Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
J’ai toujours eu de l’intérêt pour la magie. Tout petit déjà, je regardais des vidéos de David Copperfield que mon père avait enregistré à la télévision sur cassette VHS. Je les ai regardé tellement souvent que les bandes étaient usées ! J’ai par la suite reçu la traditionnelle mallette de magie et j’ai commencé à présenter des tours à mes amis. Le vrai déclencheur est arrivé à l’âge de huit ans, lorsque j’ai trouvé une copie du Manuel du Prestidigitateur de Patrick Page à la bibliothèque. C’est avec ce livre que j’ai découvert certains des grands classiques et que la magie est devenue presque une obsession.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
À l’âge de douze ans, j’ai vu Alain Choquette présenter la version de Gary Ouellet des As McDonald à la télévision. Je suis tombé en amour avec la routine, mais je n’avais aucune idée de comment cela fonctionnait. J’ai donc regardé le numéro en boucle jusqu’à ce que j’aie un « moment eurêka ». J’ai réussi à reproduire le tour à quelques détails près et je me suis mis à impressionner mes amis.
Par la suite, j’ai appris l’existence d’une boutique de magie à Montréal. Je m’y suis rendu et c’est lors de la visite qu’on m’a vendu un autre livre qui m’a beaucoup marqué : le Mark Wilson’s Encyclopedia of Magic. De fil en aiguille, j’ai appris que Yannick Lacroix, célèbre élève de Gary Kurtz, donnait des cours de magie et c’est ainsi que j’ai poursuivi mon apprentissage et que j’ai aussi développé un vrai sens de la communauté en magie.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Après avoir présenté des spectacles de « micro-magie » et des anniversaires pour enfants durant mes études, je suis devenu magicien résident du Musée Juste pour Rire à Montréal pendant trois ans. Cette expérience m’a donné le « temps de vol » nécessaire pour bien apprendre mon métier. De plus, j’ai eu la chance de me lier d’amitié avec Stéphane Bourgoin qui était le consultant au musée à l’époque. Grâce à Stéphane, j’ai appris la valeur de la recherche en magie. J’ai également reçu énormément de conseils de collègues comédiens qui travaillaient là-bas.
Plus récemment, j’ai été bien guidé par mon gérant Jean-Marc Dionne et mon collègue Daniel Coutu (qui est co-producteur de mon spectacle jeunesse La mystérieuse école). La personne qui m’a le plus aidé est ma femme, Sophie-Anne Vachon. En plus d’être là pour moi et de m’aider dans ma carrière, elle est devenue ma partenaire créative. Elle m’aide dans la mise en scène, l’aspect visuel des spectacles, la direction artistique et j’en passe. Nous avons même écrit les paroles des chansons de l’album de La mystérieuse école ensemble.
Pour ce qui est d’un événement qui m’a freiné, il est difficile de ne pas penser à la pandémie de Covid-19. En mars 2020, j’étais en pleine tournée de spectacles, je commençais à participer à des conventions à l’international, etc. À ce jour, nous continuons à nous adapter et à trouver des façons de revenir à notre vie pré-pandémique.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Avec les années, j’ai eu le privilège de travailler dans une foule de conditions variées. J’ai présenté des spectacles jeunesse, participé à des foires commerciales pour des compagnies, développé un spectacle d’illusions pour le milieu corporatif et même payé mes études en présentant des fêtes pour les enfants !
À l’heure actuelle, je présente des spectacles familiaux et scolaires (La mystérieuses école pour les 5-12 ans et #MATHS pour les 12-17 ans) en tournée pancanadienne. Je suis vraiment choyé. En plus de la tournée, je travaille aussi dans le milieu corporatif et j’ai le plaisir de travailler comme consultant et scénariste sur plusieurs projets. Les jours se suivent et se ressemblent peu. J’aime quand ça bouge !
J’ai toujours admiré Johnny Thompson. Il se définissait lui-même comme un General practitioner (Médecin généraliste) et c’était un homme qui connaissait tous les aspects des arts magiques. Si mon regard et ma pratique de la magie s’approchent des siens un jour, même de loin, je serai très heureux.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Dans le milieu de la magie, j’ai été marqué par plusieurs personnalités. David Copperfield a été la première. Par la suite, je suis devenu un fan de Jeff McBride, Penn & Teller, David Williamson, Mac King, Tommy Wonder, Lance Burton et j’en passe. J’ai toujours eu un faible pour les numéros de manipulation. Ceci dit, mon magicien préféré de tous les temps est probablement Johnny Thompson.
Au niveau des spectacles, je m’amuse toujours à dire que j’ai un « top 3 ». La comédie musicale du Roi Lion sur Broadway, La Trilogie des Dragons de Robert Lepage et le spectacle de David Copperfield.
En dehors de la magie, je dois avouer que j’essaie le plus possible de découvrir toutes les formes d’art possible. Grâce à ma femme, Sophie-Anne Vachon, qui est une artiste visuelle extraordinaire, j’ai aussi été exposé aux œuvres de plusieurs artistes qui m’ont marqué. Récemment, les œuvres de Yayoi Kusama ont eu un grand impact de par leur nature immersive. J’ai ressenti la même émotion à l’intérieur de ses célèbres pièces que lorsque je vois un tour de magie qui m’émerveille.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Personnellement, j’aime une magie qui est plus théâtrale, où les gens peuvent vraiment entrer dans l’univers de l’artiste. La magie comique me plaît beaucoup aussi. J’adore rire à un point tel que j’oublie que je suis en train de me faire bafouer : quel bonheur ! Je suis aussi attiré par « la magie nouvelle ». C’est une branche de notre art qui est en constante évolution et je trouve fascinant de voir comment cette approche a déjà transformé notre façon de présenter la magie.
