5ème journée française d’histoire de la Magie
2012 marque l’année du renouveau de la French Magic History Day créé par Jean Merlin en 2008 ; rebaptisée pour l’occasion Jean Merlin Magic History Day (JMMHD). Ayant émit le souhait d’arrêter cette journée lors de la quatrième édition, le célèbre magicien a accepté de continuer l’aventure en s’entourant d’une équipe organisatrice nommée Le Collectoire, afin de se concentrer sur la présentation et le contenu de ce moment incontournable. La belle histoire de la magie se prolonge en recentrant cette rencontre sur un thème principal, une mise en avant du music-hall et un talk show.
Le thème de cette année est la lévitation avec l’intervention d’éminents spécialistes. Le chanteur et claquettiste Okon Ubanga Jones représente le music-hall. Enfin, ce n’est pas un talk show, mais deux rencontres exceptionnelles avec Dani Lary et l’immense Pierre Etaix qui ont lieu.
Pour la seconde fois, l’événement se déroule dans la salle mythique du Zèbre de Belleville ainsi qu’au Musée de la magie et de la curiosité.
1- COUPS DE COEUR de Jean Merlin
Coiffé de son célèbre chapeau melon, Jean Merlin donne toute une liste d’ouvrages de référence qu’il conseille d’acheter.
Photo : Franck Boisselier.
– Vortex de Tom Stone (Editions Stephen Minch, 2010)
Ce magicien suédois, très créatif, expose ses idées sur le close-up, la scène, la manipulation et la psychologie. Parmi les tours expliqués, une très belle routine de gobelet avec un chop cup.
– Prestidigitation, mille et une sources de Pierre Guédin et Philippe Billot (2ème édition, 2011). L’ouvrage de référence concernant les grands thèmes de close-up et de salon.
C’est un « pavé » de 375 pages couvrant un peu plus de cent thèmes magiques que nous avons abordés de façon chronologique afin d’en expliquer la naissance ainsi que l’évolution. Il est présenté en format 21 x 29.7 cm avec une couverture souple pour une meilleure manipulation. Nous sommes persuadés que vous trouverez dans ce livre quelques références que vous ferons redécouvrir les trésors cachés dans votre bibliothèque tout en vous permettant de (re)mettre à jour vos connaissances de l’histoire de la magie, non pas celle avec « une grande hache » mais simplement la petite histoire qui fait la grande magie de même que les petits ruisseaux font les grandes rivières.
– La stratégie de l’illusionniste de Vincent Delourmel et Eric Constant (Editions l’Alambic, 2011). Un livre sur l’art de la persuasion avec une préface de Carlos Vaquera, expert en « Trade show ».
À l’aide d’astuces psychologiques savamment employées, et maîtrisant à la perfection l’art du leurre et de la mystification, les illusionnistes sont capables de nous persuader qu’ils peuvent accomplir des miracles.
Quels sont donc ces ressorts mystérieux dont ils usent parfois depuis la nuit des temps pour provoquer en nous l’étonnement, la surprise et même parfois la fascination ? Comment parviennent-ils à manipuler ainsi la conscience de leurs semblables ?
En étudiant ces experts du détournement d’attention et de la suggestion, des scientifiques se sont récemment penchés sur ces méthodes de persuasion terriblement efficaces, applicables non seulement sur scène mais aussi et surtout dans notre quotidien. Vie professionnelle, vie sociale ou vie privée, rien ne résiste à ces hommes ou à ces femmes qui ont su développer une véritable connaissance des comportements humains et qui manifestent d’impressionnants savoir-faire : force de persuasion, contrôle de l’attention et de la perception, maîtrise de soi, adresse ou encore éloquence. Autant de qualités que les auteurs, décryptent pour vous et expliquent à l’aide d’exemples clairs et faciles à comprendre, qu’il s’agisse de tours de magie ou encore de mises en situation dans un contexte commercial par exemple.
Une fois qu’on a goûté à ces nouveaux pouvoirs, impossible de s’en passer, et le livre que vous tenez entre les mains constitue la clé pour accéder à d’incroyables compétences… que nous possédons tous.
– The Magic of Jimmy Grippo réuni par Geno Munari (2011). Beaucoup de tours classiques mais aucunes routines qui ont fait sa réputation, notamment la description de ses « chargeurs »…
– Classic Correspondence from Egyptian hall Museum de Mike Caveney (2012).
Il s’agit d’une compilation de 24 lettres de correspondance qui ont été publiées dans le magazine Magic de 2006 à 2007. Mike Caveney a exhumé ses lettres du légendaire Egyptian hall Museum. L’écrivain ou le destinataire (ou les deux) sont des noms bien connus, tels Charles Carter, Harry Houdini, Edwin Brosse, Deo Leroy, Angelo Lewis, Will Goldston, Horace Goldin, Sorcar, les Herrmann, Nelson Downs, Dante, Earl Violet, J.N Maskelyne, The Great Leon, Thurston… Chaque lettre apporte un éclairage nouveau sur un coin d’ombre de l’histoire fascinante de la magie au tournant du 20ème siècle. On se rend compte que, déjà à l’époque, il y avait de la jalousie et de la compétition dans l’air. Rien n’a changé aujourd’hui !
– Revue L’illusionniste dirigée par Claude Nops. La plus belle revue magique du monde selon Jean Merlin. C’est la première fois que la qualité, l’esthétisme et l’artistique sont convoqués pour rendre justice à la reine des arts. Il était temps ! De plus, le contenu et les textes ne sont pas en reste.
– Art, illusions et secrets de Fanch Guillemin et Stephane Laurens (Artishow éditions, 2011)
Ce livre est une sorte de recueil d’oeuvres d’artistes illustrant la magie, mais aussi des citations d’auteurs classiques qui nous renseigne sur les artistes de chaque époque (de Platon à André Breton). 20 tours et illusions y sont décrits, qui confirme que tout n’est pas nouveau… Ce livre de format carré, très instructif, va de paire avec une exposition passionnante commentée par Stéphane Laurens.
Depuis des siècles, les magiciens sont représentés sur des céramiques, tapisseries, peintures, dessins ou gravures et on trouve là une précieuse source d’informations concernant non seulement leurs tours mais aussi leurs costumes, leur environnement de travail et leurs publics.
Le livre que vous allez lire vous propose un long et fascinant voyage dans l’histoire de la magie en vous offrant de nombreuses illustrations allant du Vème siècle avant J.-C. jusqu’au XXIème siècle et beaucoup d’entre elles sont certainement inconnues de la majorité des lecteurs. Côtoyant les magiciens, vous trouverez des ventriloques et des pickpockets représentés dans leur coupable commerce. Mais ce n’est pas tout car les illustrations sont émaillées d’explications des tours présentés par ces artistes d’hier et d’aujourd’hui, sans oublier certains mystères de nature scientifique.
Voici un livre à savourer, un de ceux que l’on prend dans sa bibliothèque, que l’on ouvre à n’importe quelle page avec la certitude d’en tirer un réel plaisir. (Edwin A. Dawes)
– Mnémonica 1 et 2 de juan Tamariz (Editions Georges Proust, 2011).
Plus de 100 tours, mémorisation en 3 heures, techniques, manipulations, subtilités et classement à vue.
Mnémonica en 2 volumes de Juan Tamariz va beaucoup plus loin que le simple jeu du chapelet, c’est une véritable anthologie du jeu mémorisé accompagné de routines et de tours fantastiques. Juan Tamariz, Star Mondiale de la Magie, apporte dans tous ses livres : générosité, amour, subtilité et intelligence… Ces deux volumes vont ouvrir à tous les magiciens un champ infini de possibilités avec un simple jeu de cartes. Ces effets ne se racontent pas, ils se font pas à pas, un livre sur une table et un jeu en mains et l’Aventure Cartomagique commence…
– Le Prevost de 1584 par Hervé Guillard (Editions Georges Proust, 2011).
Après plus de quatre siècles d’existence, ce livre écrit en vieux français est, pour la première fois, « traduit » en français contemporain et augmenté par des notes qui permettent de resituer le livre et le rendre plus accessible à tous.
Hervé Guillard a travaillé et cherché pendant plusieurs années pour adapter et commenter le premier livre français consacré entièrement à la prestidigitation. Les notes forment un livre dans le livre et le tout est facile d’accès grâce à la mise en page. Dans un monde où l’image est en train de prendre le pas sur l’écrit, ce livre s’adresse à tous ceux qui ont soif de connaissance, d’histoire et de culture magique… et qui pensent que cela passe par le LIVRE…
– Illusionology de David Wyatt and Levi Pinfold (Templar, 2012).
D’après The Secret science of magic de Albert D.Schafer (1915). Un vieux bouquin remit au goût du jour avec, entre autre, des pop up, des hologrammes, un Pepper’s ghost miniature, des illusions d’optique, l’Asrah de l’Egyptian Hall et 20 tours à réaliser… Le tout en anglais.
– La magie des cartes d’Hofzinser (Fantaisium, éditions François Montmirel, 2012).
Hofzinser n’a jamais écrit de livre. Cet ouvrage est un recueil publié en 1931 par un magicien érudit autrichien, Ottokar Fischer, d’après les notes prises par Hofzinser lui-même. Ce livre est un évènement car c’est le premier en français consacré à ce génie méconnu de la magie et des cartes qu’était Hofzinser.
