec une « chasse aux monocles » dont il se sert pour voler dans la salle), le suisse Pierre Jacques, le belge José Duchant, Régis Vidal, Gérard Majax et son partenaire Oscar (un mannequin électronique), le danois Kenny Quinn.
Affiche du film Pickpocket (1959), chef-d’oeuvre de Robert Bresson avec le magicien-pickpocket Kassagi.
Plusieurs magiciens ont inclu une séquence de pickpocketisme dans leur numéro de prestidigitation comme : Joe Stuthard, Jean Lupin, Sirdani, Harry Blackstone, Eddie Joseph, Rodolfo (dans les années 1930). John Calvert (dans les années 1950). Roger Crosthwaite (dans les années 1960). Apollo Robbins, Fred Razon, Hector Mancha, Robert Ace (dans les années 2000 – 2010).
A lire :
– How to pickpockets de Eddie Joseph. Traduit en français par Jean de Merry sous le titre Pour réussir un numéro de Pick-Pocket au music-hall (Editions Sauty, 1954).
– Tout dans les mains, rien dans les poches de Pierre Jacques (Editions Techniques du spectacle, 1981).
– Les Pickpockets de Gérard Majax (Editions J.C. Lattès, 1981)
– Pickpocket ! Vingt ans de flagrants délits : un flic parle de François Adjean (Editions Acropole, 1990)
–Techniques of the professional pickpocket de Wayne B. Yeagers (Editions Loom Panics unlimited, 1990)
– L’art du pickpocket : Précis du vol à la tire de Philippe Petit (Editions Actes Sud, 2006).
– The Professional Stage Pickpocket de Ricki Dunn (Nielsen Magic, 2006). Ouvrage traduit en français aux Editions Magic Dream : Profession : Pickpocket – Manuel du vol à la tire pour les artistes (2017).
– Pierre Jacques, le Gentleman-Pickpocket de Ivan Laplaud (Editions Papier magique, 2008).
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