INTRODUCTION
Le titre de l’un de ses films, l’homme orchestre (1900), définit parfaitement Georges Méliès. Dessinateur, peintre, caricaturiste, magicien, fantasmagore, directeur du théâtre Robert-Houdin, décorateur, homme de théâtre, écrivain, acteur, technicien, producteur, réalisateur visionnaire de 520 films entre 1896 et 1913. C’est le pionnier légendaire du fameux « spectacle cinématographique ». Artiste complet, le cinéma a permit à Méliès d’utiliser tous ses talents, manuellement et intellectuellement. « J’aime passionnément l’art extrêmement intéressant auquel je me suis entièrement consacré ; il offre une telle variété de recherches, exige une si grande quantité de travaux de tous genres, et réclame une attention si soutenue, que je n’hésite pas, de bonne foi, à le proclamer le plus attrayant et le plus intéressant de tous les arts, car il les utilise à peu près tous » Méliès.
Il a construit son œuvre sur la fantaisie et l’imagination et a fait entrer le cinéma dans l’ère de l’attraction. L’apparente naïveté de son univers répond en réalité à un système d’une cohérence incroyable qui rend l’expérience de la projection unique et emporte à chaque vision le spectateur dans un monde subjectif et merveilleux.
1- Le Théâtre Robert-Houdin
C’est sa passion pour la prestidigitation qui conduit Méliès à l’avant-garde du cinéma. C’est lors d’un séjour à Londres, en fréquentant l’Egyptian Hall de David Devant, que le jeune Méliès se passionna pour l’illusionnisme. Il réalisa son rêve en 1888, en achetant l’équivalent de l’Egyptian Hall en France, à savoir le Théâtre Robert-Houdin. Méliès hérite des appareils et des automates mis au point par le maître des lieux. Les deux premières décennies de sa direction allaient compter parmi les plus brillantes de l’histoire de la salle et de celle de la magie française. Tous les éléments des arts qui passionnaient déjà Méliès étaient réunis dans ce théâtre : l’image, la scène et l’illusion.
C’est de 1888 à 1897, avant que le cinéma ne l’absorbe complètement, que Méliès offrira au public la majorité de ses créations magiques. Ces inventions étaient divisées en 3 catégories distinctes :
L’ « entre sort » qui était présenté dans le foyer du théâtre (le miroir de Cagliostro, le manoir du diable, le rêve de Coppelius…)
Les grandes illusions (la Stroubaïka persane, le nain jaune, le décapité récalcitrant…)
Les sketchs ou pantomimes magiques. Véritable nouveauté dans la magie de l’époque, que ces saynètes scénarisées pouvant durer de 15 à 30 mn, où l’on retrouvait plusieurs magiciens sur scène.
Pour un homme aussi inventif que Méliès, les armes secrètes dont était pourvue sa salle étaient une aide puissante pour les illusions qu’il couchait sur papier dont il dessinait les décors et les costumes et écrivait les textes. La création de la plupart de ces armes secrètes datait du temps de Robert-Houdin, qui avait « machiné » sa salle de manière aussi efficace qu’invisible. Du sol au plafond, de la salle à la scène, tout ce théâtre était pensé et construit dans le seul but d’enchanter le public et de donner une apparence de simplicité et d’aisance dans l’exécution de prestiges particulièrement sophistiqués pendant lesquels, toutefois, l’art de la manipulation ne perdait jamais ses droits.
Il est aisé de constater que Méliès ne s’est pas contenté de se reposer sur les lauriers d’autrui (le patrimoine laissé par Robert-Houdin entre autre) mais que, tout en respectant la tradition du théâtre, il a su enrichir son répertoire des fruits de sa propre imagination.
2- Le Cinématographe
« Vous qui épatez tout le monde avec vos trucs, vous allez voir quelque chose qui pourrait bien vous épatez vous-même ! » Antoine Lumière (à Georges Méliès).
Après avoir participé à une projection des frères Lumière, fin 1895, Méliès décide d’acquérir le fameux appareil. Dès 1896, il projette dans son spectacle des « photographies animées » à l’aide du Kinétographe. Il commence par présenter des bandes d’Edison, puis des films qu’il réalise lui-même dans le plus pure style Lumière (scènes de vie quotidienne). Lorsqu’il découvre par accident les possibilités du « truc de substitution par arrêt de la caméra », la magie et le cinéma se rejoignent automatiquement. Il applique pour la première fois ce procédé en 1896 dans le film Escamotage d’une dame chez Robert-Houdin : un numéro classique des prestidigitateurs. Plus besoin de trappe, ni d’armature, de fil invisible et de journal en caoutchouc ; il suffit d’arrêter la manivelle le temps que la dame sorte… Illusionniste avant tout, Méliès conçoit ses films à trucs comme de véritables numéros de scène pour son théâtre de magie où ils sont régulièrement projetés (avant le Cinématographe, les séances se terminaient souvent par des projections d’ombres chinoises ou de lanterne magique). Les thèmes cinématographiés sont donc ceux du théâtre d’illusions, mêlés de quelques emprunts aux spectacles de lanterne magique dont Méliès était également amateur. La cinématographie n’était pour lui qu’une autre manière de pratiquer l’illusionnisme. Il voulait rendre le genre féerique plus spectaculaire par l’utilisation de procédés spécifiquement cinématographiques.
