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Une journée avec Georges Méliès / 3

Musée des Arts Forains (Paris, le dimanche 30 mars 2025)

Céline Noulin

C’est sous les toiles, les lampions et les dorures du Magic Mirrors, au Musée des Arts Forains de Paris Bercy, que la Cinémathèque Méliès nous conviait à assister à la 3ème édition d’Une journée avec Georges Méliès. Quoi de mieux que la féerie du cinématographe pour célébrer l’arrivée du printemps ! Cinq conférences ont émaillé cette passionnante projection dans le temps, à l’époque où le cinéma est présenté sur les foires et les fêtes foraines. L’Âge d’or des créations de Georges Méliès, entre ses précurseurs et les perspectives nouvelles de l’intelligence artificielle…     

L’entrée du Magic Mirrors (Photo : Céline Noulin)

I – « Du pré-cinéma des savants des lumières au magicien des effets spéciaux Georges Méliès » par Paul Houron (Consultant effets spéciaux au Musée des Arts Forains)

Bien avant l’âge d’or du cinématographe commercial, Paul Houron nous convie à un voyage fantastique à la découverte des premiers créateurs de l’émotion visuelle et sonore.

Reconstitution d’une soirée féérique conçue par François Vatel dans le film Vatel de Roland Joffé (2000)

François Vatel (1631-1671), le fameux cuisinier de Louis XIV, fut le premier metteur en scène événementiel de l’histoire. Jusqu’au 24 avril 1671, date de son suicide tragique, causé par une marée montante de stress, il organise de somptueuses soirées événementielles. Décors mobiles, effets de pyrotechnie, lumière artificielle, torches, féerie de bougies, rien n’est trop spectaculaire pour éblouir la Cour. Ses machinistes viennent de la marine, il inaugure ainsi les fameux « cour » et « jardin » en place de bâbord et tribord.

Jean-Nicolas Servandoni (1695-1766) mène une carrière exceptionnelle partout en Europe. Il conçoit des décors pour l’Opéra, le théâtre et des festivités grandioses, avec des effets de perspective, des jeux de polychromie… 

L’année 1775 inaugure le « panorama », une grande peinture circulaire permettant de voir une image à 360°. Il est inventé alors que le peintre Robert Barker (1739-1806) est en prison pour dette. Dans sa cellule en forme de rotonde, il reconstitue sur le mur le paysage d’Edimbourg. Il conçoit ensuite une attraction, à son domicile puis dans un bâtiment approprié. Les panoramas changent régulièrement, tous les 15 jours. En 1793, Barker déménage ses panoramas dans le premier bâtiment panoramique construit à cet effet, à Leicester Square (Londres). Il fait fortune. Les spectateurs, au prix de 3 shillings, affluent pour vivre une expérience insolite : sur une plate-forme centrale éclairée par une verrière, ils admirent La flotte navale à Spithead puis La bataille navale d’Aboukir…  

Vue de l’eidophusikon vers 1782

Le peintre Philippe-Jacques de Loutherbourg (1740-1812) présente en public, sur Lisle Street (Leicester Square), le 26 février 1781, l’ « eidophusikon » ou théâtre mécanique. Ce théâtre de poche, équipé de machineries complexes, produit des scènes animées et sonorisées par bruitages, augmentées d’effets pyrotechniques et de brûleurs au flash de magnésium. Ce spectacle panoramique, aux éclairages variables, illustrant différents aspects de la nature, fait sensation. Il invente en quelque sorte le format 16/9ème.  Reconstitué par Robert Poulter, en 2004, à partir de plans, il fera le tour de l’Europe, sauf en France.  

Louis Carrogis de Carmontelle (1717-1803) invente le premier spectacle d’images animées. Les fameux « transparents » de Carmontelle se composent d’un long rouleau de feuilles peintes collées bout à bout. Tendu entre deux bobines et éclairé par transparence, ce rouleau défile devant les yeux des spectateurs en leur donnant l’impression de se mouvoir à travers un charmant paysage. Leur enchantement atteint à son comble lorsqu’ils reconnaissent, parmi les personnages qui s’y promènent, ceux qu’ils ont eux-mêmes incarnés dans les proverbes. On peut voir ce rouleau de 42m au Musée départemental de Sceaux. 

