Penn Fraser Jillette et Raymond Joseph Teller sont un duo de magiciens comiques américains travaillant ensemble depuis 1975 dans la tradition clownesque. Penn est le clown blanc parlant beaucoup, comme un moulin à paroles et Teller est l’Auguste, le faire valoir de Penn restant muet, s’exprimant par le mime et subissant les actions. Penn est grand, costaud et a la particularité d’avoir du vernis rouge sur l’ongle de l’annulaire gauche (en hommage à sa mère). Teller est petit et drôle malgré lui. Ce contraste physique est la base de leur jeu rappelant le duo Laurel & Hardy, en costume-cravate.
Ils ont plusieurs cordes à leur arc. Penn est magicien, jongleur, comédien, musicien, inventeur, acteur et auteur à succès. Teller est illusionniste, écrivain, acteur, peintre et réalisateur. Penn & Teller sont le « poil à gratter » de la magie en la redéfinissant par la comédie, la farce, le non-sens, le mime, le débinage et la mystification. Ils se définissent eux-mêmes comme « un couple de gars excentriques qui ont appris à faire des choses cools ».
Parcours
Au début des années 1970, Penn est un jongleur très inspiré par la culture Punk. Après un passage à la Ringling Bros. and Barnum & Bailey Clown College pour apprendre le monocycle et l’art clownesque, il vivote en faisant des petits boulots et en jonglant dans les bars et dans la rue. Il se passionne aussi pour l’illusionnisme après avoir vu James Randi. Quand à Teller, après avoir suivi des cours d’art dramatique, il devient enseignant et dispense le latin au lycée de Trenton dans le New Jersey. Parallèlement, il écrit ses propres livres (en latin), peint (ses parents sont artistes) et pratique la prestidigitation.
Les deux hommes se rencontrent par l’intermédiaire du musicien Wier Chrisemer, fondateur du Othmar Schoeck Memorial Society for the Preservation of Unusual and Disgusting Music) et présentent leur premier spectacle au Minnesota Renaissance Festival en août 1975. Jusqu’en 1977, Penn, Teller et Chrisemer se produisent en trio sous le nom de « The Asparagus Valley Cultural Society », à San Francisco. Chrisemer quitte le groupe, après avoir contribué à la conception de numéros comme le fameux Shadows de Teller.
C’est alors le grand saut pour Penn & Teller qui vont commencer leur collaboration en duo (officiellement en 1981) et passer pour la première fois à la télévision américaine en 1977 au Mike Douglas show. De 1980 à 1984, ils donnent des spectacles dans des clubs de San Francisco et Los Angeles et se font appeler les « bad boys of magic ». Ils mettent en scène leur premier spectacle en 1982 intitulé Mme Lonsberry’s Seance of horror avec Donna Davis dans le rôle de Mrs Lonsberry, médium qui utilise ses compétences occultes avec son fils Julian (Teller) pour ressusciter les morts, défier les lois de la physique et explorer les pouvoirs cachés de l’esprit. Ils collaborent ensuite avec le « Great Tomsoni », Johnny Thompson qui deviendra leur consultant magique sur tous leurs spectacles ainsi que le producteur de leur émission Fool Us, jusqu’à sa mort en 2019.
En 1993, leur carrière débute à Las Vegas et ils sont engagés au Bally’s. En 2001, ils migrent au Rio où ils sont toujours à l’affiche, 18 ans après. Dans les années 2000, Penn & Teller provoquent une controverse au sein de leur profession en présentant une série de spectacles et d’interventions télévisuelles expliquant comment des tours sont réalisés. Ces illusions ont été créées dans le cadre de représentations spécifiques ne révélant pas les trucs d’autres magiciens. Au-delà du simple débinage et sous prétexte de montrer le fonctionnement de certaines illusions (comme le jeu des gobelets), ils en profitent pour démontrer tout le travail de présentation et de misdirection d’une routine et tromper encore plus les spectateurs au final.