Georges Méliès et Lucien Eugène Reulos (1896).
Si, à partir de 1897, Méliès cesse de montrer des grands trucs dans son théâtre-salon, il en réalise l’exacte équivalent sur pellicule dans son théâtre cinématographique. Les vues magiques de Méliès sont le prolongement naturel de son activité magique sur scène. De nombreux thèmes et éléments qui composent les spectacles de magies au théâtre se retrouvent dans ses vues filmées : corps démembrés, fantômes, astronomes au chapeau pointu, fées, démons et sorcières moyenâgeux, disparitions, substitutions… Méliès devient donc ciné-illusionniste, cinémagicien, figure matricielle du spectacle cinématographique. Dans l’esthétisme mélièsienne des trucages, il faut arriver à ce que les spectateurs « puissent sembler » se trouver devant l’enregistrement quasi documentaire d’une succession de sketchs magiques. Le spectateur doit croire qu’une vue n’est qu’un numéro enregistré, mais dont les trucages lui sont compréhensibles qu’au théâtre. C’est aussi dans cette perspective qu’il faut voir les nombreuses adaptations cinématographiques de numéros conçus par d’autres illusionnistes (l’armoire des frères Davenport, Escamotage d’une dame de Buatier de Kolta…).
Escamotage d’une dame chez Robert-Houdin (1896) :
« Le rôle de la fixité du décor dans Escamotage d’une dame chez Robert-Houdin parait remplir une fonction autre que celle du seul respect de la convention théâtrale. Il s’agit plutôt d’un effet de réalité produit par cette convention, et qui sert à dissimuler autre chose. Le film dure 1mn et donne le sentiment d’une action en temps réel. Cette illusion temporelle est produite par la permanence du décor dont la fonction de maintien, de repère spatial n’est ici qu’accessoire, car son rôle principal est de maintenir, au contraire, un repère temporel : faire croire que l’action se déroule en temps réel ininterrompu. C’est seulement cela qui permet au trucage cinématographique d’exister » Pierre Jenn.
Escamotage d’une dame chez Robert-Houdin. Premier film à truc de l’histoire.
A l’origine, l’invention du cinématographe a pu être perçue comme un progrès dans la récréation de la réalité, dans la réalisation d’une illusion parfaite du monde sensible. Mais l’exploitation foraine l’a fait basculer, au contraire, vers une dimension spectaculaire, plus propice à séduire l’audience populaire. Méliès, grand initiateur du genre, range d’emblée les scènes à trucs du côté de la magie et du spectaculaire. Tout, dans la scénographie et l’esthétique de ses films, s’éloigne autant que possible de la réalité.
« C’est en somme mon habitude des trucs, mon goût passionné pour le fantastique, qui ont déterminé ma vocation de magicien de l’écran, comme on m’appelle » Méliès.
3- Les Studios de Montreuil
Avant la naissance commerciale du cinématographe Lumière, Méliès était à la fois un peintre en décors, un mécanicien machiniste et un metteur en scène illusionniste des plus remarquables, habitué au Théâtre R-H, à inventer et à réaliser, de toutes pièces, de grandes illusions scéniques. A la vue des premières « photographies animées », l’idée se présenta aussitôt à son esprit de reproduire par la cinématographie les scènes fantastiques et les trucs qu’il exécutait journellement sur son théâtre. Pour commencer, il évita de se lancer inconsidérément dans des constructions onéreuses et exécuta ses premiers travaux en plein air (châssis, couture des toiles, montage, assemblage, broquetage, mise à l’encre, peinture, praticables…)
Très vite, dès la première averse, l’idée vint à Méliès de se mettre à l’abri des intempéries et de risquer la dépense indispensable à cet effet. Les commandes augmentant de façon régulière et sa réputation établie du premier coup devenant « notoriété », l’inventeur n’hésita plus et fit édifié le Studio A en 1897. Prenant modèle sur les ateliers de photographie et se basant sur le recul nécessaire à son appareil de prise de vues pour obtenir des tableaux comportant environ 6 mètres d’ouverture, Méliès se borna à établir le plan d’une grande salle vitrée de tous côtés et recouverte d’un toit de verre. Il en arrêta les dimensions à 17 mètres de longueur sur 6 mètres de large : simple quadrilatère, couvert à 4 mètres de hauteur d’une toiture vitrée à double pente, le sommet étant à 6 mètres du sol.