Sir William Hamilton peint par George Romney, détail (1783-1784)

William Hamilton (1730-1803), ambassadeur de Grande Bretagne au Royaume de Naples (1764-1800), invente « la machine vésuvienne », née de sa passion pour l’activité volcanique de l’île. Désireux, lors de ses séjours en Angleterre de faire partager à ses contemporains les sensations ressenties lors d’une éruption volcanique, il conçoit cette machine comprenant tambourins, mécanismes à bruitages, flammèches, décors peints,  dont ne subsiste que quelques plans très inspirés de l’« eidophusikon » et des transparents de Carmontelle.

Étienne-Gaspard Robert, dit Robertson (1763-1837) devient le premier réalisateur d’effets spéciaux en direct. Il triomphe avec ses « Fantasmagories », dès 1795, des séances de projections sur des écrans de fumée, avec bruitages, ambiance sonore et apparitions magiques de personnages ressuscités. Après avoir déposé les plans de son « fantascope », il est plagié, copié, floué par tous ceux qui, sans scrupules, veulent profiter de cette nouvelle manne financière. Il finit ruiné…

Diorama de Daguerre à l’église de Bry-sur-Marne

Louis Daguerre (1787-1851) ouvre en 1823, dans le 10ème arrondissement de Paris, la première salle au monde proposant la mise en scène de ses toiles double-face translucides dites « dioramiques ». Peints par Charles Marie Bouton, ces décors monumentaux auxquels est également associé Hippolyte Victor Valentin Sébron, se modifient en continu avec les variations de la lumière du jour et des jeux de miroirs. En mars 1839, le diorama de Paris est détruit par un incendie. Le seul diorama encore visible, installé en 1842, est celui de l’église de Bry-sur-Marne. Daguerre essuiera des revers et disparaît en exil à Londres pour échapper à ses créanciers…

Les « jouets optiques » basés sur le principe de la persistance rétinienne vont se succéder et se perfectionner tout au long du XIXe siècle. Une véritable « guerre des brevets » est menée : empoignades, revendications, plagiats, copies pirates, détournement et vols de brevets, pillage de technologies…

En 1825, le « thaumatrope », qui fusionne deux images recto verso en pivotant, est commercialisé par l’anglais John Ayrton.

En 1832, Joseph Plateau (1801-1883) invente le « phénakistiscope », le premier dispositif de reproduction d’une image animée en temps réel, basé sur ses travaux en rapport avec la persistance rétinienne. Joseph Plateau et William Talbot établiront la loi dite de Plateau-Talbot sur la persistance rétinienne, en 1870.

William Horner (1736-1837) conçoit le « zootrope » en 1834, un appareil giratoire de reproduction d’une image animée en temps réel, reposant encore sur la persistance rétinienne.                                        

Henri Robin (1811-1874), le magicien et inventeur, présente ses « fantasmagories vivantes » à Paris à partir d’accessoires permettant des effets de projections sur support transparent. Son invention, datée de 1847, est très disputée et revendiquée par plusieurs personnages dont Pierre Seguin, son plus proche collaborateur.

Henry Dircks (1806-1873) met au point, vers 1858, un système de renvoi de projection de lanterne magique sur un plan incliné de grande taille qui fera sensation. C’est John-Henry Pepper (1821-1900) qui, ayant acheté l’invention de Dircks nommée l’ « aetheroscope », la développera en couvrant la scène de grandes plaques de verre. La paternité de cette invention lui sera attribuée. Il n’hésitera pas, en 1863, à la baptiser du nom de « Pepper’s ghost ». Robin rachètera par la suite tous les brevets déposés par Dirks et Pepper.

