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Cie ROYAL DE LUXE / Rue de la chute

Festival d’Aurillac (août 2012).

Philippe DU VIGNAL

Mise en scène de Jean-Luc Courcoult.

Le Royal de luxe, sans doute une des plus anciennes compagnie théâtrales françaises créée par Jean-Luc Courcoult, à la fois auteur et metteur en scène, et basée à Nantes depuis 1990, et connue internationalement, puisque le Royal, figure emblématique du théâtre dit de rue ou plutôt d’extérieur, a joué un peu partout dans le monde. On se souvient peut-être, entre autres spectacles fabuleux, de ce tournage en direct de ce Roman-photo, mais surtout de ce spectacle culte créé au festival d’Avignon en 1990, La Véritable histoire de France, avec ce livre géant d’où s’échappaient des personnages de légende comme Louis XIV ou Jeanne d’Arc. Ou encore de ces géants manipulés par des acteurs qui, à chaque fois, drainent des milliers de spectateurs. Le gigantisme, ou du moins le passage à une plus grande échelle de très grandes marionnettes, et le recours à des machines, comme au 17ème siècle, (les fameuses pièces à machines, véritables comédies musicales avant la lettre de Molière, Lully, des deux frères Corneille, et autres auteurs…) mais avec l’aide des technologies contemporaines est en quelque sorte la marque de fabrique du Royal.

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Pop up géant dans La Véritable histoire de France, spectacle mythique de la compagnie Royal de luxe.

Courcoult et ses copains ont, depuis quelque trente ans, su trouver, la plupart du temps, la formule magique d’un théâtre au sens étymologique : voir, à la fois intelligent et populaire, et d’une réelle beauté plastique, soutenu par la mairie de Nantes et par le Ministère de la Culture. Et dans un espace public donc… gratuit pour les spectateurs.

Cette fois, et cela semble être dans l’air du temps, puisque l’un des succès du festival off d’Avignon a été Du vent dans les branches de sassafras de René de Obaldia. La compagnie Annibal et ses éléphants, qui est aussi présente au festival d’Aurillac, a aussi kidnappé avec des moyens beaucoup plus limités que ceux du Royal mais, avec bonheur, le grand mythe fondateur américain de la colonisation de l’Ouest.

Revers de la médaille, les machineries du Royal sont à base de supports téléguidés électroniques, et les orages adorent ce genre de bestioles, et après la pluie de grêlons de jeudi soir, la foudre est tombée sur la régie du Royal. Donc représentation du vendredi reportée à samedi dans le stade d’un lycée. Pas de chance, la petite pluie cantalienne s’est mise à tomber toute la matinée inondant le lieu du spectacle, et les 1400 sièges coques des gradins. Miracle : les dieux ont décidé d’arrêter la pluie, juste cinq minutes avant le début du spectacle, pour la plus grande joie du public, trempé, un peu cassé par le froid insidieux qui le pénétrait mais ravi de voir enfin ce spectacle pas très bien accueilli, aux dires de nombreux professionnels. Vous avez dit jalousie ?

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Photo : Gilles Davidas.

Alors ? Imaginez une sorte de studio de cinéma en plein air, d’une bonne trentaine de mètres d’ouverture, où est installé un décor- revendiqué comme tel avec ses tubs métalliques qui tout à fait remarquable, avec à cour, un minable Grand Hotel Big Town, avec son balcon, et à jardin, des gros projos de cinéma en inox, des bottes de paille compressé, une boutique en bois délavé tout aussi minable. Entre les deux, un grand châssis peint représentant un grand désert au soleil couchant, avec ses cactus et une barre rocheuse au loin. Bref, tous les stéréotypes des westerns ! Dominant la scène, une petite grue, et sur les deux côtés, un escalier sur roulettes, avec une caméra des années 1925, les nombreux accessoires qui serviront tout au long du spectacle.

Tout cela est très bien vu mais commence plutôt mal, et on ne peut croire un instant à ce tournage – la recette éculée du théâtre dans le théâtre – avec des acteurs qui jouent faux comme il n’est pas permis, et un dialogue des plus bas de gamme du genre : « La caméra 35mm, je la voyais plus grande » ou « Dis-donc, on ne va pas te payer un stage pour t’apprendre à ouvrir une pièce jointe », « Tu me fais le raccord pour les comédiens » . Les ordres sont lancés au porte-voix, comme au début du cinéma, alors que les comédiens ont tous des micros HF ! Pas crédible pour une rondelle ! Et on a bien du mal, dès le début à s’y retrouver dans cette histoire au scénario du genre bâclé où les petites scènes se succèdent péniblement avec un rythme cahotant.

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Là, Courcoult, avec une équipe qui n’est plus vraiment la même, s’est planté… Ceci explique en partie cela ! Et les comédiens, pas ou mal dirigés, ont du mal à s’en sortir et sur jouent à qui mieux mieux ! On est parfois à la limite de l’amateurisme! Signalons quand même la jeune femme brune qui joue, entre autres l’une des putes et l’acteur qui incarne Poussière, tous les deux remarquables et qui ont une vraie présence malgré l’immensité du plateau.