Le Studio de 13m50 de long sur 6m60 de large reproduit exactement les dimensions du Théâtre Robert-Houdin. Cet atelier primitif était immuablement orienté de façon à recevoir la lumière face à la scène, aux heures les plus propices, de 11h du matin à 3h de l’après midi. Au bout de très peu de temps, désireux d’obtenir certains effets fantastiques ressortissants de la machinerie théâtrale, Méliès fit creuser à l’emplacement réservé à la scène, une fosse de 3 mètres de profondeur, sur toute sa surface, le plancher fut modifié et agencé comme une scène de théâtre de féerie, avec trappes, trapillons, mâts à décors, tampons ascendants pour les apparitions, trappes en étoile, trappes dites « tombeau » et treuils. Par la suite, Méliès décida d’agrandir son Studio, au niveau de la scène seulement. Il fit construire à droite et à gauche 2 annexes vitrées de 3 mètres de large, ce qui formait une large coulisse permettant au personnel de se regrouper hors du tableau. Il fit surmonter la scène d’un cintre vitré de 2m30 de haut, ce qui permit aux machinistes de circuler aisément tout autour de la scène.
Construction du décor et machinerie théâtrale au studio A
Bientôt les constructions se multiplièrent aux alentours du Studio. D’abord un énorme hangar qui servit à emmagasiner le gros matériel, puis un grand bâtiment à 3 étages, dont le rez de chaussée devint le magasin à bois de construction, et les 2 étages des magasins de costumes. Au niveau des prises de vues, Méliès plaça son appareil, au bout de l’atelier, dans une cabine rajoutée à l’extérieur ; cabine qui pouvait, en fermant la porte de communication avec le Studio, se transformer en chambre noire, éclairée en rouge, et permettre à l’opérateur de changer ses films sur place et sans déranger l’appareil. Un autre problème se posa : celui de la lumière. Tout le système de luminaire intensif utilisé actuellement au cinéma n’existait pas. Un jour intense était nécessaire à la prise de vues. Méliès eut alors l’idée d’essayer le soir, dans son laboratoire du passage de l’Opéra, de prendre un bout de négatif à la lumière. Après plusieurs essais infructueux, il réussit à obtenir un résultat satisfaisant, avec 15 lampes à arc disposées sur un cadre garni de réflecteurs, absolument comme au théâtre on éclaire avec la rampe les portraits et les herses. Le succès fut énorme et Méliès organisa le premier, un système d’éclairage similaire à son Studio.
Méliès construira le Studio B en 1907, pour faire face aux nombreuses demandes américaines. La propriété de Montreuil sera vendue en 1923 et détruite au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Plan du studio A après agrandissement.
4- Les Trucages
Les trucages cinématographiques marqueront l’histoire des représentations, les plus « faux » surtout, ceux qui ne prétendent pas à la reproduction discursive de la réalité, mais qui nous entraînent dans des mondes aberrants. Car les trucages naissent de la rencontre fortuite d’un savoir faire technique et d’une intuition poétique.
« Le truc lui-même n’est pas chose surnaturelle, toute la valeur est dans l’adresse avec laquelle le moyen employé est caché aux yeux du public. Dès que le public sait comment cela se fait, toute idée de difficulté d’exécution disparaît pour lui. Dans le cinématographe il en est exactement de même. Rien n’est plus difficile que d’exécuter d’une façon parfaite et artistique tout ce qui est vues bien truquées » Méliès.
Ce n’est pas tant l’originalité des trucages qui différencie les illusionnistes que la façon de les présenter. Que ce soit sur scène ou devant un appareil de prise de vues, l’intérêt du truc réside avant tout dans la maîtrise technique qui sert à l’accomplir, dans l’aspect spectaculaire de sa mise en contexte (décor, récit) et dans sa mise en scène, c’est-à-dire la manière dont on donne à voir aux spectateurs une action dans l’espace et le temps.
« Pour qu’un truc fasse de l’effet sur le public, il n’est pas nécessaire qu’il soit bien scientifique et encore moins compliqué : le tout est qu’il arrive au bon moment et qu’il serve à l’action ou à l’intrigue à laquelle il est mêlé » Jacques Ducom.
La caractéristique principale de la technique mélièsienne reste le collage, une opération spécifiquement cinématographique. C’est au montage que le réalisateur conçoit les apparitions, disparitions et substitutions. Pour réussir ses trucages, Méliès a monté, beaucoup et minutieusement. Un simple arrêt de caméra ne permet pas de bons enchaînements. Il comprit tout de suite qu’il était indispensable de couper le négatif (contrairement aux films Lumière, tournés d’un seul jet) pour raccorder très précisément, à l‘image près, les deux plans du trucage. Opérer le truc dans le mouvement pour qu’il ne se voit pas, tout comme en prestidigitation.
