La Maison de la magie Robert-Houdin de Blois fête ses 20 ans d’existence et est devenue au fil du temps un musée incontournable du paysage blésois et un lieu unique en Europe dédié à l’illusion. Un must pour tous les amoureux de l’art magique.
Historique
La Maison de la magie est l’aboutissement d’un long projet destiné à valoriser le patrimoine magique et scientifique légué par Jean-Eugène Robert-Houdin. Dès les années 1960, Paul Robert-Houdin, petit-fils du magicien, ouvre un musée privé à Blois. La présentation est essentiellement biographique et montre quelques objets personnels légués à la famille. En 1981, cette collection est donnée à la Ville de Blois et enrichie par l’achat d’une pendule mystérieuse et d’un automate. Puis elle est présentée au Château royal de Blois de 1985 à 1991.
De 1986 à 1989, le festival d’arts magiques, créé par Gérard Majax à Blois, rencontre un franc succès public. Sous l’impulsion du maire Jack Lang, la ville décide de soutenir la création d’un musée municipal souhaité par les magiciens. En 1990, la Ville de Blois achète la Maison Massé, grande maison bourgeoise de 1857, située en face du Château royal, ainsi qu’une partie de la collection d’objets de magie de Georges Proust.
Christian Fechner (1944-2008).
Grâce au soutien du CNAMI, en particulier de Christian Fechner son président en 1998, ces objets de magie et affiches du XIXe et du XXe siècles sont enfin présentés au public dans le nouveau musée qui ouvre ses portes le 1er juin 1998. Il présente, sur 2 000 m² et cinq niveaux des salles dédiées à l’histoire de la magie (la Rotonde), aux illusions d’optiques (la Salle des illusions), à Jean-Eugène Robert-Houdin (Salle Robert-Houdin), à une exposition temporaire (le Foyer des grands magiciens futur Foyer Méliès) et un spectacle inédit (le Théâtre des magiciens futur Théâtre Christian Fechner). Les fenêtres de la façade de la maison laissent apparaître, toutes les heures (puis toutes les demi-heures), un imposant dragon à six têtes réalisé par Michelle et Jean-Pierre Hartmann qui relie l’art des automates du XIXe siècle aux technologies du XXe siècle. Au fil des ans, le musée s’enrichira de nouveaux espaces comme le Passage des mystères, la Passerelle Harry Houdini et surtout l’Hallucinoscope (1) imaginé par Gérard Majax.
De 1998 à 2001, l’exploitation de la Maison de la magie est confiée au Parc Astérix contre une redevance versée à la ville de Blois. Après une gestion catastrophique et une fréquentation en berne passant de 99 356 à 41 000 visiteurs en 3 ans (pour un objectif à 130 000 personnes), la municipalité décide de reprendre la main de ce gouffre financier pour remettre la maison sur les bons rails ! En 2001, la ville de Blois nomme Céline Noulin au poste de responsable culturelle avec des missions qui vont grossir au fil des années et elle intègre la Maison de la magie en 2002.
Céline Noulin, Responsable culturelle de la Maison de la magie Robert-Houdin.
En 2003, la Maison de la magie est inscrite comme « Musée de France » et reçoit le soutien technique et financier de l’État. Elle fait alors partie du « réseau » et profite de la mise en place d’un « partenariat » avec le Château de Blois et du flux de touristes visitant les châteaux de la Loire pour augmenter sa visibilité et plafonner à une fréquentation annuelle moyenne de 95 000 visiteurs.
Céline Noulin est la véritable investigatrice de la transformation et de la renommée de la Maison de la magie. Dotée de peu de moyens au départ, petit à petit, elle va « rénover » une institution noyée dans le divertissement commercial qui manquait cruellement d’identité, en triplant le budget culturel et en travaillant sur tous les fronts sans relâche. Sa première mesure est d’élaboration d’une identité graphique et visuelle pour le musée, confiée à l’excellent Laboratoires CCCP (Dr. Pêche + Melle Rose) d’Orléans. Ils concevront un logotype, des affiches, flyers, programmes, brochures, photos, pictogrammes, cartels, signalétique du musée et autres produits dérivés (posters, T-shirt, mug…).
