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Hyperréalisme, ceci n’est pas un corps

Musée Maillol (Paris, février 2023)

Sébastien Bazou

Après Bilbao, Canberra, Rotterdam, Liège, Bruxelles et Lyon, les maîtres de la sculpture hyperréaliste posent leurs valises au Musée Maillol à Paris. Le choix de ce lieu est judicieux car il abrite les œuvres peintes et sculptées d’Aristide Maillol (1861-1944) artiste de l’épure géométrique préfigurant l’abstraction des formes. En dehors de l’exposition temporaire, des œuvres hyperréalistes sont disséminées dans la collection permanente au deuxième étage pour un dialogue inédit entre l’époque moderne et contemporaine. L’exposition présente une quarantaine d’œuvres de trente artistes en six thématiques, sur une période allant de 1979 à 2021. Ces artistes sont les héritiers de la statuaire antique, de la sculpture chrétienne gothique, des modèles anatomiques en cire du XVIIIe siècle et de la sculpture moderne initiée par Auguste Rodin à la fin du XIXe siècle.

L’atelier d’Aristide Maillol avec ces sculptures en plâtre

La sculpture hyperréaliste cherche à imiter les formes, les contours et les textures du corps humain afin d’en offrir une illusion parfaite. La précision technique mise au service de la reproduction fidèle du moindre détail, donne le sentiment de se trouver en présence d’une réplique exacte de la réalité. En sculpture, l’hyperréalisme voit le jour dans les années 1960 en réaction à l’esthétique dominante de l’art abstrait, à l’instar du Pop art et du Photoréalisme. Aux États-Unis, où le mouvement est apparu en premier, des artistes tels que Duane Hanson, John DeAndrea et George Segal se tournent vers une représentation réaliste du corps, une voie pourtant considérée depuis longtemps comme désuète et dépassée. En utilisant des techniques traditionnelles telles que le modelage, le moulage et l’application polychrome de peinture à la surface de leurs sculptures, ces pionniers vont créer une imagerie humaine saisissante de vérité. Les générations suivantes d’artistes vont poursuivre dans cette voie, tout en développant leur propre langage.

John DeAndrea – Ariel II (2011). Bronze polychrome

Cette exposition présente le vaste champ des possibles exploré par les hyperréalistes. Chacune de ses six sections s’articule autour d’un concept formel fournissant les clés de compréhension nécessaires pour appréhender individuellement chaque œuvre. La sélection des œuvres offre pour la première fois un aperçu condensé du mouvement hyperréaliste et révèle à quel point la représentation de l’humain a toujours été sujette à évolution. Les origines variées des artistes présentés (des États-Unis à l’Australie, en passant par l’Italie, l’Espagne, la Belgique et la Grande-Bretagne) soulignent bien le caractère international du mouvement, dont les ramifications perdurent à travers le monde jusqu’à aujourd’hui. Comme tout grand courant/tendance artistique, l’hyperréalisme tend un miroir, dans lequel se reflète notre époque tourmentée. C’est inattendu, saisissant, déroutant, parfois angoissant et souvent amusant.

Répliques humaines

Dans les années 1960, Duane Hanson et John DeAndrea réalisent des sculptures saisissantes de réalisme grâce à des procédés techniques complexes. Le haut degré de réalisme atteint par leurs œuvres crée une illusion d’authenticité physique, et l’effet produit est si convaincant qu’il nous semble faire face à des alter ego en chair et en os. Les œuvres de ces artistes ont eu par la suite une influence déterminante sur les développements qu’a connu la sculpture au cours des cinquante dernières années. Des artistes comme Daniel Firman se sont inscrits dans le fil de cette pratique et l’ont perpétuée. Véritables miroirs de la condition humaine, ces œuvres révèlent la perception changeante de l’image de l’humain aux XXe et XXIe siècles.

Daniel Firman – Caroline (2014). Résine et vêtements
Duane Hanson – Cowboy with hay (1984-1989). Bronze, peinture à l’huile, technique mixte et accessoires

Monochromes

Après de nombreuses années dominées par l’art abstrait, George Segal ouvre à nouveau la voie aux représentations réalistes de l’humain avec ses sculptures monochromes. Tout un courant s’est engouffré dans brèche. Au premier abord, l’absence d’utilisation de couleurs naturelles atténue l’effet réaliste, mais le caractère monochrome des personnages sculptés renforce en revanche les qualités esthétiques liées à la forme. Des artistes comme Thom Puckey ou Brian Booth Craig ont exploité cet effet avec succès en créant des œuvres qui interrogent l’universalité de la nature humaine.