Méliès utilisera un truc à effet durable qui est la surimpression. Ce trucage qui se prolonge dans le temps nécessite un rembobinage de la pellicule, pour une seconde impression, généralement sur une réserve noire. Une fois la scène de surimpression tournée, il faut donc l’insérer dans le film et, pour se faire, pratiquer une coupure de la pellicule principale, ainsi que deux collures pour l’ajouter. Le Mélomane (1903) est, en la matière, le chef d’œuvre de Méliès. Il a fallu exécuter une surimpression sextuple pour arriver à ce résultat magistral, auquel le cinéaste était déjà parvenu, dès 1900 dans l’Homme orchestre. C’est aussi grâce à ce procédé qu’il réalise bon nombre de lévitation dans ses films.
Pour Le Mélomane, la pellicule est passée 7 fois dans la caméra avec une trentaine de collages à l’arrivée. Méliès utilise un fond, une capuche et un costume noir pour substituer des parties de son corps.
Comme le trucage par arrêt de l’appareil, le fondu enchaîné peut provoquer l’apparition, la disparition ou la transformation progressive des divers éléments scéniques (inspiré des « dissolving views » des spectacles de lanterne magique). Certains trucages spécifiquement cinématographiques ne nécessitent pas d’intervention sur la pellicule mais sont obtenus grâce à quelques caractéristiques du dispositif de tournage. Il est possible, par exemple, d’éloigner ou d’approcher le sujet filmé de l’appareil de prise de vues. L’occurrence la plus célèbre de ce trucage se trouve dans l’Homme à tête de caoutchouc (1901).
La conception même du Studio de prise de vues, selon le modèle du Théâtre R-H et de ses coulisses permet aussi quelques trucages cinéma (trappes, mannequins, pyrotechnie, trompe-l’œil, décors articulés, rails, treuils, câbles…). Méliès mélange ainsi ses habitudes scéniques à des innovations cinématographiques. « Tout film de Méliès doit être considéré comme destiné à remplacer une expérience de prestidigitation au Théâtre Robert-Houdin. Il n’est donc pas étonnant que ces trucs puissent sembler appartenir indifféremment au théâtre ou au cinéma » Jacques Deslandes.
Chez Méliès, ou bien le trucage passait inaperçu et la photographie semblait être prise sur nature, ou bien il était toujours motivé par une puissance infernale, une fée, un illusionniste ; ou bien encore était présenté sous forme de cauchemar, de rêve, d’hallucination. Là, les trucs de toute nature avaient leur raison d’être. Le trucage Mélièsien est toujours « diégétisé » et presque jamais « grammaticalisé » ; il est toujours justifié par l’intervention d’une force surnaturelle, par magie, etc. Les trucages visibles ont la fonction d’obtenir une croyance totale, une immersion dans l’univers « diégétique » (qui se rapporte ou appartient à l’histoire, donc qui appartient strictement à l’univers fictif). Les trucages visibles, au contraire, sont une manifestation de l’instance d’énonciation, une intervention explicite de l’instance narrante : il s’agit du fondu enchaîné, de l’accéléré, du flou, etc. Le merveilleux, selon Méliès, doit être produit par des trucages qui sont inaperçus, justifiés et motivés. Sa spécificité est dans une sorte d’hésitation qu’il produit chez le spectateur. Cette hésitation a elle-même la propriété de produire une sorte de vertige de conscience. Méliès ne propose pas des visions du monde, mais il nous propose de rire de nos visions.
« J’ai fait, durant 20 ans, des films fantastiques de tous genres, et ma première préoccupation était de trouver, pour chaque film, des trucs inédits, un grand effet principal et une apothéose finale. Après cela, je cherchais quelle époque serait la meilleure pour habiller mes personnages (souvent les costumes avaient une grande importance pour les trucs) et une fois tout cela bien établi, je m’occupais, en dernier lieu, de dessiner les décors pour encadrer l’action, selon l’époque et les costumes choisis. Quant au scénario, à la fable, au conte, je m’en occupais en dernier. Je puis affirmer que le scénario ainsi fait, n’avait aucune importance, puisque je n’avais pour but que de l’utiliser comme prétexte à la mise en scène, à trucs, ou à tableaux d’un joli effet. Dans de nombreuses chroniques, me concernant, j’ai lu bien souvent qu’on attribuait à ma pratique de la prestidigitation l’habileté que j’avais peu à peu acquise dans les trucages cinématographiques. Quelle erreur !… En prestidigitation, on opère sous l’œil attentif du public, auquel aucun faux mouvement n’échappe…Tandis qu’au cinéma on fait tranquillement sa petite cuisine, loin des regards profanes, et on recommence 36 fois, au besoin, jusqu’à ce qu’on ait réussi. Cela permet d’aller beaucoup plus loin dans le domaine du merveilleux. De telle sorte qu’un certain nombre de ces trucs, péniblement exécutés l’un après l’autre et habilement raccordés, forment un film dans lequel l’opérateur semble doué d’une dextérité fantastique et d’une faculté merveilleuse d’exécution impeccable» Méliès.
