Entièrement restauré en 2013, après dix mois de travaux, l’ancien hôtel trois étoiles Elysée Parc Monceau a fait un pari audacieux et risqué : travailler toute sa décoration et son ambiance sur le thème de la magie. Un univers tellement stéréotypé, qu’il fallait en renouveler l’imagerie pour ne pas tomber dans la kitscherie et le trivial.
Les propriétaires du lieu (depuis 2008), Sandra et Jean-Michel Abecassis sont un couple féru de magie, collectionneurs de cartes à jouer. C’est tout naturellement qu’ils ont pensé dédier leur hôtel à leur passion en faisant appel à la décoratrice et « atmosphériste » Sandrine Alouf. Cette dernière s’est rendue au Musée de la Magie Georges Proust faire des recherches iconographiques et trouver des idées de mise en scène en collaboration avec le conservateur des lieux.
Si la décoratrice n’évite pas l’imagerie classique comme le chapeau haut-de-forme, la cape, la baguette, les gants, les cartes à jouer et le lapin, elle les détourne astucieusement, notamment dans une impressionnante cage d’escaliers. Avec son installation de chapeaux-suspensions en cascade, et sa moquette cartes à jouer, cet espace offre une incroyable perspective.
Sandrine Alouf réussit un mix élégant entre rétro, design et illusion. Mobilier imprimé, papiers peints, moquettes, carreaux de ciment ont été dessinés et fabriqués sur mesure.
L’hôtel de six étages est composé de vingt-quatre chambres déclinées en quatre thèmes : « Cartes à jouer » (manipulation), « Illusion » (grande illusion de l’âge d’or), « Lévitation » et « Magie céleste » (astronomie, astrologie, chiromancie). Le dernier étage, avec ses trois chambres mansardées, est réservé à Georges Méliès.
Accueil cosy
Le client est accueilli sous le patronage des deux grandes figures de la magie française : Robert-Houdin et Méliès. Dès l’entrée, on se retrouve dans un salon feutré et mystérieux : espace lumineux et étoilé, murs couleur nuit, fresque holographique, enseigne ampoulée, coin bibliothèque fourni en livres et accessoires de magie, canapé pourpre surmonté de trois miroirs déformants style « fête foraine ».
Hologrammes hypnotiques
Les pièces maîtresses de l’hôtel sont les magnifiques hologrammes géants réalisés sur mesure par le spécialiste Henri Clément, qui ont été placés à l’accueil et dans les chambres, au-dessus de chaque tête de lit.
A partir de plusieurs reproductions d’affiches de spectacles de magie du début du XXe siècle, le photographe utilise la technique du « tirage lenticulaire » qui réunit sur un même support quarante à soixante images d’une séquence stéréoscopique par photomontage. Un travail colossal d’images composites qui mixe et réinvente une iconographie spectaculaire.
Le résultat est bluffant et permet des apparitions-disparitions de personnages ou d’objets, selon le point de vue adopté. A chaque tableau son effet. Le support holographique de l’entrée est à ce sens le plus judicieux. En choisissant une affiche de Harry August Jansen (futur Dante) réalisant un numéro de bulles de savon, Sandrine Alouf imagine la « production » d’autres images et d’autres magiciens comme Suzy Wandas, Howard Thurston, Georges Méliès… tout en présentant les thématiques de l’hôtel.
Jeux des matières
Papiers peints trompeurs, carrelages à reliefs et moquettes géométriques ; Sandrine Alouf a atténué le côté « cheap » que l’on retrouve souvent dans le monde de la magie. Elle a choisi de mettre en avant l’élégance et le mystérieux. Les papiers peints ont été sélectionnés pour leurs effets de matières, de trompe-l’œil et leur aspect « vibrant ». Les carrelages privilégient les effets de profondeur, de réflexions, de déformations et de reliefs.
Petit déjeuner sous une voûte céleste
La salle du petit déjeuner en sous-sol, proposant des produits maisons et locaux, possède sa propre atmosphère grâce aux abat-jours en verre soufflé qui diffusent une lumière opalescente, son mobilier contemporain blanc/bleu nuit et à ses tomettes géométriques et optiques. Le buffet est composé de blocs réfléchissants surmontés de reproductions d’affiches génériques de magie classique.
– Cet article a été publié pour la première fois dans le MAGICUS magazine n°221 (janvier-février 2020).
Crédits photos – Copyrights : S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.