De 2003 à 2010, l’émission Bullshit (primées plusieurs fois aux Emmy Awards) propose un regard sceptique sur des sujets comme le paranormal, les pseudosciences, les médiums, les théories du complot et la religion. Les opinions politiques et sociales excentriques et largement libertaires des deux hommes ont souvent été mises en évidence, sur des sujets traitant de la guerre, de la drogue et du contrôle des armes à feu.
En 2011, ils inaugurent un nouveau concept télévisuel avec Fool Us sur la chaîne ITV (au Royaume-Unis) puis sur CW (aux Etats-Unis à partir de 2014), un concours de magie extrêmement populaire dans lequel des illusionnistes (après avoir été présentés) exécutent des tours devant le duo stars en essayant de les tromper. Cette émission, contrairement à beaucoup d’autres (notamment la Street magic) est réalisée sans trucages caméra et les téléspectateurs voient exactement ce que le public de l’émission a devant les yeux puisque la configuration est celle d’une scène de spectacle.
En 2016, ils sont élus « magiciens de l’année » à Las Vegas, et leurs 15 années de présence à l’hôtel casino le Rio en font le plus long spectacle de magie en résidence de la ville avec celui de leur ami Mac King au Harrah’s. Les deux hommes sont unanimement reconnus par le public et la critique, mais aussi par le monde universitaire. Ils sont des chercheurs invités au Massachusetts Institute of Technology et donnent des conférences à l’Université d’Oxford sur la magie, la psychologie et l’interaction avec le public. Penn & Teller ont investi régulièrement les scènes de Broadway à New-York avec des représentations à guichets fermés dès 1985 (au West side Arts) puis en 1991, 2001 et 2015. Ils ont même eu leur propre show permanent au Ritz en 1987.
Il n’y a pas que la magie dans la vie
Penn & Teller ne montrent aucun signe de fatigue et une longévité à toute épreuve. Ils sont présents partout dans les médias et sont les magiciens les plus populaires des Etats-Unis, dépassant même David Copperfield du fait de leur sur-médiatisation. Reconnaissance suprême, ils ont leurs étoiles sur le Walk of Fame à Hollywood depuis 2013. Le duo fait partie des magiciens les plus riches du monde après… David Copperfield. Leur statut d’icônes culturelles est également dû à leurs différentes activités, très prolifiques, en dehors de la magie. Ils sont également acteurs de séries télévisuelles, présentateurs, animateurs, invités et participants d’émissions de télévisions, auteurs de pièces de théâtre, écrivains, réalisateurs de documentaires et même musiciens.
Penn & Teller sont les champions des apparitions à la télévision américaines, de The Tonight Show (Jimmy Fallon) à Friends (1997), des Simpson (1996) à The Late Show (StephenColbert), de Modern Family (2015) à Top Chef (2009). Penn & Teller ont joué un certain nombre de rôles dans différentes séries comme Sabrina the Teenage Witch (1996), Babylon 5 (1998) et The West Wing (2004). En 2011, Le duo est réuni à l’écran pour l’émission Tell a Lie sur Discovery Channel où ils racontent sept histoires incroyables, dont seules six sont véridiques.
Penn & Teller apparaissent aussi dans des films et sont même les têtes d’affiche de Get Killed d’Arthur Penn en 1989.
Penn & Teller ont écrit ensemble des best-sellers comme Cruel tricks for dear friends (1989), How to play with your food (1992) et How to play in traffic (1997). Ils ont aussi écrit des articles pour le New York Times.
En 2008 la chanteuse pop Katy Perry leur demande d’être les covedettes de son clip vidéo Waking Up in Vegas.
Les deux compères savent aussi travailler chacun de leur côté. Penn présente le jeu télévisé Identity sur NBC de 2006 à 2007. Il anime également une émission-débat sur une radio FM pendant un peu plus d’un an en 2006. Il participe à Dancing With The Stars sur ABC en 2008. Penn conçoit et produit The Aristocrats en 2005. The Aristocrats est une blague transgressive qui défie les tabous et racontée par de nombreux humoristes et comédiens depuis l’époque du vaudeville. C’est la partie médiane de la blague – qui peut être aussi longue que celle qui la précède et qui est souvent complètement improvisée. Penn écrit trois livres, dont les best-sellers du New York Times God No! (2011) Et Presto ! (2016).
