Comment êtes-vous entré dans la magie ?
Je suis tombé dans la marmite magique dès l’enfance, vers l’âge de sept ans. C’était lors d’un spectacle de magie organisé dans le lycée où travaillait mon père. Ce jour-là, le magicien m’a invité à monter sur scène pour participer avec le fameux tour des « Anneaux chinois »… j’étais émerveillé !
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
La magie de la vie a fait qu’Adrien m’a donné des cours pendant deux ans. Il est devenu mon mentor, puis un très proche ami, cela fait maintenant plus de vingt ans que nous partageons cette amitié si précieuse.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Je pense tout de suite à ma mère qui me trimbalait partout pour mes spectacles quand je n’avais pas encore le permis. Elle m’a toujours soutenu jusqu’au bout. Je dois aussi beaucoup à mon ami et metteur en scène Thomas Guené. Il est bien plus que ça d’ailleurs : c’est un artiste complet, un coach, un musicien, un professeur de théâtre, un créateur sonore… et surtout un véritable ami sur qui je peux compter.
Au fil de mon parcours, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes incroyables qui m’ont inspiré et aidé : les magiciens des bulles, Maxime Minerbe, Charly Brahim, Florian Sainvet, Laurent Beretta, Guy Bonnel, mon producteur S2A, Françoise Rochais et Stéphane Delvaux (alias Elastic). Je pense aussi à mon ami Étienne Pradier que j’ai rencontré à Londres, qui est pour moi le plus punk des magiciens ! Et bien sûr, toute l’équipe de France de magie : c’est un peu comme une grande famille !
Mais tout n’a pas toujours été rose. En effet, lors d’un voyage en Californie avec mon ami Benjamin Gerson, notre voiture de location a été vandalisée. À l’intérieur, ma valise contenant l’intégralité de mon numéro… Cette nuit-là a été un enfer. J’ai mis des mois à m’en remettre psychologiquement. Et pourtant, paradoxalement, avec le recul, cet événement s’est révélé positif. Il m’a poussé à créer un tout nouveau numéro. Et puis, il y a eu cette épreuve de vie. J’ai perdu ma maman quelques jours avant de monter sur scène aux Championnats d’Europe. C’était très douloureux. Mais je suis vraiment heureux d’avoir réussi à lui rendre hommage sur scène. Tous mes ami·es ont été présents… Je ne les remercierai jamais assez.
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ?
J’ai beaucoup travaillé et je continue de travailler : le jeu d’acteur qui est vraiment très important. J’adore le contact avec le public ! J’aime aussi inventer de nouveaux effets magiques, chercher, bricoler…
Mon numéro Crazy Rock a été conçu dans l’intensité… au fil de résidences artistiques avec Thomas. Trois années de travail, d’échanges, de complicité. Aujourd’hui, tout est fluide entre nous : il me connaît par cœur. Et une chose est sacrée pour moi : célébrer chaque fin de résidence autour d’un bon repas. C’est ma façon de dire merci ! Quand je travail, je suis toujours en mode avion pour ne pas être submergé par l’extérieur. J’ai la réputation de ne pas être très joignable, c’est un choix… Quand j’invente un numéro ou un effet j’écoute toujours de la musique, mes influences sont très souvent musicales. Crazy Rock est un numéro unique, 100 % original. J’y mêle mes racines tunisiennes et ma passion pour le rock. J’y raconte l’histoire d’un charmeur de serpents timide et maladroit qui réalise sous vos yeux son rêve le plus fou : devenir une rockstar. C’est un voyage initiatique magique et bien déjanté !