Céline Noulin met ensuite en place une programmation générale, des ateliers pédagogiques, des animations événementielles, des conférences, des soirées spéciales, mais surtout le concept d’une exposition thématique et d’un spectacle original renouvelé tous les ans ; une gageure et un véritable défi ! Après deux années de préfiguration, en 2009 (expo Tabary) et 2010 (expo Dragons & chimères), le concept d’exposition thématique est lancé et accueilli dans le Foyer Méliès (anciennement Foyer des grands magiciens). S’en suit des événements marquants : Divines cartes à jouer (2011), Au fil des marionnettes (2012), Fascination optique (2013), Fantasmagique cinéma (2014), Rêves d’automates (2015), Mille et une magies (2016), Secrets de papier (2017), La Galerie des Illusions (2018).
Divines cartes à jouer (2011).
Au fil des marionnettes (2012).
Fascination optique (2013).
La programmation concoctée par Céline Noulin est d’une remarquable cohérence et se renouvelle chaque année avec l’ouverture sur d’autres domaines artistiques. Des champs nouveaux à explorer qui permettent d’appréhender l’art magique sous des angles inédits. Cette femme de culture, au goût artistique très prononcé, sait malicieusement répondre à des obligations de rentabilité financière et en même temps se donner des challenges et prendre des risques pour satisfaire le public profane et les artistes illusionnistes. La curiosité est son moteur et elle nous promet encore de belles choses à découvrir. La Maison de la magie accueille également deux associations : le CNAMI (depuis 1998) et le CIPI (depuis 2004) qui prend place dans la salle Jacques Delord, un espace pédagogique aménagé sous les toits et qui reçoit également une riche bibliothèque.
Les expositions
Tous les ans est mise en place une nouvelle exposition temporaire, inédite et originale qui surprend le visiteur et décloisonne toujours un peu plus les frontières stéréotypées de la magie et de sa représentation auprès du grand public. Telle est la mission première de Céline Noulin. Cette année 2018 a fait appel à différents artistes plasticiens pour monter La Galerie des illusions, une exposition sur l’illusion dans l’art.
Dans un lieu ouvert à l’expérimentation, notamment en matière de spectacle vivant, la Maison de la magie offre pour la première fois, à travers un concours national, la possibilité d’une rencontre entre l’acte plastique et l’intention magique. Chacun à leur façon, les 50 artistes plasticiens ont mis leur imagination et leur savoir-faire au service du singulier et de l’étonnante métamorphose des formes, des couleurs et des sens. La Galerie des illusions compose un vaste cabinet de curiosités, mis en scène par Ludovic Meunier : peinture, sculpture, dessin, origami, broderie, marqueterie, taxidermie, tissage, photographie, holographie, ambigrammes, installations optiques, art cinétique et polarisant, vidéo… Par ailleurs, l’évolution constante des matériaux et de ses utilisations dérivées de la recherche, de l’industrie et des techniques numériques, ouvrent de nouveaux horizons perceptifs, réduisant la frontière entre le tangible et la réalité virtuelle. Regroupées par thématiques générales, la centaine d’œuvres présentées font pour la plupart appel aux grands courants ou périodes de l’histoire de l’art, s’inscrivant dans une continuité créative depuis l’antiquité grecque et romaine.
Phénakisticocoscope de Coco Téxèdre (2011).
Abracadabra de Francis Tabary (2017). Tournez autour de cette installation mettant en scène des bouteilles et des billets pour y découvrir trois principes fondamentaux de l’art magique : transformation, apparition et disparition.
Point Virgule de Camille Renault (2015). Le geste de tourner la page fait jaillir des micro-objets, du temps condensé, des éléments minuscules qui évoquent l’immensité. Précieuse, fragile, la matière en lévitation (des morceaux de papier semblent voler entre les pages suspendus par un « fil de magicien ») ouvre une dimension de plus.
