Écriture et conception : Rémi Larrousse et Benjamin Boudou. Scénographie : Sarah Bazennerye.
Sur scène est disposé un décor minimaliste composé de deux grandes portes rétro éclairées sur le dessus, de trois caisses et d’un guéridon éclairés par une ampoule. Sur fond de musique jazzy rythmée, un homme, prit de panique, entre sur scène. Il est pied nu et porte deux cintres sur lesquels sont disposé des vestes de costume. Il essaie d’enfiler la première mais des foulards et un chapelet de cartes s’échappent des manches. Il revêt alors la deuxième veste.
Les cintres chinois
Un peu près « présentable », il va pouvoir commencer sa représentation. C’est sans compter sur les cintres qui s’emmêlent entre eux, se coinçant même dans les passants et la ceinture de son pantalon. Ce sont bientôt quatre cintres qui s’enclavent ensemble, puis avec une scie à métaux !
Le script
Après cette loufoque et stimulante entrée en matière, Rémi Larrousse se présente au public : « C’est raté ! En fait je ne suis pas magicien mais comédien… ». Un garçon extrêmement sympathique et tout de suite attachant par son côté naïf et décalé. De formation théâtrale, il a joué des classiques comme Roméo et Juliette mais aussi des textes contemporains en interprétant, entre autre, une statue pendant deux heures sur scène, sans bouger ! Pour lui, la magie c’est nouveau.
Engagé par le théâtre pour exécuter un spectacle « clé en main », notre jeune novice va découvrir le monde secret de l’illusionnisme et du mentalisme dans des expériences variées, dictées par un mode d’emploi nommé Le script et du matériel fourni sur place. Il faut d’abord mettre en application la célèbre phrase de Jean-Eugène Robert-Houdin : « Le magicien n’est pas un jongleur, il est un acteur qui joue le rôle d’un magicien. »
La boulette
L’apprenti magicien prend une feuille du script qu’il froisse en boule et lance dans le public pour désigner un spectateur au hasard. Celui-ci monte sur scène et est le cobaye d’un test d’observation où une boulette de mouchoir en papier disparaît mystérieusement sous les yeux du témoin, avec la complicité de la salle. Une application du détournement d’attention cher à Tony Slydini.
Mentalisme
Un jeu de cartes est ensuite mélangé et présenté au spectateur qui choisit une carte librement. Le magicien devine approximativement la carte grâce à une réponse inscrite dans le script. L’expérience est répétée une deuxième et une troisième fois avec une progression dramatique et un crescendo supplémentaire, jusqu’à rendre mystérieux et incompréhensible ces révélations.
Carré magique
Un nombre entre 50 et 100 est choisit librement et écrit sur un bloc note par une spectatrice. Le magicien ouvre alors une des portes du décor qui laisse apercevoir une fenêtre à carreaux. Sur fond de musique, l’apprenti mentaliste élucubre frénétiquement des formules abracadabrantes en écrivant un tas de chiffres dans les carrés vitrés. Le verso de la fenêtre est constitué d’une ardoise qui lui sert à gribouiller un charabia algébrique incompréhensible.
Après des calculs de savant fou, le mentaliste demande à la spectatrice si elle voit son nombre sur la fenêtre. Celle si répond par la négative. Le mentaliste consulte alors son script et devine le nombre qu’elle a choisit. La révélation ne s’arrête pas là. On s’aperçoit vite que tous les chiffres du carré de fenêtre ont un rapport très particulier entre eux !
Après cet effet « killer », notre novice se transforme en vrai magicien et sa crédibilité a prit de la valeur. Il demande à un nouveau spectateur de penser à un nombre entre 100 et 700 et d’écrire ce nombre sur un carnet. Un deuxième, puis un troisième spectateur choisissent un nombre et le notent également sur le carnet. Le carnet est alors confié à une quatrième personne qui, par la suite, sera chargé de faire l’addition des trois nombres et d’en donner le résultat.
Book test
Deux personnes sont invitées sur scène. Le mentaliste leur confit un ouvrage à chacune.
Il demande à la première personne d’ouvrir son livre à n’importe qu’elle page et de choisir librement un mot d’au moins trois syllabes. Aidé du script et de sa plume, le mentaliste devine le mot en l’écrivant dans l’espace, lettre par lettre.