Sous la direction de Léon Van de Voorde, exploitant belge établi à Gand, le Théâtre mécanique Morieux, fondé par l’ingénieur Morieux de Paris, attire les foules lors des grandes foires urbaines et expositions internationales. L’affiche évoque ces spectacles à grand déploiement en mettant en scène une façade monumentale, des fontaines animées, des décors coloniaux et polaires, ainsi que des tableaux vivants d’un exotisme fascinant. Ce théâtre itinérant unique, de 28m par 7m, mêle panoramas animés, automates maritimes, dioramas en mouvement, musique et lanternes magiques, reconstitués grâce à des mécanismes ingénieux. L’ensemble forme un univers visuel total, entre illusion, science et merveilleux. La « Visite de l’Exposition Universelle de Paris » de 1900 est devenue l’une des attractions les plus populaires sur le champ de foire. En 2007, Jean-Paul Favand découvre en Belgique les vestiges du Théâtre Morieux : les parties mécaniques sont restaurées et des lampes LED permettront d’éclairer ses incroyables toiles dioramiques…

Étienne-Jules Marey (1830-1904) édite son ouvrage La machine animale sur la locomotion terrestre et aérienne, en 1873. Son travail sur la décomposition de l’image et ses mini films permettent de voir des vues animées.

Émile Reynaud (1844-1918) développe le « praxinoscope » en 1876, le plus élaboré des premiers systèmes de projection d’une image animée en temps réel sur un écran. Ses toiles peintes défilant sur des bobines, annoncent l’aube du cinéma. Malgré la protection des brevets, une quantité impressionnante d’inventions simultanées ou plagiées feront leurs apparitions dans le monde scientifique Anglo-Saxon dès 1880.

Tout d’abord photographe de talent aux Amériques, Edward Muybridge (1830-1904) s’intéresse passionnément à la chronophotographie car il est financé dans ses recherches par le gouverneur de Californie. Par la suite, Edward Muybridge construira en 1879 un appareil qui mêle, à la fois la technique du « phénakistiscope » et celle des « praxinoscopes », qu’il nommera le « zoopraxiscope ».

Fin 1880, Georges Demeny (1850-1917) rencontre Étienne Jules Marey et devient son assistant. Après leur brouille, il se lancera en solo dans la construction du « chronophotographe » en 1893, puis du « phonoscope » et d’une dernière invention le « photophone ». Il vendra, en 1895, tous ses brevets à Léon Gaumont.

Le kinétographe de Méliès

Thomas Edison (1847-1931), inventeur prolifique mais aussi boulimique de brevets en tous genres, avait la fâcheuse tendance de très vite déposer des brevets multiples sur quelque invention qu’on lui montrait même si elle n’était qu’a l’état embryonnaire… Cette réputation le poursuivra jusqu’à sa disparition en 1931. Dépositaire des brevets du « kinétoscope » en 1891 et du « kinétographe » en 1896, son redoutable sens des affaires et sa colossale capacité financière, plongera dans l’ombre tous ceux dont il « s’inspira » pour déposer, en premier, plus de 1500 brevets, dont 500 non-aboutis…

Le cinématographe des Frères Lumière

Qui se souvient de Léon Bouly (1872-1932) ? Il dépose le 12 février 1892 le brevet d’un appareil réversible de photographie et d’optique pour l’analyse et la synthèse des mouvements, dit le « cinématographe Léon Bouly ». Le 27 décembre 1893, il apporte une correction sur le nom de son appareil qui devient le « cinématographe ». C’est donc Léon Bouly le premier au monde à utiliser pour son brevet ce mot. En 1894, Bouly n’ayant pas payé les redevances de ses brevets, le mot « cinématographe » devient disponible et les frères Lumière déposent leur propre brevet sous cette appellation, le 13 février 1895.

En 1894, Thomas Edison concède, en Angleterre, à deux commerçants grecs, une exploitation sous licence de son « kinétoscope », un appareil qui permet de visionner individuellement les films tournés à l’aide du « kinétographe ». Mais Thomas Edison a commis l’imprudence de ne protéger le kinétoscope qu’aux États-Unis. L’apprenant, les deux commerçants commandent à Robert W. Paul (1869-1843) la fabrication de contrefaçons du « kinétoscope ». Et c’est ainsi que les « kinétoscopes » pirates connaitrons un succès incroyable dans le monde entier. Robert W. Paul très compétent en fabrication, décide de créer avec son compatriote, l’ingénieur Birt Acres, une caméra, la « kinetic », avec laquelle il tourne son premier film. Ces films sont destinés à être projetés sur les « kinétoscopes » pirates. Mais le succès des projections Lumière pousse Robert W. Paul à fabriquer en février 1896 son propre appareil de projection, le « theatrograph ». Son ami Georges Méliès lui achète aussitôt un exemplaire pour contrecarrer le refus des Frères Lumière de lui vendre leur invention…