La salle Robert-Houdin a fait peau neuve dans une nouvelle scénographie thématique, ludique et colorée qui est le fruit de récentes recherches historiques et d’échanges approfondis avec des musées et collectionneurs spécialisés, pour mettre en scène des documents, objets et films inédits. Les objets les plus rares sont remis en scène de façon emblématique : l’horloge à triple mystère, l’automate oiseau chanteur, l’unique baguette de magie de Robert-Houdin ou certains de ses accessoires de scène…
Le spectacle
Cette année, en complément d’une création scénique inédite (Le Musée des Ombres mis en scène par Arnaud Dalaine), le Théâtre Christian Fechner accueille également l’Equipe de France de Magie dirigée par des coaches de la FFAP (Pathy Bad, Hugues Protat, Jean Régil, Gaëtan Bloom…) pour une cinquième résidence où ses membres peuvent tester leur numéro, plus ou moins finis ou en court d’élaboration, devant un vrai public familial. Au programme : Béryl Trupin, Alexandre Laigneau et Anthony Néo. Alexandre arrive sur scène avec une cage vide sur roulette, y met le feu et, sous couvert d’un drap, fait apparaître sa partenaire Béryl. Cette dernière prend place dans une boîte verticale et Alexandre exécute la fameuse femme Zig-zag de Robert Harbin. Les rôles sont ensuite inversés et la boîte part en coulisse avec le partenaire de Béryl enfermé à l’intérieur. Une introduction pas vraiment emballante, la faute à un matériel un peu défraîchi.
Anthony Néo.
Après un intermède expliquant au public les « trois niveaux d’applaudissements », Alexandre présente son jeune collègue de 22 ans Anthony Néo qui va exécuter un Balloon show très dynamique, ne tombant pas dans la succession laborieuse et interminable de production de caniches, de fleurs et d’épées comme la majorité des numéros de ce genre. Ses figures et personnages sont originales et l’apport d’effets magiques est judicieux. Anthony commence sa démonstration de sculpteur sur ballon avec une musique rock et fabrique une guitare. Vient ensuite une armure d’Iron man avec une partie mimée et pyrotechnique, le costume de la Reine des neiges avec la production de confettis à l’éventail et d’Olaf, le bonhomme de neige. L’empereur Dark vador arrive avec son masque et son sabre laser qui lévite jusqu’à sa main par pouvoir télékinésique, avec l’apparition de BB-8 où le sabre se transforme en pistolet. C’est au tour d’un poisson aux gros yeux blancs de nager au milieu d’une production de bulles, puis la venue d’un Minion et l’apparition d’un deuxième, avec une banane dans la bouche du ballooneur. Pour finir, c’est Captain America qui brandit son bouclier avec la découverte du T-shirt et l’explosion de confettis final.
Béryl dans Historymask.
Béryl nous présente ensuite son Historymask, un numéro de changement de masques (Changing mask) déjà présenté par Pierre Xamin en France et bien d’autres artistes chinois. Un acte inspiré de l’art traditionnel des masques chinois (Bian Lian), une tradition vieille de 300 ans établie dans l’opéra du Sichuan qui a débuté sous le règne de l’empereur Qianlong de la dynastie Qing (1736-1795). Dans un costume sombre muni d’une grande cape, une dizaine de changements de masques se succèdent sous couvert d’un éventail, d’un parapluie, d’un ballon, d’une cape ou de foulards. Foulards qui se transforment et se multiplient. Le masque final est le visage de la jeune magicienne. Un numéro assez répétitif qui manque de surprises et qui n’est pas très adapté à la personnalité espiègle de Béryl.
Alexandre Laigneau.
Alexandre Laigneau revient sur scène pour nous présenter « le guéridon volant » de Dirk Losander avant que Béryl fasse un deuxième passage remarqué avec son tout nouveau numéro basé sur un miroir. Dans une tenue futuriste, la magicienne arrive sur scène avec une lampe torche qui se dédouble après être passée derrière un grand miroir, disposé sur un chevalet, qui va focaliser toutes les duplications, transformations et apparitions à venir. Apparaît ensuite un parapluie qui se dédouble. Un pot est produit d’un bouquet de fleurs et le tout se dédouble. Un ballon est éclaté pour produire une colombe qui va se dupliquer. Une cage avec des fleurs à l’intérieur apparaît et est produite trois fois de suite pour le final.
Béryl et son nouveau numéro avec un miroir.
