Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
C’est grâce à la télévision, en regardant l’émission Y a un truc de Gérard Majax ainsi que les interventions de José Garcimore. C’est vraiment ce qui a déclenché ma passion.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Je devais avoir 8 ans. Je reproduisais tous les tours expliqués par Gérard Majax. J’ai également commandé une boîte de magie à Noël. Il faut dire que dans les années 1970, il n’y avait pas YouTube, pas de DVD, et très peu de littérature magique. Habitant en plus à la campagne, je n’ai pas eu l’occasion de croiser des magiciens qui auraient pu m’aiguiller. C’était donc difficile d’apprendre la magie.
Photo : Eric Hochard.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Au collège, ayant épuisé tous mes tours, j’ai laissé tomber la magie. C’est 15 ans plus tard qu’une rencontre a été déterminante. J’ai eu la chance de croiser un magicien, au cours d’une soirée événementielle, qui m’a donné le numéro de téléphone de Didier Laurini. Il était à l’époque le président du CAMP, le club de magie de Poitiers. C’est lui qui m’a donné toutes les clés. Au club, j’ai sympathisé avec Frantz Réjasse et Maurice Douda. Nous avons passé des soirées entières à faire de la magie et à discuter. C’est Frantz qui m’a aidé à créer mon spectacle Mentalisme Musical. Sans lui, je ne pense pas que j’y serais parvenu.
Photo : Sylvia Vasseur.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Je fais le métier, au sens large du terme. Comme je suis également musicien, je suis amené à jouer dans toutes les situations possibles. J’ai commencé à l’âge de 16 ans, en faisant danser les gens. C’est ce qui m’a permis de prendre confiance en moi. J’ai pu progresser techniquement, mais également me confronter à l’animation et à l’échange avec le public. J’ai ensuite navigué dans les festivals de jazz, les arts de la rue, les théâtres, les studios d’enregistrement, les soirées événementielles.
En tant que magicien de close-up, je fréquente plutôt les restaurants, les châteaux et les salles des fêtes. Quand à mon spectacle Mentalisme Musical, il me permet de jouer dans les théâtres, et ça c’est un véritable aboutissement. Les gens paient pour venir te voir. Ça change tout. L’écoute des spectateurs est tout autre. J’ai même eu la chance de jouer trois fois au Festival Off d’Avignon. Cet hiver, je serai au Théâtre des Beaux-Arts à Bordeaux.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Les deux magiciens qui m’ont le plus marqué sur scène sont Xavier Mortimer et Yann Frisch. J’ai vu les débuts de L’ombre orchestre en 2006, au Congrès FFAP d’Arcachon. J’ai adoré cette approche très poétique et théâtralisée. L’alliance de la magie et de la musique m’a évidemment séduit. J’aime les spectacles sincères, chargés émotionnellement et artistiquement. Yann Frisch a également été pour moi un choc. Je l’ai vu au Congrès FFAP à Disneyland en 2010. Après son numéro qui lui a valu le titre de champion de France, puis champion du monde plus tard, la salle entière s’est levée. Nous avions des frissons. C’était un vrai moment de magie et d‘émotion. Le dernier spectacle qui m’a marqué, c’est celui du pianiste Pascal Amoyel, Le jour où j’ai rencontré Franz Liszt. Pour moi, c’est l’excellence au service de l’art. En plus, il est passionné de magie et de mentalisme.
