Comment êtes-vous entrée dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
En 1993, ma famille déménage dans la grande ville de Calgary. C’est à cette période que je vois pour la première fois une émission télévisée consacrée à la magie et je deviens immédiatement accro. Ces émissions deviennent vite un rendez-vous familial et à chaque pause publicitaire, mon père se tournait vers moi et me demandait : « Comment ont-ils fait ça ? ». Je répondais avec une théorie extravagante et improbable, à laquelle il répondait toujours : « Oui, je pense que tu as raison ».
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
En 1994, à l’âge de sept ans, je commence à faire de la magie pour d’autres enfants à l’école et malgré le petit inconvénient de n’avoir jamais lu un livre de prestidigitation, jamais appris un seul tour ou même connaître une seule once de manipulations, j’invente par moi-même les pires choses du monde ; mais ça faisait son effet.
En 2003, après des années de bénévolat pour différentes organisations à but non lucratif, je participe à un petit programme appelé « Art of Youth ». Là où, avec d’autres adolescents défavorisés, j’ai eu l’opportunité d’étudier le théâtre, la danse et les arts visuels, tout en participant à des spectacles dans des compagnies de théâtre établies de la ville, notamment avec The green fools et The one yellow rabbit.
Lors de l’une des collectes de fonds pour une émission de variétés, j’ai découvert mon premier artiste de sideshow et j’ai été époustouflée. C’était un homme avec des nageoires à la place des bras, l’un des derniers bébés « thalidomides » nés au Royaume-Uni. J’ai trouvé son spectacle incroyable et intrigant. Il était hilarant et plutôt mignon. Il avait un accent et aimait mes chaussures à semelles compensées en cuir ! Tout en regardant le numéro, un enfant, debout derrière moi, m’a demandé : « Comment pensez-vous qu’il fait ça ? » Je lui ai répondu : « Avec un morceau de ruban adhésif et du fil. » Il m’a dit : « Ouais, je pense que vous avez raison. » Dans ce cas précis, je n’avais pas raison.
Après cette expérience, j’ai commencé à étudier de manière obsessionnelle les sideshows, le cirque et la magie, principalement à partir de livres de la bibliothèque, et des informations limitées disponibles sur l’Internet de l’époque. Avez-vous déjà appris à jongler avec un livre ? Je ne le recommande à personne. Finalement, j’ai pris des cours et reçu un coaching personnel et les choses ont commencé à décoller.
Carisa Hendrix, alias Mia, en mangeuse de feu au Circle the Wagons à Calgary (Photo : Neil McElmon).
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
En 2004 mes parents m’ont expulsé de la maison. Mon comportement d’adolescente impertinente fut de trop pour mes jeunes parents. J’ai alors réalisé que je devais trouver un moyen de subvenir à mes besoins pendant mes deux dernières années de lycée. Pourquoi ne pas utiliser mes nouvelles compétences pour aider à payer mon loyer ? Mais, comme je ne savais pas m’y prendre, j’ai finalement trouvé un travail dans une pharmacie où je prenais tôt le matin, avant l’école, pour ranger des étagères de médicaments. Le soir, je travaillais aussi dans un bar à jus de fruits. Je dormais quatre heures par nuit ! Cette période fut compliquée et m’a rendu triste.
C’est alors que Marsha Meidow, ma mentore et amie, m’a proposé un long contrat lors d’Halloween pour travailler dans une attraction de maison hantée. Je faisais quatre à cinq interventions de quinze minutes par nuit pendant vingt-trois jours consécutifs. J’étais payée cinquante dollars par nuit. Je faisais tout ce que je pouvais pour occuper la scène et retenir l’attention du public indifférent : des tours de magie, des cascades, des danses du feu et beaucoup de one-lines (blagues). J’ai adoré cette expérience et beaucoup d’artistes de ce milieu m’ont soutenu.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Je travaille principalement pour des spectacles de théâtre mais j’ai aussi travaillé dans des bars, dans la rue, pour des festivals et des soirées privées. Aujourd’hui, je développe des spectacles virtuels.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Paul Daniels, Amazing Jonathan, Rudy Coby, Pop Haydn. Voir également Rob Zabrecky fut formateur.
Carisa Hendrix entourée de ses quatre avatars Dee Dee, Max, Stunt Girl et Lucy Darling (Photo : Jon Christian Ashby, 2018).
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
De la magie qui m’invite dans un monde « magique ». De la magie qui fait partie d’une routine globale avec d’autres éléments théâtraux. De la manipulation qui casse les doigts !
Quelles sont vos influences artistiques ?
Il y en a beaucoup. J’ai fait une école d’art, donc j’ai un certain nombre de références en arts visuels. Il y a aussi des artistes qui m’ont marqué comme Mae West et Eartha Kitt,qui ont grandement influencé mon personnage de Lucy Darling.
Carisa hendrix et son avatar favori Lucy Darling en couverture du Genii magazine en mai 2020.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Apprenez d’autres choses que la magie. Étudiez le jeu d’acteur, l’improvisation, la comédie. La magie est une forme d’art qui nécessite des compétences supplémentaires pour l’encadrer et l’habiller.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Pour ma part, je fais partie du grand changement numérique avec des spectacles de magie virtuelle. Au début, j’étais très sceptique, mais cela m’a montré à quel point les magiciens peuvent s’adapter et je suis vraiment fier de voir tout le travail que les artistes accomplissent dans ce sens.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Capitale ! La magie est le reflet de son temps, ou elle devrait l’être.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
La cuisine, le roller, le ukulélé, le dessin, le jonglage et l’écriture. Tous ces hobbies finiront un jour ou l’autre dans mes spectacles 🙂
– Interview réalisée en août 2020.
A visiter :
A voir :
– Magical Women Carisa Hendrix Talk #1
– Magical Women Carisa Hendrix Talk #2
– Magical Women Carisa Hendrix Talk #3
Crédits photos : Jon Christian Ashby et Neil McElmon. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.