Teller co-écrit le spectacle Play Dead avec le magicien Todd Robbins joué à Broadway en 2010, mettant en scène une certaine Eusapia Palladino (jouée par Geri Berman) et rendant hommage aux Spook shows des années 1930 et 1940. Il met également en scène avec Aaron Posner des versions théâtrales et magiques de Macbeth en 2008 et 2015 et de La Tempête en 2014. Teller réalise et produit le documentaire Tim’s Vermeer (2013) sur les efforts de l’inventeur Tim Jenison pour reproduire les techniques du peinture Johannes Vermeer, afin de tester sa théorie selon laquelle le maître hollandais peignait à l’aide de dispositifs optiques.
LE SPECTACLE AU RIO
Aller voir Penn & Teller au Rio se mérite car cet hôtel casino est excentré du Strip et une sérieuse marche à pied s’impose (si on est sportif) où l’on travers, à la nuit tombée, l’autoroute et des terrains vagues peu recommandables… Dans le hall de la salle de spectacle, les spectateurs sont invités à prendre, dans des présentoires, un gobelet et quatre cartes différentes qui serviront à un tour lors de la représentation.
Le public peut entrer dans la salle de spectacle une heure avant la représentation pour assister à un « show before the show » (nom du CD en vente et sortie en mars 2018) en la compagnie de Mike Jones (au piano) et Penn Jillette (à la contrebasse) qui proposent un concert de jazz. Pendant ce long entracte musical, les spectateurs peuvent monter sur scène examiner deux boîtes, l’une en plexiglass et l’autre en bois sur roulettes. Boîtes qui serviront au tour d’entrée de Penn & Teller.
Les boîtes
Penn arrive sur scène et Teller sort de la boîte en bois (examinée plus tôt par les spectateurs et exposée vide). Penn annonce : « nous sommes là pour vous tromper ! » et explique au public que Teller va essayer de s’échapper des deux boîtes ; enfermé dans celle en plexiglass elle-même placée dans celle en bois fermée par des cadenas.
Penn énumère les différents moyens de s’échapper et parle bien évidemment de Harry Houdini et du tour Metamorphosis, une malle des Indes conçue par John Nevil Maskelyne. Il donne ensuite le choix aux spectateurs d’être trompés ou non en leur demandant de fermer ou non leurs yeux avant que le truc ne soit révélé sur scène. Pour les curieux qui ont gardé leurs yeux ouverts, on voit Teller sortir sa tête par un trucage mécanique de la boîte en bois et s’allonger tranquillement dessus.
Le foulard dansant
Le pianiste Mike Jones accompagné de Penn à la contrebasse jouent pour Teller qui fait léviter sur toute la scène un foulard en soufflant dans un saxophone. Il confectionne ensuite un petit chapeau avec le foulard qu’il place brièvement sur la tête du pianiste. Le bout de tissu est ensuite roulé en boule et fait des facéties en s’envolant comme un feu follet. Teller déchire alors un bout de foulard, en avale une partie et souffle des confettis par le saxophone. Le trio nous a présenté une version jazzy du foulard dansant (également connu sous le nom de The Dancing Handkerchief ou The Spirit Handkerchief), une illusion dans laquelle un foulard semble prendre vie et se déplacer sur la scène à la demande du magicien. Le tour est réalisé pour la première fois par Nevil Maskelyne en 1888 qui fit sortir le mouchoir d’un cabinet spirit. Frederick Eugene Powell en fit une copie aux États-Unis en 1891. Harry Kellar adopta cet effet en 1894 avec sa routine Le fantôme de Cagliostro dans son spectacle Cassadaga Propaganda. L’effet fut publié pour la première fois en 1895 dans l’ouvrage The Modern Wizard de August Roterberg. Charles T. Aldrich fut l’un des premiers à abandonner l’aspect « spirit » et à présenter l’effet comme une comédie. Le foulard dansant sera présenté à la perfection par Harry Blackstone qui le popularisa. Par la suite, plusieurs magiciens célèbres adopteront ce tour comme Howard Thurston, Harry Willard, John Calvert, David Copperfield, Harry Blackstone Jr., Lance Burton… A noter que Le foulard dansant sera détourné à des fins douteuses comme avec la célèbre médium Anna Eva Fay (1851-1927) qui présentait un effet similaire comme une véritable démonstration spitite.
