Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
Mon fils allait fêter ses 10 ans et je cherchais un cadeau pour son anniversaire. Une boîte de magie me semblait bien adaptée, mais j’avais toutefois le souvenir – ayant reçu dans mon enfance ce même jouet pour Noël – d’un cadeau qui n’avait pas tout à fait répondu à mes attentes. C’était une boîte plate avec des morceaux de carton à déplier, quelques objets en plastique et des notices, qui me semblaient interminables à lire.
Je me suis donc mis en tête d’offrir à mon fils une boîte de magie vraiment « Magique ». J’étais dans cette quête lorsque par hasard dans un centre commercial je suis tombé sur un magicien qui vendait des tours de magie en faisant des démonstrations. C’est en voyant la magie « en action » que j’ai vraiment ressenti l’émotion magique. J’ai aussitôt abandonné l’idée de la boîte de magie au profit d’un tour, un seul. Il s’agissait du célébrissime foulard qui disparaît (au FP). Bien exécuté, à un mètre des yeux du novice que j’étais, ce fut pour moi un véritable coup de foudre. En fait, je me suis rendu compte que je voulais avant tout offrir en cadeau une émotion et non pas seulement un objet.
J’ai acheté le tour et je l’ai travaillé sans relâche jusqu’au jour de l’anniversaire. Au moment d’offrir les cadeaux j’ai fait ce tour à mon fils, et devant une assistance assez nombreuse car nous étions aussi réunis pour une fête entre voisins. Ce fut un véritable petit miracle. J’ai vu les yeux de mon petit garçon pétiller… et l’assistance médusée. Ce fut pour moi le vrai déclic !
J’avais aussi acheté un livre de magie très illustré avec beaucoup de photos chez Paris Magic, un magasin tenu alors par le magicien Guy Lore. Je l’avais fait dédicacer par Guy Lore et Daniel Vuittenez qui en étaient les auteurs. Et c’est en faisant ce cadeau que je suis moi-même « entré en magie » en me découvrant une passion pour cet art. C’était le scénario de l’arroseur arrosé. J’avais 45 ans.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Mes premières prestations magiques professionnelles ont été des animations dans les salons professionnels spécialisés dans les technologies de l’information. Lorsque j’ai véritablement franchi le pas j’étais journaliste depuis plus de 15 ans et je travaillais pour les revues spécialisées dans ce domaine et pour les journaux économiques. Je connaissais bien les produits et les technologies et ce fut un atout énorme pour opérer comme « traffic stopper » dans ces salons qui regroupaient parfois plus de 2000 exposants. Je devais créer des attroupements sur le stand de mes clients en présentant leurs produits de manière magique.
J’ai appris avec les livres et quelques K7 VHS incontournables (Bernard Bilis notamment) mais surtout grâce au magicien Mickaël Stutzinger. C’est un excellent cartomane qui a été mon professeur et qui m’a véritablement appris les fondamentaux de la magie.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidés ? À l’inverse, un événement vous a t-il freiné ?
La personne qui m’a vraiment aidé à mes débuts est Mickaël Stutzinger qui est allé bien plus loin que la cartomagie dans ses cours en s’efforçant de me faire comprendre ce que j’appellerai « l’esprit magique ». J’ai aussi pu bénéficier de la bienveillance et de la gentillesse du magicien ballooner Arthur Tivoli qui m’a souvent donné de son temps pour me conseiller ou m’apprendre les subtilités (et elles étaient nombreuses) qui m’échappaient.
A cette époque, (fin des années 1990) Arthur avec d’autres magiciens tels que Théo Dary ou Arnaud Debaizieux animaient des soirées magiques au Horse’s Mouth, un pub à Paris qui, environ une fois par mois, proposait une scène ouverte. Amateurs et professionnels s’y retrouvaient en improvisant un spectacle qui était rémunéré au chapeau. C’est la première fois que j’ai été payé pour une prestation magique. Ce n’était pas grand chose quelques dizaines de francs de l’époque (environ 10 euros !) mais ce fut un moment assez symbolique pour moi.
Je n’ai pas connu de freins majeurs à mon objectif de vivre un jour de la magie si ce n’est ceux qui étaient liés à mes propres craintes et à celles, légitimes, de mon entourage proche. L’enjeu était de réussir une reconversion radicale alors que j’avais un métier (journaliste), des responsabilités familiales…
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Aujourd’hui, hormis les prestations de close-up pour les entreprises, et des spectacles ou j’incarne un magicien (Méliès Cabaret Magique avec la compagnie le Théâtre à Bretelles) je joue principalement des spectacles destinés aux enfants et aux familles. Ces spectacles (Le Souffle Magique, Le Magicien de Papier, Abracabaret…) allient conte, théâtre et magie et sont depuis plusieurs années régulièrement programmés dans les centres culturels et dans les festivals jeune public.