Photo : Eric Hochard.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’aime quand la magie est théâtralisée, quand elle raconte une histoire, quand elle me touche et me fait voyager. J’entends par là qu’elle n’est pas un enchainement de tours. Je ne critique pas d’ailleurs ce genre de magie, car il a son utilité. Je fais de l’événementiel, donc je sais que la magie est généralement au service d’un événement, et que les magiciens interprètent des tours en fonction du public, des souhaits de l’organisateur et du temps qui leur est imparti. C’est de l’animation. Mais ce n’est pas ce que je recherche en tant que spectateur. Je suis un amoureux de l’art.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Elles sont nombreuses, puisque j’ai une formation de musicien classique (conservatoire, faculté de musicologie) et de jazz. Je suis donc imprégné d’un répertoire très éclectique, allant de Maurice Ravel à John Coltrane. J’aime aussi beaucoup la pop et la soul, comme Muse ou Stevie Wonder. En mentalisme, je suis influencé par la magie de Derren Brown, grâce aux livres Pure effet et Magie absolue, qui sont de vrais bijoux de réflexion autour de l’art du mentalisme.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Quand j’ai appris la magie, j’ai écouté les anciens, ceux qui pratiquaient depuis longtemps. J’ai été attentif aux conseils, aux remarques, et j’ai ensuite rectifié ce qui n’allait pas, en travaillant jusqu’à ce que ce soit parfait, ou presque. Bien sûr, il ne faut pas suivre ce que disent les autres les yeux fermés, car chacun doit garder sa personnalité, mais pour commencer, il est bon d’être très à l’écoute du moindre conseil.
En utilisant l‘expérience des autres, en se plongeant dans l’histoire de la magie. Grâce aux livres, on acquière de la culture, du sens critique et les bagages nécessaires à la création. On peut bien évidemment s’approprier les outils de notre temps, comme YouTube. Mais il faut les utiliser intelligemment. Reproduire en spectacle ce qu’on voit sur YouTube, réalisé par des magiciens qui eux même refont ce qu’ils ont appris sur Internet, sans savoir à qui ça appartient et comment ça a été créé ne fait pas de bons magiciens. Par contre, YouTube permet de voir les plus grands illusionnistes, les vrais créateurs, ceux qui ont fait l’histoire de la magie. Ça participe à la culture, et c’est une source d’inspiration pour la création.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je suis un peu partagé sur ce sujet. Je trouve qu’il y a beaucoup de consanguinité en magie. Les magiciens reprennent très souvent les numéros des autres sans les faire évoluer, sans y apporter de créativité, de touche personnelle, sans utiliser les autres arts, comme le théâtre, le cirque, la musique, le cinéma, qui pourraient leur permettre d’être unique. Certains magiciens sont souvent plus intéressés par l’envie de trouver des contrats et de faire de l’argent que de développer leur art. Du coup, ils repiquent les idées, parfois les affiches, voir même des numéros ou des spectacles entiers. Ça, c’est pour le côté négatif.
Photo : Sylvia Vasseur.
Mais je remarque qu’aujourd’hui, la magie commence à arriver sur les planches. C’est donc que les magiciens proposent des spectacles artistiques, et là, ça me fait plaisir. Hormis les noms que j’ai déjà cités, des spectacles comme Au bonheur des vivants de Cécile Roussat et Julien Lubek ou Chuuut de Blake Eduardo sont pour moi l’avenir de la magie. Des tours classiques avec un propos, de l’émotion et une richesse artistique.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
La culture est l’avenir de la magie. C’est en ayant une connaissance assez large de l’histoire de la magie, mais également des autres domaines artistiques qu’on peut créer un spectacle original et sensible, qui pourra enchanter et transporter le public. Si on veut que la magie soit considérée comme un art à part entière, ce qui n’est malheureusement pas encore le cas, il faut développer la culture des apprentis magiciens, donc envisager une transmission différente, peut-être sous forme d’école, au même titre que les autres arts. Et quand je parle d’école, je veux parler d’un lieu qui aborde la discipline dans sa globalité : histoire de la magie, technique, théâtre, mise en scène et mise en musique d’un numéro… Tous les arts ont leur école, il y a forcément une raison.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
J’aime aller voir des spectacles, des concerts, courir, lire. Mais j’avoue que j’ai la chance d’avoir comme principaux hobbies la magie et la musique, et c’est une chance incroyable de vivre de sa passion.
– Interview réalisée en septembre 2018.
A visiter :
– Le site de Pascal Faidy.
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