J’aime tous les types de magie en réalité ! J’ai la profonde conviction qu’il est possible de faire bénéficier les différents aspects de notre art en étudiant les différentes façons de présenter la magie. Un mentaliste peut apprendre d’un magicien pour enfant et vice versa…
Quelles sont vos influences artistiques ?
J’essaie de m’inspirer de ce que j’aime dans d’autres disciplines. J’adore voir le travail des metteurs en scène. Je mentirais si je n’avouais pas que mon dernier spectacle pour adulte a été inspiré de l’œuvre de Robert Lepage. J’écoute beaucoup de musique et j’aime présenter des routines sur musique : c’est une façon d’injecter de l’émotion presque instantanément. Je suis aussi fasciné par l’écriture, l’écriture humoristique, la scénarisation. En tant que magicien, il n’est pas rare que nous devons écrire nos propres textes. Comprendre les procédés d’écriture m’aide beaucoup. Finalement, je dois avouer que je vois la cinématographie sous un autre œil depuis que nous avons commencé à filmer du contenu pour les médias sociaux et, plus récemment, les spectacles numériques. De plus en plus, je m’intéresse aux techniques des scénaristes, des monteurs et des directeurs photo, ainsi qu’aux approches en réalisation.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Deux conseils. Premièrement, d’être curieux. J’ai souvent été engagé parce que j’avais des connaissances autant en « micro-magie », qu’en mentalisme et en magie de scène. Mais, il faut aussi s’intéresser à la vie en général en plus d’explorer le monde de la magie ; être curieux peu importe le domaine. C’est ce qui rend l’artiste intéressant et qui permet de créer de vraies connexions avec les spectateurs.
Aussi, je pense qu’il est important d’être modeste face aux autres magiciens. J’ai trop souvent vu des magiciens prétendent connaître un tour ou une méthode parce qu’ils ont peur d’être jugés ou pour ne pas heurter leur égo. Il est important d’admettre ses limites et d’apprendre à poser les bonnes questions. Plus souvent qu’autrement, lorsque j’admets à un magicien que j’ai été totalement bafoué par son tour, il prend le temps de me l’enseigner et de me parler de toutes les subtilités qu’il a découvert. C’est ainsi qu’on ouvre le dialogue entre collègues.
Pour ce qui est du chemin, je pense que c’est propre à chaque individu. Ceci dit, j’aurais aimé étudier un peu plus le monde des affaires pour mieux m’outiller dans cet aspect de ma carrière.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je trouve merveilleux l’accessibilité en magie aujourd’hui. Le seul hic, c’est que ça peut devenir trop prenant toute cette abondance ! Quand j’étais plus jeune, il était très difficile de trouver de l’information. Je me souviens que je ramassais mes économies pour me procurer des cassettes VHS à prix fort élevé. De nos jours, la même information est disponible en téléchargement pour quelques dollars seulement. Et c’est sans compter la quantité d’informations disponibles sur YouTube ou sur les forums de discussion ! L’accès à l’information est énorme, ce qui s’avère à la fois une bénédiction et une boîte de Pandore.
Je pense qu’il est important pour les jeunes magiciens de trouver un mentor et de faire partie d’un club où il sera possible d’échanger. Ça permet d’être mieux guidé au lieu de ne plus savoir où donner de la tête quand vient le temps de choisir son répertoire.
Quelle est l’importance de la culture dans l’approche de la magie ?
Immense ! À force de présenter des spectacles, on comprend rapidement que ce n’est pas à propos de la technique mais bien du lien que nous arrivons à créer avec le public. La seule façon de vraiment se connecter avec les gens est d’avoir un intérêt commun, un sujet qui saura fasciner, une question qui nous permettra d’en apprendre un peu plus. Pour pouvoir vraiment créer une vraie relation avec les spectateurs, tout repose sur la culture, les connaissances et cette capacité de partager ce qui nous intéresse. Pour devenir un bon magicien, il est indispensable de regarder à l’extérieur du monde de la magie !
Vos hobbies en dehors de la magie ?
J’adore cuisiner, faire du vélo, lire, passer du temps avec mes filles, prendre de longues marches avec ma femme. Je suis un éternel curieux et il y aura toujours quelque chose de nouveau qui va m’intéresser.
Ceci dit, la magie reste aussi un hobby ! Ça semble cliché mais lorsqu’on est professionnel, la magie prend une place différente dans nos vies. On doit gérer l’entreprise, planifier les tournées, répéter les mêmes tours des centaines de fois, travailler sur la publicité, etc. Malgré tout, la magie reste un pur bonheur pour moi. J’aime faire de la recherche, pratiquer de nouvelles techniques et rencontrer des collègues magiciens. J’espère garder ce plaisir de découvrir et de redécouvrir la magie au quotidien pendant encore très longtemps.
– Interview réalisée en décembre 2021.
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