5- Le Style Méliès
« La féerie est assurément un spectacle adorable, si elle est aux mains d’un vrai poète, se laissant entraîner librement au caprice de son imagination, et capable tout à la fois de charmer l’esprit de ses auditeurs et d’émerveiller leurs yeux. Le public court toujours en foule à toutes les féeries qu’on lui sert, parce qu’il adore ce spectacle vraiment magique que les progrès de la mise en scène savent rendre chaque jour plus séduisant. La féerie ne peut se faire que là où les changements à vue, les trucs, les travestissements, les apothéoses, peuvent se produire avec facilité » Arthur Pougin.
Méliès s’exerça à tous les genres cinématographiques : l’actualité reconstituée, le film historique, le drame, la comédie, l’opéra, le film publicitaire, le film spécial pour les théâtres, les scènes de guerres, les scènes antiques et mythologiques. Mais c’est surtout dans la féerie, inspirée des opérettes et des spectacles du Châtelet, que se manifeste avec le plus d’éclat ce qu’il appellera lui-même « le style Méliès ».
« Pourquoi ai-je créé plus de pièce fantastiques que d’autres ? Uniquement parce qu’elles faisaient fureur auprès du public très mêlé de 1898. Ce public était parfaitement incapable d’apprécier des films demandant, pour être compris, une certaine instruction, voire même un peu d’érudition » Méliès.
Le Voyage dans la lune (1902), La féerie la plus connue de Méliès.
6- Le dispositif Scénique et gestuel
Méliès a lancé le cinéma dans la voie théâtrale et adopte la frontalité du filmage, la fixité et l’unicité du point de vue, une perspective faiblement illusionniste, une évolution latérale des figurants, un jeu de face des acteurs, une adresse plus ou moins directe au spectateur… L’espace est presque toujours présenté comme une scène, arrangé et aménagé de façon à ce que le public de la salle ait un point de vue privilégié. C’est notamment le cas dans tous les films bâtis sur le modèle du numéro de prestidigitation.
La gestuelle mélièsienne est volontairement exubérante. Elle est, pour une très large part, basée tantôt sur des conventions venant d’autres arts (comédia dell arte…), tantôt sur une imitation d’actions. Elle est toujours dirigée vers le spectateur : on lui signale par un geste l’état d’âme d’un personnage, ce qu’il veut faire ou ce qu’il vient d’éprouver. Un seul et même geste a donc pratiquement toujours une double fonction ; d’une part il est lié à la communication « intradiégétique » entre les personnages ou à l’expression d’un sentiment, mais d’autre part il fonctionne comme une communication au spectateur.
Les magiciens de Méliès (à l’écran) se complaisent dans une gestuelle stylisée qui appelle l’attention du spectateur. Héritage du prestidigitateur, ces gestes trouvent à l’écran une pureté inédite, puisque, si l’illusionniste fixe nos yeux ébaudis sur ses mouvements éloquents, ce n’est pas cette fois pour dissimuler la prêtresse de ses actes avec les trucages, cela ne servirait à rien. Mais ces mêmes gestes remplissent un rôle de désignation et établissent un lien entre l’acteur, le public et l’accessoire.
Un homme de tête (1898). Dispositif scénique frontal, caméra fixe et regard dirigé vers le spectateur.
7- Le spectateur
Méliès est un homme du spectacle qui inspire à une complétude d’auteur de cinéma. Son entreprise est individuelle, artisanale et artistique. Le succès de ses films et leur large diffusion montrent ses talents de créateur mais surtout une grande qualité de relation avec le public. Chez lui, le spectacle se conçoit avec et pour un public diversifié. Méliès va faire entrer le spectateur en qualité de regardeur, sujet de plaisir de la projection cinématographique, dans un jeu à trois positions, et rendre ainsi visible la relation qui donne l’existence aux images. Plus que l’illusion, ce qui est visé c’est le moment gestuel d’un jeu adressé à un public. Le montreur dans le film, dont Méliès est ainsi le prototype, va jouer un rôle décisif dans la conquête de ce qu’on pourrait appeler « l’intériorité subjective du fait cinéma ». La démonstration d’habileté scopique, poussée jusqu’au morceau de bravoure, devient un véritable genre dans plusieurs films où Méliès apparaît de nouveau en tant que montreur.
a/ Les pathologies de la vue et du mouvement
La fascination pour les illusions d’optiques que l’on retrouve dans le symbolisme, le néo-impressionnisme, chez les Nabis (en peinture) et dans la culture populaire, est parallèle à l’élaboration des théories en psychologie. A la fin du XIXème siècle, la psychiatrie et la psychologie expérimentale s’intéressaient de plus en plus à l’étude de l’ambiguïté perceptuelle. Les illusions des sens et l’hallucination ne sont pas réservées aux maladies mentales. Le cinéma est lui-même l’aboutissement des jouets basés sur l’étude des images consécutives.