Avec 50 illustrations et 70 annotations de Christian Chelman, Ottokar Fischer et S.H.Sharpe. La couverture du livre a été dessinée spécialement par Benoît Drager, créateur des graphismes de Légendes Urbaines.
– The complete work of Jacques Delord (Editions Marchand de trucs, 2013)
La seule trilogie qui comporte 4 livres écrit par le magicien poète et philosophe et rééditée sur papier d’harmonie par Ludo. Une collection mythique à posséder absolument avec une préface de Jean Merlin.
2- REVUE DE PRESSE de Jean Merlin
Avec sa verve et son vocabulaire fleuri, Jean Merlin a mené une revue de presse contre une grande corporation magique en visant plus particulièrement son ex président.
Photo : Franck Boisselier.
Ci dessous, le texte de Merlin en intégral :
« Bon, il est question maintenant que je fasse un monologue, moi je voulais pas le faire, parce que j’en ai marre d’être fâché avec tout le monde, mais bon, ce sont les jeunes qui ont insisté , avec un chèque, alors je me suis laissé faire, mais je ne suis pas dupe , je sais que j’ai tort, et j’ajoute que dans la vraie vie, je suis un type gentil, enfin j’essaie, je ne dis du mal que ; lorsque je suis payé pour ça. C’est ce qui me différencie avec certains membres de la F…
Je sais que certains de vous enregistrent, moi aussi, certains sont même venus avec leur avocat, moi aussi.
Vous vous souvenez, l’année dernière j’avais annoncé mon départ et puis à la sortie une troupe de jeunes malfrats m’a proposé de remettre le couvert d’abord avec des menaces auxquelles j’ai été totalement réfractaire, puis quand ils ont vu que ça ne marchait pas, ils ont essayé le rêve. Ils m’ont dit que si je continuais longtemps je pourrais postuler à la place de président de la F… et ça, ceux qui me connaissent le savent : c’est tout ce que j’aime !
Devenir président à la place du président : je me présente my name is Iznotgood Merlin… quelle classe ! J’aurai ma photo dans le hall of Fame of french magic juste à côté de celle de Peter D.., mais légèrement plus grande et dans un cadre plus beau, juste pour le faire chier !
Après ils ont essayé la flatterie : le Souchet disant à la cantonade en faisant bien attention que j’entende :
MERLIN, il a tellement de talent qu’il pourrait faire rire, rien qu’en lisant les statuts de la F…
Et justement, vous allez rire, mais je les ai amenés avec moi ! Là, il y en a qui balisent…mais non, c’est pour rire !
Les statuts, depuis que Peter D.., s’en est occupé, faut une brouette pour les porter, et deux philosophes de gauche plus un jésuite pour les comprendre.
Je vais vous dire : Même si je vous le lisais sans faire aucun commentaire, il faudrait trois jours, sans compter qu’il y a des phrases dedans qu’on voit bien que même celui qui les a écrites ne comprend pas très bien ce que ça veut dire !
Alors moi à l’époque, j’avais demandé à être reçu en audience, eh bien, je vais vous dire, c’est plus compliqué que de voir le Pape !
Ah si, le pape, moi je l’ai vu sans problème, j’ai juste décroché un téléphone de courtoisie qui était sur grand pilier central de Saint-Pierre de Rome, j’ai pu lui parler directement ! Comme il ne faisait rien le soir et qu’il s’emmerdait à Castel Gondolfo, je lui ai payé le resto, après on a fait le tour des cabarets. J’ai honte de le dire, mais quand je l’ai ramené, on était tous les deux complètement bourrés. On s’est fait arrêter par un flic, mais bon, en civil, le pape on le reconnaît moins… heureusement qu’il a pu téléphoner à Berlusconnard, qui nous a fait aussitôt libérer !
Tout ça pour dire que pour voir Peter D.., c’est beaucoup plus compliqué :
Il faut écrire au secrétaire général, qui lui transmet la lettre aux deux vice-présidents qui, s’ils sont d’accord, proposent l’audience au monarque qui peut toujours refuser, même en démocratie, car la loi, dit que :
1- Peter D.. a toujours raison,
2- Si par extraordinaire Peter D.. avait tort, c’est quand même l’article #1 qui s’applique… enfin bref, pour donner à la F… l’allure d’une démocratie, la couleur d’une démocratie, il avait fini par accepter de me recevoir, et là c’est moi qui ai merdé :
Quand on arrive dans la salle du trône, toute pavée de carreaux blancs et noirs et qu’on aperçoit au fond le trône, avec les marche en or massif et un dais en brocard – le tout avec votre pognon – donc, quand on arrive on doit faire 3 révérences toutes espacées de deux pas…ah même la reine d’Angleterre n’en demande qu’une… et là , à cause de mes vieilles jambes, j’ai loupé la troisième révérence, alors le Bocassa de la F… à hurlé « Foutez moi ce con à genoux ! »
Moi j’ai refusé, parce que la dernière fois que j’ai demandé à une jeune personne de se mettre à genoux devant moi, j’avais une idée derrière la tête et je me suis dit que ce type pouvait avoir la même …
Enfin bon, quand il a été calmé, je lui ai posé la question que j’étais venu avec :
Majesté, Votre Grandeur, pourriez vous m’expliquer pourquoi que con ne comprend rien à la lecture des statuts ?
Et il m’a répondu « Chien galeux, tu vas quand même pas m’apprendre mon métier : le jour ou les gens comprendront, ils vont s’apercevoir qu’on les nique et ça c’est la porte ouverte à tous les abus ! »…
Et c’est vrai qu’avant Peter D.., les statuts, c’était le moyen âge ! On avait des statuts de merde, et ça c’est parce que les gens du conseil passaient leur temps à faire des tours de cartes ou des conneries comme ça !
Honnêtement, c’est sérieux ?
Heureusement, comme Zorro, Peter est arrivé monté sur son cheval de bataille, qu’il a sobrement nommé « la copie », il a pris les choses en main et depuis, à la F… , les statues sont en bronze…
En résumé : Avant c’était de la merde, maintenant on coule des bronzes, je ne vois pas bien la différence… On a des statuts que le monde entier nous les envie, malheureusement, y’a plus d’artistique, y’a plus QUE du juridique, mais bon, on ne peut pas tout avoir !
Donc, je ne vous lirai pas les statuts, par contre je vais vous lire le début de la page 4 du numéro 582 de la Revue qui est un modèle du genre !
C’est le compte rendu fédéral du 02.04.2011,
Par Monsieur Christian G… secrétaire général en chef, et le dimanche première guimbarde au bagad de lambi Houé, un homme que je connais bien, que j’aime bien et qui, le pauvre, écrit ce qu’on lui dit d’écrire.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, il est à la F… ce que l’archange Gabriel est à la religion catholique :
Par exemple chez les cathos, quand il y a un truc un peu tendancieux à dire , voire franchement limite, c’est pas dieu qui y va…il envoie Gabriel, qui est un ange très gentil, très beau, (on dirait Alain Delon en plus jeune et avec des ailes), et qui surtout fait preuve de beaucoup de sang froid, parce que pour annoncer à la vierge Marie qu’elle est enceinte, alors que l’autre sait très bien que ça fait plus de neuf mois, qu’elle ne s’est pas fait tromblonner, il faut avoir beaucoup de sang froid…
Eh bien Christian G…, c’est pareil, mais à la F…Donc histoire de rigoler, voici le compte rendu fédéral du 02.04.2011
Bon au début ils recensent les gamelles et les bidons, ça n’a aucun intérêt, mais on arrive vite dans le gras avec : Questions diverses,
genre la fréquence de la parution de la revue.
Donc on va faire un test : quels sont ceux qui la lisent entièrement ?
Donc on est bien d’accord…il est temps qu’on en parle. Alors, moi je dirais : la revue, oui, mais moins souvent, mais mieux faite …Pourquoi ?
Je vais vous l’expliquer :
L’autre jour, j’étais chez un ophtalmo, il m’examine les yeux et tout de go, sans me connaître, il me dit : vous, vous êtes magicien, je lui réponds vous êtes le mentaliste ? Non, qu’il me dit, mais je lis dans vos yeux que vous lisez la revue de la P… alors moi, forcement j’étais sur le cul, je lui dis : comment vous faîtes ? Et quand il a vu que j’étais magicien, il m’a expliqué : la revue il y a dedans des pages, que quand on les regarde trop longtemps on risque d’attraper un glaucome. Alors, take it from me, y’a danger.
Alors il me demande : au moins vous ne lisez pas les textes ? Non, non, moi mes pompes sont déjà cirées…donc on ne parlera pas d’Etaix aujourd’hui, il avait qu’à venir !
Paragraphe suivant, on arrive a un sujet comme
Les titres à la F… Et c’est vrai que à cette période ou les cabarets ferment un par un, qu’il y a de moins en moins de galas bien payés, que les artistes sont pris pour des esclaves, voire pour du bétail comme dans certaines émissions télés, les titres à la F…, c’est un sujet brûlant ! Et en plus c’est l’enfer.
Ce chantier lancé il y a deux ans, n’a pas abouti !
Eh bien quand chantier n’aboutit pas, on le ferme !
Surtout que des titres on en a déjà, putain.
