Installé temporairement au septième étage de l’institution, dédié aux derniers achats, dons et dépôts, l’exposition Méliès regroupe les collections de la cinémathèque depuis 1936 et celles du centre de la cinématographie (collection Madeleine Malthête-Méliès) depuis 2004. Cet enrichissement récent de 700 nouvelles pièces de l’œuvre de Méliès est l’occasion de rendre hommage au cinémagicien. Le parcours est divisé en trois parties, correspondant au nombre de pièces du 7ème étage. La scénographie, très discrète, créée par Massimo Quendolo met admirablement en valeur les collections par un savant jeu de pénombre et de mise en lumière. Entourant les vitrines, un voile rouge rappel le motif du manteau d’arlequin du théâtre et signifie subtilement au public qu’il est entré dans un monde fait d’artifices. Le logo de la « Star films » (marque de fabrique des films de Méliès) projeté sur les murs, ponctue le parcours. Différents supports sont présentés, rendant l’exposition très vivante. Objets, peintures, dessins, affiches, sculptures, Maquettes, costumes, films. Tout cela montre bien la multiplicité et les divers talents de l’homme orchestre qu’était Méliès.
1- Magie et cinéma :
La première salle est consacrée au monde magique de Robert-Houdin et à la découverte du cinématographe par Méliès. Sont présentés beaucoup d’objets appartenant à la collection « passion cinéma » du 2ème étage de l’institut. Des appareils de prestidigitation. Un coffre aux pièces transparent, une corne d’abondance, des boites au boulet pour apparitions d’objets, des gobelets de magicien de la fin du XIXème. La tête de Belzébuth du Théâtre Robert-Houdin, l’automate en Pierrot de l’illusionniste Caroly (une déclinaison de l’arlequin de Robert-Houdin avec deux pédales de plus), le carton fantastique de Robert-Houdin de 1846 avec ses accessoires. Un panneau de bois du jeu du nain jaune de 1890 peint par Méliès et utilisé par celui-ci pour l’illusion du même nom jouée au théâtre R-H. La pièce maîtresse de cette salle est « l’armoire du décapité récalcitrant », magnifique illusion conservée datant de 1890, présentée sans son système de miroir, avec une tête mécanisée.
L’automate en Pierrot de Caroly (Photo : Collection Didier Morax).
Parallèlement aux accessoires de magie, une lanterne magique projette une superbe fantasmagorie mécanisée sur plaque de verre représentant une gorgone. Sont présentés également, la caméra et le projecteur de Méliès, le fameux Kinétographe du Théâtre Robert-Houdin. Des caricatures et des dessins originaux, des photos de films et deux projections de courts-métrages (Une partie de carte, le mélomane et le cake walk infernal) viennent compléter cette première partie.
2- Le studio de Montreuil :
Nous découvrons l’imposante maquette du studio A. Ce bâtiment construit par Méliès en 1897 est le premier studio au monde consacré au tournage cinématographique. Cet espace regroupait une scène théâtrale (identique à celle du théâtre R-H), des dégagements, des coulisses, des loges, un atelier de décors et une cabine réservée à l’opérateur. Cet espace total reste fascinant. Une reconstitution en 3D interactive réalisée par le magicien Abdul Alafrez vient compléter cette visite en nous faisant pénétrer dans cette verrière géante. On peut y suivre l’évolution du studio au cours des différentes étapes de sa construction. De part et d’autre de la maquette sont présentés des croquis préparatoires de la conquête du pôle exécutés par Méliès, ainsi que des photos du studio en ruine datant de 1945, (il fut détruit en 1947).
3- L’univers fantastique de Méliès :
Une large place est consacrée au film le plus connu de Méliès, à savoir le voyage dans la lune (1902).
Projection du film, sculpture d’un sélénite (créature lunaire), affiche du remake de Zecca, L’excursion dans la lune (Méliès fut le créateur le plus plagié de son époque). Et surtout une magnifique et précieuse collection de treize dessins originaux exécutés au lavis d’encre en 1930 par le maître représentant les différents tableaux du film.
La projection de deux courts-métrages nous dévoile :
– Les 400 farces du diable
– Dislocation mystérieuse.
Des dessins préparatoires d’autres films sont présentés entrecoupés de costumes, dont ceux de l’époque du Théâtre Robert-Houdin (le diable vert, l’arlequin, la veste à queue de pie exotique, le bouffon et la cape du magicien). Une partie consacrée à l’industrie cinématographique dans les années 1912 présente des caméras Pathé et Gaumont. Ces deux grands trusts auront raison de Méliès qui tournera ses derniers films pour Pathé et sera ruiné en 1922. Ces industries imposeront au monde des films plus réalistes et définitivement moins oniriques.
Conclusion :
Le parcours terminé, nous restons un peu sur notre faim. En effet, l’exposition survole beaucoup de sujets et les préoccupations majeures du réalisateur sont un peu laissées dans l’ombre. Mais nous comprenons qu’elle vise surtout un large public et qu’elle privilégie les grands axes pour faire comprendre l’univers de Georges Méliès. En comparaison, l’exposition de référence sur le maître reste, celle de la fondation Electra en 2002, « Méliès, magie et cinéma », à l’occasion des 100 ans du Voyage dans la lune. Réalisée par la Fondation Electricité de France, la Cinémathèque Française et la Cinémathèque Méliès. Rappelons que cet évènement ambitieux mettait en scène des projections de fantasmagories dans lesquels le spectateur se retrouvait entièrement immergé. Peut-être que cette expérience de vraie plongée dans le monde de Méliès manque un peu à cette exposition 2008.
Bibliographie :
– Cinématographe, invention du siècle de Emmanuelle Toulet (Découverte Gallimard, 1988).
– Georges Méliès, l’illusionniste fin de siècle ? de Jacques Malthête et Michel Marie (Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1997).
– Pour une histoire des trucages de Thierry Lefebvre (Revue 1895 AFRHC n°27, 1999).
– Méliès, magie et cinéma de Jacques Malthête et Laurent Mannoni (Fondation Electrique de France, Paris musées, 2002).
– L’oeuvre de Georges Méliès par Laurent Mannoni (Editions de La Martinière, 2008).
– Georges Méliès l’enchanteur de Madeleine Malthête-Méliès (Editions La tour verte, 2011).
A lire :
– Le dossier Georges Méliès, l’homme orchestre.
– Le dossier Magie et cinéma.
– L’article sur le musée du cinéma.
– La présentation de Méliès par Caroly.
– Méliès et le Théâtre Robert-Houdin.
– Méliès Mage.
– Méliès, lettre manuscrite.
A voir :
– Le DVD Méliès, 30 chefs-d’œuvre.
– Le DVD Méliès, le cinémagicien.
– Le DVD Georges Méliès, le premier magicien du cinéma (1896-1913).
– Le DVD Méliès, Encore.
– Le DVD collector George Méliès, à la conquête du cinématographe. Livre réalisé en partenariat avec les Amis de Georges Méliès-Cinémathèque Méliès, contenant les 2 DVD précédents de Fechner productions + un DVD de films inédits (novembre 2011).
A visiter :
– Les Amis de Georges Méliès-Cinémathèque Méliès.
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