Extrait de la revue L’Illusionniste, N°63 de janvier 1907
Quoique, depuis longtemps, Morton se soit fait connaître et justement apprécier de tout le grand public parisien, et que nous n’ayons plus rien à dire pour ajouter à sa réputation de comédien irrésistiblement comique, d’acteur spirituel et original, il nous est infiniment agréable et nous sommes heureux de rappeler aujourd’hui à quels titres il appartient à l’art magique.
Né à Saint-Mandé en 1870, il découvrit en lui, dès son plus jeune âge – et tous les vrais artistes en sont là – une impérieuse vocation de prestidigitateur. C’est ainsi qu’il se souvient d’avoir donné à douze ans sa première séance. Mais ce ne fut qu’à vingt ans qu’il se révéla comme professionnel ; de suite il se fit remarquer par l’originalité et la bouffonnerie imprévues de sa présentation, de sa mise en scène et de son costume. Nous le remarquons particulièrement à l’époque de ses débuts, au Concert des Décadents, rue Fontaine, où il présentait L’armoire mystérieuse et des expériences de transmission de pensées. Il créa par la suite maints petits tours amusants sans compter tous ceux qu’il perfectionna en y ajoutant toujours une note de drôlerie inimitable, se faisant ainsi applaudir un peu partout aussi bien dans les cirques et music-halls de Paris que de province.
Morton caricaturé par Yves Marevéry dans Cinderella, d’Arthur Collins et Emile Herbel (Porte Saint Martin, 1906).
Puis il varia sa manière, et, tout en restant un habile prestidigitateur, il aborda le café-concert, se classant d’emblée au premier rang des comiques de Paris. On l’acclame à la Gaité-Rochechouart, aux Ambassadeurs, à la Scala, au Moulin Rouge, etc. Il arrive enfin aux scènes des grands théâtres, tels que le Palais-Royal et la Porte Saint-Martin, où il joue en ce moment dans Cinderella, sachant tirer le plus fantastique parti de son physique, de sa physionomie mobile, de sa haute taille même pour corser tous ses rôles et en faire d’inoubliables succès. Malgré cela, Morton reste toujours fidèle à l’art de la prestidigitation et dans chacune de ses créations il continue à introduire quelques-uns de ses tours de prédilection qui obtiennent toujours les applaudissements et la constante faveur du public.
Note de la rédaction :
Morton débute en 1888 aux Folies-Belleville et devient un acteur comique de café-concert présentant diverses illusions dans des revues dont les Folies-Bergère. Il attire l’attention du public grâce à ses talents de comédien et à l’originalité de ses costumes. En 1890, il investit l’Alcazar d’été dans un spectacle où il présente l’Armoire mystérieuse et l’Escamotage d’une Dame dans un costume décalé muni de grandes oreilles de lapin ! Sous le nom de Georges Morton, il devient vite une vedette des cabarets et des music-halls parisiens d’avant-guerre, participant à diverses revues en mélangeant comédie et magie. Grand et maigre, sa silhouette caractéristique est une proie de choix pour les caricaturistes qui le croque très régulièrement. Il effectue également une petite carrière en Angleterre.
En 1907, dans la revue Pour vos beaux yeux, il arrive sur un cheval de bois, joue quelques numéros et finit avec l’actrice belge Jane Marnac. Il fait également la parodie du magicien allemand Lafayette et exécute des classiques de la magie comme les boules de Chicago à deux mains (en récitant un texte humoristique pendant ses manipulations). C’est aussi un excellent jongleur. Il monte un numéro de jongle à la Cigale en 1912.
Après la Première Guerre mondiale, Au début des années 1920, Morton apparait dans de nombreuses opérettes : You-You (1922/23) avec Simone Judic, Pouick (1922) de Maurice de Marsant et Germaine Raynal où il interprète le rôle-titre, La perle de Chicago (1924/25), La petite dame du train bleu (1927/28), Bégonia (1930)… Quelques-unes des chansons qu’il interprète dans ces pièces sont gravées sur disques 78 tours pour les firmes Pathé ou Columbia. Il poursuit sa carrière sur scène jusqu’au début de la Seconde Guerre Mondiale.
Morton, un des neuf célibataires du film de Guitry (en bas à droite avant le groupe de femmes).
En parallèle, Morton fait une brève carrière au cinéma à partir de 1925 avec l’adaptation de la pièce de Marcel Pagnol Knock, ou le triomphe de la médecine réalisé par René Hervil. Il joue de nombreux rôles secondaires au cinéma parlant (une trentaine en dix ans) dans des adaptations de pièces de théâtre à succès ou d’opérettes. À la fin de sa carrière, on le voit dans deux comédies de Sacha Guitry, Remontons les Champs-Élysées (1938) et Ils étaient neuf célibataires (1939). En 1940, il joue un dernier personnage dans Ils étaient cinq pensionnaires de Pierre Caron qui ne sortira qu’après la guerre. Morton a une santé précaire et ralenti ses activités. Il meurt dans l’indifférence générale, le 19 février 1941 dans la France occupée.
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