Apprenti magicien, magicien, maitre magicien, et pour les très vieux comme Barbier « grand maître » magicien…Et c’est ça le nœud du problème, car les « francs carreleurs » on gueulé : ils on dit à Peter, ce sont nos grades A NOUS que vous avez piqué et donc toi qui passe ton temps à gueuler contre la copie, commence par revoir la tienne…et l’autre il est resté cloué, un peu comme Jésus. Sans déconner, il paraît qu’il s’entraine à marcher sur l’eau, et la question est quand il n’y aura plus d’eau, sur qui va-t-il marcher ? Bon ça va bien, actuellement, il fait ça au bois de Boulogne …et pourtant les titres de magiciens, c’est pas ça qui manque : vous me connaissez ; j’aime rendre service. Eh bien, j’en ai noté quelques uns pour le fun :
Magicien débutant, magicien médiocre, magicien nul, magicien à vomir, magicien à chier, magicien moyen, magicien faute de mieux, magicien normal, comme le président, magicien élu, magicien nommé, et président auto proclamé !
Donc voyez, avec un peu de bonne volonté, y’a pas besoin d’en faire un compte rendu !
Ensuite on arrive au bilan du congrès de Paris : 7000 Euros de bénef : une seule conclusion possible : j’ai pas demandé assez cher !
Faut le signaler c’est pas si souvent qu’il y a du bénef !…Ah ben là, il avait les mains dessus, c’est la première fois depuis 5 ans qu’on peut pas piocher dans la caisse …non je déconne, c’est pour rire !
Et on arrive au plat de résistance :
Statuts et règlements intérieurs. Voyez, vous aurez quand même un peu de statuts, c’est pour cela que j’ai choisi cette page là…
Je me suis précipité dessus en me disant là, on va savoir à quelle sauce on va être mangés.
Donc à partir de maintenant, je lis, parce que ça, même moi, avec toute ma mauvaise fois je n’ai pas eu le culot de l’inventer :
Allez, comme dirait Jean-Luc Mélenchon : écoutez bien les amis parce que c’est difficile à comprendre.
Même moi j’ai eu du mal…il dit ça Mélenchon.
Tout le monde a bouclé sa ceinture, on y va :
Le conseil valide les modifications du règlement intérieur… formidable, mais nous ce qu’on aurait voulu savoir c’est QUELLES SONT ces putains de modifications, parce que sinon, c’est noircir du papier pour rien ! C’est du foutage de gueule !
Voyez à la radio le soir, jean Michel Apathique qui vient les poches qu’il a sous les yeux, bourrées de cotillons comme chaque soir et qui annonce :
Le code de la route a été entièrement refondu.
Et les contrevenants seront sévèrement punis
Et démerde toi avec ça, les gens gueuleraient, et ben moi, je gueule, merde à la fin.
Et on arrive au congrès de Dunkerque et à nouveau
Le conseil valide ! Et keskqu’il va valider ?
L’édition par la F… du livre spécial congressiste.
C’est un livre qui est super, ce ne sont que des dessins de Gilles Franzi qui sont magnifiques et plein d’humour, et là on a douze mecs qui se la jouent, qui prennent l’air grave et à qui on demande
Et vous, monsieur Touchebirre : je valide, Peter, et c’est mon dernier mot. Alors je pose la question :
Et celui-là de livre, (celui d’O.W…) Bordel de merde a-t-il été validé par le conseil avec ses pages 115 à 119 qui contiennent toutes des recettes de drogues pouvant être lues par des enfants ?
Bien sûr que non, c’est un caprice du dieu-président qui par moments ne se sent plus pisser… parce que s’il utilise les recettes du livre c’est mieux qu’il ne fasse pas d’analyse d’urine …
Je me demande, d’ailleurs pourquoi dans les réunions où se jouent le destin de la F…, on ne fait pas faire avant aux élus une analyse d’urine, dans des tubes très petits, de façon à ce que les mecs se pissent sur les mains.
Et qu’on me comprenne bien, je n’ai rien, ni contre O.W, ni contre son livre, j’ai d’ailleurs proposé des couvertures et si on m’avait demandé, emporté par l’élan, je l’aurais peut-être édité,
Mais il y a une sacré différence :
qu’un type comme moi édite ça, les gens l’auraient mieux accepté : ils auraient dit « tiens, voilà qu’après 50 ans d’alcoolisme et de tabagisme forcené, voilà que le vieux vient de virer sa cutie !
Mais bon, là c’est la F… qui édite…
Dans n’importe quelle société normale, si le président éditait un livre sur la drogue, on le foutrait dehors ! D’où j’en déduis que la F… n’est pas une association normale et ça induit une seconde question. A quoi sert le conseil si le président fait des trucs sans le consulter ?
Alors comme je ne savais pas quoi dire, j’avais demandé des idées à des amis et comme ici on peut projeter, on m’a conseillé de faire comme aux Oscars une séance sur les disparus de l’année, ça, ça fait toujours plaisir à ceux qui restent mais bon j’ai eu peur que ça plombe un peu l’ambiance !
Y’a quand même un départ qui m’a bien emmerdé, c’est celui de mon ami Jean Garance ! Ça je ne l’ai pas totalement digéré ! Jean, la seule personne du monde magique à qui je ne connaissais pas un seul ennemi ! Avec son appareil photo greffé sur le ventre, il était mondialement connu.
Au chapitre de la suisse, Pavel nous a quitté aussi et en France Edernac, j’en parlais avec Tabary qui me disait « eh oui, c’est triste, mais regarde, niveau cordes, y’a plus que nous deux » … et il m’a remis un tube de médicaments pour l’hiver prochain, si je m’enrhume. Merci Francis !
Enfin, hein, maintenant qu’on a un nouveau président, on espère que tout va s’arranger !
Vous êtes au courant au moins, vous savez qu’on a un nouveau président ? Mais non, pas ce faux mage de hollande, non …à la F…
C’est un monsieur très gentil qui s’appelle Serge Odin. Son papa faisait déjà de la magie il s’appelait Robert ! Et Robert Odin pour un magicien, c’est un nom prédestiné !
Et en plus, il a un vrai métier : il est toubib ! ca, à mon avis, ça a du aider. Dans l’état de délabrement dans lequel sont les gens du conseil, -pas tous, pas tous, mais enfin dedans y’en a certains qui sont déjà morts et qui ne le savent pas – ils se sont dit : si l’un de nous a un malaise à la lecture des statuts, il pourra toujours nous prodiguer les premiers soins, c’est pas con comme remarque, encore qu’à titre personnel, à choisir, pour le bouche à bouche, je préfèrerais Caroline M…, dont j’ai aussi bien connu le père : Groucho Marx, et détesté son oncle Karl mais bon après c’est l’affaire de chacun !
Voilà, ne comptez pas sur moi pour dire du mal de Serge Odin, vu qu’il n’a encore rien fait. Non, je garde ça pour, si dans 3 ans il n’a toujours rien fait, mais pour l’instant non…
Je vais le laisser aller à Blackpool.
Par contre faudrait pas qu’à l’entrée, au moment où il va se présenter aux vigiles en disant « I’m the président of tous les français », il se fasse arrêter comme imposteur : Le président de tous les français, bouffi, il est passé il y a 5 minutes, allez, embarquez moi ça ! En un mot, je ne voudrais pas qu’il se fasse blackpooler … A ben c’est de là d’où vient l’expression !
Parce que l’autre il a tout les culots, il ne s’en ira jamais : c’est le Jack Lang de la F… !
C’est un mec, il est chez lui partout. A la fin, avant que je ne le vire,
même chez moi, il était chez lui.
D’un côté c’était pratique, il pouvait indiquer les chiottes aux amis, il recevait les invités, des fois même, il les invitait lui-même sans m’en parler ! Bref, j’ai du mettre un terme. Mais bon il n’a pas compris, il est tellement à côté de la plaque c’est devenu un homme politique.
Et pendant qu’il faisait élire Serge Odin, grâce à un procédé totalement totalitaire et complètement anti-démocratique, dans l’ombre, il faisait la retape pour entrer à la Fism, comme vice président à la place de Gerrit B…, a qui il fait cadeau du tube de médicaments que je lui avais remis, car moi je ne suis jamais malade l’hiver c’est pour ça qu’il a cédé la place, par calcul, parce que sinon, il serait toujours là ! Mais la douleur m’égare !
Il est temps de revenir à des choses sérieuses : la lévitation par exemple puisque c’est le thème qui a été choisi cette année par les gens du Collectoire.
Donc la première lévitation suivie d’une asrah a été
réussie par un certain Jésus de Nazareth qui a même appris le truc à sa propre mère qui l’a fait bien avant Melinda, puisque c’était 2000 ans avant D.C (David Copperfield), mais l’histoire est tellement compliquée, que je préfère laisser la place à des spécialistes.
Mesdames et messieurs, merci de votre aimable attention et maintenant, place à la raison, au spectacle et à la vraie magie, celle qui fait plaisir. J’ai la joie de vous présenter Monsieur Claude De Piante, grand maître de l’ordre du Scarabée jaune et il est accompagné à la ville comme à la scène, par madame Aude Lebrun sa compagne.
Bonne journée à tous, et que le meilleur gagne ! »
3- LA LEVITATION
Nous entrons de plein pied dans le sujet avec un numéro de la compagnie du Scarabée jaune, propriétaire des lévitations Yogano. Une façon très originale d’appropriation et d’interprétation de classiques, dans une mise en scène qui justifie les différents procédés.
Photo : Franck Boisselier.
