Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Sylvain Vip : Je suis tombé dans la marmite étant petit. Mon père, Jean-Claude Vip était magicien des colombes. J’ai grandi au milieu du monde magique et j’ai appris à lire avec les livres de magie de la bibliothèque familiale. Du coup n’y a pas eu de vrai déclic, c’était là depuis le début.
Maxime Schucht : Pour ma part, je suis arrivé beaucoup plus tard dans la magie. Bien que j’ai eu des boites de magie étant petit, c’est vraiment vers la vingtaine que je suis rentré dedans. Mon ex-femme pratiquait la magie. J’étais fasciné par les tours qu’elle pouvait me faire et j’ai eu envie de rentrer dans cet univers. J’ai rapidement découvert le mentalisme et ça a été un déclic total, un coup de foudre pour cette discipline. C’était au tout début des années 2000.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Sylvain : Comme je disais, j’ai appris avec les livres. Je suis autodidacte, je n’ai pas pris de cours. Pour le mentalisme, j’ai dû me tourner vers la littérature en anglais car à l’époque il existait très peu d’ouvrages en français sur le sujet. J’ai aussi utilisé le support vidéo en anglais.
Maxime : De la même manière que Sylvain, j’ai appris en me plongeant dans la littérature en anglais sur le mentalisme ainsi que dans les vidéos. On a aussi beaucoup cherché par nous-même des solutions à des problèmes que nous nous crénons.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Sylvain et Maxime : Un des grands facteurs de notre épanouissement dans le domaine magique a été la possibilité d’échanger sur un forum de magie disparu aujourd’hui. Nous étions un tout petit groupe de passionnés de mentalisme et il y avait une vraie émulation et motivation du coup. Le gros déclic a été notre rencontre en réel, c’était à une conférence de Banachek, ce fut vraiment le début d’une belle aventure.
Le deuxième évènement qui a dynamisé notre parcours a été notre rencontre avec Viktor Vincent qui nous a proposé de travailler avec lui sur différents projets (spectacles, émissions tv…). C’est durant cette période que nous avons réalisé tout le plaisir que nous éprouvions dans la créativité et l’écriture pour d’autres artistes. C’est dans cette période que le mentalisme est devenu plus qu’une simple passion pour nous.
Par la suite, tous les artistes pour qui nous avons eu la chance de travailler nous ont permis de grandir et de nourrir différemment la flamme créative.
Photo : Jean-Claude Vip.
Notre rencontre avec Ludovic Mignon, le propriétaire de la boutique Marchand de Trucs, aura été aussi un évènement marquant humainement et professionnellement car il nous a beaucoup aidé dans le développement de notre marque.
Concernant les événements qui nous auraient freinés. Dans un domaine artistique comme la magie, il y a toujours beaucoup de personnes et de situations qui ont tendance à vous décourager et vous freiner mais avec le temps on apprend à prendre de la distance et passer outre, voire même en faire une source de motivation supplémentaire.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Chaque début de mois, nous partons au Bahamas pour une séance de travail, histoire de trouver l’inspiration (pour ceux qui ne connaissent pas Les Bahamas, c’est un petit bar PMU à Pontault-Combault dans le 77).
Plus sérieusement, il n’y a pas de conditions précises de travail, ça va dépendre des projets sur lesquels nous travaillons.
Photo : Ulysse Thevenon.
Lorsqu’on travaille en tant que consultants ou auteurs pour d’autres artistes, nous enchainons des réunions de travail entre nous deux puis avec l’artiste.
Pour nos créations MindboX, nous nous voyons plusieurs fois par semaine toute l’année pour développer des idées. Nous sommes comme des gosses sur ce plan car nous cherchons en permanence des nouvelles choses qui nous font vibrer.
En ce qui concerne les prestations, nous travaillons essentiellement en close-up et salon pour des entreprises ou des particuliers.
Racontez-nous l’aventure MindboX.