La prédiction
Cinq spectateurs sont invités à prendre place sur scène. Une prédiction est enfermée dans une grosse bouteille semi opaque suspendue au-dessus de la scène. Des mots sont écrits sur un grand tableau : number, password, football, login, master, monkey, welcome. Ainsi que des chiffres de 1 à 9.
Les quatre spectateurs doivent écrire sur un papier un code Pin, une chanteuse de leur choix, etc. Ces papiers sont placés dans un sac et Penn devine un par un ce qui est marqué dessus. Les spectateurs doivent ensuite choisir une lettre de leur mot qui sera marquée sur le tableau. Pour compléter ces quatre lettres, un dé en mousse est lancé dans la salle pour désigner au hasard quatre autres personnes à donner un chiffre de leur choix (noté également sur le tableau). La bouteille est descendue et Teller, armé d’un marteau, de gants et de lunettes de protection casse le récipient au-dessus d’une grande bâche en plastique pour prendre la prédiction et révéler les similitudes avec les choix des spectateurs. Cette routine est assez laborieuse et nous voyons mal où Penn veut emmener les spectateurs avec leurs choix sans queue ni tête. Reste que la méthode pour la révélation finale est diabolique et se fait en toute « transparence » relative.
Les anneaux chinois
Une spectatrice est invitée sur scène pour assister au fameux tour des anneaux chinois. Teller lui présente la version de scène avec six grands anneaux en réalisant des enclavements et des désenclavements classiques. Penn révèle le truc de la « clé », mais quand il réalise la version close-up avec de petits anneaux, la spectatrice est encore plus perdue. Les anneaux chinois (Chinese Linking Rings) sont considérés comme un classique de la magie. Dans l’effet traditionnel, des anneaux métalliques solides semblent s’enclaver et se désenclaver entres eux, passer les uns dans les autres ou former des chaînes et autres motifs à configurations complexes. Le nombre d’anneaux utilisés peut varier de deux à dix, voire plus.
Le magicien chinois Ching Ling Foo
(1854-1922) a été l’un des premiers à avoir présenté l’effet des anneaux chinois sous la forme que nous
connaissons aujourd’hui. Les spéculations sur l’origine de l’effet ont conduit
à la Turquie, à l’Egypte et au Moyen-Orient, pour remonter jusqu’au 1er siècle.
Une première description des anneaux
chinois apparaît dans l’ouvrage Hoffmann’s
Modern Magic (1876) avec huit anneaux. La même année, le tableau Une Soirée Oisive
au Serail de Giacomo Mantegazza (1876) montre une
fille de harem tenant un ensemble de d’anneaux au-dessus de sa tête ressemblant
à un confondant et troublant effet de chaîne.
En 1988, le magicien japonais Masahiro Yanagida
exécute sa routine d’anneaux chinois
miniatures, les Ninja Rings, à l’aide
de quatre anneaux de 11cm de diamètre (routine popularisée par Shoot Ogawa). Depuis
l’effet, essentiellement présenté sur scène, est devenu un incontournable pour les
magiciens de close-up.
