Comment êtes-vous entré dans le monde des ombres ? A quand remonte votre premier déclic ?
J’ai commencé à m’intéresser aux ombres, sans doute, de la même manière que la plupart des gens : comme un jeu. J’étais un enfant qui jouait avec les formes projetées sur les murs et le plafond de sa chambre avec l’aide d’une lampe. C’est fantastique comment vous pouvez imaginer toutes sortes d’histoires dans votre chambre, avant d’aller dormir. Vos mains se transforment en « animaux dangereux », en « puissants guerriers », en tout ce que vous pouvez imaginer…
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Quelques années plus tard, j’ai commencé à chercher des informations dans des livres, des magazines, et aussi dans le dictionnaire (où l’on pouvait trouver quelques formes de base pour illustrer le sujet).
Quand j’avais 13 ans, et tout en faisant mes premiers pas en tant que magicien, j’ai rencontré un garçon chinois qui exécutait plusieurs ombres qui, comparées à celles que je connaissais, étaient incroyables.
J’ai longuement et durement pratiqué toutes les formes d’ombres que j’apprenais tous les samedis après mes cours de magie. J’en faisais également un petit spectacle pour les enfants en complément de mon « Magic Show ». Le public semblait apprécier mes ombres, mais moi je n’étais pas vraiment satisfait.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Un jour, j’ai rencontré un magicien argentin qui travaillait à la télévision tous les jours, qui est jusqu’à aujourd’hui ma référence quand je pense à un véritable artiste. Son nom était Horacio Romero (1940-1982). Son pseudonyme de scène était Yukito et il fut choisi par David Bamberg (Fu Manchu) comme son successeur artistique. Yukito était non seulement un grand magicien mais aussi un grand artiste des ombres chinoises. Malheureusement, il est mort très jeune à Burgos en Espagne alors qu’il avait encore beaucoup de projets à développer et de public à étonner…
Sa veuve, Aurelia, est retournée vivre à Buenos Aires un an plus tard. Au lieu de faire une vente aux enchères avec toutes les affaires de son mari, elle décida de remettre tout son matériel artistique entre de bonnes mains. C’est ainsi que je l’ai rencontré dans mon école de magie où j’avais l’habitude d’étudier. Elle est vite devenue une sorte de « mère artistique » pour moi. Elle m’a aidé dans de nombreuses routines magiques et un jour elle m’a demandé si je connaissais les ombres chinoises. Je lui ai joué quelques figures improvisées. Son jugement fut sans appels : « vos bases et vos concepts sont faux. Oubliez tout ce que vous savez faire car nous devons recommencer dès le début… » et c’est ce que nous avons fait ! J’ai commencé à étudier attentivement une ombre après l’autre avec quelques dessins que Fu Manchu avait donné à Yukito plusieurs années auparavant. Après un long moment, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai intégré une partie d’ombres chinoises dans mon spectacle de magie. Ce fut une expérience incroyable …
L’autre personne que je tiens à mettre en lumière est le grand magicien Gaston Quieto. Il fut le premier artiste et producteur qui m’a fait confiance en dehors de l’Argentine. Nous avons fait un très bon spectacle ensemble à Dubaï. Ensuite, mes ombres chinoises ont été demandées dans le monde entier. Merci à vous Yukito, Aurelia et Gaston !
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Depuis 2010 je travaille sur scène avec ma partenaire, Mary Anne. Sa présence dans mes numéros m’a apporté beaucoup de dynamisme et d’autres possibilités. Nous formons une très bonne équipe en mettant nos quatre mains projetées sur l’écran blanc…
Nous avons joué notre numéro dans toutes sortes de dîners de gala, de soirées, d’événements d’entreprise et plus spécialement à bord des navires de croisière.
Le navire est un lieu magique et privilégié pour apprécier notre numéro, et pour nous, c’est toujours un challenge de préparer et de personnaliser chacune de nos apparitions compte tenu des différentes nationalités et cultures des passagers.
Nous participons aussi à des clips musicaux, des spots TV, des vidéos d’entreprise, en utilisant les techniques d’ombres chinoises. Mention spéciale pour notre collaboration avec le réalisateur Kirk James Hendry avec qui nous avons fait quelques vidéos fantastiques. Il a apporté son esprit et sa créativité… moi mes mains et nous avons fait des courts-métrages diffusés pour la BBC et la WWF britannique.
Quelles sont les prestations d’artistes qui vous ont marqué ?
Comme je l’ai mentionné plus tôt, Yukito est le premier artiste qui m’a marqué. Mais aujourd’hui, j’ai une admiration particulière pour les italiens Carlo Truzzi et Simona. Ils sont fantastiques.
Quels sont les styles d’ombres qui vous attirent ?
J’aime tous les styles d’ombres chinoises, mais spécialement ceux qui sont projetés sur un écran pour créer de l’imagination et quelques messages pour le public grâce à des mouvements clairs et un peu de la magie.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un montreur d’ombres débutant ?
Je ne sais pas si je suis en mesure de donner mon avis… tout simplement parce que je suis encore en train d’étudier. Mais peut-être pourrais-je mentionner quelque chose d’important à garder à l’esprit tout le temps : de la même manière que lorsque nous avons commencé avec les premières ombres sur notre mur, lorsque nous réalisons nos « projections », nous sommes vraiment en train de dessiner. Le crayon est notre main et le papier est l’écran blanc. Ainsi, tous les concepts que vous appliquez en dessinant sont utiles pour votre numéro de « théâtre d’ombres ».
Quel regard portez-vous sur votre discipline actuellement ?
Au début, les ombres furent probablement réalisées à l’aide d’une bougie et d’un chiffon blanc pour projeter les formes… Aujourd’hui, nous avons beaucoup de possibilités techniques pour enrichir la représentation, mais sans perdre l’essence et la poésie qui ont toujours caractérisé les ombres chinoises.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche des ombres ?
Quand vous travaillez dans différents pays et pour des personnes de cultures différentes, vous êtes surpris tout le temps. Dans nos spectacles, nous réalisons généralement les mêmes formes d’ombres (par exemple la colombe), mais en fonction de l’âge, de la culture et du pays, les gens peuvent y voir un papillon, un oiseau, ou un aigle… Chaque ombre sera associée à leur histoire, leur environnement, leurs expériences…
Quels sont vos hobbies ?
Outre le métier de « montreur d’ombres », j’ai une autre profession : magicien. J’aime la magie depuis que je suis enfant. Mais je préfère tout ce que la magie peut exiger des compétences de l’artiste. Je pratique le Close-up (magie des pièces) et la manipulation (cartes, Foulards, balles, dés à coudre, etc.) J’aime également passer du temps devant mon ordinateur pour apprendre de nouvelles choses afin d’améliorer mes spectacles (son, vidéo, etc.)
– Interview réalisée en mai 2014.
A visiter :
– Le site de Serpico.
A voir :
– La chaîne YouTube de Serpico.
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