Ce DVD bonus vient compléter et finaliser l’exceptionnel coffret édité par serge Bromberg : Méliès, Le premier magicien du cinéma. Toutes les archives et cinémathèques à travers le monde ont collaboré à ces découvertes, et notamment la Cinémathèque française et les Archives Françaises du Film (CNC), le Museum of Modern Art de New York, les cinémathèques de Nouvelle-Zélande, Valence, Amsterdam, Moscou, Prague et Copenhague. Autant le dire tout de suite, inutile de chercher un chef-d’œuvre retrouvé ou un court-métrage révolutionnaire. Parmi ces vingt-six œuvres inédites, l’anecdotique côtoie des œuvres qui viennent conforter la productivité et la diversité de l’univers de Georges Méliès. On y retrouve des fééries, comédies, drames, actualités reconstituées, récits et scènes à trucs. Oublions quelques titres superflus (Défense d’afficher, Sur les toits, Combat naval en Grèce, Le mariage de Victoire ou Un peu de feu s.v.p.) pour se concentrer sur les plus intéressants.
Le manoir du diable (1896)
Une chauve-souris vole dans un château antique et se transforme en Méphistophélès. Produisant un chaudron, Méphistophélès conjure une jeune fille et des créatures surnaturelles, dont l’une brandit un crucifix dans un dernier effort pour vaincre le démon-vampire. Ce premier film d’horreur de l’histoire est un des très rares films de Méliès à avoir été tourné en extérieur, avant la construction de son studio. Pour la première fois ici, une copie rend hommage à ce beau court-métrage, matrice des scènes à trucs.
L’hallucination de l’alchimiste (1897), Le dirigeable fantastique ou le cauchemar d’un inventeur (1906) et Papillon fantastique (1909)
Trois œuvres à trucs magnifiquement colorisés à la main qui rendent compte de l’inventivité scénographique du réalisateur. Les effets sont nets et impressionnants à tout point de vue. Mention spéciale pour l’apparition de l’araignée dans l’étoile du décor (Papillon fantastique) et de l’intérieur de la maison qui s’ouvre pour découvrir un dirigeable (Le dirigeable fantastique).
L’omnibus des toqués ou blancs et noirs (1901)
Une scène à trucs très plaisante, cocasse, visuelle et graphique.
L’œuf du sorcier (1902)
Introduisant le tour de l’œuf, Méliès reprend la technique du grossissement de sa tête qu’il avait utilisé pour l’homme à la tête en caoutchouc. L’œuf est ici bien utilisé et justifie les effets.
Eruption volcanique à la Martinique (1902)
Voilà une curiosité assez surréaliste. Une scène entièrement filmée sans personnage ni truc par substitution. Juste un effet « pyrotechnique » dans un décor représentant un village de Martinique. Le premier film minimaliste enregistrant la pure artificialité d’une maquette !
Robert Macaire et Bertrand, les rois des cambrioleurs (1906) et Détresse et charité (1904)
Deux films à narration utilisant une incroyable diversité de décors : des perspectives en coupe dans la scène de la rôtisserie (Détresse et charité) au village dévasté par le tremblement de terre (Robert Macaire et Bertrand). Si Détresse et charité est un mélodrame assez « lourd », il fait penser aux œuvres à venir de D.W. Griffith. Quand à Robert Macaire et Bertrand, c’est un roman picaresque qui combine le comique et le film de voyage. Les deux petits criminels emploient toute une gamme de locomotions jusqu’à être propulsés dans les airs par la force d’un tremblement de terre. Ici, Méliès réussit à communiquer une sorte de poétique du mouvement et gère remarquablement l’espace et le temps.
Satan en prison (1907)
Deux ans avant le locataire diabolique, chef d’œuvre testamentaire, Georges Méliès en développe la matrice de base. Déballant littéralement son chez-soi, Méliès-Satan use de ses pouvoirs pour faire apparaître un intérieur douillet dans une pièce vide (ici une prison) puis fait tout disparaître quand le gardien le surprend en train de prendre un repas avec une jeune femme. Un dernier tour de passe-passe et il disparaît en passant à travers un mur, laissant derrière lui sa cape. Une belle image finale de passe-Muraille.