Les époux Blatte (Jack et Eve) saluent le public et proposent de tenter une expérience grâce à une fiole contenant un liquide hallucinogène. Une personne de la salle est invitée à monter sur scène et à tenir un sac en velours noir. Jack place une cuillère dans le sac et tord l’autre à vu, en utilisant la télékinésie. Par l’intermédiaire d’un courant fluidique, la cuillère dans le sac se retrouve, elle aussi, pliée.
La fiole est à nouveau montrée au public. Elle contient « l’énergie de demain » ; l’analium energitas. Le spectateur sélectionne deux ampoules au choix. Au son du cri d’Eve, les deux ampoules éclatent.
Photo : Franck Boisselier.
Jack se place derrière un grand bouclier (le pantagramme) avec la fiole d’analium. Eve assise sur un tabouret entonne une chanson et Jack se met alors à léviter dans les airs. Par effet de vases communicantes, Eve se met aussi à léviter (tabouret Yogano).
Photo : Franck Boisselier.
Le problème de l’analium energitas est qu’il provoque des troubles mentaux et physiques. Démonstration avec une lévitation d’Eve entre deux bâtons, qui sont retirés (La Yogano). Eve redescend au sol, ce qui marque la fin de la séance.
Le Collectoire
Petit aparté avant de continuer à disserter sur la lévitation, Claude de Piante en profite pour parler de l’association Le Collectoire et de ses missions en présentant rapidement les différents membres du groupe (Gérard Souchet, Vincent Delourmel, Yohann Gauthier, Sébastien Bazou, Aude Lebrun, Claude De Piante, François Martinez et Christophe Boisselier).
Photo : Franck Boisselier.
Le Collectoire se donne principalement pour mission de collecter, répertorier, analyser le patrimoine des arts magiques et du music-hall. Il recueille les témoignages, documents et savoir-faire des artistes de ces arts afin de les mettre à disposition des chercheurs d’aujourd’hui et de demain, qu’ils soient artistes eux-mêmes ou bien historiens, sociologues, psychologues, etc.
Les 5 missions du Collectoire :
– Recueillir le patrimoine de la magie et du music-hall, ainsi que plus globalement le témoignage de ces artistes sur leur art, leur époque et les autres arts.
– Conserver, classer et répertorier ce patrimoine, ces témoignages ainsi que tous documents ou matériel pouvant concourir à cet objectif.
– Mettre à disposition ce patrimoine et l’ensemble des documents et matériel auprès des historiens, chercheurs et artistes présents et à venir.
– Encourager tout travail d’analyse et de recherche en ce domaine, à la fois historique, culturel, artistique mais aussi psychologique.
– Faire mieux connaître au grand public et au monde de la culture, les richesses de ce patrimoine et mettre à disposition des outils pour mieux le comprendre.
Jean Régil
Victime d’un AVC le matin même et transporté d’urgence à l’hôpital, Jean Régil n’a pas pu assurer sa conférence. Néanmoins, Jean Merlin a prit sa place et commenté son montage vidéo, retraçant diverses lévitations. Comme à son habitude Jean Régil à préparer avec minutie un montage inédit de vidéos organisées par chapitres (plus de 400 heures de travail). La presque totalité des images diffusées est introuvable ; de véritables découvertes !
– Dans une ambiance pharaonique, l’actrice franco-américaine Leslie Caron exécute une lévitation horizontale d’un homme qu’elle place dans un sarcophage.
– Dans son film Stardust memories (1980), Woody Allen exécute quelques tours de magie dont une lévitation d’une boule (l’acteur représenté en enfant) et une lévitation horizontale d’une femme dans un champ en pleine air avec le passage d’un cerceau.
– Le film My Magic (2008) d’Eric Khoo, est le fruit de sa rencontre avec un magicien de Singapour, qui dépeint les complexités de la relation d’un père et d’un fils. Cette histoire s’inspire de la vie du magicien Francis Bosco, qui dévoile au réalisateur les dessous de son métier (depuis 15 ans) et, plus personnellement, les difficultés rencontrées avec son fils. L’extrait nous montre une lévitation horizontale utilisée comme une apparition.
– Dans le film Hans Christian Andersen (1952) de Charles Vidor, nous voyons un ballet de danseuses (dont Zizi jeanmaire) léviter dans les airs grâce à des fils visibles !
– Dans le film Tout le monde dit I Love You (1996) de Woody Allen, une séquence montre le réalisateur faire léviter l’actrice Goldie Hawn sur les quais de Paris, Magique !
– Dans le film Odette Toulemonde (2007) d’Eric-Emmanuel Schmitt, l’actrice Catherine Frot, en train de lire, lévite de son siège et à l’épaule d’Albert Dupontel.
– Dans son Magic show (1985), Orson Welles, sous les traits d’Abu Khan, exécute une lévitation horizontale. Une femme apparaît, puis celle-ci, couchée sur le dos, se met à léviter grâce à un ballon gonflé d’hélium. Un homme monte soudain sur scène et fait éclater le ballon d’un coup de révolver. Le mage prend alors une flopée de ballon pour rapatrier la femme dans les airs et la faire disparaître au dessus de la scène. Le trublion est alors hypnotisé par le mage. Celui-ci est en fait assommé à coup de maillet par un assistant qui se trouve derrière le rideau de scène.
– Dans le film The Magicians (2007), ont voit le duo comique Robert Webb et David Mitchell lors d’un concours de magie, oublier leur partenaire dans la boîte de « la femme découpée en deux ». Ensuite, une scène montre l’un des comiques avec cette même partenaire, en train de faire des câlins dans une autre boite. Enfin, après la répétition scabreuse d’une lévitation horizontale, vient le temps de sa présentation sur scène dans une thématique « aérienne » ringarde.
– La fameuse suspension indienne d’un Yogi en pleine rue. Un classique.
– La suspension étheréenne de Jean Eugène Robert-Houdin (1847) reconstituée et présentée par Christian Fechner et Pierre Switon. Cette illusion mythique utilisait l’actualité de l’éther dans son rôle d’anesthésient. Robert-Houdin allait jusqu’à diffuser l’odeur, depuis les coulisses, dans la salle pour renforcer l’illusion.
– Lévitation sur balai du magicien péruvien Richiardi Junior (1973). Un chef d’œuvre de présentation plus fort que certaines lévitations totales. Le magicien est comme un peintre, appliquant des petites touches successives qui sont chorégraphiées dans les moindres détails.
Le grand Orson Welles reprendra ce tour dans un de ses spectacles télévisés avec Lucille Ball.
Orson Welles et Lucille Ball.
– Robert Harbin présente une lévitation horizontale sur chaises dans un décor de jungle suranné. La femme, positionnée sur un plateau disposé entre deux chaises est maintenue en lévitation malgré le retrait du plateau et d’une des deux chaises.
Harbin présentant une autre lévitation en pleine air.
– Lévitation sur Tabouret de Christian Fechner. Le principe de Yogano revisité avec brio.
Photo : Patrick-Ghnassia. Collection Morax.
– Pole levitation de Jim Steinmeyer présenté par David Copperfield (1989). Dans une présentation japonisante, Copperfield, assis sur une banquette, lévite verticalement, sans assise, entre trois bâtons. Deux bâtons sont retirés et le corps du magicien reste en suspension.
– Zaney Blaney ladder Levitation exécuté par Lance Burton sur une plage en pleine air et en chemise hawaïenne, lors du Jay Leno Show en 2004. Cette lévitation horizontale, reprise notamment par David Copperfield, est une création de Walter « Zaney » Blaney depuis 1965. La partenaire est placée sur une planche recouverte d’un tapis, soutenue par deux tréteaux. Les deux tréteaux sont retirés et le corps lévite. Pour Jean Merlin, la meilleure version est celle de Rick Thomas.
– Andruzzi ascending levitation présenté par Bertran Lotth. La partenaire apparaît en lévitation dans les airs, elle s’élève en hauteur sous un drap et disparaît en Asrah. L’Asrah levitation est une invention du magicien Servais Le Roy datant de 1902.
– Flying présenté par Bertran Lotth dans le nouveau show du Futuroscope à Poitiers.
On peut rajouter d’autres lévitations cinématographiques à cette présentation comme celle de Margarita Terekhova orchestrée par le réalisateur russe Andrei Tarkovsky pour son film Le miroir (1975). Ainsi que la lévitation diabolique de l’exorciste (1974) de William Friedkin
Spontus / lévitation horizontale
La lévitation de Winston Freer restait une référence en matière de lévitation « impromptue ». Un concept solide, sauf que la partenaire était en réalité « préparée » sous sa grande cape.
La Spontus360 est la première lévitation au monde d’un spectateur non complice.
Elle est aussi la seule qui se présente dans les conditions du close-up,
c’est à dire complètement entouré à 10 cm des pieds d’une femme ou d’un homme !
Car n’importe qui peut s’allonger sur la table ; Toute la différence est là.
Photo : Franck Boisselier.
Olivier Guernion, dit Spontus a pensé son illusion dans les moindres détails :
– Portative et facilement transportable sur ses roulettes
– un design ovale pratique et stable
– Adaptée à toutes les morphologies
– Des matériaux « blindés »
– Pas d’électronique
– Visible complètement entouré
– Temporisation adaptée
– Différentes vitesses
– Hauteur réglable
– Mouvement de rotation
– Aucun bruit
Bref… Une Rolls !
