Le « Royal » de la fameuse compagnie de théâtre, dit de rue, a une longue histoire… Nous lui avions offert des habits 1900 quand elle fut fondée en 1979 par Jean-Luc Courcoult, Véronique Loève et Didier Gallot-Lavallée, alors encore notre élève aux Beaux-Arts d’Orléans, et basée à Nantes dix ans plus tard. On se souvient entre autres de Parfum d’Amnésium – Roman photo tournage en 1985. Puis sans doute le plus connu, La véritable Histoire de France, créé en Avignon devant le Palais des Papes en 1990, Le Tréteau des ménestrels : Soldes ! Deux spectacles pour le prix d’un (2003) et cette parodie de western assez réussie Rue de la Chute qui fit les beaux-jours du festival d’Aurillac en 2012. Mais aussi devenus célèbres, les Géants à Nantes avec, entre autres Le Grand Géant en 1993, La Grande Girafe en 2000, Le Géant en colère en 2007…

Hee-Kyung Lee, une sociologue coréenne vit en France et est passionnée par les arts de la rue. Au Havre où le premier de ces Géants a été montré au public, elle a rencontré en particulier des résidents de la ville haute, quartiers plus populaires que ceux de la ville d’en bas et elle a recueilli leurs témoignages. C’est souvent brut de décoffrage, écrit au fil de l’ordinateur et aurait mérité d’être plus resserré, mais comme il est rare de connaître l’appréciation des habitants des villes où Royal de Luxe est passé, on ne va pas faire la fine bouche…
Plus intéressant ; toutes les lettres adressées à la fameuse compagnie et venue parfois de l’étranger. Les spectateurs ont vécu différemment cette rencontre mais cela a été un moment important de leur vie et ils le disent souvent de façon très émouvante. « On trouve, dit l’auteure, une équation entre la structure du spectacle et la manière dont cette saga se monte, se déroule et les caractéristiques de sa réception. » Et Hee-Kyung Lee analyse finement les éléments communs qui permettent à Royal de Luxe d’agir comme une sorte de conteur et de faire se rencontrer les Géants qui ne font pas grand-chose avec les habitants de la ville où cela se passe. Et ils sont très présents, comme cette fourchette surdimensionnée plantée dans une voiture…


Et l’auteure a raison d’insister sur la « sublime technicité » grâce à laquelle ces Géants peuvent se déplacer et sur la grande qualité des images ainsi produites : la marque de fabrique des spectacles de Royal de Luxe dont les spectacles sont autant de sculptures très réussies : on insiste rarement là-dessus. Et il y a une remarquable postface de Jean-Pierre Marcos, le président d’Artcena, le Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre. Que demande le peuple ?
Un livre un peu cher mais qui complète utilement les nombreux articles et publications consacrées à Royal de Luxe devenue LA compagnie emblématique du théâtre de rue français, grâce notamment à ceux qui lui ont fait confiance dont Jean Digne, à l’époque directeur de l’opération Aix-en-Provence, ville ouverte aux saltimbanques.
Source : Théâtre du Blog.
A lire :
– Les mémoires des géants, Royal de Luxe s’invite chez les spectateurs de Hee-Kyung Lee (Editions L’Harmattan, 2019). 236 pages.
– Le Gardien du Temple et Le Dragon de Calais.
Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.