Bug (2007), le film de William Friedkin, auteur du fameux Exorciste, est un huis clos terrifiant sur une obsession hallucinatoire, un système délirant inébranlable avec conservation d’une pensée claire et ordonnée. Véritable thriller, il aborde la partie la plus sombre de l’être humain, mais raconte avant tout une histoire d’amour.
Les personnages principaux sont deux êtres solitaires. D’un côté Agnès, une femme délaissée, vivant dans une chambre d’hôtel à la lisière du désert. Elle a perdu son enfant et est harcelée par son ex mari. De l’autre un inconnu nommé Peter, ex soldat persuadé qu’il a servi de cobaye pendant la guerre du Golfe. Il croit qu’on lui a inoculé un virus contenant des insectes microscopiques, les fameux « Bugs ».
Agnès offre l’hospitalité à cet inconnu pour une nuit et se prend vite d’amitié, puis d’amour pour lui. Elle entre tout doucement dans son histoire, dans son délire pour ne pas le perdre. Une sorte de folie à deux s’installe. En position de faiblesse psychologique, elle se raccroche aux belles paroles de Peter et le suit jusqu’au bout de son hallucination, jusqu’au fusionnement final, véritable crescendo horrifique.
Peter est-il un grand manipulateur malgré lui ? Est-il détraqué ou victime d’une machination, nous ne le saurons jamais. Il nous entraîne dans une fiction destructrice et vertigineuse. Le cheminement du dialogue, la construction d’une argumentation terrifiante, tout contribue à nous faire ressentir l’histoire comme une réalité. Peter présente tous les symptômes d’une psychose, et notamment ceux d’une personnalité paranoïaque. La notion de complot est présente. Les idées délirantes de persécution sont très élaborées et cohérentes. Le sujet est convaincu de ce qu’il dit. Il y croit et il nous emporte dans un discours logique et précis, avec preuves à l’appui. Le fonctionnement intellectuel est conservé. C’est une des raisons pour lesquelles les proches, comme Agnès, peuvent croire à la vérité de ce discours délirant.
Les spectateurs eux mêmes sont pris au jeu. Nous sommes happé dans une lente descente vers la folie, sans même pouvoir distinguer la vérité du mensonge. Au fur et à mesure de l’intrigue une sorte de mimétisme s’installe. Ce qui a pour conséquence une double identification. Par un phénomène connu, le spectateur d’un film s’identifie à un ou plusieurs personnages. Il entre ainsi tout entier dans la fiction. Mais ici, l’identification change constamment de camp, comme dans le film référence en la matière Psychose. Ce va-et vient nous tiraille et nous manoeuvre. Nous devenons le troisième acteur du film. Le réalisateur nous prend littéralement en otage. De ce jeu pervers et extrêmement excitant naît une troublante expérience de manipulation dont nous ressortons tout retourné et chamboulé, comme si nous descendions d’un manège à grandes sensations.
A voir :
– Bug de William Friedkin (2007). DVD disponible chez Metropolitan.
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