Le numéro de Béryl est très prometteur et l’idée du miroir qui centralise la magie (au lieu d’un écran vidéo) mérite d’être développée dans une dramaturgie des effets plus cohérente. Le choix des accessoires de magie moderne (fleurs artificielles, colombe et cage) doit être revu dans une optique plus contemporaine en adéquation avec le costume. Il manque également un vrai final. Pour un numéro qui vient d’être monté, le potentiel est énorme et peu aboutir à des effets inédits qui utilisent les spécificités du miroir, non pas pour cacher des choses (entresorts et boîtes à grandes illusions), mais pour les révéler au sens premier (comme certains effets de close-up avec des pièces ou des cartes). Laissons du temps et faisons confiance à la pétillante Béryl pour faire évoluer son numéro.
Alexandre Laigneau.
Alexandre Laigneau termine la représentation par une très belle présentation de la table à lévitation Spontus. Il fait venir une petite fille sur scène et commence par le classique fil cassé et raccommodé (Gypsy thread) version Gypsy Ballon de Tony Clark sur l’histoire du « fil de la vie ». Une fois le fil réparé, il place la fillette sur la table avec le ballon et celle-ci se met à léviter dans les airs (une association très bien sentie).
Evénements et soirées spectacles
Une multitude d’événements sont organisés au court de l’année, rendant la Maison de la magie constamment attractive et très active pour promouvoir la visibilité des spectacles d’illusions. Au programme de cette année : Le Diable enchanteur, une projection lumineuse numérique extérieure conçue par Magic Fusion – Marc Dossetto. La 10ème édition du Festival International de Magie de Gérard Souchet. Le Gala de Magie des 30 ans du club blésois CESAR-H. Les 3ème Trophées Robert-Houdin. Le Procès Scapin, une comédie magique de François Normag d’après Molière sur une idée de Patrice Vrain Perrault. Les Mangeurs de lapin remettent le couvert, écrit et interprêté par Dominic Baird-Smith, Jean-Philippe Buzaud, Sigrid la Chapelle. Je clique donc je suis de Thierry Collet.
Les installations hors les murs
La ville de Blois se pare d’un beau manteau optique avec la mise en place d’anamorphoses géantes installées sur l’escalier Denis Papin. Cinq trompe-l’œil (La spirale, Les dragons, Les yeux de l’Hallucinoscope, Le lac aux requins et La passerelle) imaginés par Arnaud Delaine, réalisés par Philippe Merlevède, fabriquées par l’entreprise Imprinova de Contres et installées par quatre employés pendant 4 jours.
La spirale noire et blanche est imposante et offre de belles perspectives suivant les points de vue que l’on adopte. Les formes apparaissent, disparaissent et se transforment. Depuis le pont Jacques Gabriel, la perspective est saisissante et nous pouvons apprécier les conséquences de ces formes géométriques hypnotiques sur l’architecture de la ville.
Note :
– (1) Après plusieurs années de recherches sur l’optique, Gérard Majax invente et dépose, en septembre 1999, le brevet de l’Hallucinoscope, un casque muni d’un simple miroir placé devant les yeux (dénué d’électronique) donne l’illusion de se déplacer en lévitation dans un univers virtuel (un décor fixé au plafond) et de traverser la matière. Un circuit est présenté en mode expérimental en 2000 à la Cité des Sciences de Paris, puis l’installation prend place dans sa forme actuelle à La Mer de sable d’Ermenonville avec Le temple du mystère (2001). Elle fait escale au Palais de la découverte en 2002, ainsi qu’au Futuroscope de Poitiers en 2008 avec l’attraction la citadelle du vertige permettant de traverser une BD géante de Moebius. La Maison de la magie est dotée de l’Hallucinoscope dès 2003 qui présente l’univers de Jules Verne avec 20 000 lieues sous les mers. Un nouveau parcours visuel est réalisé en 2013 (construit par la société XLargo) permettant de découvrir l’univers passionnant de Robert-Houdin, entre cartes géantes, orangers merveilleux, rouages mécaniques, arlequin automate, œil hypnotique et magie orientale.
A visiter :
– Le site de La Maison de la magie Robert-Houdin.
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