II – « Méliès et les forains » par Jacques Malthête (Arrière-petit-fils de Georges Méliès et auteur de nombreuses publications et conférences sur le sorcier de Montreuil)

En 1896, quelques mois après la première séance publique des Frères Lumière, on ne recense alors qu’une dizaine de forains convertis au jeune cinématographe. On atteint la cinquantaine en 1899 avant de plafonner, en 1905-1906, à 200 banquistes qui finissent de se sédentariser avec la Grande Guerre. Les propriétaires de petites baraques foraines voient surtout poindre de nouvelles opportunités économiques avec l’achat de créations de vues animées. Jusqu’en 1903-1904, Méliès reste l’un des gros fournisseurs des forains, avant d’être dépassé par Pathé dont la production augmente de façon significative.

Foire de Troyes (1904-1905)
Les premiers tourneurs

Chargé d’attirer les badauds, le bonisseur ou aboyeur, joue un rôle important. Il fait le boniment, ou selon l’expression foraine, « la postiche au pante », de façon pittoresque. Il fait souvent office de « conférencier », c’est-à-dire qu’il commente les films et fait les voix des acteurs en direct pendant les séances. On ignore encore comment les forains s’approriaient les textes de présentation des films écrits dans les catalogues pour animer les projections. Chacun a sa propre manière de travailler et s’adapte à la sensibilité de la salle. Cependant, on a retrouvé sur un catalogue de 1905, un texte écrit par Méliès destiné à être lu au public. Par ailleurs, le projectionniste peut accélérer ou ralentir la vitesse des films par quelques coups de manivelle.

Les tourneurs évoluent dans un rayon d’action plus restreint que les forains et ont en général un domicile fixe. Ils organisent des projections de films dans les salles des fêtes, les arrière-salles de café et les théâtres. Dans les premières années d’exploitation, les programmes proposés sont très éclectiques, sans que l’on sache vraiment aujourd’hui si toutes les attractions étaient présentées dans leur intégralité et dans l’ordre annoncé. Les films courts du « Grand cinématographe » alternent avec des divertissements variés (théâtre-concert, imitations, marionnettes…).

Les forains se révèlent être de véritables monteurs de pellicules, n’hésitant pas, pour plaire davantage aux spectateurs, à amputer des parties de bandes, à interpoler certains tableaux provenant d’autres films, à improviser des titres fantaisistes ou à coloriser des productions en noir et blanc. Rien n’est figé dans cette époque expérimentale. Avant 1907, les copies de films achetés appartiennent définitivement au forain, ils peuvent donc les projeter autant qu’ils veulent et comme bon leur semble. 

Dessin préparatoire de Georges Méliès pour Le voyage dans la lune (1902)

Certains films de Méliès suscitent particulièrement l’engouement des forains, comme le Cendrillon (1899) inspiré des contes de Perrault… Il est un des premiers à dépasser les 200 mètres de pellicule en 1900. Revenu sous la lumière des projecteurs à la fin de sa vie, Georges Méliès soigne sa postérité. Le triomphe international du Voyage dans la lune (260m) aurait pu tourner court à cause du prix de vente prohibitif de son chef-d’œuvre artistique. Quand Méliès invite les forains à le découvrir lors d’une projection spéciale, ils sont charmés mais ne peuvent investir la somme demandée. Finalement, selon les dires de Méliès, le film sera concédé gracieusement à un forain de la Foire du Trône avec le succès d’exploitation que l’on connaît. Mais un doute subsiste toujours sur le premier lieu de projection de cette superproduction : Foire du Trône, Foire de Neuilly, Fête des Loges ? A titre indicatif, une copie en noir et blanc du Voyage dans la lune était vendue 800 F (3200 €) et 1400F (5600€) pour la couleur. Dès 1908, les tarifs chuteront à 325F (noir et blanc) et 780F (couleur).