Après plusieurs années à travailler dans l’ombre, nous avons décidé en 2014 de partager des créations avec le milieu magique afin de prolonger à plus grande échelle l’idée de faire vivre nos créations entre les mains d’autres artistes. Nous avons donc créé notre marque MindboX pour la sortie de l’effet System Alpha. Les retours ont été très positifs, plus que ce qu’on attendait et la marque s’est rapidement développée au fur et à mesure des sorties.
Notre angle avec MindboX est de sortir des effets, outils et routines que nous utilisons et aimons profondément. Nous avons un cahier des charges précis : les effets doivent être forts, avoir un minimum de profondeur au-delà du simple effet pour l’effet et être faisables en conditions réelles.
Nous avons aussi toute une réflexion autour du développement d’une identité visuelle pour chaque effet et pour la marque en général. Nous avons une approche assez cinématographique dans la création des visuels et des teasers.
Une fois de plus nous sommes comme des gosses passionnés dans cette aventure et chaque aspect de MindboX est l’occasion pour nous de nous amuser et de nous faire plaisir.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Derren Brown nous a énormément marqué et nous marque encore beaucoup par ses prestations. Son talent d’acteur, sa créativité et sa capacité à donner une profondeur à son travail restent inégalés pour nous dans le domaine du mentalisme.
Penn & Teller nous fascinent également pour les mêmes raisons en ce qui concerne la magie plus généralement. C’est une claque à chacune de leur performance en termes d’originalité et de créativité.
En dehors de la magie, les prestations du Cirque du Soleil nous fascinent énormément par leur force cinématographique et poétique.
Photo : Ulysse Thevenon.
Dans une dimension plus intime, chaque fois que Luke Jermay ou Michael Weber nous ont fait des routines en close-up, ils nous ont fasciné par ce qu’ils dégageaient dans leur performance et également par leur créativité.
Il y a aussi d’autres prestations complètement étrangères à l’univers de la magie qui nous touchent énormément, sur le thème de la danse (Hofesch Schecter), théâtre (les pièces de Michalik), etc.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Nous sommes évidemment beaucoup plus sensibles au mentalisme qui est notre domaine de prédilection, mais nous apprécions aussi toutes les autres formes de magie, dès lors qu’il y a une proposition artistique intéressante. On essaye d’ailleurs d’aller voir un maximum de spectacles dans toutes les disciplines. Quand nous allons voir un spectacle, nous redevenons totalement de simples spectateurs.
Quelles sont vos influences artistiques ?
En dehors des artistes que nous avons cités plus haut, nous sommes influencés par toutes les œuvres qui nous touchent et nous stimulent peu importe le genre ou le support artistique.
Nous sommes particulièrement influencés par le cinéma, des réalisateurs comme Christopher Nolan par exemple ont un impact sur la façon dont nous travaillons la construction de certaines routines.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
On ne voit pas de chemin type à conseiller, il y a beaucoup de manière de débuter et pas forcément une meilleure que l’autre.
Essayer de diversifier les types de sources pour apprendre semble tout de même une bonne chose. Les vidéos sont très utiles pour bien comprendre des techniques et manipulations, en revanche la lecture d’ouvrages permet beaucoup plus de se forger son propre style, la vidéo ayant tendance à nous formater au niveau de la présentation.
Phantom Wallet par Sylvain Vip et Maxime Schucht (Marchand de trucs Éditions, 2016).
Il est important aussi de toujours garder son âme de spectateur dans la construction de ses effets afin de ne pas tomber dans la magie pour magicien. Un simple forçage basique peut tout à fait permettre une routine fabuleuse pour les spectateurs comme à l’inverse un double saut de coupe combiné à une quadruple coupe projetée à 360° sur le dos de la main droite peut sembler intéressant du point de vue d’un technicien magique mais laissera de marbre vos spectateurs.
Prenez le pouls d’un vrai public plutôt que celui de magiciens qui n’auront pas le même regard.
