Texte et mise en scène d’Alexis Michalik.
En 1984, un jeune homme, nommé Décembre, vole le sac à main d’une passagère du métro. Dans le sac, il trouve sa photo et ses coordonnées. Elle s’appelle Avril jolie. Il lui téléphone et ils se rencontrent dans un café. Il lui fait croire qu’il a trouvé, et non volé, son sac, avant de lui dire la vérité.
Puis Décembre va lui raconter l’histoire de Jean-Eugène Robert-Houdin, horloger, créateur d’automates du XIXème siècle, et surtout célèbre créateur de spectacles de magie dans un petite salle à Paris, qu’il montra aussi devant toutes les grandes cours d’Europe. Il était tellement connu qu’en 1856, Napoléon III l’envoya en Algérie afin de montrer aux populations locales rebelles que la magie française était la plus puissante au monde.
On vous épargnera les méandres de cette histoire aussi charmante que compliquée qui va emmener Décembre et Avril dans les caves de la B.N.P. au n°8 du boulevard des Italiens, justement là où se trouvait le Théâtre Robert-Houdin, repris dix ans après sa mort par un jeune industriel, héritier d’un fabricant de chaussures, le grand Georges Méliès. Près dans la salle où a commencé à être présenté le kinétographe, avec la très fameuse Arrivée d’un train en gare de la Ciotat, tournée en 1895 par Louis Lumière qui attira des milliers de personnes, attraction qui laissa sceptique bien des gens.
Invité à la première projection publique du Cinématographe au grand café de l’hôtel Scribe, boulevard des Capucines, donc pas très loin, Georges Méliès, lui, comprend tout de suite ce qu’il peut faire avec une telle machine et propose d’acheter les brevets des frères Lumière, ce dont l’un des deux ou leur père le dissuada : « Remerciez-moi, je vous évite la ruine, car cet appareil, simple curiosité scientifique, n’a aucun avenir commercial »; Méliès, l’immense inventeur du cinéma de fiction, du gros plan, de fameux trucages à base de surimpression, et des actualités filmées… n’était pas un grand expert en matière de finances, et finira marchand de jouets et de bonbons à la gare Montparnasse ! Avant d’être redécouvert par les surréalistes, avant sa mort en 1938.
Alexis Michalik, qui avait connu un beau succès mérité au Festival d’Avignon avec Le Porteur d’histoire, avait compris que raconter une histoire, à travers une sorte de feuilleton, sur un plateau nu avec quelques acteurs et sans décors, pouvait être aussi la base d’un théâtre aussi intelligent que populaire, même si le poétique n’était pas toujours au rendez-vous.
Ici, il reprend les mêmes ingrédients mais cette fois avec des éléments de décor installés à vue par ses comédiens qu’il dirige avec précision et efficacité. Jeanne Arènes, Maud Baecker, Michel Derville, Arnaud Dupont, Vincent Joncquez et Mathieu Métral, sont tous excellents. Le spectacle – parfois naïf mais pourquoi pas ? – va sa vie, sans aucun à-coup et avec un bon rythme, même s’il gagnerait à être abrégé, comme c’est souvent le cas, d’une bonne demi-heure… Il y a dans Le Cercle des illusionnistes un nombre de vidéos pas toujours indispensables, et une dramaturgie aux côtés un peu pédago loin d’être convaincante : on passe de Robert-Houdin aux frères Lumière, et enfin à Méliès, sans que le fil rouge – l’illusion – soit bien évident, avec quelques fausses fins qu’on aurait pu nous épargner…
Mais malgré ces réserves, il y a une générosité, et une véritable tendresse de Michalik pour ses personnages ; il y a aussi ces images merveilleuses de l’Arrivée d’un train en gare de la Ciotat, et de petits tours de magie, toujours délicieux à savourer qui ponctuent un spectacle, un peu brut de décoffrage qui mériterait d’être encore travaillé mais déjà attachant.
– Source : Le Théâtre du Blog.
A lire :
– Magie et Cinéma.
Crédits photos : Mirco Magliocca et Théâtre La Pépinière. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.