Pendant la grande période du vaudeville américain, les illusionnistes asiatiques et orientaux étaient très prisés, ainsi que les indiens (et pseudo-indiens). L’Orient mystérieux avait bien sûr toujours intrigué l’Occident et plus d’un magicien caucasien avait choisi de se transformer en oriental : Chung-Ling-Soo (William Robinson), Chin Sun Loo / Ching Ling Foo (Jean Hugard), Okito (Théodore Bamberg), Fu Manchu (David Bamberg), pour ne citer que les plus célèbres.
Ten Ichi, dont le vrai nom était Tenichi Shokyokusai Hattori, était un des rares vrais Japonais à être venu en Occident au début du XXe siècle. Il fit des tournées aux Etats-Unis de 1901 à 1905 et son spectacle était très impressionnant. Dans son autobiographie, Nate Leipzig décrit le spectacle de Ten Ichi comme l’un des plus originaux qu’il n’ait jamais vus.
Parmi ses numéros, Les Fontaines d’eau, une illusion, qui est l’une des plus fascinantes et des plus magiques jamais produites où l’on voyait Ten Ichi se promener gracieusement sur scène parmi ses assistants avec un bâton au bout duquel jaillissait de l’eau. Ce tour fut joué plus tard par Dante mais surtout transfiguré par Howard Thurston qui en fit son grand final pour son spectacle de 1919.
Thurston commençait par amadouer un petit jet d’eau d’un bol posé sur une table. Ce jet se retrouvait ensuite au bout d’une baguette et était transféré à différents endroits de la scène pour se multiplier et jaillir comme une fontaine des costumes ou des têtes des assistants. Peu à peu, les jets d’eau se multiplièrent jusqu’à remplir la scène d’une douzaine de fontaines mystérieuses. Le numéro se poursuivait avec un grand récipient d’eau, suspendu en coulisse, attaché avec des tubes en caoutchouc, à divers endroits de la scène, à des costumes et des accessoires. Le finale était une fontaine élaborée, au centre de la scène, avec une femme allongée horizontalement en lévitation, au-dessus des jets d’eau et tournant dans les airs avant que le rideau tombe sur elle.
Dans Ten Ichi Thumb Tie (Les Pouces liés) des volontaires attachaient les pouces du magicien ensemble, très serrés, puis lui envoyaient des anneaux qu’il attrapait avec ses bras, les passant mystérieusement à travers les liens qui serraient ses pouces. Ten Ichi a joué ce numéro aux États-Unis en 1901 puis à Londres en 1909. Il a enseigné The Thumb Tie à Carl Rosini et le tour a ensuite été publié dans le Tarbell’s Course In Magic, Vol. 4 en 1945.
Rentré au Japon, Ten Ichi fit des tournées avec plusieurs numéros achetés et ramenés des Etats-Unis. Sa troupe continua ses représentations sous le nom des Ko Ten Ichi (ou Ychi), Ten Ichi et Ten Ji Troupes, essentiellement en Grande-Bretagne de 1908 à 1928.
L’affiche Professor Tenichi fut imprimée pour la première représentation que le magicien donna après son retour au Japon, au Shintomi Theatre, le 1er janvier 1908. En haut de l’affiche nous voyons, de gauche à droite, Tenkatsu, une étudiante de Ten Ichi, Ten Ichi lui-même, puis un étudiant et le fils adoptif de Ten Ichi.
Revue L’illusionniste, n°31 de juillet 1904 (par le Servant de Scène)
A Marigny. — Les Ten-Ichi qui ont eu beaucoup de succès l’hiver dernier au Casino de Paris, viennent de débuter au Music-Hall des Champs-Elysées.
Le numéro est resté sensiblement tel qu’il était quand nous l’avons vu pour la première fois à Paris ; seul le commencement est changé. Ce n’est plus la jeune demoiselle qui exécute les petits tours préliminaires, mais un jeune homme, probablement son frère.
Voici ce qu’il nous a été donné de voir : Une feuille de papier est brûlée et transformée en plusieurs rubans de même nature et de différentes couleurs long chacun de 5 à 6 mètres. Ces rubans réunis dans les mains sont transformés en d’autres plus larges. Une fusée se trouve au centre de ces derniers, elle est allumée, il en part une gerbe d’étincelles, après quoi, un coq est sorti du milieu de ces papiers. Après cela, le magicien exécute le tour du papier déchiré et raccommodé, comme de Bière le faisait au Moulin-Rouge. Ensuite apparitions de trois petits foulards un à un et disparition des trois à la fois. D’une bougie qui brûle un petit drapeau
français est tiré. Ce petit drapeau devient un grand drapeau américain (Sans hampe). Arrive après cela le chef de la troupe qui exécute le fameux tour des pouces attachés dont il a été parlé ici même et pour terminer le grand truc de l’eau sortant en jets de toutes parts […]
A lire :
– Oriental Conjuring and Magic.
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