Et surtout, ne pas s’intéresser qu’à la magie. Il faut vraiment se nourrir d’autres sources, artistiques ou non. Votre magie se renforcera avec ce que vous découvrirez et absorberez autour.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
La magie se porte plutôt très bien en ce moment. Il y a de nombreux spectacles, de nombreuses émissions et le marché de la magie n’a jamais proposé autant de productions que maintenant. La magie explore aussi de nouveaux horizons avec la magie nouvelle, la magie digitale ou encore via la rencontre entre la magie et d’autres arts. L’essor des réseaux sociaux permet également une diffusion à grande échelle de cet art et ouvre la voie à de nouveaux supports et une nouvelle forme d’expression de la magie.
Parmi la quantité il y a bien évidemment des choses plus ou moins bien, en tout cas qui personnellement nous plaisent plus ou moins. Certains se plaindront de la saturation du marché mais nous pensons que cette quantité stimule l’engouement du public et la créativité des artistes. On sent d’ailleurs un vrai regain d’intérêt du public actuellement pour la magie.
Labyrinthe de Sylvain Vip et Maxime Schucht (MindboX Productions, 2017).
Social Networks de Sylvain Vip et Maxime Schucht (Marchand de trucs Éditions et MindboX Productions, 2017).
On trouve tout de même qu’en France il y a parfois un certain retard et un manque d’ambition dans le développement surtout dans les émissions TV, souvent dû à la frilosité des producteurs dès qu’ils doivent sortir de leur zone de confort et des formats connus. Quand on voit les émissions produites par exemple en Angleterre (Derren Brown, Dynamo…) ou aux USA (David Blaine, Criss Angel…) depuis plus de dix ans, qu’on aime ou pas le style des différents artistes, il y a une vraie ambition dans la production et même pour certains dans les messages véhiculés, qui restent encore inexplorés en France.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Comme on le disait précédemment, il est extrêmement important de s’intéresser à plein d’autres choses que la magie. Tous les arts se nourrissent de la vie en général et il en est de même pour la magie. Imaginez si tous les films parlaient uniquement de cinéma, les chansons du fait de faire des chansons, nous ne serions pas touchés par beaucoup d’œuvres. Il faut nourrir sa créativité avec la culture quelle qu’elle soit, pour offrir une magie qui captivera et touchera les spectateurs. Il faut se nourrir de toutes sortes d’émotions pour pouvoir les véhiculer ensuite à son public à travers ses routines.
Photo : Ulysse Thevenon.
Il est aussi important de se cultiver sur les sujets que l’on aborde dans ses routines. Quand vous souhaitez faire une démonstration de mémoire prodigieuse, il est intéressant de savoir de quoi vous parler, connaître un peu le fonctionnement de la mémoire, quand bien même ce n’est pas le cœur de votre méthode.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Sylvain : je passe beaucoup de temps à regarder des films et des séries (merci Netflix), j’aime beaucoup me plonger dans des livres. J’aime beaucoup aussi découvrir des spectacles et pièces de théâtre. Quand j’ai le temps, j’aime jouer à la PS4. Je suis aussi un vrai gamin et j’ai tendance à collectionner pas mal de trucs de geek inutiles. Contrairement à Maxime j’ai un enfant et donc une excuse pour collectionner ce genre de trucs en prétendant que c’est pour mon fils. Il y a également plein d’autres choses inavouables ici mais si je ne devais retenir que deux passions ce serait bien évidemment Motus et le PMU 🙂
Maxime : Je suis un passionné de cinéma. Je fais beaucoup de musique (c’était même ma première vocation avant la magie). Comme l’a lâchement balancé Sylvain, je suis effectivement un vrai gosse doublé d’un geek. Je collectionne pas mal de jouets, je joue aux jeux vidéos et à des wargames. Je dois arrêter l’interview, Sylvain m’appelle car la super finale de Motus commence.
– Interview réalisée en avril 2018.
A visiter :
– Le site de MindboX.
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