Pierre Taillefer / Histoire des lévitations d’objets du Moyen-âge à 1900
Le très érudit Pierre Taillefer nous expose ses recherches qu’il a puisé dans divers documents, entre autre, à la BNF. Concernant les lévitations humaines, il n’y a pas d’explications dans les vieux documents et les sources sont douteuses.
– Richard de Montcroix (1300) décrit un homme qui marche dans les airs.
– Description d’une lévitation d’enfant dans un texte de propagande religieuse de Joseph Glanvill (1681, Londres).
– Les lévitations les plus connues se trouvaient dans les trucages des théâtres païens et chrétiens au XVème siècle. Tour de force ou réelles suspensions ? De la pure convention théâtrale en somme.
La première description d’une lévitation d’objet se trouve dans le livre des ruses (copie manuscrite de 1651, original vers 1300) avec la descente d’une flamme le long d’un fil translucide (la descente du feu).
– Thomas Betson décrit en 1500 la lévitation d’un œuf grâce à un cheveu de femme. Celà rappelle un célèbre tableau de Piero della Francesca, Conversation sacrée (1472), où un œuf est suspendu à la voûte par une chaînette comme en suspension. Une tradition religieuse de l’époque.
Conversation sacrée (détail).
– Le grand mathématicien Luca Pacioli décrit une pièce qui « glisse » sur la table.
– Richard Neve décrit une lévitation d’une bougie grâce à une corde de clavecin en 1716.
– Dans La magie blanche dévoilée (1784), Henri Decremps donne la description de la carte descendante le long d’un fil tendu sur le mur.
– Foulard volant de William Pinchbeck en 1805. Celui ci décrit un foulard qui poursuit le magicien grâce à des crins de chevaux !
– August Roterberg décrit en 1897 un voyage à vue d’une carte dans les airs. L’ancêtre de la carte boomerang avec un F.. et l’utilisation d’une houlette, intitulé The queen of the air (publié dans New Era card tricks).
Les vraies lévitations (totales) sont rares dans le répertoire magique ancien. On se sert souvent de duplicata et l’éclairage, que l’on maîtrisait moins, jouait un grand rôle dans la perception des phénomènes de suspension. Il faut donc plus parler d’animation que de véritable lévitation, comme l’effet devenu classique du bouchon volant…
Jean Régil
Pour cette deuxième partie de conférence, c’est Dani Lary qui remplace au pied levé Jean Régil, toujours à l’hôpital. Dani s’est montré être un très grand connaisseur des lévitations et pour cause, il en a expérimenté un bon paquet ! Avec panache et érudition, il a décortiqué toutes les différentes façons de réaliser ces miracles, en nous donnant des détails techniques très précis.
Nous commençons « l’exposé » par la description des « machinerie » propres à certaines lévitations, manivelle et « col de cygne » à la clé. Différents systèmes nous sont présentés, cachés 80% du temps par l’opérateur. Dans le temps, les théâtres étaient truqués comme aux Folies Bergère par exemple.
Lévitation inspirée de Kellar par Charles « The Great » Carter.
– Lévitation sur jets d’eau de Doug Henning (1980). Après avoir produit de l’eau de ses mains, le magicien fait apparaître sa partenaire derrière une cape. Celle-ci est placée sur une ligne de jets d’eau et lévite. L’eau s’arrête et le corps lévite encore, jusqu’à redescende au sol.
– Super Simplex levitation de Robert Harbin présenté par David Copperfield en 1978.
– Dans le film A Haunting we will go (1942) avec Stan Laurel et Oliver Hardy, le magicien Dante exécute une Asrah, c’est à dire, une lévitation sous un drap qui finit par une disparition complète du corps dans les airs.
– Asrah comique par le magicien Fielding West, avec « le fameux » rideau à fils en fond de scène.
– L’enfant soulevé par les cheveux présenté par David Copperfield (1981-1986). Une lévitation magnifique inventée par le français MYKOG en 1978, elle-même inspirée par Hamilton et présentée sur la scène du théâtre Robert-Houdin en 1860.
– Lullaby levitation de Craig Dickens. Une superbe grande illusion, sensible et pleine de poésie qui met en avant une lévitation justifiée utilisant les barreaux du lit comme cerceau.
– Lévitation Kellar par Jean Régil. Une des très rares lévitations totales effectuées en pleine lumière !
Harry Kellar effectuant sa fameuse lévitation.
– Différentes photos de systèmes, structures et de harnais nous sont décortiquées par Dani Lary. Ces documents extrêmement rares proviennent de la collection de Melbourne Christopher.
– Lévitation horizontale de Kalanag à l’Apollo Varieté de Düsseldorf en 1958. Le magicien allemand mélange plusieurs trucages qui rendent l’illusion incompréhensible pour le spectateur lambda. Différents systèmes sont utilisés avec une grande subtilité. On commence par une catalepsie et une lévitation sur une planche (initialement placée sur deux chaises), pour finir par une lévitation complète.
Claude de Piante / Les trois voies de la lévitation
Lorsqu’on évoque la lévitation d’une personne, illusion au combien mythique, on peut se demander si les magiciens dans l’ensemble de leurs créations n’ont pas exploité trois voies.
La première concerne l’envol d’un corps dont l’aboutissement semble être le flying.
Le vol de l’oiseau et l’homme en apesanteur sont évidemment, dans cette approche de la lévitation, les formes les plus parfaites, les modèles d’inspiration et l’objectif esthétique vers lequel il faut tendre.
Flying de David Copperfield.
La deuxième voie assimile davantage la lévitation à une sorte de catalepsie, une forme de transe mystique ou un sommeil magnétique ou onirique. Les interprétations sont plus mystérieuses et qu’importe la hauteur de la lévitation puisqu’elle n’est qu’une manifestation visible d’un phénomène plus large et plus mental dans sa source.
Que serait alors le modèle apparemment le plus parfait de cette voie ?
Pour rendre le phénomène le plus crédible possible, il faut pouvoir utiliser un sujet pris parmi les spectateurs, le placer en transe hypnotique, puis pouvoir le faire léviter au milieu du public et ceci sans aucun matériel apparent.
Water levitation.
La troisième voie consiste à donner à la lévitation, un autre sens que ceux déjà évoqués et à envisager davantage la lévitation comme une technique au service d’une narration.
La lévitation sur jet d’eau procède de cette approche puisque le sujet semble porté par la force de l’élément liquide. Ce qui en soit est un prodige mais d’une autre nature.
Nous pouvons pour simplifier dénommé cette troisième voie, le modèle des « machines », machines étant pris au sens le plus large possible. Car il s’agit d’utiliser une autre énergie que l’apesanteur ou le magnétisme psychique, un autre mode de traction ou d’attraction pour expliquer le phénomène de la lévitation.
Spontus / lévitation verticale
Avant de revoir Spontus, Merlin nous passe un extrait du dessin animé Là-haut (2009) des studios Pixar. On y voit une maison léviter grâce à des centaines de ballons multicolores. De la poésie visuelle qui va introduire parfaitement le numéro qui va suivre.
Photo : Franck Boisselier.
Spontus en magicien-explorateur arrive sur scène avec un énorme colis placé sur un diable. Il déballe l’affaire pour laisser apparaître une nacelle « Aéro-postal ». Il fait monter un jeune homme dedans puis gonfle un gros ballon. Le tout s’élève à environ 1 mètre du sol, le ballon se dégonfle et la nacelle redescend. Avec une présentation qui justifie l’effet et le matériel, on confine au conte de fée et on peut vraiment accrocher une histoire ! Une lévitation de nacelle de montgolfière qui a du sens et où la housse sert judicieusement de « base ».
4- OKON UBANGA JONES
Place au music-hall avec cet artiste burlesque, danseur, claquettiste et musicien qui a fait le lien entre le monde des magiciens et celui du music-hall.
D’origine Nigérienne, Okon Ubanga Jones est un artiste complet, qui a une vraie présence sur scène et qui sait emporter le public dans ses rythmes et dans son univers. En cela il peut être un exemple intéressant pour tous les artistes et notamment les magiciens, même s’il ne fait pas de tours. Il est avec nous parce qu’il représente ce qui nous manque parfois cruellement ! En tant que comédien il a travaillé pour les compagnies de théâtre britanniques les plus prestigieuses. Très jeune, aux Etats-Unis, il a pu côtoyer et travailler avec des grands noms des claquettes (John Bubbles, Howard « Sandman » Sims…), ceux-là même avec qui Fred Astaire venait secrètement confronter son art. Il a participé à maintes comédies musicales en tant que chanteur, danseur et claquettiste, notamment en Angleterre.
Photo : Franck Boisselier.
Dès son arrivé dans la salle, Okon crée une ambiance chaleureuse en emportant le public dans la communion avec la chanson Down by the Riverside, qu’il interprète à cappella. Il prend ensuite sa guitare pour entonner Country blues du saxophoniste Lou Marini et finit par une chanson du patrimoine que l’on chantait dans les champs de cotons.
L’incroyable présence d’Okon est le fruit d’année de travail et d’une façon d’être au quotidien. Car au-delà de l’artiste transparaît toute la générosité et la bonne humeur d’un homme humble et attachant. Sa prestation fut une véritable bouffée d’oxygène dans cette journée très dense. Une très belle découverte !
5- DANI LARY
En guise de teaser est diffusée la fameuse lévitation du piano, entourée d’un orchestre de 80 musiciens.