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Mais il y a les images, et là Courcoult ne s’est pas planté du tout en véritable poète et créateur d’images poétiques qu’il est resté. Comme ce cheval pommelé de gris accroché à la petite grue que l’on dépose sur un praticable et qui ouvre ses grands beaux yeux, et que l’on voit respirer. Ou ce vieux cow-boy au visage buriné qui s’en va, pédalant sur son petit tricycle doté d’un petit cheval en bois, et ces deux condamnés pendus qui se mettent, au bout de leur corde à parler de leur vie. Ou Madame O’Connor, mère maquerelle de son état, qui arrive avec les trois putes dans une charrette bâchée qui sert de bordel ambulant sur fond de chansons folk. Aristophane et la Mère Courage de Brecht ne sont pas loin.
Encore une pour la route : Madame O’Connor tirant au fusil et pulvérisant une bouteille à vint mètres, ratant les coups suivants, et, quand elle repose son fusil, miracle : les deux autres bouteilles s’auto pulvérisent ! Et cet appareil à air comprimé jouant l’hymne américain, tandis que s’élève le drapeau étoilé. Pour de telles images, il sera beaucoup pardonné à Courcoult !

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Photo : Christian Stavel.

Mais on oubliera vite les scènes de jugement et d’élection du juge Parker au poste de gouverneur, pas du tout réussies ou ces dialogues qui se veulent drôles et qui ne font rire personne du genre : « Quel est le fromage préféré des Indiens ? La vache qui rit ! » On oubliera aussi les musiques de Michel Augier et Stéphane Brosse, omni présentes, souvent assourdissantes, qui saturent l’espace et parasitent les pauvres dialogues qui n’avaient pas besoin de cela ! Le spectacle, pas très passionnant, continue cahin-caha, jusqu’à en devenir franchement ennuyeux par moments. Et cassé, au milieu, par une sorte de pause où l’on distribue un petit journal par centaines. Bonjour l’écologie !

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Rien à faire : les petites histoires dans l’histoire, qui n’ont aucun lien entre elles, se succèdent mais n’ont guère d’intérêt, et il y a longtemps, de toute façon, que l’on a décroché pour ne plus voir que les images ! Puis, disons, dans les quinze dernières minutes, tout se passe comme si Jean-Luc Courcoult semblait enfin avoir trouvé le rythme convenable, et le bon rapport entre l’espace du plateau et le temps de la représentation. Il n’était pas trop tôt !

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Et il y a cette belle scène de négociations entre le chef indien, et le gouverneur qui lui offre une porte montée sur roulettes. Et comme le chef indien s’étonne de ce minable cadeau, des assistants font retourner la porte où est reproduit un morceau du décor de l’immense espace du territoire qu’il lui offre… Et il y a cette bataille équestre, figurée par ces cinq chevaux et leur cavaliers – dont un ressort remonté par une grosse clé comme des jouets – en réalité toute une machinerie électrique qui figurent l’attaque contre les Indiens, et la scène finale, l’envoi d’un boulet de canon sur la pauvre boutique qui prend feu. Ah ! Si tout était de ce tonneau mais c’est loin d’être le cas. Et l’on a visiblement gardé le meilleur pour la fin mais ce genre de recette éculée, ne trompe personne. On revient à la fin au tournage du film disparu depuis longtemps, comme s’il fallait boucler la boucle.

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Photo : Christian Stavel.

Jean-Luc Courcoult, à demi-mot, reconnaissait en privé qu’il s’était un peu planté mais qu’il avait au moins essayé… On apprécie cette lucidité mais c’est dommage. Il avait tout pour réussir un vrai bon spectacle, alors que cette Rue de la chute a quelque chose d’assez approximatif. Comme une mauvaise copie du vrai Royal de luxe. Fatigue, usure après trente ans, sans doute. Ceci explique peut-être en partie cela et c’est arrivé à d’autres compagnies…
La faute à quoi ? Pas aux moyens financiers, il y en a, et non des moindres ! (Dix huit acteurs et sans doute presque autant de techniciens qui font un gros travail dans les coulisses). Mais il y a d’abord une mauvaise adéquation entre les moyens, les intentions et un résultat finalement assez gribouille, avec un scénario compliqué et un dialogue des plus limites, une direction d’acteurs insuffisante et une très mauvaise maîtrise du temps de la représentation, surtout quand le public doit rester assis sans bouger pendant deux heures.

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Donc résultat mitigé… Le spectacle, récemment créé, peut-il s’améliorer ? On ne voit pas bien comment, sauf, pour commencer, par en couper d’urgence une demi-heure et à demander à un bon directeur d’acteurs de revoir les choses. Cela modifierait déjà la donne mais Courcoult le fera-t-il ? On peut en douter, c’est une sérieuse remise en question pour un poète comme lui, et de toute façon, ce genre d’opération chirurgicale exige beaucoup de travail en perspective, dans un spectacle où la technologie et les effets spéciaux dominent et commandent le jeu : c’est sûrement le plus grave défaut de la cuirasse de cette Rue de la chute.

On a le sentiment assez désagréable que le Royal a perdu ses repères (on ne fera pas de jeu de mot facile sur la chute) mais on tombe quand même de haut. Le Royal semble être un peu devenu la Comédie-Française du théâtre dit de rue qui devient de plus en plus payant, même ici à Aurillac dans le off. Les gradins étaient bourrés de gens de tout âge malgré les places à 12 euros, et on a rajouté des tabourets pliants au mépris de toute sécurité. Il y a bien eu une représentation gratuite, où il fallait venir quatre heures avant si l’on voulait avoir une chance d’entrer… Bref, rien n’était vraiment dans l’axe. Encore une fois dommage.

– Source : Le Théâtre du Blog.

A visiter :
– Le site de la Royal de Luxe.

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