Juste après la conférence d’Apollinaire en novembre 1917 qui encourageait les poètes à se diriger vers le cinéma, Philippe Soupault (1897-1990), qui avec André Breton remettent au gout du jour (à des fins exclusivement littéraires) la pratique de l’écriture automatique inventée par les spirites, rédige de 1917 à 1918 six poèmes cinématographiques réunis par une même thématique, une même construction en forme de rêves surréalistes : Indifférence, Rage, Force, Adieu, Gloire et Regret. Pour l’auteur, le texte d’Indifférence lui semble capital, car il s’agit du premier scénario consciemment surréaliste où l’illogisme est roi et le réel est en constante transformation.
Indifférence (1917)
« Je gravis une route verticale. Au sommet s’étend une plaine où souffle un vent violent. Devant moi des rochers se gonflent et deviennent énormes. Je penche la tête et je passe au travers. J’arrive dans un jardin aux fleurs et aux herbes monstrueusement grandes. Je m’assieds sur un banc. Apparaît brusquement à mon côté un homme qui se change en femme, puis en vieillard. A ce moment apparaît un autre vieillard qui se change en enfant puis en femme. Puis bientôt et peu à peu une foule disparate d’hommes, de femmes, etc. gesticule, tandis que je demeure immobile. Je me lève et tous disparaissent, je m’installe à la terrasse d’un café, mais tous les objets, les chaises, les tables, les fusains dans les tonneaux, se groupent autour de moi et me gênent, tandis que le garçon tourne autour de ce groupe avec une rapidité uniformément accélérée ; les arbres abaissent leurs branches, les tramways, les autos passent à toute vitesse, je m’élance et saute par-dessus les maisons. Je suis sur un toit en face d’une horloge qui grandit, grandit tandis que les aiguilles tournent de plus en plus vite. Je me jette du toit et sur le trottoir j’allume une cigarette. »
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