Jean Merlin présente son invité pour un talk show convivial et décomplexé, champagne et verres à la main comme à l’accoutumé. C’est une véritable surprise que de découvrir un Dani Lary disponible, simple, généreux et touchant, loin de l’image du magicien narcissique que beaucoup lui ont collé, à tort ! L’occasion est belle de mieux connaître ce personnage public jalousé et méritant au travers de son parcours de l’enfance à aujourd’hui.
Photo : Franck Boisselier.
Après une anecdote savoureuse sur le champagne Pommery et Greno, le talk show débute avec un diaporama sur les débuts de Dani Lary. Le magicien dit avoir commencé la magie vers l’âge de 8 ans, avec la boîte « Magie 2000 » de Kassagi. Il parle ensuite de son regretté père, marchand de meuble, ayant travaillé pour le général De Gaulle.
Une photo nous montre les différents camions et bus nécessaires pour les tournées. Cinq semi remorques et deux bus aménagés avec salon et « dortoir ». Le plus dur dans ce métier est de gérer une quarantaine de personnes au quotidien, d’où l’idée de bus entièrement équipés pour parer à la fatigue dû aux déplacements. Pour un jour de représentation, il faut compter trois jours au total. Pour satisfaire tout le monde, Dani Lary leur donne rendez-vous le vendredi soir à 22h. A 23h tout le monde dort, le bus roule la nuit, le spectacle se joue le samedi et le dimanche, retour à la maison après avoir dormi et mangé dans le bus !
Plusieurs photos se succèdent montrant respectivement le père, la mère, la sœur et le frère de Dani. Nous voyons également une peinture qu’il a lui-même réalisée étant enfant, une reproduction d’un tableau de Van Gogh représentant un groupe d’itinérant allant de ville en ville.
Dani lary enfant.
Vient les photos des débuts scéniques de Dani avec sa première assistante Marie-Noëlle, le tour des bougies excelsior, la maison de poupée, un numéro tiré du film Borsalino, et la malle des indes avec le personnage de Pierrot. On le voit ensuite en compagnie de l’actrice Anne-Marie Carrière et de Christian Vincent.
Revêtant l’habit du diable pour un série de numéros, Dani voulait trouver une justification et raconter une histoire autour de ce personnage symboliquement très fort inspiré de l’imagerie des diablotins entourant certains magiciens de l’âge d’or comme Carter ou Kellar. Dans la même idée, on le voit sous les traits de Dracula exécuter une lévitation. Une photo prise dans le cimetière de Génissieux ! Il s’inspirera fortement de ce personnage dans ses derniers spectacles et notamment pour La clé des Mystères.
Après ces débuts scéniques, Dani Lary écumes les cabarets en Suisse, en Allemagne et en Autriche et travaille sur les croisières. Pendant quatre ans il tient le rôle principal (une sorte de meneur de revue) dans un cabaret à Berlin nommé La vie en rose. C’est là que Adam Meyer le voit et l’engage dans son cabaret de Kirrwiller en Alsace. Sous contrat avec deux numéros, Dani Lary va fournir au total une quarantaine d’illusions ! Il demandera souvent conseil à Jean Régil pour concevoir ses tours, lui demandant si l’idée n’a pas déjà été réalisée pour éviter tout plagia.
Parallèlement à ses représentations, Dani commence à fabriquer des illusions pour Siegfried and Roy et rencontre Patrick Sébastien qui l’engagera sur son plus grand cabaret du monde à l’aube des années 2000. 15 ans de fidélité avec la création de 10 numéros par an !
Ensuite, tout s’accélère. Robert Hossein lui ouvre son théâtre Marigny en 2004. Il va y donner quelques représentations de ce qui sera son premier vrai spectacle. Mine de rien, c’est le retour de la magie scénique au théâtre, en tête d’affiche ! Fort de ce succès et de l’engouement du public, suivront des représentations au théâtre Mogador et des tournées au Japon.
Photo : Franck Boisselier.
2009 marque une nouvelle étape dans la carrière du magicien avec la conception d’un spectacle entièrement théâtralisé, « une comédie magicale » intitulée Le Château des secrets qui deviendra au fil du temps La clé des mystères. Tout est partie d’une réflexion et d’un constat. Les français, contrairement aux américains, sont horriblement cartésiens et omnibulés par le truc ! Cherche-t-on à savoir comment fonctionnent les effets spéciaux dans un film de Spielberg ? Non, parce que le spectateur est emporté dans l’histoire et ne fait pas attention à ce genre de détails. Il accepte la fiction et le jeu que lui propose le réalisateur tout en n’étant pas dupe de l’artificialité du procédé. Pourquoi ne pas appliquer cette réflexion à la magie scénique ?
Pour détourner l’attention des spectateurs, il faut raconter une histoire qui les tiennent en alène et se focaliser sur la présentation. L’histoire du comte du bois des Naix est inspirée d’un fait réel qui s’est déroulé près de chez lui dans la ville de Roman, dans le château où il jouait étant petit. Le comte de Naix se maria à 65 ans et perdit sa femme juste après. Sur ce fait, Dani Lary à construit un scénario romancé à base de malédiction et de « vampire » qui se croisent dans deux époques distinctes : le Gothique et le Baroque. Le conte apparaît comme une bête (inspiré des contes de fées) qui revit le même cauchemar de siècle en siècle comme Dracula. Au final, le spectacle est construit en blocks narratifs qui sont flexibles et interchangeables.
Une série de photo nous montre l’intérieur de l’atelier de Dani Lary avec son amas de décors en tout genre dont la reconstitution d’une bibliothèque, réplique utilisée par Robert-Houdin pour le tour des mouchoirs. Dani raconte sa rencontre avec la femme de Paul Robert-Houdin, architecte des monuments historiques, qui lui offrit 600 livres ayant appartenu à Jean-Eugène Robert-Houdin. Dans cette incroyable donation se trouve le carnet de note du fameux magicien qui passe également dans les mains de Christian Fechner. Il y a également une lettre qui semble « destinée » à Dani Lary, qui décrit le tour des 3 mouchoirs transformés en colombes exécuté devant le roi Philippe. A la fin du tour, une clé ouvre un coffre caché sous un oranger. Dans ce coffre se trouve une lettre avec marqué dessus : « Moi comte de Cagliostro, j’ai placé ce coffre 60 ans auparavant… » Ce « final » sera utilisé dans son spectacle La clé des mystères.
Dani Lary et Christian Fechner.
Revenons à l’intérieur des ateliers de Dani Lary, un hangar de 2000 m2 où ce trouve la réplique de la scène du plus grand cabaret du monde pour les répétitions de ses numéros. Ainsi, tout est callé arrivé au studio par un système de marquage au sol. Il y a même le double de la table où se trouve Patrick Sébastien ! Une photo nous montre une accumulation de fly cases, 400 au total, marqués avec trois formes géométriques simples de couleur : le carré rouge, le triangle vert et le cercle jaune. Ce système est étudié pour faciliter le travail des intérimaires et gagner du temps. Au total, il y a trois camions à charger à chaque fois avec un système de flèches numérotées de 1 à 50. Résultat : 20 minutes en moyenne pour charger un camion !
Un extrait vidéo nous montre son numéro de l’homme canon réalisé lors d’un plus grand cabaret du monde où la dérision et l’univers de Tex Avery servent une attraction classique avec Dani Lary jouant un bonimenteur espiègle.
Un deuxième extrait vidéo nous montre le tour Million dollar mystery créé par Steinmeyer pour Siegfried and Roy et judicieusement adapté ici dans un univers hindou avec la reconstitution en miniature du Taj Mahal d’où sortent 7 filles et un Yogi !
Dani Lary finit par présenter son équipe composée de 7 personnes salariés à demeure, dont 2 ingénieurs, 1 éclairagiste, 1 peintre, 1 menuisier et 2 secrétaires.
Questions de Jean Merlin : Pourquoi ce nom, Dani Lary ? Réponse : Un nom « simple » choisit vers l’âge de 11 ans par Hervé Bittoun (son vrai nom et prénom) et sa sœur.
Questions de Jean Merlin : Ton fils (présent dans la salle) fait-il de la magie ? Réponse : Il a longtemps fait un rejet de tout ça mais a joué ma doublure dans l’un de mes numéros.
Au final, ravit d’être parmi nous, Dani Lary s’est avéré touchant et d’une grande sensibilité. Il est étonnant de voir l’importance qu’il accorde aux critiques qui le « démonte » gratuitement sur un célèbre forum magique. Un cri d’alarme émouvant pour quelqu’un qui a travaillé dur pour en arriver là où il est, méritant sa place plus que quiconque. Conscient que personne ne naît de rien, il rend un émouvant hommage à Jean Régil à qui il doit tout. La salle applaudie debout cette intention salutaire.
6- PIERRE ETAIX
Nous y voilà enfin ! Après quelques soucis de planning, nous sommes prêts à accueillir une légende vivante. Pour cette occasion, Georges Proust a gracieusement mit à disposition son musée et accueillit l’équipe organisatrice avec une extrême gentillesse. Une soixantaine de passionnés ont put assister à une entrevue unique et exceptionnelle avec l’immense Pierre Etaix. Il est vrai que les superlatifs manquent pour décrire cet artiste hors normes, véritable homme orchestre qui a marqué aussi bien l’art clownesque que le cinéma comique avec la même maestria. Son talent étant à la mesure de son humilité. Tantôt espiègle, tantôt farceur, le maître du slapstick à la française va nous faire passé un moment inoubliable en compagnie de l’inénarrable Jean Merlin qui a conduit ce talk show de main de maître.