Liste complète des films :
– Défense d’afficher (1896)
– Le manoir du diable (1896)
– L’hallucination de l’alchimiste (1897)
– Sur les toits (1897)
– Bombardement d’une maison (1897)
– Combat naval en Grèce (1897)
– L’omnibus des toqués ou blancs et noirs (1901)
– L’œuf du sorcier (1902)
– Eruption volcanique à la Martinique (1902)
– Les aventures de Robinson Crusoé (1902)
– La flamme merveilleuse (1903)
– Un peu de feu s.v.p (1903)
– Les apparitions fugitives (1904)
– Le juif errant (1904)
– Détresse et charité (1904)
– Le baquet de Mesmer (1905)
– L’île de Calypso (1905)
– Le dirigeable fantastique ou le cauchemar d’un inventeur (1906)
– Robert Macaire et Bertrand, les rois des cambrioleurs (1906)
– Deux cents milles sous les mers ou le cauchemar du pêcheur (1907)
– Le mariage de Victoire (1907)
– Satan en prison (1907)
– François Ier et Triboulet (1908)
– Hydrothérapie fantastique (1909)
– Papillon fantastique (1909)
– Le vitrail diabolique (1911)
Bonus
Deux films de Segundo de Chomón (1871-1929) viennent compléter ce DVD. Le « Méliès espagnol » a débuté sa carrière cinématographique en 1901. Coloriste et distributeur des films de Méliès et de Pathé en Espagne, il s’installe à Paris en 1904 et travaille comme opérateur puis réalisateur pour Pathé jusqu’en 1909. Spécialiste des scènes à trucs, Chomón ne s’est pas gêné pour copier Méliès, mais il a su faire preuve d’originalité dans quelques œuvres personnelles (notamment Satan s’amuse, 1907) et est considéré comme un des maîtres des effets spéciaux au cinéma. Les roses magiques (1906) est une copie des scènes à trucs de Méliès. Même personnage principal (un clone de Méliès en plus jeune) et même gestuelle. La patte de Chomón est tout de même reconnaissable dans la poésie du sujet très bien sentie et la précision redoutable de ses juxtapositions et substitutions, parfois plus nettes que celles de Méliès !
Excursion dans la lune (1908) est le remake du fameux Voyage dans la lune réalisé par Méliès en 1902. Le premier remake de l’histoire pastichant un des plus gros succès de l’époque. Cette version souffre en premier lieu du manque d’originalité du sujet, mais surtout d’une interprétation personnelle. Chomón s’est simplement contenté de reproduire scène par scène le film de Méliès en effectuant certains raccourcis. Les magnifiques Sélénites (la population autochtone de la Lune) sont remplacés par de vilaines créatures en pyjama et quelques scènes sont colorisées très grossièrement ! Du travail bâclé pour le compte de Pathé. C’est surtout une grande leçon pour l’histoire du cinéma à venir qui s’entêtera à reproduire des recettes à succès sans arriver à dépasser leur modèle.
Bibliographie :
– Cinématographe, invention du siècle de Emmanuelle Toulet (Découverte Gallimard, 1988).
– Georges Méliès, l’illusionniste fin de siècle ? de Jacques Malthête et Michel Marie (Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1997).
– Pour une histoire des trucages de Thierry Lefebvre (Revue 1895 AFRHC n°27, 1999).
– Méliès, magie et cinéma de Jacques Malthête et Laurent Mannoni (Fondation Electrique de France, Paris musées, 2002).
– L’oeuvre de Georges Méliès par Laurent Mannoni (Editions de La Martinière, 2008).
– Georges Méliès l’enchanteur de Madeleine Malthête-Méliès (Editions La tour verte, 2011).
A Lire :
– Le dossier Méliès, L’homme orchestre.
– La présentation de Méliès par Caroly.
– Le compte rendu de l’exposition Méliès, magicien du cinéma.
– Le dossier Magie et cinéma.
– Le compte rendu du spectacle Méliès, Cabaret magique.
– Méliès et le Théâtre Robert-Houdin.
– Méliès Mage.
– Méliès, lettre manuscrite.
A voir :
– Méliès, encore. DVD disponible chez Lobster films.
– Le DVD Georges Méliès, l’intégrale !
– Le DVD Méliès, 30 chefs-d’œuvre.
– Le DVD Méliès, le cinémagicien.
– Le DVD collector George Méliès, à la conquête du cinématographe. Livre réalisé en partenariat avec les Amis de Georges Méliès-Cinémathèque Méliès, contenant les 2 DVD précédents de Fechner productions + un DVD de films inédits (novembre 2011).
A visiter :
– Les Amis de Georges Méliès-Cinémathèque Méliès.
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