Je parcoure donc toute l’année les routes de France de Belgique et de Suisse avec tous les accessoires et les décors nécessaires aux spectacles. Il m’arrive aussi de devoir résoudre certains problèmes d’encombrement du matériel lors de tournées où l’avion s’impose comme en Guadeloupe ou en Algérie.
Quelles sont les prestations de magiciens qui vous ont marquées ?
Je suis impressionné et séduit pour des raisons diverses par les prestations de magiciens tels que Gaëtan Bloom, Juan Tamariz, Otto Wessely, Bebel, Norbert Ferré ou Xavier Mortimer. Ce sont des artistes de talent dont j’admire la créativité, la présence scènique, l’humour ou la poésie.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Plutôt qu’un style de magie, je dirais plutôt que je suis attiré par l’utilisation qui est faite de la magie. Quel que soit le domaine et les techniques magiques ce qui me plaît avant tout c’est de voir un spectacle où la magie est utilisée pour servir une histoire, un scénario, un conte. Comme une ponctuation.
Quel conseil. Quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
S’il fallait ne donner qu’un conseil à un débutant ce serait sans hésiter de ne pas se cantonner à la magie. Mais plutôt de faire se croiser les chemins des disciplines les plus diverses (danse, cirque, théâtre, poésie, marionnettes, peinture…) avec celui de la magie. En regardant bien on voit que la magie est partout dans la lumière, dans les mots. Il faut aller voir des spectacles vivants ils sont une source d’inspiration insoupçonnée.
Bien sûr, rejoindre un club magique est aussi nécessaire ne serait-ce que pour acquérir un minimum de culture magique et s’enrichir des échanges avec d’autres passionnés.
Quant à conseiller un chemin, je pense que chacun trouve le sien naturellement après quelques errements. Ca peut durer un certain temps mais c’est, je le pense, la meilleure façon de procéder. Au début il est tentant (je l’ai fait) de vouloir aborder la magie sous toutes ses formes, mais on finit un jour par trouver ce qui convient le mieux à sa personnalité.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Elle bouge, et depuis quelques années elle retrouve un véritable intérêt auprès du public. L’énorme vecteur médiatique qu’est la télévision y est pour beaucoup, notamment grâce à des émissions qui laissent de plus en plus fréquemment une place à des magiciens. C’est bien sûr une bonne chose mais c’est surtout une chance à ne pas laisser passer (l’univers télévisuel est impitoyable). Heureusement il y a un vivier de jeunes magiciens très talentueux qui sont prêts à relever le défi de redonner à la magie la place qu’elle mérite.
Il y a aussi un courant novateur appelé magie nouvelle qui vise à décloisonner cet art et qui prône une véritable « écriture magique ». Je suis convaincu que cela apportera beaucoup. C’est un mouvement qui peut déboucher sur une rénovation de l’art magique tout en offrant de nouvelles bases de réflexion aux jeunes artistes. Cela me fait penser à ce qu’a connu le cirque il y a quelques années avec le Nouveau Cirque. D’ailleurs certains promoteurs de ce nouvel état d’esprit ne sont pas très éloignés du monde circassien.
Quelle est l’importance de la culture dans l’approche de la magie ?
La culture est essentielle dans l’approche de la magie comme dans toute discipline artistique. La culture magique bien sûr qui constitue les fondations, mais plus encore la culture en général. Il est inconcevable de créer un spectacle sans des références culturelles quel qu’en soit le domaine. Robert-Houdin, Chaplin, Méliès, Garcia Lorca ou Queneau ont tous quelque chose à voir avec la magie dès lors qu’on cherche à l’ouvrir et à la sortir d’un confinement exclusivement technique.
Ce qui ne signifie pas que la technique au sens large – la technique magique et les nouvelles technologies – n’a pas sa place dans cet univers, elle est porteuse aussi à sa manière d’un changement culturel important. Ne serait-ce qu’en pouvant penser la magie autrement grâce aux innovations. C’est ce que promet aussi la magie nouvelle.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Le théâtre, la littérature, la peinture et les balades à vélo (mon pliant Brompton me suit partout, y compris en tournée).
– Interview réalisée en février 2011.
A lire :
– Le magicien de papier.
– Le souffle magique.
A voir :
– L’interview vidéo de Paul Maz sur Chop-cup.com.
A visiter :
– Le site de Paul Maz.
Crédit photos : Paul Maz et Sébastien Briatte. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.