Présentation
Après avoir été appelé d’urgence en « Union Soviétique » le 26 mai 2012, Pierre Etaix est bien là ! Merlin en profite pour remercier Georges Proust pour son accueil et Bernard Bilis pour sa contribution et aux documents introuvables qu’il a fournit pour l’occasion. Merlin a demandé une fiche de présentation à Proust pour introduire Pierre Etaix et commence par ces mots : « Né en 1652 à Buenos Aires, sur un parking […] A 12 ans, il mange plusieurs de ses camarades […] Mais c’est pas votre fiche ça Pierre ! C’est celle de Peter D.. » (Private joke en rapport à la revue de presse de Merlin décrite plus haut).
Rien de mieux que de commencer à ce servir un petit canon avant de commencer un talk show, cela devient une habitude ! Jean Merlin sert du Lagavulin à Pierre Etaix (à l’écossaise avec une goutte d’eau) et du Champagne pour sa femme Odile. Les gosiers rincés, on peut entamer la discussion.
Merlin, Bilis et Etaix.
Né à Roanne en 1928, Pierre Etaix étudie le vitrail avec le maître verrier Théo Hanssen. Très tôt attiré par le dessin, il a pu côtoyer l’ami de son père qui était un peintre cubiste ayant travaillé avec André Lhote. Le dessin n’est qu’une des cordes de son arc. Egalement cinéaste, sculpteur, peintre, écrivain, magicien, affichiste, artiste de cirque, Pierre Etaix est un touche à tout. Il n’y a que la cuisine qu’il ne sait pas faire, rétorque t-il amusé. Modeste, il ne se considère pas que un professionnel mais comme un amateur dans beaucoup de domaine. Le professionnel est, selon lui, celui qui va passer 10 heures par jours à travailler un détail. Bernard Bilis notera quand à lui, le « professionnalisme » d’Etaix dans sa façon d’aborder les différentes disciplines artistiques où l’on reconnaît toujours sa touche personnelle.
« Je ne crois pas être un créateur. Je ne crois d’ailleurs pas vraiment à la création. On reprend des choses qui existaient déjà. Degas disait qu’il n’avait jamais mis de passion dans ce qu’il avait fait mais qu’il avait beaucoup travaillé ! Si je ne crois pas en la création, je crois que le travail artistique porte en soi sa valeur. Et pour moi c’est essentiel. Il faut rechercher la perfection formelle. »
La magie
Pierre Etaix aborde ensuite le domaine de la magie et dit toute son admiration pour le prestidigitateur Jean Valton qui a développé des principes brillants de manipulation. De son vrai nom Jean Levaton, cet ancien professeur de mathématiques s’est spécialisé dans la manipulation de cartes. Un extrait vidéo le montre en train d’exécuter le fameux tour du bonneteau avec 3 cartes.
Jean Valton.
Pierre Etaix rebondit sur cette séquence pour parler de la règle de 3 qui est la règle d’or dans tous les domaines artistiques. Lui-même l’a appliqué au music-hall et au cinéma dans la construction de ses gags. Dans un premier temps, on trouve une idée, une situation : c’est l’exposition. Dans un second temps, on développe cette idée. Le troisième temps c’est la conclusion et la surprise. Fin de la digression et retour à la prestidigitation.
Hardy l’enchanteur (Collection Hjalmar).
C’est à l’âge de 5 ans que Pierre Etaix s’est intéressé à la magie, en voyant sur scène un magicien exécuter le chapeau de Tabarin et la boîte au dé baladeur. Ce même magicien nouait deux foulards et les nœuds voyageaient. Plus tard il rencontra Hardy l’enchanteur qui lui montra un filage de carte « en vol » et une disparition de foulard au FP. Il retiendra surtout une de ses phrases : « Ce qui est important en magie, c’est d’apprendre à exécuter le tour et non d’en connaître le secret. »
Le magicien qui l’étonna le plus fut Rezvani et ses coussinets de la princesse. Il garde un souvenir émut de cette soirée de 1949 au Théâtre de l’Empire. Hardy l’enchanteur lui fit aussi grande impression avec sa chasse aux pièces, ses apparitions de bocaux et le tour de l’eau dans le cornet de papier, que Pierre Etaix a longtemps pratiqué.
Le Slapstick
Le terme Slapstick est intraduisable en français. Littéralement, c’est le bruit de la batte (stick) qui donne la gifle (slap). Dans ce genre de gag, il y a un effet de surprise, une chute. Cela peut-être la conclusion ou la répétition de ce fameux troisième temps décrit plus haut. Pierre Etaix prend l’exemple de Buster Keaton, son maître, où chaque gag est construit comme un scénario dans un schéma presque mathématique. Il pense notamment à cette fameuse séquence d’anthologie de Steamboat Bill junior (1928) où la façade d’une maison lui tombe dessus par l’ouverture d’une fenêtre ! En ce qui concerne Laurel et Hardy c’est du Slapstick déguisé dans la gratuité des gags et l’étirement du temps.
Jerry Lewis, l’alter ego.
Pierre Etaix est avec Jerry Lewis, l’héritier du Slapstick. Pour lui, le son est aussi important que l’image (comme disait Bresson). L’utilisation de la bande sonore doit être travaillée minutieusement, à part, comme une partition. Tati inaugura cette optique avec Les vacances de Monsieur Hulot (on se souvient de cette fameuse porte qui grince) et Etaix travaillera le son comme un orfèvre dans ses films à suivre.
Buster Keaton, le maître.
« Le plus grand pour moi reste Buster Keaton. Mon ami l’auguste Jimmy Beck avait pu travailler avec lui quand Keaton était venu au cirque Medrano dans les années 50. Il était épaté par ses prouesses techniques comme le fut d’ailleurs mon ami Willy Dario. Eleanor Keaton m’a appris que Buster avait été enterré avec dans sa poche un jeu de cartes. C’était lui qui lui avait demandé en lui disant : Après tout, je ne sais pas sur qui je peux tomber… »
De l’illustration au music-hall
Etaix monte vite sur Paris pour vendre ses illustrations et ses dessins humoristiques qui sont publiés dans la revue du Rire. Il travaille également comme décorateur de vitrine. Parallèlement il écume les cabarets parisiens (Le cheval d’or, l’Olympia, l’Alhambra, les 3 baudets …) avec un numéro de music-hall où il joue de la mandoline et enchaîne une série de catastrophes sans fin avec une chaise et un costume en loque. Un comique visuel fonctionnant sur la « mécanique du pire ».
Un extrait vidéo nous montre Etaix avec Jean Preston dans un sketch télévisuel chez Jean-Christophe Averti. A la question de Preston : « Pourquoi ne faites vous pas plus de télévision ? » S’en suit des situations comiques, où le montage occulte certaines démonstrations de magie comme la manipulation de dés à coudre et de cartes par Etaix lui-même. « Le gros plan c’est formidable », sauf qu’en réalité on ne voit rien des manipulations ! Le téléphone se mêle à la partie pour perturber l’échange entre les deux hommes, jusqu’à la chute et l’explication final coupée du son.
Le cirque et le clown
Passionné par les clowns, Pierre Etaix se lance dans l’aventure avec son premier partenaire Nino Fabri. Un extrait vidéo les montre tous les deux dans un numéro de chez Gilles Margaritis intitulé Nino et Léo. Un deuxième extrait vidéo montre deux collègues acteurs de Pierre Etaix, Emile Coryn et Willy Dario, improviser « l’entré du miroir (brisé) ». Un joli numéro tout en symétrie sur un schéma reprit de Max Linder dans son film 7 ans de malheur (1921).
Pierre Etaix et Annie Fratellini.
Etaix parle de ses modèles : Grock qui était « un monstre » aux multiples talents (danseur, acrobate, jongleur…) et surtout le clown franco-espagnol Charlie Rivel, moins « technique » mais plus humaniste et émouvant. Une véritable « horloge suisse » dont la devise était : « Je prend un rien et j’en fais un monde ». Un extrait vidéo nous montre Rivel essayé de soulever une chaise qui lui tombe sur le front. S’en suit une série de gémissements et de charabias comiques avec l’apparition de Pierre Etaix en clown à la fin du numéro.
« Un grand clown, c’est un homme gentil et innocent. Tout le monde rit de lui, mais il est plus intelligent que les autres, car c’est plus difficile de faire l’imbécile que l’homme intelligent. » Charlie Rivel
Etaix épouse Annie Fratellini, fille d’une illustre famille, et travaille avec elle dans les cirques. Celle-ci détestait ce milieu à cause de son père Victor qui l’obligea à faire ce métier. Malgré tout, elle reste une figure emblématique et la première femme à jouer l’auguste.
Charlie Rivel par Pierre Etaix.
Un extrait vidéo nous la montre en train de se maquiller et d’expliquer devant la caméra la symbolique des couleurs : blanc, rouge et noir. Un deuxième extrait vidéo nous montre son numéro en auguste avec Pierre Etaix en clown blanc. Elle joue les troubles faits en jouant un petit air d’accordéon ou de trombone. Les deux clowns entament un duo au saxophone et clarinette avec une chaise farceuse qui fait chuter à mainte reprise l’auguste. La scène se termine par un peu de magie et la silhouette assise d’Annie Fratellini sans la chaise pour la soutenir. Le couple repart ensemble dans les coulisses. A la vue de ses images d’archives on a senti Pierre Etaix très émut, sa femme l’ayant quitté d’un cancer en 1997.