Street magic
Fervent défenseurs d’une magie télévisuelle « non truquée », Penn & Teller se moquent gentiment des « street magiciens » qui prétendent réaliser des miracles impossibles, Criss Angel en tête, et proposent au public de découvrir comment ça marche vraiment. Pour cela, ils présentent aux spectateurs un dispositif qui reconstitue une partie d’un immeuble en extérieur où l’on voit les « coulisses » et les trucages employés. Penn & Teller, habillés en sweet-shirt à capuche comme des « d’jeunes », demandent à deux spectateurs de monter sur scène pour jouer un public lambda et un caméraman filme en directe la scène qui est retranscrite sur les deux écrans géants du théâtre. Les deux magiciens font choisir une carte à une femme qui est accoudée à la fenêtre de l’immeuble. Cette carte sort ensuite magiquement de la manche d’Elvis Presley, représenté en photo dans un cadre du salon. Teller s’assoie ensuite sur une chaise qui est recouverte d’un drap et se met à léviter, grâce à un chariot élévateur caché derrière le décor, hors-champ de la caméra. Un grand cerceau est passé autour du drap avant que celui-ci ne soit retiré et que Teller disparaisse dans les airs pour réapparaître parmi le public sur scène.
Estimation
Penn jongle avec trois balles et annonce que la jonglerie est du pur entrainement. Teller arrive assis sur un praticable motorisé et déguisé en magicien stéréotypé portant un chapeau pointu comme Merlin l’enchanteur. Un spectateur est invité à couper un jeu de cartes en deux et garder une carte de son choix dans sa poche. Penn estime au poids le nombre exact de cartes que le spectateur a pris en les comptant une par une. Teller montre ensuite dans son jeu jumbo, face en l’air, une carte face en bas qui se révèle être la carte choisie, et mise de côté, par le spectateur.
Le portrait du spectateur
Teller présente une plaque de verre et la place sur un présentoir à hauteur d’homme pour qu’un spectateur puisse dessiner le visage d’un autre spectateur par transparence grâce à trois feutres de couleurs différentes. L’œuvre est ensuite signée par le dessinateur et Teller. La plaque est mise dans un sac transparent et cassée très visiblement grâce à un marteau. Tous les morceaux sont placés sur un plateau et sont étalés. On voit les différentes couleurs sur les bris de verre. Le plateau est alors déversé dans un cube transparent qui produit de la fumée. On entend alors les morceaux se reconstituer et la plaque réapparait intacte avec le dessin d’origine dessus et signé. Superbe numéro métaphorique qui laisse un souvenir inoubliable au spectateur où la créativité sort gagnante de la censure.
Les bambous chinois
Penn montre deux bâtons ensemble dans une main, chacun a des pompons attachés à l’extrémité d’une ficelle. Quand le magicien tire sur un pompon, l’autre monte, et inversement. Pour prouver que les bâtons ne sont pas connectés, Penn les sépare à une extrémité. Pourtant, il est toujours capable d’abaisser un pompon tout en faisant remonter l’autre. Pour prouver que les bâtons ne sont pas connectés, le magicien les sépare complètement et même lorsqu’ils sont déconnectés, les pompons continuent à monter et à descendre à travers les bâtons. La ficelle est alors coupée et un troisième bâton est présenté, qui à distance fait quand même remonter le pompon des autres bâtons. Penn présente parfaitement ce classique de la magie devenu ringard avec le temps en l’introduisant comme un tour « stupide », donc « has been » et en insistant sur le côté psychologique de l’effet qui s’apparente à un casse-tête avec ses « figures de corrélations » entre deux puis trois accessoires nommés A, B et C.
