Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Mon père était bookmaker et en grandissant, j’ai toujours évolué autour du jeu, des cartes et des personnes louches. Cette affinité pour les cartes s’est révélée lorsque je suis allé au lycée et où l’un de mes professeurs a fait des tours de magie pour la classe. J’ai alors pensé que c’était la chose la plus étonnante qui soit. C’est à ce moment-là que j’ai vraiment commencé à développer un vif intérêt pour la magie des cartes. Mon premier « héros » magique était la légende canadienne des cartes Martin Nash et mon professeur me l’a présenté. Un de mes biens les plus précieux fut un tapis de close-up que j’ai reçu de mon idole.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Au cours des années suivantes, je jouais avec la magie de temps en temps. Quand j’étais à l’université, je me suis mis à utiliser la magie en classe. Tout en faisant ma maîtrise en éducation, j’ai commencé à rechercher comment utiliser la magie dans un contexte éducatif et créé plusieurs spectacles que j’ai présenté dans les écoles et les bibliothèques.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Mon plus grand soutien est venu de mon mentor et ami, « la légende magique de Las Vegas », Jeff McBride. J’ai eu le privilège d’étudier et de travailler en étroite collaboration avec lui et de développer mon propre personnage et mon style d’interprétation. Un des moments forts de mon parcours a été l’apprentissage de sa routine « signature » The Rainmaker. Ce fut un grand moment pour moi car apprendre cette incroyable pièce de théâtre magique a nécessité des milliers d’heures d’étude et de pratique. Une fois que j’ai pu acquérir une certaine compétence avec cette illusion, j’ai ensuite travaillé mes autres routines pour les développer à un niveau similaire. Grâce à mon travail avec Jeff McBride, j’ai pu être invité à me produire lors de l’événement OBIE’S 4F convention à Batavia, dans l’état de New York. Je suis également reconnaissant à mon ami Paul Romhany avec qui je travaille et je collabore pour Vanish Magazine et qui m’a si gracieusement mis sur la couverture de son magazine en début d’année.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Je continue de me produire dans les écoles et les bibliothèques. Mais depuis peu, je travaille aussi pour des entreprises comme intervenant. J’ai eu l’occasion de présenter une allocution devant plus de 20 000 personnes dans ma ville natale de Vancouver, au Canada. Un autre point fort de cet événement a été de travailler avec ma femme Emma et ma fille Hannah. La magie m’a littéralement permis de me produire dans des endroits uniques comme l’Afrique ou les jungles de l’Équateur.
Jeff Christensen au Kenya lors d’une collecte de fonds pour construire une école dans une zone rurale.
Intervention de la famille Christensen au WE Day à Vancouver en 2018.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
J’ai étudié, en cours particulier, avec le regretté Eugene Burger. J’ai travaillé avec lui principalement sur des scripts. Eugene a également fortement influencé ma magie. C’était un enseignant et une personne merveilleuse qui me manquent énormément.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Je suis attiré par un travail intelligent, théâtral et original. J’adore la magie mais si c’est du déjà vu, cela ne m’intéresse pas. Un de mes interprètes préférés est Xavier Mortimer qui a un grand numéro avec de nombreux aspects créatifs et des projections numériques.
Quelles sont vos influences artistiques ?
En dehors de la magie, je suis inspiré par la musique, le théâtre et la psychologie. J’ai également un fort intérêt pour l’intégration de technologies numériques comme la projection numérique, les personnages numériques interactifs et le mapping. J’ai commencé à travailler et à collaborer avec d’autres artistes pour introduire ces éléments dans mon travail.
Je trouve aussi une grande inspiration dans le monde du théâtre. J’enseigne le théâtre et les arts du spectacle. J’écris, je joue et je dirige d’autres spectacles avec et sans magie. Ces expériences me donnent l’occasion d’induire de nombreuses influences artistiques dans mon travail magique.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Profitez de la magie et prenez votre temps avant de devenir professionnel. Il y a beaucoup trop de magiciens qui se lancent dans des spectacles avant d’avoir fait la moindre préparation. Cela ne vous aidera pas et ne rendra pas service à l’art magique. Trouvez un bon professeur de magie ou un mentor et écoutez ses conseils.
Il y a par exemple la McBride Magic and Mystery School dont je suis membre. L’école offre des cours en ligne ainsi que des événements en direct. Ce sont des opportunités d’apprentissage incroyables pour tout étudiant sérieux en magie.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je crois que la magie doit continuer d’évoluer et de grandir pour rester pertinente. Il faut également redoubler d’efforts pour la rendre attrayante auprès des jeunes et des femmes. Les clubs de magie doivent évoluer avec leur temps, sinon l’art en souffrira. Je suis frappé par la représentativité des femmes dans beaucoup de domaines. C’est encourageant, mais quand nous regardons la magie, nous constatons que c’est le seul art du spectacle où il n’y a pas un équilibre entre hommes et femmes. Je suis heureux de partager mes points de vue sur la magie et son évolution en écrivant des chroniques mensuelles sous le titre Magic is Education dans le magazine VanishMagazine.com.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Je pense que la magie est une belle opportunité pour nous de partager des choses qui sont importantes. L’art magique nous donne l’occasion de présenter nos histoires, nos points de vue, nos rêves… le potentiel est illimité. Gardez à l’esprit que chaque représentation que nous faisons est emprunte d’une grave responsabilité. Il y a malheureusement encore beaucoup trop de magie insignifiante. Il serait intéressant de voir plus de magicien produire des choses qui a un peu plus de substance et de sens.
Emma, Hannah et Jeff Christensen visitant l’école qu’ils ont fait construire au Kenya dans le village de Maasai Mara.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
J’apprécie la randonnée, le vélo et le kayak, mais j’étudie surtout. Il y a tellement de choses que je veux apprendre mais je manque de temps. Je collabore actuellement avec des magiciens du monde entier sur un projet intitulé 52 Friends. C’est un ouvrage qui traite du sujet de la magie en ligne et « pour caméra ». Je suis tellement enthousiasmé par ce projet qui réunit les réflexions de gens comme Jeff McBride, Larry Hass, Bob Fitch, Rob Zabrecky, Bill Abbott, Colin Cloud, Shawn Farquhar, Javi Benitez et bien d’autres. Il y a même une pièce inédite d’Eugene Burger qui sera incluse grâce à mon cher ami le Dr Larry Hass. Ce sera le script d’Eugene sur la gestion du tour d’Einstein. Toutes ces personnes se sont réunies pour créer cette ressource et tout l’argent récolté sera reversé à l’association caritative https://www.nokidhungry.org. J’espère que ce livre sortira à la fin de l’été 2020.
– Interview réalisée en juin 2020.
A visiter :
– Le site de Jeff Christensen.
– Le projet No Kid Hungry.
Crédit photos : Jeff Christensen. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.