Le Dr Simon mettait en garde ses lecteurs que les exhibitions de prestidigitation dans les foires pouvaient provoquer des hallucinations. L’impulsion ou le désir de transformer la peur en une expérience amusante se trouve à la racine des « vues fantastiques » de Méliès. Car les premiers spectateurs des exhibitions cinématographiques, imprégnés de l’idée que les problèmes de la vue pouvaient être des signes avant-coureurs de la maladie mentale, devaient être, sinon angoissés, du moins mal à l’aise devant les images qui se déroulaient sur l’écran. Selon Bergson, lorsque la société est en présence de quelque chose qui l’inquiète, mais à titre de symptôme seulement, à peine une menace, c’est par le rire qu’elle y répondra. Dans les films de Méliès, les aspects effrayants de l’hallucination sont rendus presque entièrement comiques.
L’illusioniste double et la tête vivante (1900).
Voire double n’est pas aussi affolant que de se sentir dédoublé. La multiplication du moi, tout comme le corps mit en morceaux, est un phénomène fréquent chez Méliès. Cette manie des têtes détachées nous intéresse, car c’est justement lorsque la raison se sépare du corps que se produisent des phénomènes hystériques comme les hallucinations et les automatismes. Le dédoublement va de pair avec une division entre la conscience et l’inconscient corporel. Le comique se base justement sur le désir de se débarrasser du contrôle exercé par la tête. Les inventions techniques de Méliès rendaient possible la représentation des fantasmes hystériques, permettant au public de les voir et de les ressentir. Le comportement, les mouvements, les gestes et la vision hystérique constituent les bases même de l’effet comique. Les gestes frénétiques et les contorsions de certains personnages mélièsiens font plutôt penser à des hystériques, à des épileptiques et à des êtres atteints de claudications, de tics, ou d’autres pathologies du mouvement. Le corps et toutes ses pathologies, fascinait le public d’alors (les siamois, les géants, les nains, les somnambules, les disloqués).
b/ L’implication du public
Chez Méliès la caméra est le spectateur. Le spectateur assis devant l’écran dit : « montrez-moi ! » Son rôle est passif dans la vision des choses, mais tout doit bouger autour de lui, il veut être au milieu du système crée par le cinéaste. Méliès est dans la tradition de l’art baroque (l’horreur du vide), où il faut remplir l’espace et le temps coûte que coûte avec le plus d’actions possibles.
Dans beaucoup de films Méliès incarne un magicien. En toute logique, il se comporte alors comme un illusionniste le ferait sur scène. La manipulation fait, en quelque sorte, ontologiquement partie de la production, il est en lui-même déjà un truc, ce qui, tendanciellement enlève une partie de la magie au numéro. L’adresse combinée avec la présence de Méliès à l’écran pourrait alors en quelque sorte « authentifier » le truc, le rapprocher de l’expérience « en direct » et par là restituer le « merveilleux » ? De nombreux films débutent par de petits tours scénographiés, avant de se poursuivre par des trucages cinématographiques ; c’est le cas des Cartes vivantes (1904) qui commence par un véritable tour d’illusion : les cartes qui grandissent.
Dans Les Cartes vivantes, en poussant à sa limite les possibilités de l’adresse dans un film muet, Méliès va carrément jusqu’à feindre un échange direct avec le public. En présentant une carte devant la caméra, il joue sur l’impossibilité de la reconnaître. On pourrait alors imaginer tout un dialogue entre lui et la salle : « quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? Vous ne voyez pas bien ? Attendez. Vous ne la voyez toujours pas ? Je vais l’agrandir ! », et ainsi de suite. Ici on a affaire à un paroxysme de l’adresse. Il ne faut pas négliger le fait que c’est probablement la première fois que le spectateur a vu une image qui s’adresse, littéralement, à lui. Il n’y a pas de rupture de l’illusion, mais plutôt la création d’une autre illusion : celle de la présence, de la rencontre entre spectateur et image. L’adresse par la mise en scène, les regards et les gestes prend alors des formes diverses et variées. Elle sert en premier lieu à façonner et à diriger les attentes et l’attention du spectateur.