Un livre est donné à un spectateur dans la salle. Il choisit un nombre entre 100 et 200. Il retient ensuite le premier mot de la page correspondant à ce nombre. Le mentaliste devine, une nouvelle fois, le mot en l’écrivant dans l’espace. Il insiste sur le fait que chaque pages du livre sont différentes, qu’il n’y a pas de caméra, d’oreillette ou de miroir pour tricher. Il y a tout simplement des milliers de combinaison possibles…
C’est maintenant au tour de la deuxième spectatrice sur scène de s’arrêter sur une page de son choix, de tourner ensuite d’une page sur la gauche et de sélectionner un mot avec son doigt. Le livre est fermé. Le mentaliste prend alors un grand carnet et dessine dessus des chiffres et des lettres, comme un « code secret »…
Chapeau de Tabarin
Place au théâtre avec un plaisant intermède. Quand Rémi Larrousse faisait du théâtre, son professeur lui a offert un objet particulier : un cercle de feutre troué en son milieu, qui est devenu un fétiche. Avec ça il pouvait devenir n’importe qui et tenir tous les rôles qu’il rêvait : un pilote de voiture de course, un bébé, un pharaon, le sage Confucius, un maure d’Espagne, un toréador, un professeur d’Oxford, un mauvais élève avec son bonnet d’âne, une bonne sœur, le peintre Raphaël, Galilée, Christophe Colomb, un kozak russe, d’Artagnan, un pirate, Casanova, Napoléon, un samouraï, ou bien Cyrano.
Les bagues
Après avoir cité le magicien Alexander, Rémi Larrousse emprunte trois bagues dans le public pour une expérience troublante. Les bagues sont placées dans un verre à pied qui est remué, ce qui a pour conséquence d’enclaver les anneaux entre eux. L’ensemble est montré au public grâce à un bâtonnet. Les trois bagues sont authentifiées une à une par chaque spectateur. Après avoir soufflé dessus, les anneaux se désenclavent et sont redonnés à leur propriétaire.
Une clé enrubannée est sortie de plusieurs boîtes gigognes qui, au final, s’emboîtent à l’envers (contenu/contenant).
Le pic en métal
Deux spectateurs, « rationnels et septiques », sont conviés sur scène pour examiner quatre blocs de bois, dont un composé d’un énorme pic en métal. Ces blocs sont recouverts de grands gobelets opaques et mélangés par un spectateur sur scène, pendant que le magicien est retourné les yeux bandés.
Les gobelets sont alors disposés en ligne face au public. Les deux spectateurs aident le magicien à se déplacer. Son pied droit écrase au hasard un premier gobelet…vide ! Son pied gauche écrase au hasard un deuxième gobelet…vide ! La tension monte et le suspense est à son comble. Les deux blocs restant sont mélangés. Le magicien hésite longuement au choix de son pied et du gobelet à écraser. Finalement le pied gauche écrase un gobelet…vide ! Ne reste plus que le pic. Nous avons tous eu chaud dans ce numéro participatif spectaculaire revu et corrigé.
Retour à l’envoyeur
Après avoir consulter, une nouvelle fois, le script, Rémi Larrousse passe en revue les différents tours qu’il a montrés : les nombres infernaux, les lettres dans l’espace, les bagues… La dernière page du script mentionne « une prévisibilité » ; un tour dû au fruit du hasard.
Un spectateur est choisit de manière aléatoire dans la salle à l’aide du chapeau de Tabarin. Ce spectateur choisit librement un pays. Un deuxième spectateur choisit librement une ville. Un troisième spectateur choisit librement un nombre comprit entre 100 et 300. Un quatrième spectateur choisit librement un prénom masculin. Une prédiction, récapitulant les différents choix fait par les spectateurs au paravent, est révélée par le magicien.
Guéridon volant
La clé munie d’un ruban rouge est utilisée pour ouvrir une fenêtre qui donne sur une représentation poétique d’un paysage. La plume du début se trouve sur le rebord. Celle-ci est mise dans une petite boîte placée sur le guéridon. Une spectatrice est invitée sur scène. Elle tient, avec le magicien, la nappe du guéridon qui se met à léviter (Dirk Losander). Rémi Larrousse continu en solo cette lévitation.
Pour finir, le script est feuilleté et toutes les pages sont devenues blanches. Rêve, illusion, ou accomplissement du devoir ? Ce qui est sûr c’est que l’apprenti magicien est devenu autonome et a dépassé le simple stade de la copie pour s’approprier personnellement les tours qu’il a présenté. Aller au-delà des consignes, s’affranchir des idées toutes faites et prendre ses distances avec « un cahier des charges » trop didactique, telles sont les messages que Le script tente d’aborder.
Conclusion
Rémi Larrousse est un bon élève, il joue d’ailleurs ce rôle à merveille et tente par moment d’échapper à la convention. Le plus souvent il y arrive, même si quelques tableaux gagneraient à être plus développés et liés entre eux. Dans le registre de la magie théâtrale, les classiques de la prestidigitation sont dépoussiérés, mis en scène avec un nouvel habillage et une vraie justification de l’effet. Rémi Larrousse s’approprie le patrimoine magique avec intelligence et finesse. L’imagination, la créativité et l’énergie sont les moteurs de ce spectacle attachant, qui évoluera rapidement, tant l’envie créatrice de ce jeune magicien est palpable. A surveiller de très près pour les années à venir…
A lire :
– L’interview de Rémi Larrousse.
A visiter :
– Le site de Rémi Larrousse.
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