La référence à Jules Verne quand on évoque certains films de Méliès est évidente. Il lui est explicitement comparé avec Le Voyage à travers impossible (1904). Également passionné par le cirque qu’il aime fréquenter, Georges Méliès engage des acrobates, clowns et anciens circassiens : Almédée Rastrelli, devenu comédien puis réalisateur par exemple. Les frères Fratellini ont prétendu avoir incarné les géants dans Le voyage de Gulliver à Lilliput… Après une décennie de films en vogue, les féeries et les films à trucs de Méliès commencent à lasser. Les décors peints en perspective dont il s’est fait une spécialité sont supplantés par les histoires tournées en plein air…

Deuxième congrès des éditeurs de films à Paris en 1909 (Georges Méliès au centre du premier rang)

Méliès consent des rabais sur ses films dès 1905, n’étant plus du tout compétitif (25% plus cher que chez Pathé pour le noir et blanc et 40% pour la couleur). En 1909, il préside encore le 2ème congrès des éditeurs de films qui entérine la suppression définitive de la vente au profit de la location des films mais pour quatre mois seulement. Le cartel Edison que Méliès finit par rejoindre fera la perte de tous les petits exploitants forains et de la manne financière du « père des effets spéciaux » au cinéma.

On doit rendre justice à Méliès d’avoir défendu jusqu’au bout sa vision personnelle et catégorique de ce que devait être le cinéma : un divertissement frontal qui tient le spectateur à distance comme au théâtre. Allergique aux intertitres, aux gros plans et aux mouvements incessants de caméras, Méliès n’aurait guère apprécié le cinéma d’auteur intimiste d’aujourd’hui. Pour lui, la caméra ne devait jamais être l’œil du spectateur mais le témoin ininterrompu des péripéties de la vie.  

III – « Méliès et les débuts du cinéma itinérant » par Anne-Marie Quévrain (Arrière-petite-fille de Georges Méliès et secrétaire générale de la Cinémathèque Méliès)

Le cinématographe naissant est largement itinérant ou forain. Il est également dansant. À la faveur de la féminisation de la danse au XIXe siècle, le cinématographe s’empare de cet art pour tenter de capter le mouvement. Les danseuses sont omniprésentes dans les opéras, les opérettes, les féeries, les spectacles de magie et les films des Lumière, de Gaumont et de Méliès. Le 4 avril 1896 sont projetées les premières vues animées au Théâtre Robert-Houdin avant que Georges Méliès intègre ses propres films au sein du programme, dès le 1er mai. Le cinématographe devient un phénomène de culture de masse qui se propage dans la France entière. Les vues sont constamment renouvelées… Lieu central de ce divertissement populaire, les baraques foraines comportent une façade richement décorée, des limonaires… Elles sont facilement démontables. L’électricité joue un grand rôle dans la diffusion des images. Le groupe électrogène, d’abord à vapeur, est branché au gaz de ville ou fonctionne au fuel. Il alimente la baraque en électricité (extérieur et intérieur), le projecteur et la lampe à arc. Ces éclairages éblouissent les habitants car la France est encore peu électrifiée. Les projections ne manquent pas d’ambiance et de bruits divers : les aboyeurs crient, les fanfares se déchaînent, les vaches meuglent sans parler du pétaradant appareil de projection que Méliès appelait « sa mitraillette ».                                                                                             

Ce sont les forains qui diffusent les productions animées auprès d’un public majoritairement rural. Ce premier public est aussi celui de Méliès dont la première baraque est repérée le 31 mai 1896, sur la foire du Mail d’Orléans. Elle est exploitée par le forain Jacques Inaudi, le célèbre calculateur prodige (1867-1950), mais un incendie la ravage et détruit 14 des premiers films de Méliès. Ce dernier testait-il l’attractivité des foires pour le cinématographe en le confiant à un artiste de sa connaissance ?

Cinématographe forain de Limbourg
Le Royal Lagneau
Ménagerie Pezon

La circulation de ces vues animées muettes, partout en France et en Europe, s’opère grâce à l’achat et à l’échange. L’incendie du Bazar de la Charité, survenu le 4 mai 1897, affecte assez peu l’engouement du public pour le cinématographe. Et le public semble malgré tout plus en sécurité sur les fêtes foraines. Dès 1897, les forains se plaignent du manque de production de films : « Nous allions mourir sur nos appareils, Méliès nous donna à manger. » En effet, la production de Méliès est très abondante (170 films contre une dizaine pour Pathé) et très appréciée.  