8- Le locataire diabolique, œuvre testamentaire
En 1909, Méliès se trouve dans une situation économique laborieuse. La demande du public a changé, et les groupes Pathé et Gaumont sont les « nouveaux rois du pétrole ». Méliès réalise qu’une dizaine de films pour cette année, et Le locataire diabolique marque le tournant décisif de la carrière du réalisateur au cinéma ; c’est un testament cinématographique et un condensé magistral de l’univers du maître.
L’histoire :
Méliès acteur loue une chambre vide dans un hôtel. Celle-ci ne le reste pas longtemps car Méliès déplie de sa valise un tas d’objets-meubles à n’en plus finir ; et comble de cette performance (de ce one man show) plusieurs invités sortent de la malle de l’artiste. S’étant fait surprendre par le garçon d’étage lui demandant de l’argent pour le loyer, il replie et remballe tout son « petit » monde et s’éclipse (par une fenêtre de l’hôtel) grâce à une échelle « sortie de ses manches » bernant ainsi tout son monde.
C’est à une véritable performance scénique que se livre Méliès en sortant successivement son mobilier de sa valise ; une installation éphémère, un théâtre vivant à l’intérieur d’un autre théâtre (celui de l’hôtel) c’est le décor dans le décor, une mise en abyme du procédé théâtral ainsi que de la représentation elle-même. L’historicité même du lieu, de cette pièce avec trois murs et une ouverture dans une même boîte qu’est le studio, est renforcé par le déploiement d’une autre boîte qu’est la malle, d’où tout apparaît. Méliès prend comme point de départ la célèbre illusion de Robert-Houdin : le carton magique. L’effet initial est le suivant : Robert-Houdin apporte un carton à dessins qui n’a pas plus d’un centimètre d’épaisseur et le pose sur de légers tréteaux placés dans le plus complet isolement au milieu de la scène puis en retire chapeaux, fleurs, tourterelles, casseroles, cages à oiseaux et son propre fils ! La plus simple des lois naturelles veut que le contenant soit plus grand que le contenu ; ici c’est tout le contraire.
La valise remplace le carton dans le locataire diabolique ; elle contient tout ce dont a besoin l’artiste, « une maison à portée de main » comme celle que porte sur son dos l’escargot. Un monde transportable s’adaptant à tous les lieux, éternellement sans domicile fixe, à moins que l’intérieur de la valise renferme un monde merveilleux en miniature. Cette échelle de miniaturisation (meubles sortis pliés puis dépliés à vu) fait référence au théâtre de marionnettes avec ce même rapport père-fils, de celui qui guide, qui tire les ficelles pour animer les objets (les faire sortir de sa malle). Les meubles, sous forme d’une installation éphémère et mouvante, révèle une âme, car ils sont directement manipulés, théâtralisés par un prestidigitateur. Sortir de son sac, des objets en carton pâte artificiels, pliés qui deviennent réels par la magie du cinématographe, c’est prêter un grand pouvoir à l’image et à sa mise en scène. Sortir de l’ombre « sa maison » pour mieux la mettre en lumière, c’est ce que fait le locataire ; ainsi Méliès pose un problème d’échelle, mais surtout il met en avant une belle métaphore du cinéma.
Méliès ne joue pas sur le rôle de la scène, mais joue le rapport au lieu : on a sous les yeux la reconstitution volumétrique d’un appartement, et non plus une représentation dans un cadre purement frontal. L’illusionniste, ne présente pas un numéro, il se construit son espace, et par conséquent éclate ses différents éléments de mobiliers, aux quatre coins de la pièce.
« Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène. Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre l’observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé » Peter Brook.
Méliès nous induit dans ce jeu ; il s’installe dans une pièce, un espace vide d’une certaine nudité, vacuité. Il travaille dans cet espace vide, avec la potentialité du lieu à y faire apparaître magiquement des éléments de mobilier. Puis vient le moment de replier le décor. Après avoir rangé tout son mobilier, Méliès utilise comme échappatoire une fenêtre, à laquelle nous ne portions que peut d’intérêt jusqu’à présent ; nous nous intéressons plus à cette échelle qu’il fait sortir de ces manches « magiquement » comme toutes ses apparitions pendant son installation, qu’à sa fuite même « réelle », qu’il réalise à vue par la seule fenêtre. A ce moment du scénario, le personnage devient lui même un pantin choisissant la fuite. L’utilisation de l’échelle nous fait croire à un étage, mais elle n’est que lien avec l’extérieur de cette pièce, passage construit visuellement pour faire basculer le personnage dans le décor. Méliès, dans sa fuite, agit comme un personnage de dessin animé qui s’échappe par le décor, laissant le spectateur s’imaginer un autre espace spatio-temporel, où l’action pourrait être rejouée.