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Je garde aussi en mémoire le show extraordinaire du clown américain Avner, le spectacle de Slava’s Snowshow, le concert de Neil Young aux Vieilles Charrues, l’énergie des Ramones et de The Offspring… Et bien sûr, chaque numéro d’Otto Wessely, le talent de Hugues Protat, le génie de Yann Frisch, la virtuosité de Florian Sainvet… la créativité de Léa kyle et tant d’autres encore.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’ai une préférence pour la scène, et tout particulièrement pour deux disciplines très exigeantes : la manipulation et la magie comique. Ce que j’adore, c’est le travail sur le timing. Une seconde peut tout changer dans la réception d’un effet. C’est fascinant.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Mes influences artistiques sont multiples, elles viennent souvent de la musique, notamment le rock et le punk-rock, qui m’accompagnent depuis mon adolescence. Au-delà de la musique, je m’inspire aussi beaucoup du théâtre, du clown, de la danse, du cirque. Tout ce qui touche au spectacle vivant. J’aime les artistes qui osent et qui sont engagés politiquement comme Neil Young, qui cassent les codes. J’essaie de le faire moi aussi dans mes créations, tout en restant profondément sincère sur scène avec le public.
Quels conseils et quels chemins recommander à un(e) magicien(ne) débutant(e) ?
Je ne me sens pas toujours légitime pour donner des conseils, mais je me lance. Je pense qu’il est essentiel de trouver un mentor, de prendre des cours pour construire des bases solides. De s’intéresser à toutes les formes de magie, puis de choisir celle qui nous fait vibrer. Ne pas devenir un consommateur de tours mais tendre vers la créations et l’émotion. Et surtout : s’intéresser à tout… sauf à la magie ! Voir du vivant, bouger, rencontrer d’autres artistes, sortir des écrans. C’est ça qui fait grandir.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je suis plutôt optimiste quant à l’évolution de notre art, car il y a de plus en plus d’artistes qui font bouger les choses. Néanmoins je trouve que notre milieu reste encore trop fermé, et trop élitiste. J’aimerais voir davantage de femmes, de jeunes issus de toutes les classes sociales, notamment dans les congrès. Je rêve aussi de voir une magie plus consciente des enjeux de notre époque, notamment écologiques. Pour ma part je suis loin d’être exemplaire, mais je privilégie les déplacements en train et il m’arrive de refuser certains contrats trop polluants, comme des croisières ou des allers-retours en avion inutiles. J’essaie d’aligner au maximum mes valeurs personnelles à mon métier. Je crois profondément à une magie « organique », qui est connectée aux gens, à l’instant présent. J’ai du mal avec « la magie digitale ». Elle a un potentiel, c’est certain, mais à une époque où l’on vit déjà scotché sur nos écrans, je pense qu’on a surtout besoin de lien, de partages et de sincérité.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
J’ai eu la chance de jouer un peu partout dans le monde, et j’ai été fasciné par la diversité des réactions en fonction des cultures1. En Tunisie, j’ai vu des spectateurs fuir en criant et en riant en même temps ! En Birmanie, en pleine jungle les gens m’ont remercié avec un chant religieux à la fin du spectacle, c’était bouleversant. En Allemagne, des silences inattendus. En Chine, une curiosité immense. En Amérique… too much, forcément ! Ces différences culturelles m’ont beaucoup appris. Elles m’ont montré que la magie touche à quelque chose de profondément humain qui nous unis… mais que la culture la traduit à sa manière.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
En dehors de la scène j’adore jardiner, cela me détend. J’applique la permaculture au jardin comme avec mes relations humaines. Je médite chaque jour depuis un séjour en Birmanie qui m’a profondément transformé. Je joue aussi de la musique, je pratique le sport et la jonglerie. Tout cela fait partie de mon équilibre je pense.
Note :
1 Yannis Why est membre de l’association artistique et humanitaire M’Agis, née d’un voyage autour du monde réalisé par Rémi David en 2010 et fondée en 2012. En partenariat avec diverses structures, associations et ONG, M’Agis intervient en France et partout dans le monde auprès de populations en situation de grande fragilité et en manque d’enchantement. Les magiciens, tous bénévoles, se produisent dans les orphelinats, les hôpitaux, les prisons, auprès d’enfants des rues, de mineurs isolés, de réfugiés… pour proposer à la fois des spectacles et des ateliers d’initiation à la magie.
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Interview réalisée en mai 2025. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Yannis Why / Sophie Stalnikiewicz. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.