Le forain est un industriel banquiste, dont le métier artisanal se perpétue par transmission orale. Il est répertorié selon son métier et sa loge et se lie généralement à d’autres familles foraines. Les baraques parfois surchargées sont déplacées en train. Quatre wagons sont nécessaires pour transporter un cinéma forain moyen et jusqu’à quatorze wagons pour le cinéma itinérant Kétorza. Arrivés en gare, ils sont déchargés par des treuils, des grues, et sont acheminés par des chars à bœufs ou des attelages jusqu’au champ de foire. Les roulottes automobiles apparaissent dans les années 1950.

Les productions de vues animées sont d’abord associées aux phénomènes optiques avant d’être pleinement intégrées aux métiers forains, à leur culture et leurs valeurs. Certaines dynasties de dompteurs – Adrien Pezon, Edmond Pezon, François Bidel – associent leur ménagerie de fauves à l’exploitation du cinématographe. Le Théâtre fantôche de la famille Levergeois alterne projections de vues et danses lumineuses. Le nombre de théâtres forains se stabilise vers 1905-1906 puis décline à partir de 1907. Une première loi, en 1896, ordonne le recensement des nomades et une loi de 1912 vient restreindre leur droit d’occupation de certains terrains. On se méfie de ceux qui n’ont pas d’adresse fixe…

Après 1905, les Frères Lumière se concentrent sur les procédés photographiques, laissant la place à Pathé et Gaumont. Les Frères Pathé sont introduits dans le milieu forain dès 1894, grâce à la vente de leurs phonographes sophistiqués, remplaçant les orchestres des manèges forains et des cirques. La Société Pathé Frères, fondée en 1896, devient société anonyme en 1897, grâce au soutien de Claude Grivolas, un gros industriel et financeur lyonnais qui croit à l’avenir du cinématographe. Échaudé par une escroquerie récente, Georges Méliès refuse la manne financière que Grivolas lui propose à son tour. La Star Films restera une marque « artistique » mais ne deviendra jamais une société.

Cinéma Katorza à Nantes

L’année 1907 opère un tournant. Gaumont se constitue en société anonyme. Charles Pathé qui fournit alors 90% des programmes des cinémas forains, instaure en force le système de la location des films. Il suscite un réseau de concessionnaires en leur fixant des objectifs de rentabilité. Méliès cède au diktat de la location, non sans le dénoncer, en 1909. Il ne réalise aucun film en 1910 mais monte Les Fantômes du Nil, une revue de sketchs magiques, présentée à l’Alhambra et à l’Olympia, avant de partir en tournée (France, Espagne, Italie, Algérie…). Méliès demeure avant tout un artiste créateur. Sa manufacture de films développe positifs et négatifs « à façon », ses films sont colorisés à la main. Bien qu’établi à Barcelone, Berlin, Londres et aux USA à travers ses agences, il se refuse à devenir un industriel, au risque de la ruine personnelle. Impactées de plein fouet par la généralisation de la location, les baraques de cinématographe disparaissent ou se sédentarisent peu à peu : à Nantes se crée le Katorza, Jérôme Dulaar s’implante à Lyon…

Finalement, Méliès et les forains ont partagé la même conception d’un spectacle cinématographique attractif, spectaculaire et merveilleux, exercé de manière libre et artisanale, en famille et entre amis. En 1995, en marge du centenaire du cinéma, Marcel Campion, le « roi des forains », accueille le Théâtre cinématographique Georges Méliès, avec boniment et accompagnement au piano. Un parrainage explicite qui n’en finit pas de nous charmer…  

Pour illustrer ensuite ces deux approches du cinéma forain, Pascal Friaut projette un court programme de films de Méliès sonorisés par ses soins : Nain et géant (1901), Le Bourreau Turc (1904), Barbe-Bleue (1901), commenté par Anne-Marie Quévrain, puis le Baquet de Mesmer (1904).