Dans cet émouvant dernier ballet, le message d’adieu de Méliès au cinéma est clair. Comme le personnage du locataire, sans un sou, le cinéaste rangera décor, accessoires, licenciera son personnel et fermera son Studio laissé vide tout comme le dernier plan de la chambre d’hôtel…
CONCLUSION
Méliès, l’homme orchestre, avait un contrôle total sur ses films. Il maîtrisait seul l’entière production de son œuvre, il dessinait les maquettes de ses décors, finançait ses films, les réalisait, jouait les interprètes, dirigeait les autres acteurs, s’occupait de placer la caméra, d’écrire les scénarios… Pendant plus de 20 ans il a régné en maître absolu sur le monde de la féerie et a été à lui seul, le cinéma français. Au sein même du Théâtre R-H, durant les années 1900 et 1910, Méliès n’a pas su assez fréquemment renouveler son répertoire, tant il était occupé par son activité polymorphe. Il n’a pu suivre avec suffisamment d’attention l’évolution du monde de la magie ; il n’a pas pu comprendre non plus la rapide progression de la cinématographie en tant qu’art, technique, industrie, économie. 1906 marque la fin de la période la plus heureuse de sa carrière. La demande du public commence à changer : à la fantaisie plastique, à l’imagination bon enfant, il préfère les péripéties comiques et les drames réalistes. Sa conception du cinéma situe Méliès à l’opposé d’autres réalisateurs contemporains : pas de gros plans, mais des plans d’ensemble, une caméra fixe, un montage lié aux besoins du trucage plus qu’aux impératifs narratifs… Le créateur du spectacle cinématographique reste un homme de scène, et en artiste, refusa de faire des concessions à une évolution qu’il réprouvait.
Dépassé sur tous les plans, Méliès doit cesser ses activités filmiques en 1912. Après cet âge d’or, les relations entre les magiciens professionnels et la corporation cinématographique sont nettement moins rapprochées qu’au temps des débuts du cinéma. Sa contribution au 7ème art est essentielle car elle ouvre à la cinématographie naissante et presque exclusivement documentaire, les portes du rêve, de la magie, de la fiction. Méliès accomplit un acte fondamental en unissant l’univers de Robert-Houdin à la cinématographie des frères Lumière. Il n’a pas fait qu’introduire le théâtre dans le cinéma, il a aussi, et fort effectivement, introduit le cinématographe dans le théâtre. Techniquement et théâtralement il a tout inventé ; il fut le dernier homme du théâtre de féerie. L’esprit magique de Méliès a marqué profondément et durablement l’art cinématographique. Tout semble avoir été conçu et utilisé par ce virtuose de la technique. Seul un prestidigitateur de haut niveau, doté d’une imagination débordante, de créativité, doublé d’un technicien hors pair, aux talents multiples pouvait devenir le père incontesté des effets spéciaux. A l’heure où l’avènement de la technique numérique dans les trucages révolutionne, avec plus ou moins de bon goût, les formes esthétiques du 7 ème art, l’art trompeur et Méliès restent, plus que jamais, d’une actualité exemplaire.
« Méliès est le prestidigitateur qui mit le cinématographe dans un chapeau pour en faire sortir le cinéma. » Edgar Morin.
Bibliographie :
– Cinématographe, invention du siècle de Emmanuelle Toulet (Découverte Gallimard, 1988).
– Georges Méliès, l’illusionniste fin de siècle ? de Jacques Malthête et Michel Marie (Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1997).
– Pour une histoire des trucages de Thierry Lefebvre (Revue 1895 AFRHC n°27, 1999).
– Méliès, magie et cinéma de Jacques Malthête et Laurent Mannoni (Fondation Electrique de France, Paris musées, 2002).
– L’oeuvre de Georges Méliès par Laurent Mannoni (Editions de La Martinière, 2008).
– Georges Méliès l’enchanteur de Madeleine Malthête-Méliès (Editions La tour verte, 2011).
A lire :
– Dossier, Magie et Cinéma.
– Le compte rendu de l’exposition Méliès, magicien du cinéma.
– La présentation de Méliès par Caroly.
– Méliès et le Théâtre Robert-Houdin.
– Méliès Mage.
– Méliès, lettre manuscrite.
A voir :
– Le DVD Georges Méliès, l’intégrale !
– Le DVD Méliès, 30 chefs-d’œuvre.
– Le DVD Méliès, le cinémagicien.
– Le DVD [Méliès, Encore.
->http://www.artefake.com/spip.php?article651]
– Le DVD collector George Méliès, à la conquête du cinématographe. Livre réalisé en partenariat avec les Amis de Georges Méliès-Cinémathèque Méliès, contenant les 2 DVD précédents de Fechner productions + un DVD de films inédits (novembre 2011).
A visiter :
– Les Amis de Georges Méliès-Cinémathèque Méliès.
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