Les bambous chinois également appelés Chinese Sticks (Chinese Wands, Mora Wands ou Hindu Wands) est un effet basé sur le tour des Piliers de Salomon dans lequel les bâtons ne pouvaient pas être complètement séparés. The Pillars of Solomon and the Magic Bradawl est en effet décrit dans le livre Hoffmann’s Modern Magic (1876). The Hindu Wands and Cords créé par R.M. Jamison est décrit dans le volume 2 de Hugard’s Magic Monthly de 1944. Une version qui se termine par le démontage des baguettes sans ficelles visibles est due à Martin Lewis et publiée en 1985 dans l’ouvrage Martin’s Miracles sous le titre The Inscrutable Sticks. En 1986, Gaëtan Bloom proposera une version détournée du classique avec des pompes à vélo (Potty Bicycle Pumps) ! Les bambous chinois furent présentés par Silent Mora, Fred Keating, Roy Benson, Fred Kaps, Ali Bongo…
Prédictions
Voici une série de prédictions de cartes utilisant différents procédés qui sont ensuite révélés au public. Penn fait choisir une carte au stop par une spectatrice et Teller la devine en la dessinant sur un tableau. Penn révèle le système de « code verbal » pour communiquer à son compère le nom de la carte choisie ou forcée. Penn s’assoit ensuite à une table avec la spectatrice, lui fait choisir une carte et demande à Teller de la deviner à nouveau. Les deux magiciens révèlent la méthode du « code du silence » (1989), un tour de Gary Kurtz inspiré de Positional Codes (1959) de Tony Corinda qui donne le nom de la carte suivant l’emplacement du jeu sur le tapis… No comment.
Ensuite, le jeu est étalé et la spectatrice choisit librement une carte et la cache dans sa main. Cette carte est montrée à Teller qui ne bouge pas d’un poil, ne cligne pas des yeux, ni ne dit un mot. Dans ces conditions extrêmes, Penn devine quand-même la carte de la spectatrice. Le principe ne sera pas expliqué.
Le magazine coupé et raccommodé
Penn présente une feuille de magazine, passe derrière un paravent et fait ressortir que ses mains pour déchirer lentement chaque feuille pour reconstituer au final le magazine. Un verre d’eau est ensuite produit du magazine roulé en cône, quand soudain Penn arrive sur scène. Mais alors, qui est derrière le paravent depuis le début ? C’est Teller déguisé en Penn. Une transposition finale surprise pour un effet classique. Au XIXe siècle détruire et restaurer une feuille de papier, un ruban, une ficelle ou une carte, sont monnaie courante. L’utilisation d’un journal est relatée en 1903 dans une lettre de Hugall Benedict adressée à Ellis Stanyon dans la revue Magic, Vol. 3, N° 3 d’avril. C’est à partir de 1928 que différentes versions sont proposées dont celle de Al Baker en 1931. Une version « avec poche » qui est devenue un classique publiée dans la revue The Linking Ring, Vol. XI, N° 10. Ou la version de Tom Sellers, The Torn and Restored Paper (1931).
Solid Gold Fish
Teller confie un bocal à une spectatrice. Il plonge ensuite ses mains dans un aquarium et produit des pièces qu’il déverse dans le bocal ; ceci à plusieurs reprises. Il enchaîne avec une routine classique de chasse aux pièces sur la spectatrice. Pour terminer, Teller prend une poignée de pièces et fait semblant de les faire disparaître dans l’eau. La deuxième fois est la bonne, puisque les pièces se volatilisent dans l’aquarium faisant apparaître une multitude de poissons rouges. La spectatrice repart avec le bocal et un poisson qui se transforme une dernière fois en pièce.
C’est une superbe routine qui détourne astucieusement la fameuse chasse aux pièces traditionnelle avec l’ajout de l’eau, un élément qui nous fait remonter à l’Antiquité grecque, au roi Midas et à la fameuse source du Pactole qui contenait des paillettes d’or après son passage.
Miser’s Dream (le rêve de l’avare ou la chasse aux pièces) est une routine dans laquelle le magicien produit des pièces de monnaie dans les airs et les dépose dans un réceptacle, généralement un seau en métal. Il a été inventé au XIXe siècle et présenté par De Linski, puis Robert-Houdin en 1852 sous le titre Pluie d’or. Compars Herrmann était également adepte de ce tour vers les années 1861. Mais la véritable révolution arrive avec l’américain T. Nelson Downs vers 1895, sous le titre du Trésor aérien, où il utilisait un chapeau à la place d’un seau. Le tour est alors popularisé et intégrera le répertoire de milliers de magiciens. Cette routine est vite devenue un classique, pratiqué entre autre par Al Fosso, Paul Fox, John Ramsay, Harry Willard, Penn & Teller. La meilleure version (classique) étant celle de Jeff McBride. La chasse aux pièces est décrite dans le Tarbell Course in Magic, Lesson 23 (1927), dans Classic Secrets of Magic de Bruce Elliott (1953) et dans The New Modern Coin Magic de J. B Bobo (1966).