IV – « Le merveilleux et les trucages dans les affiches du cinéma forain » par Stéphanie Salmon (Directrice des collections historiques de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé)

L’affiche de cinéma est un produit publicitaire qui apparaît chez Pathé à partir de 1902. La démarche de présenter les films est alors tout à fait novatrice. Dès l’origine et encore aujourd’hui, les affiches adoptent un format de 160 cm (hauteur) par 120 cm (largeur). L’affiche publicitaire prend son essor à la fin du XIXe siècle, avec un intérêt renouvelé des artistes pour la lithographie. L’éclairage électrique, qui a remplacé les lanternes au gaz, jette des halos dorés sur ces magnifiques affiches colorées et les robes des femmes contrastent avec les ternes façades du Paris haussmannien.

Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

Les sources actuelles proviennent essentiellement de cartes postales anciennes, reproduisant des photographies de cinématographes forains. Les affiches Pathé sont totalement intégrées au matériel publicitaire et décoratif des baraques de l’époque. Elles sont vendues au forain 50 centimes pièce, une somme conséquente, ce qui incite à leur précieuse manipulation et conservation. À titre de comparaison, l’entrée de la baraque coûte entre 10 à 20 centimes et une ouvrière chez Pathé est payée 4 francs par jour.  

Au premier rang des illustrateurs pour Pathé, prend place le brésilien Cândido de Faria (1849-1911). Formé aux Beaux-Arts, il débute dans la caricature et s’installe à Paris en 1882. De 1902 à 1911, Faria devient le créateur principal d’affiches pour Pathé. Grâce à l’élégance et à la sûreté de son trait, il est aussi à l’aise dans la peinture des intérieurs que dans les scènes de rue. Il livre jusqu’à 17 000 affiches par trimestre, grâce à une grosse imprimerie mécanisée, fonctionnant à la vapeur. La chromolithographie à quatre couleurs (jaune, magenta, cyan et noir) permet toutes les audaces de style.   

Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

Mais tous les films n’ont pas d’affiches. On choisit en priorité les féeries, les contes et les scènes à trucs : les films qui font rêver, composés de plusieurs tableaux destinés à être coloriés. On fournit habituellement aux affichistes du matériel iconographique, notamment des photographies de tournage. Henry Gray (1858-1924), dessinateur et caricaturiste, est un autre affichiste engagé par Pathé. On lui doit les affiches Le pied de mouton, adapté en 1907 d’une féerie à succès ou Barbe Bleue (1904). Ces créateurs puisent dans un fonds d’images commun, composé de diablotins, de scènes en flammes, d’ambiances inquiétantes, de mondes aériens, souterrains ou sous-marins et d’animaux dangereux… Les thèmes empruntés au Moyen âge et ses châteaux hantés sont très prisés (les fées, les nains, les chevaliers)… L’affichiste Vincent Lorant-Heilbronn (1874-1933) collabore avec Pathé de 1908 à 1912. Il réalise quelques films et des décors pour le cinéma. Il est également engagé comme décorateur de villas, casinos et brasseries. Certaines affiches de films Pathé suggèrent directement des effets magiques comme la cascade de pièces d’or dans La Poule aux œufs d’or, de Cândido de Faria. D’autres thèmes contemporains et drames d’actualité abordés par Faria induisent des trucages plus techniques : Le reflet vivant (jeu de miroirs), Pauvre mère (surimpression pour illustrer l’esprit d’une défunte), Le sous-marin (un naufrage relaté par le Petit parisien). Porteuses de sensationnel, de féerie et d’exotisme, ces affiches Pathé éclatent de couleurs et fourmillent de détails, comme un tableau. Destinées à attirer le promeneur vers l’écran de la salle, elles donnent la première impression au spectateur et lui promettent de vivre toutes les émotions.

V – « Atelier-débat : L’intelligence artificielle au service de Méliès » avec la participation de Pascal Friaut et Brice Amouroux (Responsable des restaurations numériques à l’INA)

L’outil d’intelligence artificielle ChatGPT s’est bien démocratisé ces dernières années. Testé sur la vie de Georges Méliès, il donne de bons résultats malgré quelques erreurs sur certaines dates de films. La reconstitution dans l’espace de « Méliès sur la scène du Théâtre Robert-Houdin » apparaît plus aléatoire. Cependant, cet outil numérique offre de multiples possibilités comme la création de petites vidéos de présentation avec la voix de Georges Méliès. On peut aussi faire parler la photo de Georges Méliès, en diffusant sa vraie voix. La technologie permet aujourd’hui d’incruster une photo, un visage dans une vidéo déjà existante. Il est également possible d’agir sur le son : on isole la voix de Georges Méliès, enregistrée en 1937, en éliminant les grésillements et les impuretés. Les morceaux musicaux (voix et instruments) peuvent aussi être nettoyés.