En 1971, Pierre Etaix fonde avec Annie Fratellini l’Ecole Nationale du Cirque. A l’époque, l’état du cirque était catastrophique. L’urgence de la mission était de « redresser » le milieu en formant environs 300 élèves avec les meilleurs « profs » de l’époque.
Le théâtre
Il signe sa première pièce de théâtre en 1985 avec L’âge de Monsieur est avancé. 2010 signe son grand retour sur scène avec Miousik Papillon, un spectacle de music-hall entre clown, cinéma et jazz convoquant le burlesque, le mime et l’absurde. Malheureusement, le spectacle a du mal à tourner, victime des préjugés d’une certaine intelligentsia culturelle jugeant l’image des clowns ringarde.
Miousik Papillon.
Jacques Tati
C’est en 1958, lors de la production du spectacle Jours de fête à l’Olympia, que Pierre Etaix rencontre Jacques Tati. Invité chez lui, Etaix lui montre une sacoche remplie de dessins, Tati les regarde longuement et lui dit qu’il possède un grand sens de l’observation et du gag. Après lui avoir posé quelques questions et l’avoir démotivé sur le métier de comédien, il lui propose de travailler sur le scénario de son prochain film (Mon Oncle) et de lui « écrire » les gags. Très vite Pierre Etaix sera au four et au moulin, tantôt accessoiriste, assistant réalisateur et figurant ; Tati profitant de lui pendant une bonne année sans le payer !
Affiche du film Mon Oncle de Jacques Tati par Pierre Etaix.
Etaix qualifie Tati de grand sympathique, d’un cinéaste qui avait un grand sens du comique, qui était perfectionniste et passionné dans ce qu’il entreprenait. Il a marqué de son emprunte le cinéma comique mondial.
Robert Bresson et Kassagi
Pierre Etaix collabora en tant que figurant dans le chef-d’œuvre de Robert Bresson Pickpocket. On peut justement parler de « figure » dans l’œuvre du cinéaste janséniste tant l’acteur y est rejeté. A mainte reprise, Bresson a décrit son système de « jeu » en employant le plus souvent des « comédiens » non professionnels (lire à ce propos Notes sur le cinématographe). Le récit de l’expérience de Pierre Etaix va dans ce sens. Il décrit Bresson comme un homme d’une élégance et d’une prestance rare qui considérait la réalisation d’un film ennuyeuse, où seul l’écriture avait toute son estime.
Kassagi et Pierre Etaix (à droite) dans Pickpocket de Robert Bresson.
Comme tout créateur exigent (Fellini, Tati), Bresson était un « doux » tyran, sachant tirer le maximum de ses « modèles », comme il aimait à les appeler. Un sadisme qui servait, au final, le film pour aller au bout des choses et en tirer la substance même. Dans les scènes où Etaix apparaît comme pickpocket, le réalisateur ne lui donnait aucunes indications de jeu, il ne savait pas quoi faire. Juste quelques remarques du genre : « regardez le fort (à Kassagi), pas un regard dur, un regard FORT ! ».
C’est sur ce film que Pierre Etaix rencontre le magicien pickpocket Kassagi. Il est très vite fasciné par son culot. Après nous avoir raconté une anecdote savoureuse, Etaix termine son évocation par cette phrase : « C’est dans la psychologie que tout ce passe ». Une vérité sortie de la bouche du magicien tunisien qui s’était fait assurer ses mains 5 millions pièce.
Le cinéma
De 1963 à 1971, Pierre Etaix signe cinq longs métrages. La réussite de son premier long-métrage, Le Soupirant (1963) va le révéler définitivement comme un auteur comique de tout premier plan. Yoyo (1965) sera son chef-d’œuvre. À son art incomparable du burlesque, le cinéaste y ajoute une poésie très personnelle, visuelle et sonore, liant avec beaucoup de subtilité le rire et l’émotion. Un grand film initiatique et emphatique sur la perte de l’innocence et l’éternelle jeunesse. Avec Le Pays de cocagne (1971), Etaix croque un portrait sans complaisance de ses contemporains, mais le film est un échec public et critique qui ne restera que 10 jours à l’affiche. Voulant traiter d’un sujet d’actualité brûlant (l’après mai 1968), Etaix s’est fait descendre par la chaîne de radio Europe 1 qui conditionna toute la presse dans ce sens.
Pierre Etaix exécutant le tour des anneaux chinois dans son film Yoyo.
Son avant dernier film J’écris dans l’espace (1989) est une expérience douloureuse et frustrante. Commandité par la géode de la Villette, ce film en Omni Max (relief à 180°) a du être bouclé en 15 jours (au lieu de 6 mois, en temps normal). Etaix dû résoudre une montagne de problèmes techniques (11 points sonores à gérer ainsi que le rythme des images qui défilent). Le réalisateur en profite pour parler de la technique des nouveaux procédés 3D qui est, la majorité du temps, employée à faire une démonstration qui ne sert pas l’histoire.
Au cinéma, Pierre Etaix s’est construit un personnage sur les bases des grands cinéastes du muet tels Chaplin et Keaton qui ne jouent pas un rôle mais incarnent leur propre personne. Pierre Étaix compose ainsi un personnage marginal et rêveur doté d’une élégance naturelle, sans cesse confronté à un monde moderne qui ne veut pas de lui, dont l’archétype est Yoyo.
Dessin de Charles Chaplin en Dictateur extrait de l’album Stars Système. Un livre de dessins incroyables où Pierre Etaix rend un hommage aux grandes stars du cinéma. Les règles : une feuille de papier quadrillée à petits carreaux et un crayon sur laquelle il faut suivre le bord des petits carreaux ou les traverser en diagonale. On peut mettre un point, mais seulement a l’intersection de 2 lignes. On peut noircir ou griser les carreaux. C’est tout !
Jean-Claude Carrière
Etaix rencontre Carrière chez Tati. Carrière, ancien prof d’histoire, venait d’écrire son premier roman et un essaie intitulé Le journal du promeneur, d’après le film Les vacances de Monsieur Hulot, alors que Pierre Etaix en avait réalisé les illustrations. Très vite les deux hommes sympathisent et se trouvent des points communs dans l’adoration du cinéma comique américain et du Slapstick en particulier. C’est d’ailleurs Carrière qui fait découvrir Buster Keaton à Pierre Etaix et qui lui parle de son envie de faire du cinéma. Rupture (1961) sera leur premier court-métrage qu’ils coréalisent ensemble. Le début d’une belle complicité artistique, où ils élaboreront des gags millimétrés
Les projets inachevés
Plusieurs films écrits, travaillés et préparés par Pierre Etaix entre 1974 et 1986 n’ont jamais vu le jour, faute de trouver un producteur qui tienne la route et fasse confiance au cinéaste, mais aussi faute du destin.
– B.A.B.E.L avec Jerry Lewis son alter ego américain.
– Aimez-vous les uns les autres, où l’histoire de l’humanité à travers le nouveau et l’ancien testament. Un projet déjà bien avancé à l’époque où Etaix travailla pendant 8 ans dans un studio à élaborer des trucages dans l’esprit de Georges Méliès. Mais le producteur Toscan du Plantier (du Plombier) n’a pas donné suite et Etaix n’a toujours pas de nouvelle à l’heure actuelle (rires).
– Nom de Dieu avec Coluche. Sous la pression des producteurs qui veulent absolument une vedette en tête d’affiche pour produire le prochain film d’Etaix, le réalisateur décide de faire appel à la grande star de l’époque dans une œuvre où le manichéisme est inversé. Coluche, quand à lui, voulait depuis toujours travailler avec Etaix et lui dit : « J’ai loupé Tati, je ne vous louperai pas ! ». Claude Lelouch avait trouvé un distributeur avec la Warner. Terrible coup du sort, quelque temps après avec l’accident de moto du comédien qui avorte le projet.
« De nos jours, on veut tout conserver, tout enregistrer. Mais qu’est-ce que la durée de vie d’une bande magnétique… Dix ans ? Bien sûr, on peut enregistrer sur d’autres supports. Mais le travail du temps fera son office de toute façon. Il faut accepter l’idée que les choses sont périssables. Le DVD c’est hermétique. Peut-être que la vraie culture est celle qui se perpétue comme celle du cirque. Elle est comparable aux traditions orales de l’Afrique noire. Cela fait 3000 ans que les Chinois ont inventé le cirque. C’est une longue histoire qui s’est perpétuée. Mais qu’en sera-t-il demain ? Qui peut le dire ? Les dinosaures ont bien disparu. Le spectacle avec et devant les spectateurs c’est la base.»
Conclusion
Après plus de deux heures d’entretiens et d’échanges, la soirée se termine par une séance de dédicaces et de photos. Pierre Etaix et sa femme Odile se montrent d’une grande disponibilité pour parler avec quelques spectateurs. De la vision artistique du maître jusqu’aux difficultés qu’il rencontre pour mener à bien ses projets. Une grande leçon d’opiniâtreté, de courage par cet artiste de 84 ans qui a su garder une incroyable fraîcheur juvénile et qui a gardé l’envie et l’énergie de monter ses projets. « Aujourd’hui, ce n’est pas simple de vivre avec ses croyances, mais il faut continuer coûte que coûte. »
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– Le JMMHD 6
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