Love Ritual
Penn & Teller nous propose un « rituel d’amour » avec les quatre cartes et le gobelet prient en amont du spectacle. Tout le monde est invité à prendre les cartes en main et à les mélanger face en bas. Ensuite, les cartes sont pliées en deux dans leur longueur et déchirées. Les deux petits paquets de moitiés sont mis l’un sur l’autre. S’en suit un mélange des petits morceaux dans une procédure dictée par les deux magiciens en plaçant des morceaux dessous, des morceaux au milieu et en mettant de côté un morceau face en bas sur son cœur. On échange ensuite une demi carte avec son voisin et on élimine petit à petit tous les autres morceaux dans le gobelet selon une procédure spécifique jusqu’à ce qu’il nous reste plus qu’une demi carte. Demi carte qui correspond à celle placée sur notre cœur. Le spectateur a retrouvé « sa moitié » grâce à son voisin ou à sa voisine. Un beau moment de communion entre spectateurs même si la routine est un peu trop longue pour arriver à l’effet.
Love Ritual est une création de Woody Aragon conçue en 2011 sous le titre Before You Read Any Further…How To Find Your Other Half ! dans l’ouvrage A Book in English, Elle-même inspirée du Redivider de Max Maven.
The secret pasture of Penn & Teller
Dans la tradition de la disparition d’un éléphant effectuée par Harry Houdini à l’hippodrome de New York en 1918, Penn & Teller nous proposent leur version scénique avec une vache déguisée en éléphant. Une vidéo nous montre une mise en situation du pachyderme broutant dans les prés. Des spectateurs sont invités à encercler un praticable (monté sur roulette hors du sol) sur scène où se trouve la bête et à joindre leurs mains. Un rideau est descendu et la vache-éléphant se transforme en poule.
Ce dernier tour est « la vitrine » du spectacle et une sculpture de Penn & Teller avec un éléphant est présente dans le hall de l’hôtel. N’en reste que l’effet est un anti climax qui plombe le final du show car il y a volontairement double tromperie sur la marchandise (l’éléphant est une vache et la disparition est remplacée par une transformation). Le public attend un autre effet qui ne viendra pas et reste sur sa faim, dommage.
Conclusion
Le spectacle de Penn & Teller est très bien rôdé et on sent le travail d’équipe derrière chaque numéro. Comme à leur habitude, le duo n’a pas son pareil pour jouer sur les contrastes, impliquer les spectateurs et critiquer gentiment le monde des magiciens et leur répertoire uniformisé.
Leur jeu est millimétré. Penn débite à la mitraillette des textes extrêmement bien écrits ; peut-être un peu trop par moment, ce qui fait perdre le fil de l’effet et affaiblit la dramaturgie de certains tours. Teller développe un jeu minimaliste où chaque geste et micro expression de son visage trahissent volontairement sa pensée. Son attitude lasse et clownesque fait merveille. Malgré cela, nous sortons du spectacle avec une sensation mitigée due à un répertoire inégale. On sent que les numéros sont interchangeables et que la greffe ne prend pas dans certaines transitions. Le duo se perd parfois dans le débinage gratuit sans rien derrière, ce qui n’est pas dans leur habitude. Cette sensation est aussi et surtout renforcée par un final loupé.
A lire :
- Penn & Teller ou L’émergence de l’illusionnisme post-moderne de Frédéric Tabet. Dans l’ouvrage collectif Magie, un défi à notre intelligence de Jacques Serrano (dir.). Paris, Descartes et Cie, 2017, pp. 155-175.
- Penn & Teller 2003.
- Penn & Teller 2009.
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