Exemples de tâches sur pellicule
Restauration d’un film ancien

Les films de Méliès sont malgré tout compliqués à restaurer avec l’intelligence artificielle : les négatifs ont été détruits et on travaille sur des copies de copies en 16mm pas toujours de bonne qualité… Le film Nouvelles luttes extravagantes est actuellement en cours de restauration. L’upscaling, ou conversion ascendante, est la mise à l’échelle d’une image ou d’une vidéo, pour l’adapter à une définition plus grande que sa définition native. L’intelligence artificielle est tout à fait appropriée pour ce procédé : on gonfle l’image pour obtenir des images très nettes. L’I.A. est capable de réparer des images déchirées ou partiellement endommagées, de combler les images manquantes, sans avoir à recourir à des techniques image par image…

L’Institut National de l’Audiovisuel (INA) ne possède aucun film de Méliès ! L’Institut conserve, transmet et valorise le patrimoine audiovisuel, de télévision (depuis l’ORTF) et de radio et un peu de web. Les images se présentent sous des formats différents : 16mm, 35mm (grandes productions) et beaucoup de vidéos. L’objectif premier est de préserver les originaux dans les meilleures conditions possibles pour pouvoir ensuite les montrer. L’INA s’efforce de les rendre accessibles pour des utilisateurs contemporains au regard de nos critères actuels mais sans dénaturer les originaux.

Des outils de restauration existaient déjà avant l’I.A. (mixage son, prise de vue, montage…) mais elle permet d’aller un peu plus loin et un peu plus vite, sans oublier que rien ne remplace le recours à l’original. Les problèmes de moisissures, de colle, les tâches, les cassures et les poils sont désormais rapidement traités. Les nouveaux outils de l’I.A. accélèrent la colorisation des images, auparavant effectuée image par image. L’I.A. travaille mieux en image fixe mais peut générer des défauts sur les images en mouvement. Des réunions régulières sont organisées pour décider du contenu des éléments à restaurer ou pas. Faut-il réparer les accidents non voulus par le réalisateur ? Question d’appréciation…

Le statut juridique des bases de données utilisées par l’I.A. est un débat actuel. Les principaux créateurs sont américains et chinois, ils véhiculent donc leurs propres valeurs culturelles. Plus que jamais, il est nécessaire de faire de l’éducation à l’image. Les images fausses et détournées peuvent influencer le comportement de chacun. Qu’aurait pensé Méliès de tout cela et de l’I.A. ? Il l’aurait sans doute utilisée de façon créative… Et si l’on confiait l’un des scénarios disparus de Méliès à l’I.A. ? Nous ne sommes qu’au début de cette révolution numérique…          

Remise de la médaille Méliès à Jean-Paul Favand (à gauche) en compagnie de Paul Houron, Jacques Malthête et Anne-Marie Quévrain (Photo : Céline Noulin)

Avant la reprise des conférences de l’après-midi et de la remise de la médaille Georges Méliès à Jean-Paul Favand, un intermède ludique a permis aux spectateurs présents de découvrir les attractions automates musicales et le mapping vidéo enchanteur du Musée des Arts forains, ouvert par Jean-Paul Favand en 1996. Enfin, la journée se clôture en apothéose par la projection d’un second programmes de films de Méliès  bonimentés par Anne-Marie Quévrain et Pascal Friaut : Les transmutations imperceptibles (1904) / Une chute de cinq étages (1906) / La Fée Carabosse – en couleur (1906) / La tentation de Saint-Antoine (1899) / Après le bal, le tub (1898) / Tom Tight et Dum Dum (1903).

À visiter :

  • Le site de la Cinémathèque Méliès
  • Le site du Musée des Arts Forains

Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Céline Noulin / Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé / Coll. S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.

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