Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
On ne m’a jamais offert la classique boite de magie. Mon premier déclic fut télévisuel grâce à La Piste Aux Etoiles et à une émission de Gérard Majax Y’a un truc. N’ayant aucun contact avec le milieu magique, je me suis « inventé » quelques effets que je notais, soigneusement, sur un carnet et que je présentais devant un cercle restreint amical et familial. Chaque fois qu’une connaissance me montrait un tour de carte et avait la gentillesse de me l’expliquer, je procédais de même. Rapidement et sans source fiable, je n’ai pas donné suite.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Vers l’âge de 25 ans, alors interne des hôpitaux, j’ai poussé la porte d’une boutique marseillaise tenue par Victor Barbe dit « Vicbar ». Ce fut une révélation. J’accédais à quelques matériels et livres. Admis au sein du Cercle des Magiciens de Provence, j’y rencontrais André Robert et Armand Porcell. Le virus de la cartomagie me fut inoculé. Ils m’ont prodigués mes premiers conseils.
Un an plus tard, effectuant mon service militaire à l’hôpital Larrey de Toulouse, j’ouvrais une autre porte, celle du magasin de Claude Jan. Il fut déterminant pour moi et me présenta Marc Serin, lui aussi médecin en devenir, dont les connaissances cartomagiques étaient encyclopédiques. Il fut le premier à m’expliquer tant de techniques et à m’offrir plusieurs livres pédagogiques. Je ne l’oublierai jamais.
J’ai essentiellement travaillé seul m’appuyant sur les écrits de l’époque. Deux remarques à cet égard : certains ouvrages nommaient des techniques sans les décrire. Un peu frustré, je me suis mis à créer mes propres méthodes et ce fut sans doute un bien. Par ailleurs, les vidéos étant rares et onéreuses, je n’ai pas connu la tentation de l’imitation. J’en suis finalement ravi.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Incontestablement et chronologiquement je retiendrai, André Robert qui a partagé son approche quasi philosophique de la cartomagie, Claude Jan qui m’ouvrit les portes de La Revue de la Prestidigitation dans laquelle j’ai beaucoup publié et Armand Porcell qui m’a inculqué une forme de rigueur et permis de passer trois jours en compagnie d’Ascanio.
Plus proche de nous, je remercie Norbert Ferré pour l’intelligence et la justesse de ses conseils ainsi que la générosité de son aide, Jean-Emmanuel Franzis à l’origine de plusieurs invitations à l’European Magic Close-up Symposium de Milan, me permettant d’y être admis par Giacomo Bertini, Obbie O’Brien pour ses invitations au FFFF qu’hélas ma phobie de l’avion ne m’a pas autorisé à honorer, Eric Roumestan, et Tony Cacchadina pour leur invitation à l’Escorial de Madrid, Dominique Duvivier et Alexandra qui m’ont accueilli au Double Fond en tant que conférencier.
Je ne me souviens d’aucun élément freinateur si ce n’est ceux que je me suis imposés.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Pour rebondir sur ma dernière phrase, mes fonctions hospitalo-universitaires de professeur, chirurgien chef de service et de vice-doyen de la faculté de médecine de Marseille, ne me laisse que peu de temps libre. J’ai toujours limité le nombre de mes conférences, de mes participations aux congrès et refusé la plupart des propositions de spectacle. Mon travail porte, pour l’essentiel, sur la recherche, la conceptualisation, la construction et l’optimisation des effets. Mes publications, ma vidéo sur les techniques cartomagiques, le livre sur la mnémotechnie, celui sur le chapelet périodo-apériodique, le triple DVD sur le même thème et celui sur le sleeving en sont le fruit. Je me considère comme un amateur dans l’acception originelle du terme, à savoir un amoureux de la magie.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Comment ne pas admirer les Slydini, René Lavand, Channing Pollock, Norm Nielsen, Arturo de Ascanio, Juan Tamariz, pour les « légendes » et des artistes tels que Yann Frisch, Dani DaOrtiz, Miguel Angel Géa, Rick Merrill, Yu Ho Jin dans la génération actuelle. La liste n’est pas exhaustive et mes préférés ne sont pas tous professionnels. A titre d’exemple, Jean-Emmanuel Franzis, avocat de son état, possède une maitrise technique qui ferait rougir bien des manipulateurs.
Parmi eux, trois personnalités se détachent :
– Norbert Ferré : aucun magicien, n’a réussi une aussi parfaite osmose entre musique, chorégraphie scénique et magie. Je retrouve dans son numéro FISM les cinq piliers d’une prestation d’exception à savoir : la cohérence, le rythme, l’originalité, l’impact magique et la maitrise technique. La dualité de son personnage, ses talents d’acteurs, viennent accroitre le sentiment de maitrise scénique qu’il dégage. J’ai eu la chance de le connaître à ses débuts, il était grand avant de le devenir. Son titre de Champion du Monde ne m’a pas surpris.
– Lennart Green : son génie réside dans le contre-pied qu’il a su prendre face aux canons classiques de la cartomagie. A l’opposé de tout ce qui existait, il a, dans la rationalité d’un illogisme apparent, changé de paradigme et ouvert des voies nouvelles. Il est une école à lui tout seul.
– Gaëtan Bloom : sans doute un des cerveaux les plus fertiles de sa génération. Etonnant, détonnant, il continu là où les autres s’arrêtent. Il est l’illustration de l’adage qui veut qu’une bonne idée soit celle qu’on regrette de n’avoir pas eue. Gaëtan me fait souvent regretter.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
La bonne.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Mozart : Le génie est dans la simplicité.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
S’inspirer mais ne pas imiter.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Qu’elle soit actuelle, nouvelle, passée voire surannée, j’éprouve quelques réticences à l’encontre du mot « Magie ». Trop protéiforme pour répondre à un terme singulier, ce que nous nommons magie regroupe des modes d’expression fortement hétéroclites. En dehors de l’incompréhension qu’ils génèrent, quels points communs peut-on relever entre une grande illusion et un numéro de manipulation ? J’admets les différences de styles magiques comme ils existent en musique. Il m’est, cependant, difficile de considérer un DJ à l’égal d’un musicien. Pour autant, j’apprécie, pour d’autres raisons, les spectacles de grandes illusions, lorsqu’ils atteignent la qualité de ceux de Siegfried and Roy, David Copperfield, Hans Klok, et sans chauvinisme pour sa créativité, Dani Lary.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
La base culturelle de la magie est le théâtre. On attribue à Jean-Eugène Robert-Houdin la citation : « un magicien est un acteur qui joue le rôle d’un magicien » : Tout est dit !
La forme la plus évidente de théâtralisation de la magie se concrétise dans la magie comique. Otto Wessely, Voronin et Eric Antoine en sont des exemples emblématiques.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
La musique, la poésie, la contrepèterie : Quel beau métier professeur !
– Interview réalisée en mars 2015.
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