Brian Booth Craig – Executioner (2013). Bronze

Morceaux de corps

La sculptrice américaine Carole A. Feuerman dont les célèbres nageuses, introverties et volontaires, semblent avoir atteint une parfaite harmonie intérieure, fait œuvre de précurseur. Par la suite, dans les années 1990, de nombreux artistes se sont mis à utiliser le style hyperréaliste de manière inédite et personnelle. Au lieu de créer l’illusion d’une corporéité parfaite, prise dans son entièreté, ils se sont concentrés sur des parties spécifiques du corps, s’en servant pour véhiculer des messages à tonalité humoristique ou dérangeants, comme c’est le cas par exemple dans l’œuvre de Maurizio Cattelan où des bras tendus, pris isolément du corps, font référence à des événements politiques de l’histoire récente.

Carole A. Feuerman – General’s twin (2009-2011). Peinture à l’huile sur résine

Jeux de taille

Dans les années 1990, l’artiste australien Ron Mueck révolutionne la sculpture figurative avec ses œuvres aux formats inhabituels. En jouant sur l’échelle de ses personnages de manière radicale, il place l’accent sur des thèmes existentiels tels que la naissance ou la mort. Des artistes tels que Sam Jinks et Marc Sijan capturent quant à eux la fragilité de la vie à travers leurs représentations de la physionomie humaine – représentations qui, bien que de taille réduite, n’en sont pas moins incroyablement réalistes. En revanche, les œuvres surdimensionnées de Zharko Basheski produisent un effet de distanciation, qui nous force à adopter une nouvelle perspective.

Walter Adam Casotto – Stringiamoci a coorte (2017). Silicone, cheveux naturels, couleurs à l’huile et résine d’époxy

Réalités difformes

Au cours des dernières décennies, les innombrables progrès scientifiques et les nouvelles perspectives induites par les communications numériques ont conduit à un changement radical de notre compréhension de la réalité. Influencés par la réalité virtuelle, des artistes comme Evan Penny et Patricia Piccinini se sont mis à observer les corps en partant de perspectives déformées. Tony Matelli quant à lui a choisi de défier les lois de la nature, tandis que Berlinde De Bruyckere questionne la mort et le caractère éphémère de l’existence humaine en présentant des corps contorsionnés. La valeur de la vie et le sens profond qui lui est attaché sont au cœur de l‘approche hyperréaliste de la sculpture.

Tony Matelli – Josh (2010). Silicone, acier, cheveux, uréthane et vêtements
Berlinde De Bruyckere – Elie (2009). Cire, époxy et coussin

Berlinde De Bruyckere produit des créatures qui repoussent les limites de la mort. Constituées de matériaux organiques, de cire, de peaux d’animaux et bois. Avec ses morceaux de corps humain, la chair est malmenée, violentée, violé. Une métaphore des liens complexes avec les fantômes de l’histoire de l’art, ses mythes et épisodes bibliques.

Frontières mouvantes

De quoi sera fait l’avenir de la sculpture hyperréaliste ? Quel pan du mouvement sera-t-il à même d’appréhender l’essence de la frontière toujours plus perméable entre l’homme et la technologie ? Dans le flot continu d’images numériques se reflètent les nouvelles formes de construction de l’identité, qui aboutissent dans les One Minute Sculptures d‘Erwin Wurm, à la reproduction perpétuelle par le visiteur ou au modèle de postures défiant la raison. Des visions fictionnelles ou des réalités absurdes se substituent aux sujets issus du quotidien et permettent de mieux comprendre ce nouveau monde de l’entre-deux « hypernaturel » et jusqu’alors inconnu. Enfin, les personnages cinématographiques « animés » de Glaser / Kunz nous mettent face à une notion élargie de la définition de la sculpture hyperréaliste et à un glissement des frontières entre réalité et fiction à l’ère du bouleversement numérique.

Fabio Viale – Venere Italica (2021). Marbre blanc

Nous ressortons de cette exposition réjouis par ce parcours à la scénographie soignée qui nous a bousculé dans notre perception de l’être humain. Au-delà de la virtuosité technique employée et de sa fausse superficialité, toutes les œuvres nous racontent une histoire qui entre en résonance avec notre propre corps. Car il s’agit ici de toucher à la sensibilité même des visiteurs en les confrontant à leur propre image, déformée, agrandie, réduite, anamorphosée, amplifiée, dans un dialogue anthropologique, métaphorique et philosophique profondément humain.

– L’ exposition Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps s’est déroulée au Musée Maillol à Paris du 8 septembre 2022 au 5 mars 2023.

Une partie de l’article est la transcription du dossier de presse de l’exposition. Crédit photos : S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

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